- FEIGUR par RAZIEL - 3408 lectures
One-man-band originaire de Rhône-Alpes, Feigur nous livre avec Desolation, son premier full-lenght après un EP très remarqué par les amateurs de black atmosphérique classieux.
une interview s'imposait pour découvrir l'univers de son maitre à penser.




1/ Ton groupe étant relativement UG, peux-tu nous en présenter la genèse ?

Bonjour, premièrement, je souhaiterais te remercier d'avoir pris soin de me contacter pour réaliser cette interview. L'idée du projet Feigur a germé en 2007, en plein cœur du processus de la réalisation du premier album de mon groupe de dark ambient de l'époque, Dementia Ad Vitam. C'est sans doute la grande liberté dans la composition dont nous jouissions- nous écrivions, de notre côté, des titres complets, avant de sélectionner ce que nous retiendrions sur l'album - qui m'a convaincu de monter un projet dont je pourrais contrôler l'ensemble des étapes. Je commencais déjà à me tourner vers des styles qui sortaient des sentiers de la musique ambient et j'avais envie d'apporter ma pierre à l'édifice des groupes que j'appréciais.

Après quelques essais et en relativement peu de temps, trois ou quatre titres étaient enregistrés sur une demotape, qui allait par la suite devenir « I, Pestilence », ma première réalisation, que je vois actuellement comme un prototype rêche de ce qu'est devenu Feigur. Je n'étais d'ailleurs pas du tout convaincu par l'idée de rendre ces titres publiques, et c'est Voxum, du label Occulum Productions, qui m'a poussé à les éditer.

Peu de temps après la sortie de ce mini-cd, j'ai attaqué la composition d'une suite directe, au concept plus établi, nommée « II, Desolation », dans le but de réaliser un triptyque autour du passage, voyage de l'esprit depuis un monde, celui des vivants, vers celui des morts.

Le split et la sérigraphie, sortis en 2012, sont les dernières réalisations en date, en attendant que je trouve le temps d'enregsitrer le troisième et dernier opus de ce tryptique.



2/ Qu'est-ce qui t'as fait venir à la musique en général et au BM atmo en particulier ?

J'ai grandi dans une atmosphère où l'on écoutait, en plus des classiques comme Deep Purple, Pink Floyd, beaucoup de musique celtique/bal folk, typique des années 70 (La Bamboche, Stivell, Tri Yann, Malicorne, Machin etc...). Je possédais également un module d'extension clavier/synthétiseur rudimentaire pour ordinateur/console MSX, et c'est vraiment là que j'ai commencé à "apprendre" par moi-même comment reproduire musicalement les sons/mélodies auxquelles je pensais. J'ai ensuite commencé à apprendre la guitare, à l'âge de 8 ans, puis la batterie, qui reste, à mon sens, mon instrument de prédilection. Concernant le Black Metal Atmosphérique, je crois avoir fait le cheminement inverse de ce que le public a l'habitude de faire dans le genre. Je suis parti de la musique Ambient (Arcana, Dargaard, Dead Can Dance, Dahlia's Tear, Ondo … ), puis j'ai découvert petit à petit les classiques du Black Metal, avant de tomber complètement sous le charme de ce genre-là.



3/ Comment situes-tu Feigur au sein de la scène BM française ? Tu as des connexions particulières ?

Je me sens assez éloigné de la scène BM française actuelle, je ne crois pas avoir entendu de projet similaire à ce que je fais sur notre territoire, et c'est entre autre dans le but de proposer un style assez peu répandu dans cette scène saturée, que mes textes sont généralement écris dans ma langue natale, dont je suis fier. Ici, je suis en contact régulier avec deux ou trois acteurs de la scène Black des années 90, mais je me tiens volontairement à distance de tout ce qui se rapproche au metal, à son public et ses lieux de rencontre.



4/ Quelques mots sur tes artwork, que j'apprécie beaucoup. Comme sur ton site, je vois que tu privilégies les photos naturelles, en noir et blanc. Tes pochettes ont-elles une signification particulière, pour toi, pour souligner ta musique... ?

Je te remercie beaucoup pour l'intérêt que tu portes au visuel, ce qui est malheureusement bien rare chez le public ou les journalistes ... A trop vouloir privilégier l'aspect sonore d'une sortie, on en oublie l'objet, les paroles, les finitions... Pour moi, le concept de Feigur n'embrasse pas seulement la musique, c'est un ensemble d'éléments potentiels, à la thématique commune, que je rassemble sous forme d'illustrations, de textes, de photographies ou de compositions. Je pourrais très bien - et je compte le faire un jour où l'autre - publier un recueil de photographies suivant une trame évolutive, sous le nom de Feigur, au même titre que j'ai publié cette illustration sérigraphiée. Je ne considère pas ces objets comme du merchandising ou autre produit dérivé commercial, mais comme des éléments mêmes de mes publications, de valeur égale à tout le reste. C'est dans ce souci d'obtenir une cohérence maximale dans tous les aspects de Feigur que je tiens à réaliser l'intégralité des artworks de mes sorties.



5/Tes textes sont également relativement fouillés, bien écrits ce qui n'est pas coutume dans le milieu. Le satanisme y apparaît d'ailleurs largement secondaire. Peux-tu nous en dire plus ? Ta formation, tes études ont peut-être un lien avec cette "facilité" ?

Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il n'est pas coutume d'écrire des paroles inspirées dans ce milieu. Si l'on explore un peu les autres genres, du moins généralistes, les écrits deviennent bien souvent complètement secondaires. Je pense vraiment que le Black est l'une des branches du Metal qui permette un lyrisme assez poussé.

Je n'ai jamais été proche du satanisme ni d'aucun autre culte religieux de masse, qui témoignent directement de la domination des esprits faibles par une poignée de judaïstes pervers. Mes différentes expériences ainsi que mes projets m'ont aidé à me forger ma propre spiritualité, qui se rapprocherait du Naturalisme voir du Panthéisme, ou comprendre la nature comme un équilibre entre des forces extrêmement polarisées.

Je ne pense pas que mes études d'électronique et de design graphique puissent avoir exercé un impact sur mon écriture. J'ai choisi d'explorer mes propres croyances par tous les moyens, écrits, musicaux, visuels.



6/Tu fais référence à l'OTE (Ordo Templis Eclipsis) sous l'égide duquel ton album aurait été enregistré/créé. Qu'est-ce ? Parmi les différentes croyances existantes dans le milieu BM, comment décrirais-tu Feigur ?

Avant d'être un office spirituel en hommage aux sphères stellaires et terrestres de la nature, La naissance de l'O.T.E. était marquée par le rassemblement d'individus plus ou moins anonymes, partageant la même vision de la musique. Les projets musicaux que nous avons rattachés à l'Ordre ont tous une direction et un objectif commun, louer l'oeuvre de Gaïa l'Eternelle dans son ensemble, l'accepter et la contempler aussi bien dans les ténèbres que dans la lumière. Nous sommes dans la recherche constante d'une spiritualité authentique et parfaite, vibrant au sein de chaque atome de matière à l'état brut, dénuée de toute morale ou dogme religieux. Nous ne nous exposons pas personnellement au même titre que nous n'accordons de l'importance qu'aux faits et non à leur géniteur.



7/Je suis assez surpris qu'en regard de la qualité de tes albums, un label plus important ne se soit pas penché sur ton cas ! Ou alors c'est un refus volontaire de ta part de te vendre ! Dis nous en plus !

Drakkar Productions, maison mère de Deus Ex Machina, chez qui « II, Desolation » a vu le jour, est très bien implantée dans la scène BM française, mais je pense désormais privilégier un travail plus intimiste avec des labels plus proches de ma vision des choses. Je préfère sans hésitation sortir un objet en quantité extrêmement limitée dont l'aspect final correspondra en tout point à mes attentes plutôt qu'un digipack bâclé à 2000 exemplaires. Concernant le prochain album, tout dépend de ce que l'on me propose, je n'y ai, à vrai dire, pas vraiment réfléchi ... C'était en tout cas un véritable plaisir de pouvoir travailler avec Final Agony Records pour la sortie du split vinyle avec Lustre. Aussi, il est prévu que nous collaborions de nouveau au cours des prochains mois, alors que Milicia Recordings continuera à traiter le côté visuel de Feigur, mais je ne peux rien annoncer de précis pour le moment.




8/ Tu as partagé un joli split avec Lustre. Quels sont les groupes qui t'influencent ou t'ont influencé ? Ceux pour lesquels tu as le plus de respect ? ou le moins...

J'ai été immédiatement happé par la musique de Lustre et ce dès la première écoute de l'EP Serenity, en 2008. J'avais ce titre de côté, composé comme une transition conceptuelle entre II, « Desolation » et le prochain opus, et qui n'attendait qu'à voir le jour. Nos deux projets prenant une direction toujours plus atmosphérique et proche de la nature, j'ai proposé à Nachtzeit de collaborer sur un split, proposition qu'il a accepté illico. Le concept visuel était prêt et je n'avais plus qu'à trouver un label. Je lorgnais Final Agony Records grâce aux sorties de Volahn et Cornigr que javais adoré, et j'ai sauté sur l'occasion pour soumettre ce projet à Oscar.

Concernant Feigur, j'ai été dernièrement assez influencé par les scènes de Seattle (Wittr, Fauna …), d'Ukraine et de Pologne (Hate Forest, Veles, Capricornus …). En terme de Black Metal, je respecte avant tout la scène française des années 90-2000 (Osculum Infame, Bekhira, Seigneur Voland, Kristallnacht, Desolation Triumphalis, Celestia, Darvulia...) ainsi que la scène Japonaise (Hakuja, Arkha Sva). Je ne suis pas du tout au fait de l'actualité et des sorties BM, donc il est difficile pour moi de savoir pour qui je n'ai pas de respect, hormis que je suis sidéré par le microcosme florissant des groupes Internet, YouTube, MySpace, qui n'ont aucun respect pour ce qu'ils font, dont le but est de se sentir intégrés au sein d'une large confrérie virtuelle. Ces gens-là n'ont rien compris. Hors BM, j'écoute régulièrement des artistes dans des styles assez variés (Kadavar, Ride, Dinosaur Jr, Dale Cooper Quartet & The Dictaphones, Jesse Sykes & The Sweet Hereafter, The Soft Moon, Tropic Of Cancer, Soror Dolorosa, Swans etc...)



9/J'ai beaucoup apprécié le son ultra "chaud" et profond de ton album. Pour du "fait maison", c'est assez impressionnant. Résultat voulu ou coup de chance ?! Comment tu t'y es pris pour arriver à ce résultat ?

Je suis ravi que tu aies remarqué ce côté brut et chaud. L'album a en réalité été enregistré deux fois, le premier jet sonnait à l'exact l'opposé de ce que tu peux entendre sur « II, Desolation ». Je ne maitrisais pas tout à fait les techniques de mixage et de prise de son, ce qui fait que le rendu était juste glacial, dénué de cet aspect organique. Avec du recul, j'ai changé mon approche pour le second enregistrement, utilisant une autre guitare et de meilleurs micros, aussi bien sur amplis que sur ma batterie. Le préampli à lampes joue également beaucoup sur le caractère « chaud » que l'on peut entendre sur ma voix. Ce processus long et fastidieux visait à démultiplier l'atmosphère et le mysticisme dégagés au sein les titres, et je suis heureux que ça fonctionne avec toi, le travail n'aura, au moins, pas été fait en vain.



10/ Quelles différences et similitudes avec Pestilence, ton premier album ?

Dès sa sortie, « I, Pestilence » était rattaché à tord à du Black dépressif voire suicidaire, à cause de plusieurs facteurs. A l'époque, j'avais refusé de publier les textes et le label m'avait imposé plusieurs points, ce qui ne me laissait aucune marche de manœuvre (la pochette, le packaging, le texte rédigé face arrière etc... ne sont pas de moi). J'ai volontairement mis l'accent sur la relation de l'individu à la nature sur ce second album, pour donner une direction plus personnelle et atmosphérique au projet. Avec du recul, je ne suis pas du tout satisfait de I, Pestilence, et je suis convaincu qu'il était une erreur de le publier, du moins sous cette forme là, mais je dois l'accepter comme un élément important de l'histoire de ce projet.



11/ Feigur est-il destiné à n'être que le projet d'un seul homme ? Pas de live ?

Sur album, Feigur restera le projet d'un seul homme, car c'est la meilleure façon d'être totalement en accord avec toutes les étapes de la création. Il y aura très certainement un ou deux invités sur le prochain album, mais rien de plus. Par rapport au live, comme je n'ai absolument aucun lien avec le public, je ne peux pas me faire d'idée à ce sujet. Je pense qu'il est un temps et un lieu pour savourer ce style de musique, et la solitude est bien plus efficace pour ça. Si jamais il me venait à l'idée de franchir le pas pour produire Feigur sur scène, il faudrait vraiment que le cadre me convienne et que je trouve les bonnes personnes.



12/Quelles sorties t'ont récemment explosé les oreilles ? ou écoeuré de la musique ?

Dernièrement, j'ai beaucoup apprécié le dernier Sacrificia Mortuorum, la série 777 de Blut Aus Nord, l'album de Kadavar, les dernières sorties d'Osculum et le nouvel Arcana. Globalement, je me cantonne aux vieux classiques qui tournent en boucle sans jamais devenir lassants. Je ne suis plus vraiment l'actualité du Black Metal en tout cas.



13/Que penses-tu d'Internet ? Tu en as bénéficié pour diffuser ta musique mais au-delà ?

En terme de diffusion, Deus Ex Machina n'ayant pas vraiment mis l'accent sur la promo, je me suis tourné vers Internet qui m'a beaucoup servi pour soumettre ma musique à différents zines. La plupart du temps, j'envoyais quand même un bundle physique contenant l'album ou, à minima, un CDR. J'utilise également Facebook pour diffuser les rares actualités qui concernent Feigur.

Plus généralement, Internet est devenu un standard permettant de rassembler, communiquer, s'instruire... C'est toujours bon à prendre dans une certaine mesure, mais en terme de musique, rien n'a d'égal le charme du courrier manuscrit, des flyers et des échanges postaux.



14/Des choses sur le feu ? Un autre split ? Un autre album en préparation ?

Après quelques objets encore confidentiels, je me concentrerai plus sérieusement sur le prochain album. Je n'ai pour le moment que quelques riffs, et le processus de composition avance extrêmement lentement. Je ne suis même pas sur de pouvoir le proposer d'ici les 5 prochaines années, tellement je souhaite prendre le temps de faire les choses naturellement, sans précipitation, alors que mes activités parallèles prennent 90 % de mon temps. En attendant, j'ai d'autres projets musicaux en parallèle, plus spontanés, qui me permettent toujours de cracher mes sentiments immédiats !
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