Werther - DAGOBA par ARIS3AGAIN - 5530 lectures
Alors que Dagoba commence doucement à se mettre au travail sur le successeur de « Poséidon », nous avons rencontré le bassiste du quartette, Werther. Ce dernier nous a parlé de ce futur disque, de ses envies musicales et des dernières tournées du groupe, mais aussi de sa vision de l’évolution de la scène française. Bref, de Dagoba et de metal, tout simplement.



Parlons un peu du dernier album, qui est sorti depuis déjà un moment. Pourrais-tu dresser un rapide bilan de ce disque ?
Werther : On voulait remettre certaines choses à leur place avec « Poséidon », que ce soit au niveau du style ou des compos en elles-mêmes. Je pense qu’une partie du public n’a pas compris « Face The Colossus », l’a mal interprété ou n’a tout simplement pas accroché. « Poséidon » nous a permis d’ouvrir d’autres portes, et le but était clairement de retrouver ce qui faisait la force du groupe, avec quelque chose de plus agressif, plus violent. Après, on a eu un changement de label, on est passé de Season of Mist à XIII Bis. C’est quelque chose qui est toujours important dans la carrière d’un groupe, et on a essayé de faire en sorte que ça se passe le mieux possible. Après honnêtement, on a essayé de faire vraiment du mieux qu’on le pouvait, on a eu des expériences incroyables, on est parti un an et demi en tournée. C’était une tournée très longue, et là, on en est à la fin, ce sont les dernières dates. Le but du disque était donc de donner un nouveau coup de fouet et de remettre les choses à leur place au niveau du son de Dagoba. Et aussi de montrer qu’on était toujours là et qu’on voulait encore envoyer la sauce, tout simplement !

Tu évoques le public qui n’a pas compris « Face The Colossus », comment réagis-tu par rapport aux nombreuses critiques faites sur cet album ?
W : Je pense que dans une carrière, dans une discographie, un artiste est obligé d’expérimenter des choses. Nous, on le voit un peu différemment, parce qu’on a la tête dans le guidon. Ce sera peut-être après, avec les années, qu’on se dira qu’on aura dû faire telle ou telle chose d’une autre façon. Nous, on assume complètement. On a essayé de tester autre chose avec « Face The Colossus », c’était une suite logique dans la composition, dans ce qu’on avait envie de tester. On avait surtout envie de montrer un autre visage du groupe, en gardant tout de même une cohérence. Je peux comprendre les critiques après, c’est sûr que les gens s’attendaient à avoir un « What Hell Is About » n°2, avec des « Things Within ». On a essayé de tester autre chose. Je peux comprendre les critiques, mais c’est un album qui nous a aussi ouvert des portes à l’étranger, qui nous a ouvert d’autres gens qui n’étaient pas forcément dans notre style de musique, parce que cet album était un peu plus symphonique, avec plus de claviers, plus mélodique. « Poséidon » a permis de faire un mélange, de rassembler un peu tout le monde : ceux qui avaient aimé « Face The Colossus » et ceux qui étaient attachés au début de Dagoba. Pour en revenir au bilan de « Poséidon », j’en retire beaucoup de positif et un regard porté sur l’avenir qui nous ouvre des portes. Plein d’espoir, plein d’avenir, mais aussi de souvenirs. On est parti en Russie, enfin aux Etats-Unis, au Canada, pour la promotion du groupe. Il faut confirmer maintenant, encore plus. Ca a toujours été notre vision : toujours essayer de faire mieux. Après, on n’est pas les meilleurs, on n’a jamais pensé qu’on l’était. « Poséidon » est donc une sorte de synthèse de Dagoba.

Tu parles de l’avenir, as-tu déjà des idées pour un prochain album ?
W : Je pense que le but, là, est déjà de terminer la tournée. Honnêtement, on est déjà en train de trier nos idées, de les rassembler. On a commencé pendant les derniers mois de tournée, on a eu un peu de temps libre pour le faire. Je ne peux pas te donner de date et te dire « voilà, ça sort fin 2012 ou début 2013 ». Je pense qu’on a envie d’analyser ce qu’on a fait pour voir ce qu’on a envie de proposer. Pour le moment, je ne suis pas sûr. Mais on est en train de se regrouper, on voit que la tournée se termine, donc on va doucement recommencer à travailler sur des morceaux.

Donc pas de sortie précise pour le moment !
W : Voilà. Sûrement l’année prochaine, histoire de prendre notre temps. On a envie de se poser, de réfléchir à ce qu’on a envie de faire. On parle d’un cinquième disque. Chaque album est une étape en plus et on a vraiment envie de sortir le meilleur cd possible, comme tout artiste. Mais on a envie de sortir quelque chose de marquant, et avec toute l’expérience qu’on a accumulé et tout ce qu’on a vécu, on va essayer d’en tirer le plus profit possible, pour le retranscrire dans notre musique. C’est un peu vague, mais on est en train d’essayer de faire mûrir tout ça. Ca va sortir au fur et à mesure. Il faut juste qu’on se donne une ligne directrice, qu’on décide où on veut aller exactement. Et après, on compose assez rapidement. Il juste qu’on récupère toutes nos idées, qu’on voit ce qui correspond ou non à notre idée, à notre concept.

Tu parlais tout à l’heure des tournées que vous avez faites aux Etats-Unis, en Russie. Comment c’est de jouer en dehors de la France et des pays limitrophes ?
W : En fait, c’est une expérience très enrichissante, déjà culturellement parlant. On voit plein de choses différentes. D’un point de vue personnel, ça m’a ouvert les yeux sur plein de choses, ça m’a permis de découvrir la culture de tous ces pays. En France, on est très bien loti au niveau des structures, on est accueilli d’une manière différente. A l’étranger, il faut faire tout le temps ses preuves. Par exemple, les Etats-Unis, c’est autre chose. Tu n’as pas les mêmes conditions d’accueil, même pas une bouteille d’eau ou une serviette, tu paies tout. Ils ont des milliers de groupes. Pour eux, les Européens n’ont pas à leur montrer comment il faut faire de la musique. Ca faisait bizarre de revenir à certaines choses alors qu’on avait un certain confort en Europe, en Allemagne. Mais c’est enrichissant. Et la Russie, on a vu des gens qui venaient de loin, qui connaissaient très bien notre musique. Un mec était venu d’Ukraine exprès pour nous, avec plusieurs jours de voiture. Ils étaient à fond. Les Russes s’ouvrent et sont contents de s’ouvrir. Je n’en ressors que des bonnes choses, des choses positives. Et puis c’est merveilleux de voyager, de vivre de sa musique. Je n’aurais jamais pensé quand j’avais quatorze ans, quand j’ai commencé à faire de la musique, que je verrais un jour ce genre de choses, comme le Kremlin, la Place Rouge, Austin, la ville du Rock au Texas… Que des bonnes choses, des belles découvertes. Quand j’ai commencé la musique, je n’aurais jamais pu me douter qu’on en arriverait là. Dagoba a fait que c’est possible, donc que du positif, vraiment. J’espère que ça va continuer. Quand on commence un groupe, on ne dit pas qu’un jour, on jouera avec Metallica, avec Machine Head… Tu n’y penses pas, tu gravis étape par étape.

Vous êtes là depuis un moment déjà. Est-ce que tu perçois une grosse évolution de la scène metal en France depuis vos débuts ?
W : C’est difficile à dire… Il y a 10-12 ans, il y avait peu de choses, peu de metal. Il y avait juste les groupes phares de la scène française, comme Agressor, Massacra, Loudblast, qui ont vraiment ouvert les choses. Et après, on est passé à ce qu’on a essayé de vendre comme du metal en France, genre le rap-metal. Après, je ne suis pas là pour critiquer, pour dire ce qui est bien ou pas, ça correspondait aux envies du moment, à ce qui était écouté outre atlantique, etc. Honnêtement, c’était mal vu de faire du metal, de chanter en anglais. Les salles de concert ne voulaient pas trop programmer de groupes de metal par peur de ne pas avoir de public. Au fur et à mesure, on a vu plein de choses évoluer. Et en même temps, plein de groupes évoluent, se professionnalisent. Parce que c’est ça aussi qui a manqué en France : les structures pour accueillir les formations, pour les aider à se développer. Et aujourd’hui, il y en a enfin. Il y a des salles, des structures de booking, de management. Parce que pour un groupe, même avec toute l’envie du monde, s’il n’a pas les contacts ensuite pour faire des concerts, pour tourner, signer, se faire distribuer, c’est très compliqué ! Ce sont des choses qui prennent énormément de temps. Et ça a évolué enfin dans le bon sens.

La France pourrait-elle devenir « le pays du metal » à tes yeux ?
W : Je ne le pense pas. Quand tu vois les Etats-Unis, tu peux voir des mecs qui écoutent du rap, mais qui aiment quand même Metallica, qui connaissent Machine Head. Tu vois des Latinos qui écoutent du metal. Il manque ça encore en France, le fait que les médias s’intéressent au style, fassent la promotion des groupes français. Même sans aller très loin. En Allemagne ou en Angleterre, ça n’a rien à voir ! Ce n’est pas du nationalisme, il ne faut pas dire « hourra » à tous les groupes français ! Il y en a des biens, des moins biens, mais c’est pareil partout. On a un manque de communication via les médias, on subit la diabolisation, on l’a vu avec le Hellfest, le Sonisphere. On passe pour les fous furieux. On n’a pas cette culture rock et musicale en France, qui nous permet d’être ouverts à cette musique. Alors que pour les Scandinaves ou les Anglo-saxons, c’est quelque chose de tout à fait normal. Quand on a joué au festival de Bergen, en Norvège, on a vu que le Black Metal est un peu passé. Ca fait partie de l’histoire du pays, historiquement et musicalement, ça a de l’importance, mais ils sont ouverts à la musique en général. Ils ne sont pas figés sur un style, ils ne catégorisent pas, ils écoutent du rock, du metal en général. Et c’est, je pense, ce qu’on n’a pas en France. Mais ça va venir, je l’espère. Et quand je vois plein de gens, de magazines en plus, tant mieux ! Ca ne fait que du bien à la culture musicale de ce pays. Quand je vois avec Dagoba, juste parce qu’on doit passer sur Europe1, média général, les gens critiquent, parce que c’est trop fort, trop violent. Je me dis qu’il faut arrêter de déconner… Les métalleux sont des gens comme les autres, il faut arrêter…

De toute façon, avec Dagoba, vous semblez avoir toujours eu l’envie de vous internationaliser…
W : Ca a toujours été le but. On a toujours voulu sortir, s’exporter, parce que c’est une musique qui donne la pêche. On a tout de suite chanté en anglais, parce qu’on n’avait surtout pas envie de s’enfermer en France, on se serait fermé des portes directement. Alors que le but était de s’ouvrir le plus possible, même quand on allait faire des dates sans budget. On a été jouer en Allemagne sans argent, on était content. C’était l’envie de s’exporter. Et puis certains découvraient qu’on faisait du metal en France, on a surpris des gens. On n’a pas été les seuls, mais tant mieux qu’il y en ait de plus en plus.

Surtout dans le Sud, vous avez une scène assez active.
W : Oui, c’est vrai ! Et c’était peut-être en contradiction avec tout ce que les médias de masse racontaient, qu’il n’y avait que du reggae. C’était le cas, mais il y avait plein de lieux de culture où on pouvait sortir, plein de clubs où des groupes de rock et de metal jouaient. On avait l’envie d’autre chose, d’écouter autre chose que ce qu’on nous proposait. Non, il n’y avait pas que du rap, il y avait aussi plein de gens énervés qui avaient envie de gros sons avec des guitares en hurlant !

Est-ce que c’est comme ça que tu t’es tourné personnellement vers le metal ? Parce que tu en avais marre d’écouter du rap ?
W : Pas vraiment ! C’était avec des potes, on écoutait plein de groupes de rock, de metal, de punk. Au début, c’était avec les Guns, Metallica, NOFX… Peut-être un peu en réaction à tout ça en fait… Mais c’était vraiment l’envie de jouer d’un instrument, de s’éclater entre potes, de jouer dans notre cave. Dans le Sud, vu qu’il y a peu de gens dans ce style de musique, on se connaissait entre nous, on se voyait en concert. On rencontrait comme ça les mecs de tel ou tel groupe. Mais je me souviens de concerts… Les gens disent souvent qu’il n’y a que très peu de concerts dans le sud. C’est vrai, mais quand il y en a, il y a tout de suite du monde, une ferveur. Je me rappelle de concerts de Nostromo dans des clubs pourris, mais il y avait une intensité. Tout ça, c’est des bons souvenirs. Ce n’est pas vraiment une réaction ou une rébellion face au rap ou au reggae, je n’ai aucune animosité envers ces styles. Il faut rester ouvert.

Pour en revenir à Dagoba, le line-up n’a jamais changé, si je ne me trompe pas…
W : Il a juste changé une fois, en 2000. Notre guitariste est parti en Finlande, il avait une femme finlandaise, etc. Donc on est tous les quatre depuis septembre 2000. J’ai 30 ans, et c’est une bonne partie de ma vie, quasiment la moitié. Ca me fait bizarre des fois de me dire que ça fait autant de temps ! Les gens me disent souvent qu’on est là depuis super longtemps. Mais c’est juste qu’on est toujours là, qu’on n’a jamais arrêté. On a enchaîné studio – concerts – tournées, t’es pris dans le truc. Et puis ça nous plaît avant tout. Pour moi, ce n’est pas mon travail, c’est ma passion. C’est ce qu’il y a de mieux. Je n’aurais jamais imaginé que ça puisse arriver à ça, à jouer avec Metallica, In Flames, Sepultura, à faire des concerts en tête d’affiche, à enregistrer avec des mecs qui sont des pointures. On le fait parce qu’on a envie de ça, et puis on a eu envie de monter le plus possible. C’est ce qu’on va toujours essayer faire.

Essayer de faire toujours mieux ?
W : Oui. Ce que certains perçoivent comme une ambition démesurée, de l’égocentrisme, c’était juste qu’on avait envie de faire de notre mieux. On peut reprocher plein de choses à un groupe, on peut ne pas aimer sa musique, mais on ne peut pas lui reprocher d’avoir de l’ambition, qu’il ait envie de faire la meilleure musique possible. Chacun le fait avec ses armes et on n’a jamais essayé de faire autre chose que ce qui nous plaisait vraiment personnellement. On a toujours joué ce dont on avait envie.

Et aujourd’hui, vous vivez de votre musique ?
W : On vit correctement. C’est un débat un peu tabou en France. A partir du moment où les gens voient un groupe régulièrement dans les magazines ou en concert, ils pensent que tu roules sur l’or. Honnêtement, ça fait quatre ans qu’on vit de notre musique, bientôt cinq. On n’a jamais gagné d’argent sur les CDs. On vit normalement, on ne roule pas en Porsche ! On ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche, on a tout donné pour ça. Si certains sont jaloux, tant pis pour eux. On n’a jamais rien volé à qui que ce soit, on est surtout intermittents du spectacle. On vit de notre passion, c’est ça qui est à souligner. On est plus que des privilégiés. Très peu de groupes en vivent, on essaie de le faire avec le plus d’humilité possible. Peut-être qu’on est arrivé aussi à un moment où le groupe a pu bénéficier du fait qu’on puisse vendre encore un peu de disques. Notre premier album est sorti en 2003, les CDs se vendaient encore bien. Ca a créé un truc autour du groupe, et « What Hell Is About » a vraiment permis d’élargir. Mais je reste convaincu que le fait d’être parti très tôt à l’étranger nous a ouvert beaucoup de portes. C’est vraiment important.

C’est ton conseil pour les groupes qui espèrent percer ?
Ce n’est même pas un conseil, il FAUT partir à l’étranger, c’est le plus important. Avec internet, il n’y a pas de limites, alors profitons en. Mais Internet a ses limites aussi, il faut aussi qu’une loupe soit posée sur ton groupe, qu’on dise aux gens « tiens, écoute ça ». Il y a tellement de groupes ! Tout le monde ne peut pas jouer au Summer Breeze ou au Graspop. Il faut aussi être bien encadré, et il faut surtout énormément de travail.

D’autres projets ou d’autres choses dont tu aimerais nous faire part ?
W : Le plus gros projet, c’est Dagoba. Voilà. Dagoba me prend énormément de temps, c’est ma grosse priorité, ça l’a toujours été. Tu sais, on a sacrifié nos études pour ça, parce qu’on y croyait tellement. On a fait des prêts à la banque parce qu’on n’avait pas de sous. On partait en concert pour ne rien gagner, donc il fallait bien se financer quelque part. Mais on y croyait tellement qu’on a tout donné. On ne regrette rien, mais on a tout arrêté, on a laissé tomber des choses personnelles pour la musique. Mais on ne regrette pas, les concerts, c’est un tel plaisir…

Et le rapport avec vos fans j’imagine ?
W : Oui ! Même moi, j’ai un rapport « fan », j’ai gardé ce côté « fan », même si j’ai eu peu d’idoles dans ma vie à part James Hetfield et Phil Anselmo. Je n’ai jamais trop saisi le côté fan, les posters, les machins. Je n’aime pas les discours convenus genre « ouais, j’ai les meilleurs fans du monde ». Je préfère appeler ça des marques de sympathie. Et c’est génial. Plein de gens nous envoient des messages… Sans tomber dans le convenu, c’est quelque chose d’important et ça fait réfléchir. Je n’ai pas d’autres projets dans ma vie donc. Je sais que Franky en a, Izakar aussi. Mais le projet principal de nos vies durant les douze dernières années, ça a été et ça reste Dagoba. Et ça va le rester.
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