Pascal Mascheroni - RESCUE RANGERS par STéPHANE - 3291 lectures
Il y a des groupes français qui mériteraient vraiment d'être beaucoup plus gros qu'ils ne le sont. Et les RESCUE RANGERS font définitivement partie de ceux-là. Leur second album « Manitoba » est tout simplement un des meilleurs albums de Rock sortis en France ces dernières années!
Ils nous avaient présenté « Manitoba » dans le track by track qui lui était consacré en janvier dernier. Place maintenant à un entretien avec Pascal (chant/guitare), un musicien intègre et passionné, dont le franc-parler fait plaisir à entendre.



Votre premier album « Guitars And Dust Dancing » est sorti en 2008. Que s’est-il passé pour les RESCUE RANGERS ces quatre dernières années?
Tournées, belles rencontres, panne d'inspiration, « La société, tu comprends. », inspiration éclair, studio, tentative de diviser pour mieux régner, force et honneur pour le Rock!


Pour la promotion de ce premier album, vous avez eu le privilège de faire des dates en première partie de HERMANO, BRANT BJORK, MONDO GENERATOR, NICK OLIVERI et DEVILLE. Comment se sont passés ces concerts à chaque fois?
Ça a été de très belles rencontres, très enrichissantes. En premier DEVILLE, que nous avions invités. Des gars adorables, passionnés, et un son fort, lourd, mais agréable. Ça nous avait frappé à l'époque et c'est à partir de là qu'on a vraiment travaillé notre son. HERMANO, que dire à part que ce sont de grands musiciens, très généreux. Tout comme Nick Oliveri d'ailleurs. Sur la tournée MONDO GENERATOR il était accompagné par les australiens d'HYTEST. Ça aura été une belle rencontre aussi, et j'invite les lecteurs à écouter ce groupe! Beaucoup de bons souvenirs donc, comme sur l'enregistrement de « Creeper, the one who creeps » avec Nick pendant la tournée MONDO, ou encore John Garcia qui ne nous a pas décroché un mot pendant les dates avec HERMANO; après la première date (en Belgique, devant 800 personnes, notre plus gros concert), je range mes affaires backstage, et quelqu'un me tape sur l'épaule. Je me retourne, c'était lui, qui me fixe sans un mot, et qui me tend son pouce, genre « C'est bon, je valide. ». Enfin que du bon, et souvent des trucs qui semblent assez improbables avec le recul.
Alors pour casser un peu l'ambiance Drucker, la date avec Brant Bjork n'était pas top. Je crois qu'on ne s'est même pas dit bonjour, panne de courant avant notre set, et personnellement je ne garde pas un bon souvenir de cette soirée. A part qu'ils avaient vraiment un bon son et ont fait un super concert.


Votre nouvel album « Manitoba » a été composé et enregistré en duo (Christophe, votre bassiste originel, ayant quitté le groupe pendant un certain laps de temps). Est-ce que cela a changé votre approche de la composition?
En fait Christophe est parti juste avant l'enregistrement. Il était donc là pendant la période de composition, mais n'y a pas vraiment participé. En général j'arrivais avec le morceau ou l'idée de base, puis on mettait ça en place ensemble. Pierre est toujours à l'écoute de la guitare et du chant, et s'inspire de ça pour poser ses parties batterie. Après pour « In time, pal » j'avais joué le riff juste comme ça en répète, et Pierre, qui avait bien accroché, m'a demandé de continuer, et le morceau est venu d'un seul coup comme ça. Pareil pour « Creeper », j'ai accordé ma guitare en A, les autres m'ont suivi et c'est venu spontanément.
Au tout début du groupe le principe était vraiment qu'on fasse les morceaux à deux (je parle pour le premier 4 titres), mais au moment de composer « Manitoba » ce n'était plus du tout le cas, on avançait plus. Je me souviens avoir pris le taureau par les cornes, et en très peu de temps j'avais la base des chansons de l'album.


Vous avez choisi de faire mixer et masteriser « Manitoba » aux Etats-Unis. Qu’ont apporté ces ingénieurs américains au son de ce nouvel album selon toi?
Jason Groves qui a mixé l'album, aujourd'hui j'ai envie de dire que c'est le quatrième Ranger. On entendait bien qu'il manquait quelque chose, mais quoi, on savait pas. Pour le coup c'est pas un délire du style « C'est mieux car c'est mixé par un ricain. ». Mais le fait est qu'il n'a pas eu à se prendre la tête pour faire sonner nos titres, il m'avait dit « Votre musique coule de source. ». Et je le vois comme ça, c'était logique de travailler avec lui, ça coulait de source. Il a vraiment fait des choix, posé sa touche. Et c'est ce qu'on voulait aussi, une dimension artistique supplémentaire, un petit supplément d'âme, la meringue à la fin du mystère si je puis dire.
Pour le mastering on ne voulait pas d'un master super claquant et brillant, genre tu mets la chaîne à 2 et ça claque. C'est super flatteur, mais on voulait quelque chose de plus naturel. C'est pour ça qu'on s'est tourné vers New Alliance Mastering, qui bossent à l'ancienne. On voulait s'approcher du rendu d'un vinyle, avec un son chaud, et surtout tu peux monter le son à fond et bien profiter (c'est le rendu que tu as sur des albums comme « Superunknown » de SOUNDGARDEN ou « Blood Sugar Sex Magic » des RED HOT CHILI PEPPERS).
Pour conclure, on voulait que ça sonne le plus live et vrai possible.


Vous avez deux invités prestigieux sur « Manitoba » : Dave Angstrom (guitariste de HERMANO) et Nick Oliveri (KYUSS, QUEENS OF THE STONE AGE, MONDO GENERATOR). Peux-tu nous dire ce que la rencontre de ces deux musiciens vous a apporté humainement et musicalement?
Musicalement c'est surtout en studio que ça nous a apporté (et apporte encore je crois) : faut pas réfléchir, faut jouer et chanter très honnêtement et sincèrement, ne pas chercher à être calé à fond sur le temps, ne pas chercher à poser l'accord le plus propre possible ni la note plus juste que l'accordeur (« à la française » comme on dit entre nous). On a longuement parlé de ça avec Dave Angstrom, et il parle tout le temps de la même chose : « tone ». C'est à dire le son que tu as, mais il s'agit pas d'avoir tel ampli de 1972 avec la dernière Fuzz de chez Mon Cul fabriquée par un gros barbu tatoué dans sa cave en buvant de la bière alors que sa mère lui lave ses chemises à carreaux. Non, c'est plutôt des instruments qui te correspondent vraiment et sur lesquels tu ressens quelque chose de particulier, et ce que tu fais TOI, être humain/musicien, avec tout ça. Voilà ce qu'on a retenu musicalement à leur contact. Le Rock ne doit pas être quelque chose de mécanique et calculé.
Humainement, comme on dit à Marseille, « c'est des pâtes ». Ils sont très généreux et passionnés. Des vrais artistes j'ai envie de dire, qui partagent ce qu'ils connaissent dès qu'ils le peuvent. Et ça te remet à ta place aussi. Ça te permet de te concentrer sur les choses importantes : ta musique, ton son (« tone ») et l'échange avec le public.


« Manitoba » est un album plus ouvert que le précédent, sur lequel vous n’avez pas hésité à expérimenter différents styles. C'est une démarche réfléchie au préalable je suppose?
Pas forcement réfléchie, car évidente et spontanée, mais à peine terminées les prises de « Guitars And Dust Dancing » je crois qu'on s'est regardé avec Pierre en se disant « Bon, le prochain on le fait plus ouvert! ». Le but était de ne pas nous répéter, d'avoir des titres plus agressifs d'un côté, et de l'autre des morceaux plus souples mais Rock malgré tout. Pour ces morceaux-là, les inspirations ont été NEIL YOUNG, DRIVE-BY TRUCKERS et SIXTEEN HORSEPOWER.


Dans le track by track publié sur VS à la sortie de ce nouvel album, tu disais que tes paroles avaient trait aux thèmes du « masque social » et de la « liberté ». Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet?
Déjà pour moi les paroles sont secondaires, dans le sens où elles habillent la mélodie, et au final c'est l'ensemble qui compte. En général les paroles viennent en dernier, soit je pioche dans des textes que j'ai à côté, soit je pars de la phrase que j'ai en tête sur chaque morceau. Pour cet album j'avais en fait déjà les titres des chansons avant qu'elles n'existent.
Au final ça tourne bien souvent autour de ces thèmes. Et ça vient de mon vécu aussi : tu es jugé dès que tu fais quelque chose qui sort de l'ordinaire, que tu penses différemment. J'aime beaucoup aussi les gens envieux, incapables de trouver la volonté de se dépasser, qui regardent ce que fait le voisin et qui tentent de tailler à la racine. Pareil, les gens qui jugent et qui mettent tout dans des cases, c'est plus simple, ça évite de trop réfléchir. Voilà c'est un peu tout ça qui m'inspire, « Fais semblant, c'est plus facile, tu te prendras moins la tête. », avec le beau sourire. La société.
Le Fight Club est également une belle source d'inspiration.
Encore une fois les textes viennent après, et je ne cherche pas à délivrer un autre message que : SPREAD THE ROCK (Dave Angstrom).


« Manitoba » est sorti en janvier dernier. Es-tu content de l'accueil critique et publique pour l’instant?
Autant que faire se peut. On a eu que des bons retours, et la plupart du temps les gens ont été agréablement surpris. C'était ce qu'on cherchait aussi. Que le public aime notre groupe et pas une pseudo-étiquette qu'on s'était collée au tout début. J'aimerais qu'on ait plus d'exposition mais c'est difficile d'exister en France quand tu fais du vrai Rock. En tous cas c'est vraiment très motivant pour la suite.


Avez-vous déjà commencé à composer pour un troisième album? Si oui, peux-tu nous dire deux mots sur sa direction musicale?
Plus ou moins, il y a quelques titres, mais on commence à y penser sérieusement là. Pour la direction ça dépend vraiment des inspirations du moment, et pour tout te dire en ce moment c'est HELMET et les BEATLES (HELMET font d'ailleurs une reprise des BEATLES sur leur dernier album). Je me rends compte que « Superunknown » reste encore mon album référence en matière de « but à atteindre ».


En avril dernier vous avez fait trois dates françaises en première partie de RED FANG et BLACK TUSK. C'était comment?
C'était excellent. Très serré niveau timing, mais le public a été super chaque soir, surtout à Paris. Ça a été le meilleur concert de notre vie grâce à un public complètement fou, dont une bonne partie connaissait les titres. Ça permet aussi de se rendre compte que des villes comme Clermont-Ferrand ou Nantes ont une vraie culture Rock.
Et puis un mot sur RED FANG et BLACK TUSK : ce sont des types adorables!


Et vous avez enchaîné en mai avec cinq autres dates en France, en première partie de KARMA TO BURN cette fois. Comment ça s'est passé?
Très bien. Toulouse était un beau moment, au delà du fait de jouer avec KARMA TO BURN : super orga, super accueil, public de passionnés. On a bien sympathisé avec les mecs de KARMA aussi. Ils étaient plutôt réservés au début. Finalement sur les deux dernières dates la glace s'est rompue et on a beaucoup discuté. Avec Will, le guitariste, on a eu une discussion passionnante sur les Les Paul produites entre 1979 et 1981, et il m'a également signifié que mon frère était le sosie de Mike Patton... Un autre moment qui m'a marqué, c'est après le concert de Marseille : Rob Oswald (le batteur de KTB) vient nous voir, juste pour parler de notre titre « Manitoba ». Selon lui c'est « a real good song ». Il a ajouté l'avoir eu en tête depuis notre premier concert commun. Finalement, c'est une forme de récompense. C'est un peu pour ça que je fais de la musique, pour avoir le respect des musiciens que j'apprécie.


Quels sont vos plans dans les semaines/mois qui viennent?
Là on attend impatiemment la date du 30 juin à Saint Raphaël, au Fuzzfest! Nous y partagerons l'affiche avec THE REAL MAC COY et OIL CARTER. Une très belle soirée qui s'annonce... L'année prochaine on parle de faire une tournée US, on verra bien si ça se passe. Et peut-être un nouvel album pour 2013?


Il y a une bonne scène Heavy Rock / Stoner en France. Qu’en penses-tu? Et d’ailleurs est-ce que l'appellation « Stoner » (terme très générique en soi) veut encore dire quelque chose aujourd'hui à tes yeux?
Pour moi le Stoner c'est KYUSS, FU MANCHU et MONSTER MAGNET. Je ne me sens pas du tout concerné par le délire bière, rots, chemise à carreaux, flingues et je te casse la gueule en Alabama. Pour le coup laisse-moi citer mon pote Seb, du groupe ABRAHMA (nouvelle signature du label Small Stone) : « Moi quand j'ouvrais la fenêtre, je voyais pas le désert, les cactus et les Cadillacs. Je voyais les géraniums et les 205 GTI sur le parking de Carrefour. ». Il y a pas mal de groupes qui s'inventent une vie depuis qu'ils ont arrêté d'écouter KORN et LIMP BIZKIT (celle-là elle est cadeau!).
Et puis t'as aussi l'autre côté du Stoner, très élitiste. J'ai des potes qui lisent « Bruit Magazine » (afin de garder l'anonymat) et tous les week-ends ils me sortent des nouveaux groupes obscurs, mais pareil, ça m'en touche une sans faire bouger l'autre. Tout ça pour dire que c'est le ROCK au sens large qui m'intéresse.
Pour ce qui est de la scène française, il y a de bons groupes partout, mais je regrette que ce soit difficile de fédérer tout ça. A ce propos je voudrais rendre hommage aux Stoned Gatherings à Paris, à Metal Ride à Nancy et à Hey Dude! à Saint-Raphaël. Ce sont des assos de passionnés, qui se sortent vraiment les doigts de là où ils n'ont rien à y faire!


Tu as vécu quelque temps en Amérique du Nord. Quelles sont selon toi les principales différences concernant le Rock entre ce continent et la France?
Pour moi la différence c'est qu'on ne parle pas de Rock mais de musique. On se prend pas la tête là-bas. Ici on te présente LMFAO et David Guetta comme des phénomènes, et la pilule passe toujours. Et quand ils seront finis on nous sortira autre chose. Je suis allé voir un concert de NINE INCH NAILS au Canada avec des cagoles. Tout le monde écoute de tout, et c'est très bien comme ça. Et puis quand tu mets la radio tu as vraiment le choix d'écouter ce que tu as envie, contrairement au pays de l'exception culturelle, où tu as soit des gens qui parlent, soit de la merde. Je suis nostalgique de l'époque du collège, où tu mettais Fun Radio ou Skyrock et il y avait plein de trucs de fou. Ces titres qu'on entendait à l'époque ont eu une grosse influence sur moi aussi. Et tout ça a changé avec la superbe loi des quotas...
Tout ça pour dire qu'en Amérique le Rock est une musique POPULAIRE. Ici, aujourd'hui, c'est un truc de Canal +, un truc de bobos. SHAKA PONK, c'est du Rock? On a pris la coquille, l'enveloppe, on en a fait un produit et on te le vend.


Merci beaucoup Pascal d’avoir répondu aux questions de VS. Veux-tu rajouter quelque chose?
Oui, merci à toi et VS de nous suivre, vous assurez!


(Photos de Julien Mascheroni et Nicolas Delpierre)


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