Ben Barbaud - BEN BARBAUD - HELLFEST 2012 par CHOKO - 14039 lectures
VS Webzine et le Hellfest, c’est une grande histoire d’amour.
Pour la venue de Ben Barbaud dans la capitale, j’ai été convié à interviewer le grand manitou du plus grand festival français. Dès sa sortie du taxi à notre rendez-vous dans un hôtel parisien, Ben a montré une grande disponibilité et beaucoup de simplicité. Pendant deux heures et quelques minutes d’interview, le bonhomme a affiché ses ambitions, ses espérances, mais aussi parlé de l’organisation, de la gestion, ainsi que des autres rendez-vous estivales.





Comme chacun le sait, c’est la 7ème édition du Hellfest. Est-ce que c’est une satisfaction de trouver des têtes d’affiches qui n’ont jamais foulé les scènes du festival ? Comme King Diamond ou les Guns ?

Oui quand même ! Effectivement, quand on fait la programmation de ce genre d’évènements, on essaie de ramener le maximum de groupes qui n’ont jamais foulé Clisson. Pas forcément des exclusivités. Même si chaque année, on essaie de ne pas programmer deux fois le même groupe et même si je sais qu’on le fait, on essaie d’avoir une affiche qui tranche avec les années passées. C’est ce qui explique notre volonté de nous ouvrir à un peu plus d’éclectisme avec ces deux scènes supplémentaires qui devraient nous permettre de représenter encore plus les musiques extrêmes. Évidemment sur King Diamond, sur lequel on est depuis un moment, ou les Guns N Roses, qui est pour un programmateur de spectacle, une clé de sûreté pour rameuter des gens. Ça attire du grand public, comme les gens de Clisson, le public n’est pas forcément au courant des changements de line-up, ça reste pour eux un groupe avec un rayonnement important.


Justement, tu n’as pas peur que les Guns annulent ou qu’ils retardent le show ?

Ah si, mais on le sait déjà. On sait que c’est un groupe à risque, on va partir du principe que ça va bien se passer. Oui, il y aura du retard, on y est préparé, c’est plutôt à savoir comment on va gérer le public, s’il y a un retard qui nous met dans l’embarras.


Comment vous avez fait pour gérer l’annulation de Black Sabbath ?

C’était très difficile de remplacer un groupe de la trempe de Black Sabbath au pied levé sachant qu’on était dans une posture délicate, puisque le management d’Ozzy voulait essayer de récupérer toutes les dates de Black Sabbath, c’est juste du business. On était deux festivals dans la situation, avec un autre fest’ espagnol, qui avions déjà fait Ozzy l’an passé. L’idée nous plaisait à moitié vu qu’il a joué l’année dernière, ensuite ils sont partis sur l’idée de faire un set en hommage à Tony Iommi avec des guests et un set uniquement porté sur les morceaux de Black Sabbath. Sur le moment, on était à moitié emballé, mais comme nous n’étions que deux festivals à devoir refaire rejouer Ozzy cette année, on n’a pas pu changer cela. Soit il faut beaucoup d’argent, soit il faut qu’on soit plusieurs festivals à avoir le même problème.

Quels ont été tes ambitions pour cette nouvelle édition ?

La grosse nouveauté c’est cette spécialisation dans des styles particuliers et l’ajout des deux scènes. Certains croient qu’on cloisonne trop puisqu’on crée des espaces uniquement dédiés à un type de musique, c’est quelque chose qu’on peut comprendre. On est arrivé à un tournant où à force d’entendre les gens, les festivaliers surtout, on avait le choix de faire comme les autres festivals qui privilégient des groupes « bankables » et qui ne sont pas forcément dans l’optique de représenter cette musique-là. Nous, ça nous embêtait, car on est et on restera des fans de cette musique-là au sens large du terme, et ça nous semblait important de donner aux festivaliers une programmation de qualité et de quantité sur la globalité du festival. Évidemment, ça va faire quelques clashs. Pour les gens qui sont ouverts d’esprit, ça va les embêter, mais on est parti du principe du mieux vaut trop que pas assez.


Et concernant l’affiche ?

Sur l’affiche en elle-même, je trouve que comme chaque année, il y a des styles plus mis en avant. L’an passé, on a eu des félicitations pour la scène sludge/stoner, cette année on a une belle scène death et black. Il y a également un peu plus de hardcore et plus de groupes à l’ancienne. Alors bien entendu, il y a des genres qui sont un peu mis de côté.


Certains vont critiquer la quantité importante de groupes pour « vieux », plus « grands publics ». Tu peux m’en parler ?

Ce n’est pas toujours voulu, on essaie au mieux de représenter cette musique à travers les six scènes. Il y a pas plus ou moins de black ou de death. On garde cette étiquette de festival de musique un peu plus violente qu’à l’accoutumée. Bien sûr, il y a des festivals qui proposent des affiches dans un style spécialisé, nous, on essaie d’offrir une affiche avec un panel un peu plus large.


Toi personnellement, c’est des groupes que tu aimes ?

Oui complètement ! Je suis un grand fan de Lynyrd Skynyrd, pas toujours de leur mentalité, évidemment. Il faut savoir que sur la programmation, sur les dix salariés du Hellfest, cela représente complètement nos goûts. Je me suis rendu compte que les styles les moins représentés cette année, comme le heavy metal traditionnel ou le prog, sont ceux qu’on apprécie le moins. Mais ce n’était pas du tout prémédité. Dans nos bureaux, on a des fans de black, de death, de hardcore, de hard, de stoner, de doom et peut-être moins de connaissances dans ce milieu. On n’a jamais ressenti le besoin de se spécialiser dans le heavy, quand on voit les affiches allemandes comme au Wacken, où on fait un peu une overdose de ces groupes-là. Mais ça, c’est mes goûts personnels. Instinctivement, on ne va pas taper dans ce genre de musique, on préfère les choses différentes qu’on écoute un peu plus. Bon voilà, ce n’est pas souvent qu’on entend du Gamma Ray ou Helloween dans les bureaux. Même si ce sont des groupes que j’ai déjà programmés et que je reprogrammerai à l’avenir. A titre perso, j’écoute plus des légendes que ceux-là.


On va parler de cette nouveauté qu’est la présence des six scènes avec chacune d’entre elles dédiée à un style. Tu peux m’expliquer le concept ?

Quand on a commencé le Hellfest, on avait deux scènes et on a terminé à quatre. Lorsque l’on a appris la construction d’un lycée sur le terrain du festival, on est passé par plusieurs phases. On ne savait pas si on allait pouvoir rester sur Clisson ou alors déménager, il nous fallait cette information pour le concept du festival. Cette idée de se spécialiser et d’ouvrir le fest’ faisait partie des discussions qu’on avait avec le staff. Il y a des gens qui pensaient qu’il valait mieux qu’on réduise le festival, qui se plaignait de la grande quantité d’artistes présents… Je prends l’exemple des fans de black metal qui sont très portés sur leur style de musique, quand ils ont l’impression qu’ils sont lésés, ils n’hésitent pas à le dire. Nous, on a écouté ces remarques, donc on s’est dit que c’était dommage de devoir laisser une place minime au black comparé à nos premières années. Quand j’ai programmé Emperor en tête d’affiche il y a quelques années, j’en étais très fier. Si demain le groupe revient, je serai très content. Mais si maintenant, je devais mettre Emperor sur l’affiche, c’est évident qu’ils soient en dessous des groupes « grands publics ». Ca va avec l’évolution du festival, même si je le répète chaque année, c’est grâce à ces grosses locomotives que l’on arrive à créer d’autres scènes et à piocher dans des artistes plus « underground ». C’est ce qui fait qu’aujourd’hui au Hellfest, on peut côtoyer un groupe « grand public » et un groupe qui joue dans une cave. Je pense qu’on est les seuls en Europe à faire le grand écart de cette façon. Alors après les gens qui viennent voir Guns N' Roses se disent « mais qu’est-ce qu’ils s’emmerdent à programmer des groupes de grind ? » et on a la remarque inverse. On essaie de faire un mix, on a pris le pari avec 6 scènes et 170 groupes, c’est un gros pari. Il y a deux fois plus d’artistes que la plupart des fests européens, alors oui, c’est un risque pour l’organisation en termes de succès « commercial » parce qu’il peut y avoir une réaction de « c’est trop ». J’ai vu des réactions pas trop mal pour le moment, à part pour le heavy et le prog. Si un fan de stoner vient me voir et me dit que c’est moins bien que l’an passé, je le comprends parce qu’on avait des gros noms et que les groupes annoncés n’ont pas la même renommée. Je pense qu’on a une affiche qui tient la route, et on a réussi à remettre du hardcore de façon significative.
On met des groupes qu’on n’a pas eu l’opportunité d’avoir par le passé, des groupes crust comme Tragedy, qui ont été très difficiles à convaincre, mais aussi King Diamond.
Quand on a signé Black Sabbath, on ne savait pas. Mais avec ces artistes qui ont un certain âge, on ne peut pas faire grand-chose. Quand on a appris la nouvelle de la maladie de Tony Iommi, on était apeuré en tant que programmateur, mais il a essayé de voir s’il pouvait le faire avant de déclarer l’annulation. Quand tu as 64 ans et que tu as un cancer, tu ne prends pas de risques. C’est un homme qui a un certain âge et qui est assez précautionneux, plus qu’un Ozzy ou un Lemmy. Donc quand on a appris la nouvelle, on était assez pessimiste. Je me mets à sa place, si j’apprends que j’ai ce genre de maladie, je ferais exactement la même chose.


Par le passé, les scènes étaient nommées selon les différents sponsors. Aujourd’hui, ça a changé au profit de nouvelles nominations. Qu’est-ce que tu peux dire à ce sujet ?

Ce n’est pas moi du tout. On a gardé le principe des deux Mainstage, et après je crois que c’est notre graphiste qui a proposé ces types de noms. Je n’y ai pas mis mon grain de sel, on est une équipe et tout le monde avait l’air d’être d’accord. Il y avait des dénominations qui collaient bien aux styles, c’était aussi un petit clin d’œil, je trouve ça sympa. Ce n’était pas réfléchi, c’est sorti comme ça, on a trouvé l’idée bonne et voilà.


Tu n’as pas peur de cloisonner les festivaliers à des scènes spécifiques, alors que le Hellfest prône son éclectisme, la découverte et son ouverture d’esprit ?

Si, le fait de dédier quatre scènes risque cela. On s’est demandé si en termes d’éthique, le projet qui est né il y a plus de dix ans était de proposer une affiche éclectique pour que le public se croise, découvre etc… Au fur et à mesure, on s’est retrouvé avec plusieurs types de fans, il y a notamment des gens rattachés à un style en particulier. En France, on reste très attaché à sa communauté, son style de musique ou son style vestimentaire et se mélanger n’est pas toujours évident. A travers le festival, il y a toujours les points de rencontres comme le bar, l’extrême market ou le camping. Alors c’est sûr que c’est difficile d’écouter les remarques des uns ou des autres et de contenter tout le monde. Sur la programmation, il faut que le fan de black voit ce qui l’intéresse. Si on mixait tout, la lecture serait différente et les gens focaliseraient leur avis sur les gros noms. Il y a plus de groupes de chaque style. Aujourd’hui, c’est un problème de lecture, mais je comprends aussi que certains se disent « ah non, moi me mélanger avec des coreux ou des papas-mamans, ça me dérange ». A l’étranger, ils ont les mêmes problèmes. En Angleterre, il y a beaucoup de gros festivals organisés par Live Nation par exemple, qui sont un peu plus business business, mais ils ont très peu d’opportunités pour représenter au mieux toutes les musiques. Les fans anglais sont aussi durs avec les organisateurs anglais que les Français avec le Hellfest. C’est vraiment du « chauvinisme », et c’est ce qui fait le charme, il y a un côté très communautaire, très sincère. Je comprends que les gens s’approprient la musique et se disent « moi, je vais en Allemagne, moi je vais machin… » Parce que c’est une façon de s’affirmer et de dire qu’on est quelqu’un, ce n’est pas méchant. Toute façon, je sais que les gens qui critiquent viennent finalement au Hellfest parce que c’est un rendez-vous, il y a les copains etc… Comme tous les gens qui crachent sur Metallica, mais en deux jours, ils vendent 80 000 places au Stade de France. C’est pas toujours simple de travailler pour ce public pointu, exigeant, très critique, mais c’est intéressant parce que c’est un public fidèle, qui n’est pas radin, ce qui est bien pour l’organisation. Les gens se préparent à l’avance, c’est plus simple que pour les festivals grands publics où les gens se préparent 15 jours à l’avance. J’adore travailler pour les métalleux en tout cas.


Le punk a été mis en retrait. Est-ce un choix délibéré de ta part ou est-ce un concours de circonstances ?

Non, j’avoue que le fait de mettre le punk de côté est un choix. Moi j’adore. Mais effectivement, on s’attaque à un public différent, qui n’a pas forcément non plus les mêmes moyens, les punks ne vivent pas de la même façon. Le métalleux est plus coté à l’image et à la musique, c’est aussi plus simple pour nous de gérer des métalleux que des punks. En attendant, on a quand même les Dropkick Murphy’s et Street Dogs. Mais après, partir dans le punk, c’est soit tu pars dedans et tu le représentes, soit t’en mets très peu. On est des fans, on a discuté avec Rancid, on a programmé NOFX et The Exploited par le passé, qui sont des groupes plus grand public. On ne le délaisse pas, mais il faut que, l’éclectisme s’arrête à un moment. On se rend compte encore qu’avec 170 groupes à l’affiche, on n’arrive pas forcément à être toujours super pointu.


Avec la Metal Corner, ça fait sept scènes. T’as pas eu peur justement que ça fasse un trop-plein de tout ?

Il n’y aura pas d’artistes sur la Metal Corner cette année, sauf le jeudi soir où il y a des groupes locaux qui jouent. Il y aura des conneries, comme d’habitude. Je ne sais pas quoi, des DJ, des strip-teaseuses. L’année dernière, on faisait jouer des groupes locaux sur ces scènes, mais ça n’a pas trop fonctionné. Ce n’était pas des horaires faciles, vers midi à peu près, alors je comprends que le mec qui en prend plein la gueule pendant le festival n’aille pas voir un groupe inconnu. On va garder une programmation pour le jeudi, il y a de plus en plus de gens qui arrivent le jeudi et qui profitent de cette soirée. C’est vraiment entré dans les habitudes des gens, la soirée du jeudi fait partie intégrante du festival pour eux. D’ailleurs, on a affaire à des gens qui arrivent plus tôt dans la semaine. Le problème c’est que cela décalerait tout. Pour la Metal Corner, le jeudi ce sera groupes locaux et pendant le festival, on va organiser quelques animations.

Est-ce que l’idée d’une quatrième journée de festival a été laissée de côté ?

Pour l’instant non. Comme on part dans un nouveau projet, qu’on est délocalisé, je ne sais pas du tout quelles seront les réactions des riverains. Si le festival ne déménage pas trop loin, il se rapproche quand même des habitants de Clisson. Je ne sais pas du tout quelles seront les nuisances pour la population. L’idée de la quatrième journée, c’est si on a une opportunité, c’est tout bête. Généralement, les jeudis, les gros gros artistes sont moins demandés que les vendredis, samedis ou dimanches où on est en concurrence directe avec les autres gros festivals. Si on peut mettre un artiste le jeudi à un tarif plus raisonnable, peut-être qu’on le fera, pas maintenant. Ce qui est sûr, c’est qu’un jour on aura Iron Maiden. Là, on est dans un autre projet, mais qui sait ? Il faut savoir que je suis le patron du festival, mais le véritable patron reste Monsieur le Maire. C’est lui qui donne l’autorisation finale. Ça se passe très bien avec les habitants de Clisson, au départ, il y avait ce sentiment de peur, avec le look, on connaît ça en France. Mais aujourd’hui, on a une bonne cohabitation. Une grande majorité de gens à Clisson sont capables d’accepter les nuisances. Il reste une partie, moins nombreuse, qui reste contre. Dans tous les quartiers résidentielles de France, il y en a qui préfère rester tranquilles. Mais on a de plus en plus de Clissonnais qui ouvrent leur jardin aux festivaliers.


Justement avec les élus, comment sont vos rapports ?

Ça se passe bien. Au début du festival, ils étaient dans les mêmes doutes que les Clissonnais, un peu craintifs. Mais maintenant, ils ont une totale confiance envers le public ou l’orga. Tu sens, malgré tout, que c’est une équipe d’élus, leur but est de contenter un maximum de Clissonnais.
Je comprends que les gens aient préféré les Furyfest ou Hellfest avec moins de monde et une ambiance plus familiale. C’est vrai que les premières années d’un festival sont vraiment peuplées de « fans purs et durs », et j’avoue que désormais le festival s’est ouvert à d’autres types de public. Ces gens-là ont tout à fait le droit de venir à un festival de hard-rock, je n’ai pas à rougir du fait d’ouvrir la porte à des non-fans, des non-initiés. C’est paradoxal d’entendre les gens se plaindre d’un manque de médiatisation du metal et qu’en même temps, on refuse de démocratiser cette musique. Ces musiques resteront provocatrices, mais il ne faut pas se mettre des œillères. Je n’ai pas à rougir, je ne suis pas un businessman comme la plupart des producteurs dont c’est le métier, mais maintenant je suis à la tête d’un évènement qui génère une certaine économie et je n’ai pas à rougir d’avoir créé dix emplois à plein temps, de faire marcher l’économie locale etc… Comme n’importe quelle personne qui aime son travail, c’est gratifiant de savoir que son festival évolue.
Je préfère entendre les gens qui vont au Party San et qui me disent « je me sens mieux là-bas, le Hellfest j’ai l’impression que c’est Disneyland », ça je veux bien. Mais quand ça touche à l’artistique, ça me fait rire. Autant me dire directement « je préfère ne pas me mélanger à des coreux ou des papys-mamys, moi je veux qu’on pense de moi que je suis un vrai métalleux nananinanana donc je vais aller dans un truc underground ». Je préfère quelqu’un qui a l’honnêteté de le dire et de se remettre en question que quelqu’un qui se justifie avec des fausses excuses. Quand j’entends des gamins de 19 ans qui me disent « je préférais quand y avait Emperor », je ne m’y attache plus trop. Cette année on sera plus nombreux au Hellfest, l’année dernière c’était 25, je pense que cette année ça sera 35 000 personnes par jour. Alors oui, il y aura du monde. Au Wacken, il y en a 70 par jour, il y a des gens qui adorent parce que ça fait « la Mecque du metal ». Moi aussi, je préfère assister à un Roadburn où il y aura moins de monde et où je serais tranquille. Je préfère ce genre de justification à la con. Sans des artistes comme les Guns N Roses, jamais je n’arrive à faire bouger King Diamond. Il ne faut pas rêver, si j’ai réussi à avoir King Diamond et à le convaincre de ne jouer qu’au Sweden Rock et Hellfest, c’est grâce à ça, mais aussi parce que je l’ai payé bien plus que ce qu’il ne coûte. S’il joue à Paris, il y a 1200 personnes qui iront voir, là, je l’ai payé comme un artiste qui fait le Zénith, parce que je tenais réellement à l’avoir. C’est un peu la balance après, si il n’y a pas les Guns, il n’y a pas King Diamond et il y aura toujours des gens pas contents.


Ce nouveau site du Hellfest, est-ce pour toi l’objectif numéro d’un ou alors le line-up reste toujours ta préoccupation principale ?

Aujourd’hui, il ne faut pas rêver, le line-up reste l’objectif numéro un. Si demain, on ne restait pas sur cette lancée qui fait que « waouh, là ils nous mettent sur le coup et là et là », là les gens feraient la gueule. On sent quand même une émulation, il y a le camping, le Metal Corner, mais le Hellfest n’est pas encore devenu une institution comme au Wacken. Mais malgré tout, on fait des efforts. Pour moi, l’organisation en elle-même sera le challenge, déménager à 500m ou 500km c’est la même chose. Je ne cache pas qu’on va essuyer du plâtre cette année, il va nous falloir quelques éditions pour maîtriser ce nouveau site. Cette année, on travaille sur du virtuel, on fait de notre mieux pour prendre les meilleures décisions pour accueillir les artistes, ce serait présomptueux de dire que tout se passera les doigts dans le nez. Les parkings et les campings sont placés différemment. Je ne rachète pas des terrains et des prairies comme je le veux, il y a décisions qui paraîtront bonnes pour le public et d’autres qui le seront moins. Voilà, il nous faudra du temps avant de pouvoir bien rôder le tout.


Justement, Randy de Lamb of God me disait qu’à son arrivée à Clisson en 2007, les générateurs étaient en feux.

Durant la deuxième année du festival, c’est vrai qu’en plus de ne pas avoir l’expérience du terrain, la météo ne nous a pas aidés et les finances n’étaient pas là. Maintenant, on est viable, on ne gagne pas des millions, mais on a la sécurité aujourd’hui. On a eu des financements pour faire des travaux liés à la sécurité, mais vous ne le verrez pas, ça restera des champs de patates. Au lieu d’avoir des toilettes chimiques qui puent, on a les toilettes raccordables. C’est un investissement financier énorme, quelque chose comme 300 000 euros. Donc oui, en 2007, on n’avait pas les moyens de nos ambitions. Aujourd’hui, on a la pression parce qu’on n’a pas le droit d’être aussi nul qu’en 2007. En 2008, ça été notre dernier « essai » et le public a vu nos efforts.


Il y a quelques temps, j’ai vu qu’à Marseille, il y avait eu une catastrophe pendant l’installation du matos de Madonna et que ça avait fait des morts. En tant qu’organisateur, tu n’as pas peur qu’il y ait un problème de ce type qui arrive ?
Si, comme avec le public. Quand t’es responsable d’une manifestation qui fait travailler beaucoup de monde, c’est dix salariés à l’année mais c’est aussi 2000 bénévoles cette année, 500 salariés pour monter et démonter les scènes, la sécurité, etc. Moi qui suis anxieux, ce n’est pas toujours facile à vivre et à supporter. Des fois, j’aimerais bien avoir un boulot à la con, rentrer à 18h et mater la télé, mais on est toujours sollicité à droite, à gauche. Les facteurs risques sont nombreux, aussi bien pour les salariés, t’as vu ce qui s’est passé au Pukkelpop, avec des morts etc. Mais si tu penses à ça, tu ne fais rien. Après, il y a la motivation qui est importante, heureusement qu’on ne pense pas toujours au côté négatif de ce métier parfois un peu ingrat. Mais j’ai un métier en or qui me permet de vivre de ma passion, de voir mes potes tous les jours. Pendant le Hellfest, j’aspire vite à être le dimanche soir et que le dernier groupe finisse de jouer, je ne profite pas du festival, j’ai toujours plein de problèmes à gérer. On ne vit pas l’évènement de la même manière et c’est la même chose tous les ans.


Les stands de bouffes ne sont pas toujours top, les kebabs coûtent 7€ et sont même plus chers qu’à Paris. A ta place, c’est possible de faire changer les choses ?

Tout ce qui a trait à l’alimentaire est difficile à gérer. Aux Vieilles Charrues, ils ont 6000 bénévoles, nous on en a 2000 et je ne sais pas comment ils arrivent à gérer tout ça. Donc 6000, je n’en veux pas. Donc on a affaire à des prestataires extérieurs, des gens sérieux qui nous appellent et qui nous proposent des choses. On est obligé de faire confiance et tu as malgré tout, comme il s’agit d’argent, affaire aux vendeurs ambulants qui privilégient la quantité à la qualité. Au Hellfest, on avait pris la décision d’avoir moins de stands mais qu’ils nous paient plus chers. T’as un emplacement, ça coûte tant, voilà. Étant donné qu’il n’y a pas beaucoup de stands, beaucoup de gens à nourrir, il faut que les mecs soient très rapides. Effectivement, t’as un kebab pas cuit, trois frites pas cuites, deux légumes etc. C’est impossible pour moi de dire « tu mets ton kebab à 5€ », je n’ai pas le droit. Par contre, dans le contrat, on met bien en évidence le fait qu’il est interdit d’augmenter les prix durant le week-end. On a chopé un mec qui vendait sa part de pizza à 7€ le vendredi et le dimanche à 10€. En plus de ça, tout le monde se dit « enculé de Barbaud, il n’a pas assez de pognon comme ça ». Tout ce qui a trait à être dans le festival, les gens pensent que je gère tout. (Rires) J’ai eu 18 intoxications l’année dernière. On a eu l’inspection du travail, l’URSAF, la PJ, le fisc et le seul qu’on n’a pas eu c’est le contrôle sanitaire. Si demain, il y a un contrôle sanitaire, la moitié des vendeurs ambulants ferment. Entre les pots de mayo au soleil toute la journée et le non-respect de la chaîne de froid… nous, on ne peut mettre que des pressions d’ordre financière, des cautions. On les prévient d’entrée : «si vous avez un problème avec l’inspection sanitaire, vous vous barrez et on garde vos tunes ». J’ai l’exemple d’un mec il y a deux ans, un mec qui vendait des nems. Il n’a reçu que des compliments et le samedi, son stock était écoulé, le mec a dû se dire « merde, j’aurais pu en vendre beaucoup plus ». Nous, on était content, super idée et on le reprend l’année suivante. Le mec se souvient qu’il aurait pu repartir plus riche, qu’est-ce qu’il a fait ? Il a vendu en quantité et résultat : ses nems étaient dégueulasses. Sur les 18 intoxications alimentaires, il y en a 5 qui venaient de chez lui. Mais comment empêcher le mec ? J’ai très peu de pouvoir sur eux. Aujourd’hui, le mec, il est reparti du Hellfest avec les poches bien remplies. Il m’a appelé cette année et je lui ai dit de rester chez lui. Chaque année, c’est le même schéma. Le mec fait une super première année et se rend compte qu’il aurait pu faire plus de tunes, revient l’année suivante et fait de la merde. Il y a quand même des gens sérieux, mais à côté il y a les ambulants qui aiment bien palper. On aura une brigade qui surveillera pendant le festival, qui prendra des photos des prix. Malheureusement, à part financièrement, on ne peut pas faire grand-chose contre cela.


La Metal Market est souvent trusté par les grosses distros tels qu’EMP ou Metalbörse. Il y a assez peu de distros underground, une raison à cela ?

Nous avons des contraintes économiques qui font qu’on ne peut plus laisser des stands gratuits ou à 30 € comme par le passé. On a des tarifs suivants les labels, selon si tu vends des CD ou des T-shirts. Il y a la crise du CD que nous connaissons tous actuellement. Le T-shirt tu le vends 20€ et si tu l’as fait toi-même il t’a couté 3-4€, t’as une marge plus importante que pour un CD que tu as fait pour 8€ et que tu revends 12. Le problème, c’est qu’on ne va pas offrir aux gens, il y a la place aussi. Le mec qui vend ses disques autoproduits, il va vouloir ramener deux copains, ça veut dire 3 places à 150€ chacune. Faut au moins que tu paies ça et le mec te dit qu’il vendra jamais pour ça. Tu ne peux pas venir comme ça gratuitement, et en plus il faut que je te fasse un bisou etc., non. Évidemment, je pense que ça joue sur les petits labels, ils n’ont pas forcément beaucoup de rentrées financières. A mon avis, ceux qui continuent le font avant tout par passion et non par vocation. Aujourd’hui, quels sont les labels qui emploient encore du monde ? EMP a deux salariés à plein temps. Season of Mist est aujourd’hui le seul label à en faire une vocation, du business. Après les gens qui ont des petits labels, ils ont un taff à côté. C’est soit de l’investissement, le petit label vient au Hellfest pour se montrer, mais voilà, vu que le disque ne se vend plus, comment les petits labels peuvent se mettre à investir ? L’extrême market change un peu, mais c’est un peu comme dans tous les pays. J’y vais très peu à l’extrême market, mais j’essaie d’y aller le jeudi. J’ai surtout vu qu’il y a surtout plus de vendeurs de fringues que de vendeurs de disques. Et dans tous les festivals que je fais, il y a de moins en moins de vendeurs de disques indépendants, sauf dans les trucs spécialisés où il y a un public pour ça. Season of Mist, pour un métalleux, c’est un gros label, mais Season of Mist ce n’est pas Warner. SoM fait généralement la tournée des festivals et ils me disent que les festivals où ils vendent le plus de disques ou de T-shirts, c’est au Hellfest ou au Party San. Au Sonisphère, ils ont rien vendu parce que le public est différent. SoM pour un mec qui écoute que Metallica ou AC/DC, c’est rien du tout. C’est une échelle de petit ou grand label, pour moi Season of Mist ça reste un grand label français, il y a des grosses pointures mais seulement pour les gens qui s’y connaissent. Je fais encore partie de ces gens qui achètent des disques parce que j’aime l’objet, la collection. Que les jeunes préfèrent télécharger ou quoi, je ne vais pas refaire le monde.


Au niveau des transports, il serait possible de faire un système comme au Graspop où le billet de train est gratuit dans tout le territoire belge lors de présentation du ticket festival ?

On a ce truc-là dans la région Bretagne uniquement. On a fait la demande mais ce n’est pas la SNCF qui décide, ce sont les régions qui sont responsables. On a le même système qu’aux Transmusicales, quelle que soit ta ville de départ de Bretagne, ça va te coûter 10€. Ce n’est pas généralisé par la France parce que le problème c’est qu’il faut que les Régions se mettent d’accord. Alors en Belgique, je ne sais pas quel est leur deal, mais j’adorerais que le train soit gratuit au départ de Marseille jusqu’à Clisson. On a déjà du mal, mais je pense qu’on va enfin avoir un système de navette cette année. Je ne préfère pas m’avancer, mais au lieu d’avoir des minibus neuf places, on va avoir des vrais bus accordéons à 120 places. Mais il faut les accords de préfectures, bloquer des routes, c’est énormément d’administratif et tu ne claques pas des doigts pour que ça arrive. C’est pas du tout « Je loue le bus, je mets un chauffeur de bus et c’est parti ». Ça fait énormément d’années qu’on bosse dessus, ça fait beaucoup plus pratique. Même si tu en as l’envie, ça ne se fait pas toujours comme ça. Les administrations françaises ont toujours été longues, ils parlent beaucoup d’écologie et dès qu’on leur dit que mettre un tarif préférentiel sur les trains pour un évènement, c’est des voitures en moins, du dérangement en moins. Il faut pouvoir les convaincre aussi. Ne soyez pas déçus si vous voyez encore des minibus, rien n’est confirmé.


D’un point de vue financier, le festival coûte 149 € pour trois jours. En 2006, c’était 96€. Tu peux m’expliquer cette hausse ?

Je comprends et me mets à la place des gens, surtout dans la période qu’on connaît. On a fait des choix, on aurait pu rester dans une optique d’un tarif plus abordable mais on n’aurait pas pu programmer des groupes comme on a sur l’affiche. C’était un choix. Je te donne l’exemple d’un festival moindre : le Summerbreeze. Ce festival n’a pas vraiment de tête d’affiche et à un prix d’entrée très accessible, ce qui justifie qu’il y ait 30 000 personnes pour aller voir Helloween en headliner. Même à 70€, si je mets Helloween en tête d’affiche, je ne suis pas sûr qu’il y ait 30 000 personnes qui viennent. Le premier Furyfest était à 50€, et ce qui est paradoxal c’est que les gens demandent de plus en plus, ils sont plus regardants sur la qualité d’accueil. Les gens pensent que c’est parce qu’il y a les Guns ou Kiss que le billet a augmenté, non. Aujourd’hui, la programmation du festival ne représente qu’un tiers du prix du ticket. Le reste, c’est le site/le camping/la logistique et la vie associatif/les taxes/la SACEM. Guns N Roses doit représenter 5€ sur le billet. C’est aussi à cause de la multiplication des toilettes, des gens qui travaillent, d’une communication plus importante. Foutre cent affiches Hellfest dans le métro à Paris, ça coûte 60 000 € pour une semaine. Mais on est obligé de le faire parce qu’il faut que le grand public le sache, sinon ça ne sert à rien de programmer des groupes comme Lynyrd Skynyrd ou Slash si c’est juste pour prendre de la pub sur Metallian. Évidemment qu’il y a une augmentation qui s’explique aussi parce que les artistes demandent des cachets de plus en plus chers. Quand j’ai commencé il y a douze ans, à 1000€ j’avais Agnostic Front et le billet était à 8€. Aujourd’hui, t’as rien, deux petits groupes français. Tout a augmenté. Ça peut s’expliquer. Les artistes se rendent compte que chaque année, plus ils demandent plus, plus les festivaliers vont payer. A un moment, le public dira stop, moi je vais prendre une ramasse et je ne bosserai plus avec ces gens à moins qu’ils baissent le prix. Quand je vois le prix des concerts à Paris, tant que les gens accepteront de payer, ça ne baissera pas. Dans dix ans, un concert moyen coûtera 100€. Mais je comprends le mec qui dit qu’on augmente chaque année, parce qu’à côté il y a des frais de bouffes, de boissons, et se faire plaisir. Les métalleux achètent de T-shirts ou des CD. Ça coûte aussi cher qu’une semaine de vacances. Après, ça dépend où tu vas, le Sweden Rock coûte 250 € ou le Download à 220, il y a des festivals qui sont moins chers.


T’as une idée de quand sera dévoilé le running-order du festoch ?

Il y a trois scènes qui vont jouer ensemble. Il est déjà fait et devrait être annoncé courant avril. On va attendre que le programme sorte pour qu’on dévoile le running order. Les mecs qui ont une ouverture d’esprit très large, du black au stoner, ils vont se dire « putain, fait chier Barbaud ! ».


L’an passé, vous avez fait face à la concurrence du Sonisphere. Cette année, il y a le concert de Metallica le 12 mai. Ton sentiment à ce sujet ?

Je n’ai jamais ressenti la présence du Sonisphere ou les grosses affiches parisiennes comme étant des concurrents directs. On n’a jamais vendu autant de billets que l’année dernière, alors qu’il y avait le Big Four au Sonisphere. Ce n’est pas le même public, et tu sens –même si je n’ai contre ce fest- que c’est destiné à un public pointu. Le Sonisphere, à notre différence, mise beaucoup sur ses grosses locomotives. Après, il y a une situation géographique opposée, je suppose qu’un mec qui habite en Alsace va aller au Sonisphere qui est à 1000 bornes de Clisson. Après, je connais encore des gens qui habitent Nantes, à 30km de Clisson, qui ne vont jamais au Hellfest et qui vont toujours au Graspop depuis des années alors qu’aujourd’hui, nos affiches sont presque identiques. Pour le Sonisphère, comme ils ont des licences qui couvrent plein de pays, le groupe a le choix entre un gros package de dix dates ou de booker ses dates en plus de celle du Hellfest. Je m’entends bien avec les mecs du Sonisphère, bien entendu on essaie de pas avoir les mêmes artistes et bien sûr qu’on essaie de savoir ce que l’autre va booker. Pour nous, c’est bien que le Sonisphère soit arrivé, on peut faire des points de comparaisons avec le Hellfest. Cette année, ils ont eu Faith No More, là je suis dégoûté, mais autant le lendemain, t’as Evanescence. De toute façon, je leur avais dit aux mecs du Sonisphère l’année dernière « vous pourrez jamais faire mieux que le Big Four, jamais vous aurez aussi gros ». Il faut savoir aussi que le Sonisphère se déroulera à l’intérieur cette année, tous dans la salle. Apparemment, au vu des ventes qui paraissent faiblardes, le festival va être indoor. Autant les concerts étaient bons l’an passé, autant ils n’étaient pas très rodés dans l’organisation. Normalement vu le public qu’il y avait… je ne vais pas me chercher d’excuse, mais au Hellfest en 2007, je n’avais pas les moyens de mes ambitions et pourtant, on ne peut pas dire que ce soit le cas pour le Sonisphère. J’ai trouvé qu’il y avait certains défauts d’orga qui étaient à la limite du pardonnable, mais qui peuvent se comprendre parce que quand t’es pas fan et que tu fais que compter les billets, ce n’est pas la même. Ils ont délaissé l’aspect camping etc. alors que ça participe à l’état d’esprit et l’image d’un festival. Qu’ils ne les aient pas compris, je dois te dire que ça m’arrange.


Le Hellfest a fait naître des vocations, on voit de plus en plus de festivals metal en France se développer comme le Motocultor, le Sylak ou Lez’Arts Scéniques. Tu vois ça comme une concurrence ou une « descendance » du Hellfest ?

Pas du tout, descendance ce serait se la péter. En plus Lez’arts scéniques, c’est une histoire qui nous ressemble beaucoup. Une bande de potes, assez punk et qui s’est tournée vers l’organisation d’un festival. Ils sont là depuis autant de temps que nous, on ne va pas calculer qui a eu l’idée ou quoi. Le Hellfest a eu cette « chance » à progresser rapidement, Lez’Arts Scéniques un peu moins, mais j’ai vu qu’ils avaient une belle affiche, comme le Motocultor. Des fois, ils m’appellent et voudraient une recette miracle. Il y a parfois de la chance, de la naïveté et aussi une grosse paire de couilles pour prendre des risques et ne pas se poser des questions. Il y a des gens qui sont fait pour et d’autres non. Il y a aussi de la place pour d’autres. Mais je ne suis pas persuadé que le Sonisphère perdure avec l’étiquette metal, à moins d’avoir un score comme avec le Big Four.


Parlons de toi si tu le veux bien. Y a-t-il des groupes que tu as programmés juste pour ta satisfaction personnelle ?

C’est plutôt les petits qui jouent dans les tentes, à qui je n’ai pas pu donner une place plus importante dans le festival, je pense notamment à Thou, Tragedy, ASG. Après ça dépend, il y a des trucs qui font plaisir comme Lynyrd Skynyrd, je ne pensais pas qu’un groupe de cette trempe accepte ma proposition, on peut tout à fait penser qu’ils n’ont rien à voir avec l’affiche. Guns ça ne m’a rien fait. Black Sabbath, même si l’excitation n’a pas duré longtemps, voir le nom du Hellfest sur les pubs avec Black Sabbath ça fait quelque chose. Avec Led Zeppelin, c’est le groupe que j’ai le plus écouté. Pour un logo que j’ai monté dans ma chambre il y a dix ans, même si j’avais Metallica ou Iron Maiden, ça ne serait rien comparé aux logos de Black Sab’ ou Led Zep’. Il y a plein de trucs qui me font plaisir, mais après t’es un peu faussé par le challenge de convaincre les artistes. Si j’avais à choisir un groupe du moment qui me botte le plus, ça serait ASG oui. C’est mon coup de cœur, et peut-être que dans six mois, ça sera autre chose. Tu vois s’ils jouent à Paris, il y aura 50 bonhommes qui vont venir, mais là je les fait venir, je leur paie le billet, je les nourris, je les loge. En gros, pour cet artiste, je donne l’équivalent de 5000 € de cachet, ça représente 5000€ d’investissements. Mais je ne pourrais pas faire ça si des groupes comme Guns ne me permettaient pas de vendre des billets pour amortir les frais. Ma comptable est fan de black, elle essaie de me convaincre de mettre des trucs. Certes, on va être obligé de rebooker des Behemoth ou des Cannibal Corpse, mais c’est grâce à ces groupes qu’on peut faire venir les plus petits. Ce sont des artistes qui viennent souvent de loin, pour pas grand-chose, il ne faut pas qu’ils paient pour venir. J’ai entendu dire que des groupes du Hellfest payaient, c’est totalement faux. Ça existe au Wacken, ce n’est pas les artistes qui paient généralement, mais les labels. On m’a proposé de l’argent pour mettre tel ou tel groupe, j’ai toujours dit non systématiquement. Sinon, c’est la porte ouverte à tout et les labels voudront nous refourguer des sombres merdes, l’affiche ressemblerait à rien au final. Il y a des groupes qui ne touchent rien, à qui on paie tous les frais. Je te prends l’exemple des mecs de Cannibal Corpse, je leur parlais hier et ils m’ont dit qu’ils annulaient leurs dates après le Hellfest pour pouvoir rester sur le festival les trois jours. Maintenant, il y a de plus en plus d’artistes qui veulent rester sur le festival, mais tu ne croiseras pas les têtes d’affiches ça c’est sûr.


Quels groupes tu conseilles de voir ?

C’est vachement dur, je n’ai pas tellement de conseil. J’ai une ouverture d’esprit assez large, mais ça dépend. Il y a du bon dans chaque artiste qu’on présente, on essaie de ne pas mettre de daube. Après les goûts et les couleurs, je ne sais pas. Tu vois les Guns, je les ai vus à Bercy, j’ai pas trouvé ça mauvais, il y avait une heure d’attente mais il y avait le bar pour patienter. A la sortie, les gens avaient l’air de dire que c’était mauvais. Il est assez difficile de savoir ce que veulent les autres. Moi si demain je devenais festivalier, je traînerais sur la scène stoner et hardcore, je traînerais moins sur la scène death ou black, mais il y a quelques trucs que j’irais voir. Je pense que je détesterais le programmateur si je devenais festivalier.


J’ai souvent remarqué que tu passais un peu pour la tête de Turc.

Oui mais je me fais aussi saluer, il y a de tout, c’est le jeu. Par derrière, il y aura toujours les gens qui vont être assez durs, mais il y a aussi le côté gratifiant de gens que tu rencontres. C’est un peu gênant d’entendre les gens te dire merci, à la fin tu ne sais plus trop quoi dire à part « merci » en retour.


Justement avec ces festivaliers qui, comme on le sait, aiment boire. Est-ce que l’orga a déjà eu des soucis quant au fait de voir 1/3 de son public complètement bourré ?

Te dire qu’on gère, ce serait mentir. J’ai une certaine confiance en ce public, malgré les quantités astronomiques d’alcool qu’ils boivent, mais je suis le premier à faire pareil. Il y a une auto-gestion de la part du public qui fait plaisir, il y a une sorte d’habitude à picoler. Peut-être que comme ils sont plus sujet à boire de l’alcool, ils se gèrent mieux et créent moins d’accidents. Tous évènements confondus, le Hellfest a la consommation d’alcool la plus haute, sans compter les consommations personnelles. Tu te dis que soit on a vraiment eu de la chance de ne pas avoir d’accident, soit ce public là se gère bien. Ça fait partie du milieu. S’il y a quelqu’un qui a un problème, des comas éthyliques ou malaises par exemple, il y aura une prise en charge de la part des festivaliers vis-à-vis de la personne qui se sent mal avant qu’on arrive. Il y a cet aspect vachement communautaire où tu fais plus attention à ton voisin, et ça favorise selon moi à la bonne gestion.


Jamais de bastons ?

Toujours des petites échauffourées qui se calment rapidement. Pour en avoir parlé avec la sécurité, c’est vraiment facile à gérer. C’est même l’un des rares festivals où les schmittes, les bleus pourront se balader tranquillement. Il y a toujours les petits provocateurs à deux balles, mais rien de grave. On voit plus souvent les gens apprécier voir des flics qui sont là et qui ont le sourire, et vice versa. Ce public là est bien loin des préjugés, même si on n’est pas à l’abri d’un accident. Ça arrivera un jour peut-être, si un mec saute d’un pont. J’ai l’impression que ce public là s’autogère mieux et est moins porté à ce genre d’accident. Les punks seraient sans doute moins faciles à gérer, les métalleux sont des ours en peluches.


Les flics, ça se passe bien ?

Ils sont les premiers à nous faire confiance, avant les politiques, et à jouer le jeu avec nous. On a de la chance, le sous-préfet est un fan de hard rock, le responsable des RG également. Quand ils voient des manifestations de ce genre, ils sont contents forcément, mais ils ne sont pas couverts de préjugés. Le sous-préfet, je le vois venir sur le festival avec sa femme et son gamin, il change de T-shirt évidemment, comme tous les métalleux. Ça a été un véritable avantage, ils nous ont beaucoup aidés. J’ai jamais vu un bleu se balader les mains dans les poches dans des festivals de rap ou de reggae ou aux Eurocks. Toujours est-il que les flics sont soumis à des résultats pour justifier la dépense de l’argent du contribuable donc de temps en temps, ils font chier un mec ou deux parce qu’ils se promènent avec un pétard. Les gendarmes sont les premiers à dire qu’ils n’ont pas de raisons d’emmerder les métalleux, la cohabitation se passe très bien. Par contre, jamais ils ne pourront arrêter quelqu’un sur le festival parce que justement ils sont dans une zone privée. Ils n’ont pas à être autorisé à entrer dans le festival et à faire chier les gens, mais comme ils ont toujours eu un respect des festivaliers, je ne vois pas de raison pour laquelle ça se passerait mal. Après, il y a des contrôles routiers etc. La grande majorité des métalleux ne se droguent pas, beaucoup aiment l’alcool oui, mais il n’y aura pas autant de drogues que dans une teuf. A l’intérieur du site, ils n’ont droit d’arrêter personne, et si demain, je vois qu’il y a des arrestations, je leur dirai de dégager.
Après, on a eu des gens de banlieues parisiennes qui sont venus aux abords du festival, ils piquaient le bracelet des festivaliers pendant qu’ils étaient bourrés et ça s’est terminé à la castagne. Si les forces de l’ordre ne sont pas visibles, il y aura de plus en plus de connards qui viendront foutre la merde. Mon équipe de sécurité ne peut que sécuriser à l’intérieur du festival et les flics doivent attendre un flagrant délit pour choper les gars. Je suis pour que les flics restent là, même si pour ça ils doivent faire chier deux ou trois gars pour des bricoles, mais je préfère qu’ils soient là pour assurer la tranquillité du festival.


Tu viens encore sur VS pour lire les commentaires sur les annonces Hellfest comme par le passé ?

Oui, c’est le webzine que je lis le plus régulièrement. J’y vais un peu moins que par le passé, je ne sais pas pourquoi. Je continue à lire les news, mais je passe moins de temps pour lire les commentaires. C’était assez rigolo, même si des fois, quand tu vois ça, t’as envie de coller des calottes. Mais ça nous a permis d’avoir du travail en plus. Internet a permis à tout le monde de faire croire qu’ils en avaient une grosse, alors que finalement c’est un gros geek épais comme un sauret qui blablate. Voilà, après chacun donne son point de vue, c’est ce qui fait que c’est relativement sympa. Je crois que le pire c’est plus VS désormais, mais c’est devenu facebook. Avant, tu pouvais définir à peu près le profil de personne. Mais bon, sur VS, quand tu lis les commentaires des annonces Hellfest, à partir de la deuxième, tout le monde était là « ouais c’est génial » et quand on a mis le nom des têtes d’affiches, on s’est fait conspuer. Si on écoutait tous les commentaires, le Hellfest serait le meilleur festival underground si tu virais toutes les mainstages, nous on serait ruinés et on arrêterait au bout d’un an. Sur facebook, il y a tout le monde, du jeune de 16 ans qui n’a pas forcément une culture très développée ou le mec très pointu qui va gueuler parce qu’il y a les Guns ou machin. Je n’arrive plus à lire les commentaires sur facebook. Encore sur VS, ça reste dans le folklore, il y a quand même pas mal de gens qui connaissent leur musique et ce site m’a permis de pouvoir découvrir certains artistes. J’écoute très peu de death ou black, mais je sais pertinemment te dire c’est quoi ça ou c’est quoi ça. Mon métier c’est de connaître ce que veulent les gens, il faut s’ouvrir aux autres et programmer ce qu’aiment les autres. J’ai délaissé le hardcore pendant très longtemps parce que ce n’est pas en me faisant plaisir et en étant égoïste que j’arriverai à faire du Hellfest un festival super chouette. Il faut rester dans le fil de l’actualité.


Ton mot de la fin ?

C’est toujours difficile d’avoir un dernier mot après une discussion de deux heures. (Rires) J’espère que l’interview répondra à certaines questions, à certains internautes, j’espère que tout va bien se passer. On considère toujours que VS est le plus grand webzine français à nos yeux, je m’entends super bien avec Greg. On n’a pas commencé le Hellfest pour programmer Metallica et se faire du fric, on tient à notre éthique et essayer de fidéliser les fans des premières heures. Même si on comprend que le virage du festival puisse décevoir certains fans.

Un grand merci à Ben Barbaud, VS Greg et Seb d’avoir rendu cet entretien possible.
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