Barney - NAPALM DEATH par ARIS3AGAIN - 4311 lectures
Le passage de Barney, chanteur émérite de Napalm Death, en promo à Paris semblait tout simplement immanquable. Nous en avons donc profité pour le rencontrer et en savoir un peu plus sur le nouvel opus du groupe, « Utilitarian », qui sortira le mois prochain. Détendu et très sympathique, le frontman s’est révélé loquace, pour notre plus grand plaisir.



Dans quel état d’esprit étais-tu durant l’écriture d’ « Utilitarian » ?
Barney (chant) : Mon état d’esprit n’était pas vraiment différent de celui dans lequel j’étais pour les albums précédents. Quand tu commences à écrire, tu te dis « merde, j’ai encore vingt chansons devant moi à écrire » ! (rires) Je les fais une par une, genre « une de faite, deux de faites, et maintenant ? ». Mais au bout d’un moment, tu finis avec une bonne liste de morceaux, ils sonnent bien et ils peuvent être utilisés pour l’album. On a des chansons courtes, des chansons longues, mais ce n’est pas vraiment quelque chose de voulu ou de pensé. J’aime être direct, si tu peux faire quelque chose de bien en deux minutes musicalement et au niveau des paroles, pourquoi l’étaler à cinq minutes ? (rires) Mais ça finit toujours par fonctionner. Cinq minutes, c’est vraiment le plus long sur le disque, la majorité des titres fait deux ou trois minutes en général.

D’où tires-tu ton inspiration lorsque tu écris de la musique ?
Pour être honnête, je tire toujours mon inspiration des mêmes groupes des années 80-90 ! Les gens peuvent penser que je suis nostalgique ou des trucs du genre. Mais pour moi, ces groupes étaient vraiment spéciaux. Leurs enregistrements étaient simples, et ils le sont toujours. Bon après, si tu parles aux autres mecs de Napalm Death, ils te diront tous quelque chose de différent. Au niveau des paroles, ce sont surtout des thèmes humains, l’humanité en général, la critique du pouvoir, les puissants qui cherchent à protéger leurs biens.

Tu es quelqu’un qui lit énormément, y a-t-il des auteurs ou des livres qui t’ont particulièrement inspiré ?
Oui, j’adore lire ! Je lisais déjà des journaux quand j’avais quatre ans, j’adore ça. Les livres aussi, c’est quelque chose que j’aime beaucoup, surtout des auteurs comme Aldous Huxley, George Orwell. Ce sont des auteurs qui ont vraiment parlé de la signification du pouvoir, et ont disséqué toute la notion. C’est vraiment très intéressant, car je réfléchis beaucoup à ce genre de thèmes, et c’est très agréable de voir que c’est le cas pour d’autres et de découvrir leur point de vue sur le sujet. Après, je lis vraiment des choses très différentes, j’ai des goûts éclectiques. J’adore vraiment les livres en général.

Et quels sont tes auteurs préférés en ce moment ?
Mon auteur préféré en ce moment… Je n’arrive plus du tout à retrouver son nom ! Mais son livre parle de la seconde guerre mondiale, du Japon et de la situation en Asie à cette époque. Le bouquin montre vraiment toute la corruption et les relations de pouvoir, c’est très intéressant. Ce qui est dingue à ce sujet, c’est que l’auteur a reçu des menaces aux Etats-Unis, et il est en exode, car il a peur d’être assassiné s’il reste chez lui ! C’est vraiment incroyable comme livre, je suis vraiment à fond dedans. Au-delà de tout ça, mon auteur favori reste George Orwell, les personnages, les situations, tout est incroyable. Plus scientifique, le "Origins of Species" de Darwin, qui est aussi dingue. C’est un superbe ouvrage. Il y en a beaucoup d’autres… Comme la Bible ! Au niveau des histoires, c’est impressionnant. Le problème avec ce bouquin, c’est que des gens le prennent comme si tout ce qui est écrit dedans est la pure vérité, c’est un peu le souci ! (rires) Mais en tant qu’histoire, même un anti-religieux pur pourrait y trouver du bon. Si tu le lis comme "le Seigneur des Anneaux" par exemple, c’est un livre de barge, tu y trouves des meurtres, du sexe, de la violence ! (rires)

Donc la Bible fait partie des inspirations pour les paroles de Napalm Death ?! (rires)
(rires) Je ne sais pas si on peut vraiment dire ça, mais si tu le prends comme une simple histoire, oui… Plus jeune, j’ai lu le Nouveau Testament, l’Ancien, tous les tomes, vu que ma famille était très religieuse. C’est un super livre, vraiment ! (rires)

Pour en revenir à l’album, comment caractériserais-tu l’évolution de Napalm Death depuis les trente dernières années ?
Le truc avec l’évolution, c’est que tu ne réalises pas vraiment que tu évolues au moment où tu le fais. Tu ne sais vraiment quelle a été ton évolution que lorsque ton groupe se termine. Quand Napalm Death sera terminé, je pourrai vraiment répondre. J’ai du mal à donner des analyses spécifiques de la musique. Je pourrais simplement te dire qu’à chaque fois qu’on écrit un album, on essaie de faire un bon disque ! Autant dans la musique, les paroles, le tout, il faut tout faire pour avoir le meilleur disque possible. Après, on peut dire que dans ce nouvel album, on trouve quelques nouveaux éléments, comme des voix claires, des mélodies. Enfin, pas des mélodies au sens traditionnel du terme, mais tu trouves de nouvelles choses. Au final, notre musique et notre démarche sont simples.

Il est vrai que tu as essayé de nouvelles choses pour cet album, tu voulais tester de nouveaux trucs ?
Ca se fait un peu sur le tas. Après, il y a des moments où je chante quelque chose, je me dis que ça pourrait être génial, et puis je me retrouve au studio et je me rends compte qu’en fait, pas tant que ça… (rires) Mais la majorité du temps, ça se révèle assez bon. Quand on enregistre en studio et que les autres gars du groupe me disent que telle ou telle partie était super cool, ça fait plaisir ! C’est bien d’avoir des retours.

Même avec ces quelques mélodies, le disque reste vraiment très brutal !
Oui, c’est presque une anti-mélodie ! (rires) Ce que j’aime avec la musique, c’est que tu es très libre, tu peux faire ce que tu veux ! Qui dit que tu n’as pas le droit de mettre tes doigts comme tu le veux sur ta guitare et de faire des allers retours rapides si tu en as envie ? Ca a toujours été quelque chose que j’aime dans la musique. Si je ne veux pas mettre telle harmonique avec telle note, je ne le fais pas ! Il y a des albums géniaux avec les guitares complètement désaccordées ! (rires) Et ça déchire ! Il faut surtout de la motivation. C’est un tout. La musique brutale, c’est ce que j’aime. J’ai rejoint Napalm à la base parce que j’aimais l’éthique du groupe, mais surtout parce que la musique était complètement tarée, chaotique, incontrôlable. C’était ce que je voulais, je ne voulais pas faire autre chose. Avec le temps, on rajoute de la texture, des choses, mais c’est ce qu’on veut faire. Si Napalm se terminait aujourd’hui, je ne sais pas si je ferais un autre groupe. Parce que quand tu as fait quelque chose comme ça, comment peux-tu l’égaliser ? Je sais bien que c’est un peu égoïste, mais tu DOIS être motivé pour faire quelque chose. Ca ne sert à rien de faire quelque chose à 50% !

Peux-tu nous parler un peu du titre de l’album, « Utilitarian » ?
J’aime beaucoup la philosophie. Je ne suis pas « Monsieur Philosophie », mais je suis très intéressé par les mécanismes de la matière. Bien sûr, il y a beaucoup de courants, mais l’utilitarisme me semble intéressant. Je n’ai pas écrit à ce sujet juste parce que ça sonnait bien. Je voulais prendre la théorie et l’appliquer… Moi, en tant que personne, je pense toujours aux conséquences de mes actes, je n’aime pas le fait que certaines personnes soient plus égales que d’autres. L’idée est qu’une bonne action permettra une meilleure vie pour les gens en général, une bonne action aura de bonnes conséquences. Je ne me considère pas vraiment comme un utilitariste, mais le simple principe est intéressant. Parfois, je questionne les choses que je fais… Je suis végétarien, je ne bois pas, pourquoi est-ce que je m’en préoccupe ? Pourquoi je ne peux pas me contenter d’être comme d’autres et de faire tout comme j’en ai envie ? Je me demande si ça a vraiment un impact, et je me remets beaucoup en question. S’il y a une conclusion à tout ça, c’est qu’il faut le faire. Toute forme de protestation ou d’alternative est une voix. Si tu enlèves ta voix ou ton action, tu laisses de la place à d’autres pour s’exprimer. Si les gens arrêtent de hausser la voix et de protester, il n’y aura plus d’opposition. J’imagine qu’à partir de ça, c’est clair qu’il faut faire et dire ce genre de choses, ou les choses risqueront d’empirer. Après, l’utilitarisme en soi est compliqué, il y a différents courants et auteurs à l’intérieur de la branche, et il y a un aspect très moral. Et je ne crois pas en la morale. Je pense que c’est une chose fermée, qui permet à certains de se sentir supérieurs à d’autres à cause de telle ou telle action. Tu te retrouves avec des conflits, avec des gens supérieurs moralement. Ce n’est pas quelque chose de bon. La morale est amenée par la religion, qui l’utilise depuis très longtemps. L’Eglise n’a rien à apprendre à qui que ce soit, surtout lorsqu’elle ne peut même pas se l’apprendre à elle-même ! (rires)

Donc ton message serait de dire aux gens de penser et de défendre leurs propres convictions ?
Oui, c’est ça la chose importante dans les paroles de Napalm ! Je ne cherche pas à pousser les gens à être d’accord avec moi. Je ne suis pas supérieur. Je pense que chacun a le droit d’exister dans un monde plus ou moins transparent, dans lequel on voit ce qui fonctionne et ce qui est corrompu.

Parlons un peu de la tournée à venir du groupe maintenant ! Vous avez prévu plusieurs shows en France d’ici quelques mois, prévoyez-vous quelque chose de particulier ?
On prévoit toujours des petites choses. Déjà, on va essayer de trouver une bonne set list. On va proposer des chansons nouvelles, on a vraiment envie de changer notre set list. On a aussi prévu quelques festivals, comme le Hellfest, on va en faire pas mal !

Puisque tu parles des festivals, est-ce que c’est différent pour toi de jouer devant des milliers de personnes en festival ou quelques centaines en salle ?
Pour moi, tous les concerts doivent être faits de la même façon. Je sais que ça fait un peu cliché ! (il prend une grosse voix) Je m’en fous de jouer devant 2 ou 20 000 personnes ! (rires) Plus sérieusement, je me dois de me donner au maximum, car les gens, peu importe leur nombre, sont venus jusque là, ils ont parfois fait de la route pour être là et t’écouter jouer. Ils le méritent. Parfois, tu peux être malade, te sentir mal, mais il faut faire le mieux possible !

Pour en rester sur tes fans, un album cover de « You Suffer » est sorti récemment...
Oh je ne savais pas ! Enfin, je sais que des groupes en font régulièrement, mais je ne savais pas qu’un disque était sorti récemment !

Quelle est ton opinion dessus ?
Bien sûr, c’est cool, c’est flatteur. Mais c’est très important pour moi de garder les pieds sur Terre. Tu n’es bon que jusqu’à ton prochain album ou ton prochain concert. C’est bien entendu super sympa lorsque les gens font ce genre de choses. Mais beaucoup de groupes ont souffert, car ils ont cru un instant qu’ils marchaient sur l’eau, tu vois ce que je veux dire… Quand tu commences à croire ça, ton groupe commence à ne plus être aussi bon ! (rires) J’essaie d’éviter ce genre de choses ! Je me contente de rester moi-même, la même personne qu’il y a vingt ans. Je n’ai pas à prétendre à être quelqu’un d’autre, je suis juste moi. Je suis quelqu’un de simple. Toutes ces conneries de Rock’N’Roll, c’est bien sympa, mais je n’ai pas besoin de devenir un stéréotype. Je suis très satisfait d’être moi-même. Enfin, en général, on a tous des mauvais moments ! (rires)

Rien à voir, mais j’ai entendu dire que vous allez jouer dans la série Skins ?
Oui, on l’a fait ! On joue live pendant une scène, c’était intéressant. C’est une grosse série. C’était marrant d’être sur le plateau, de voir comment ça fonctionne. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait avant. On a joué live, et voilà ! C’est un peu comme filmer un clip, mais c’était quelque chose de nouveau.

Voilà, notre temps est terminé, je te laisse le mot de la fin Barney !
C’est toujours la même chose, mais c’est toujours aussi vrai ! (rires) Merci à tous pour votre soutien. J’ai envie de dire pour finir qu’on me demande souvent comment sont les fans et les kids dans tel ou tel pays. Pour moi, c’est toujours les mêmes, il n’y a pas de grandes différences selon la nationalité, ça reste des jeunes! Pour certains groupes, c’est très difficile de jouer en France, mais pour nous, ça s’est toujours bien passé ! Honnêtement, je me demande parfois pourquoi nous et pas tel ou tel groupe ! On apprécie vraiment ça !
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