- DOSSIER METAL RUSSE par MONCEAU - 3680 lectures
Atypique et original, VS vous propose aujourd'hui un dossier sur les origines du metal russe. Fruit d'un long travail, monceau est partie en quête des acteurs et témoins de la naissance de notre bruit préféré dans l'ère soviétique.


Préambule
Le dossier qui vous est proposé retranscrit l'histoire de la naissance du mouvement métallique en Russie, naissance qui est sans doute corrélée avec l'évolution du metal en général mais avec des spécificités nationales. Une des particularités est de taille - les débuts du mouvement remontent à l'époque de l'Union Soviétique. Faire du metal en URSS, autre que celui qui sortait des usines stakhanovistes,  - voilà une entreprise bien périlleuse ! Un article chronologique vous est proposé, appuyé par les témoignages des acteurs de la scène russe de l'époque qui ont vécu cette période de grands chamboulements des esprits, de mode de vie, d'ouverture au monde.

Je vous fais une confidence: si j'avais su qu'il aurait été aussi difficile de récolter ces témoignages, je me serais jamais aventurée dans cette histoire. La difficulté principale a consisté dans le fait que ceux qui m'intéressaient ont une moyenne d'âge de 50 ans aujourd'hui et que beaucoup ne sont plus aux affaires. Certains ont refait leur vie autrement tant bien que mal, certains sont tout simplement morts. Je voudrais donc remercier la personne qui m'a donné un coup de pouce capital en me mettant en relation avec certaines personnalités. Il s'agit du passionné de heavy metal russe malgré son jeune âge (une petite trentaine) – un des administrateurs du grand webzine russe consacré au heavy metal soviétique www.metalrus.ru - « russian heavy metalhead », Vitaliy « Steel ».


Les années 70
Pendant que le mouvement hard-rock prend de l'ampleur en occident, la scène soviétique reste très modeste. La qualité d'exécution, les moyens techniques ne sont pas suffisants. Les musiciens n'ont pas vraiment de possibilités d'acquérir les techniques nécessaires pour jouer ce genre de musique. Ceci s'explique en grande partie par la position de l'Etat par rapport à ce style musical qui est considéré comme anti-communiste et amoral.
Certains collectifs apparaissent mais restent dans le monde underground (« podpolié » en russe). Dans la plupart des cas il s'agit des clones des groupes les plus célèbres et les plus aimés par le public soviétique de l'époque : Deep Purple, Led Zeppelin, Black Sabbath, etc.


Les années 80
Dans le monde, le metal apparaît enfin comme un style à part entière. En URSS toute une pléiade de groupes de reprises apparaissent qui reprennent des monstres internationaux comme AC/DC, Metallica, Iron Maiden, etc. La popularité de ces formations s'explique très facilement – le pays est toujours isolé, et si aujourd'hui aucune grande tournée ne rate Moscou, il y a quelques décennies la situation était bien différente. Que faire ?!
Et on n'y échappe pas – certains collectifs ne se gênent pas pour se débarrasser du préfixe « cover » en s'appropriant ambitieusement des styles de sonorités notoires. Par exemple E.C.T. est considéré comme un clone direct de Motörhead, ou bien INTEGRAL ressemblant étrangement à IRON MAIDEN. Au début des années 80 Moscou est devenue une vraie pépinière de groupes jouant du heavy-metal au thrash. Les monstres soviétiques tels que KORROZIA METALA (1983), LEGION (1981), CHERNIY KOFE (1986), CHERNIY OBELISK (1986), KRUIZ (qui joue du metal à partir de l'arrivée de Valeriy GAINA à partir de 1985), ARIA (1983), MASTER (ex-ARIA, 1986) ont vu le jour. Parmi les groupes de Leningrad (actuellement Saint-Pétersbourg) le groupe AVGUST a réussi à atteindre les sommets de la popularité.

Mais alors comment ces groupes ont-ils réussi à rassembler des stades et à vendre des vinyles par millions (12 millions (!!!) pour KRUIZ par exemple) dans un pays où le sexe, les drogues et le rock'n'roll n'existaient pas (tout du moins d'après ce qu'on nous affirmait) ? !
Sachez que tout a été compromis quand le pouvoir a été repris par Andropov (et plus tard par Chernenko), devenu le premier secrétaire de l'URSS. Avec ses idées conservatrices, de bien nombreuses libertés ont été réduites une fois de plus. Les groupes jouant du metal ont été blacklistés en 1985 par le Ministère de la Culture qui les considérait comme les « membres douteux de l'underground ». Les formations ont subi l'interdiction formelle de se produire où que ce soit.

Fort heureusement la situation change dans la deuxième moitié des années 80 avec le début de la Perestroïka et avec l'arrivée des notions jusqu'ici inconnues comme « glasnost ». En 1986 les premiers rock-festivals ont lieu à Moscou comme Rock-Panorama, Lituanika. Les événements obtiennent une large couverture médiatique, plutôt favorable à ce genre de musique. Le label officiel de l'Etat « Melodia » édite des vinyles. De nombreuses initiatives de supports de la part de l'Etat ont vu le jour comme la création du rock-laboratoire de Moscou qui a accueilli pas mal de formations, CHERNIY KOFE et KORROZIA METALA entre autres.

En 1987 Melodia produit le premier album « Perestupi Porog » du groupe CHERNIY KOFE qui s'est vendu en tirage-record – 1 971 960 exemplaires. Il faut dire que la Russie est déjà dans la logique du capitalisme à l'époque. Plusieurs administrateurs des établissements culturels de l'Etat se sont lancés dans le business en devenant les managers des groupes de metal. Notamment ARIA et CHERNIY KOFE ont été gérés par Viktor VEKCHTEYN et Ovanes MELIK-PACHAEV – des producteurs renommés de l'époque soviétique. Ayant toutes les infrastructures et les contacts nécessaires ils n'ont pas eu beaucoup de mal à organiser les tournées grandioses en remplissant les stades. Le mouvement est à la mode et de nombreux artistes populaires de la scène pop s'en inspirent.

Les médias suivent la tendance. La presse spécialisée fait son apparition : Rock-city, Zaraza, Tra. Les émissions de radio sont consacrées à ce style comme « March brosok », « Rock nariad » (radio « Yunost »), « Rock-intensiv »(radio « Rossia »), « Kuznica » (radio « 101 ») et etc. La télévision propose des émissions « Nerjaveechka », « Rjavie provoda », « Zeleniy koridor »…
A la fin des années 80 on voit l'apparition des groupes-pionniers du thrash russe comme FRONT (1986) ou SHAH (1987) qui se caractérise par ses textes en anglais. La diversification des styles présents sur le sol russe se poursuit avec les groupes de metal extrême dans les veines de Bathory et Celtic Frost comme RUSSKAIA ZIMA avec la démo « Pervie Zamorozki ».


Les années 90
Le pays subit une des crises économiques les plus importantes de son histoire, il s'agit tout simplement du crach de toutes infrastructures économiques, politiques et sociales du pays. Les intérêts des gens se réduisent aux besoins primaires qui sont la survie physique tout simplement. La motivation pour le metal retombe en Russie post-soviétique. Le style revient à un état underground encore plus profond qu'auparavant.


Témoignages

Interview d'Aleksandr « Sam » LVOV – co-fondateur et guitariste du groupe de thrash russe HELLRAISER

Interview d'Aleksey GLEBOV – rédacteur, ensuite le rédacteur en chef du magazine Rock City dans les années 90, l'ex-manager d'ARIA

Interview de Dmitriy KULIKOV – photographe et rédacteur du webzine russe www.headbanger.ru

Interview de Valeriy GAINA – musicien et guitariste-virtuose, leader du mythique groupe russe KRUIZ.

Liens:
Hellraiser - Rockets in the Air
Hellraiser - No Brain No Pain
Kruiz - Iron Rock (prestation à la télé)
Kruiz - Piligrim (live in Omsk, 1987)
Kruiz - Intro (live in Omsk, 1987)
Gaina – Kogda (live 2009)

Autres projets de Gaina :
MySpace de Gaina
Audiostreet de Karma
Audiostreet de Insulated


En conclusion
Bien qu'on puisse reprocher souvent aux groupes russes des années 80-90 leur manque flagrant d'originalité, en aucun cas cela ne veut dire que l'existence de ces formations n'avait pas de sens. Les groupes comme ARIA, CHERNIY COFE, KORROZIA METALLA, sans parler de KRUIZ qui était tout simplement l'électrochoc mental et auditif pour tout un pays en état de stagnation profonde, ont su trouver leur voie en faisant le metal « à la russe » avec les mélodies prenantes et compréhensibles même après une bouteille de la vodka. Ces groupes sont aimés pour leur capacité à prendre le meilleur de l'occident en l'adaptant au contexte bien particulier du déclin de l'URSS. Ils ont bercé l'adolescence metallique de pas mal de monde et méritent le respect d'avoir fait la musique qu'ils aiment dans les conditions pas franchement faciles.


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