Paul Allender (guitare) - CRADLE OF FILTH par SEB ON FIRE - 2452 lectures
Ce n’est pas tous les jours que Cradle Of Filth déboule à Paris, donc quand on nous offre la possibilité de discuter musique, cinéma et arts martiaux avec Paul Allender, on y réfléchit pas à deux fois. Les légions noires du crew VS étant trop occupées à défier la morale avec des brebis et de jeunes gothiques de banlieue lors d’étranges messes noires sises dans le garage de Prince de L., c’est donc moi qui m’y suis collé. J’y connais rien en black metal ni en maquillage mais après un cours de rattrapage sur youtube et une après-midi shopping chez Séphora, j’étais fin prêt à affronter la bête. Résultat ? Paul est mec cool.


Alors, comment se passe ce séjour à Paris ?
Ben en fait, on est arrivés à 1h du matin, là on fait des interviews toute la journée et ce soir on repart directement pour l'Italie.


Ah je vois. Je vais essayer de ne pas trop vous ennuyer avec mes questions.
Bah ne t'inquiètes pas, la nourriture est bonne donc le reste,... (rires).


Parlons un peu du nouvel album qui est basé sur Lilith. Pouvez-vous nous parler un peu du concept et de l’ambiance général de l’album ?
OK, je vais essayer même si je ne suis pas trop familier avec le concept qui vient de Dani. Pour aller à l'essentiel je vais te parler de la musique. Cet album a été composé d'une certaine façon à retrouver, dans une forme différente, les mélodies et les arrangements de « Cruelty And The Beast ». Ensuite Dani est venu avec l'idée d'écrire sur Lilith. Et comme c'est un personnage mythologique plus qu'historique, il a pu ajouter pas mal de chose de son cru au mythe, pour, au final, tourner ça en conte de fée gothique et tordu. Après je ne peux pas vraiment t'en dire plus parce que c'est lui qui a écrit l'histoire et toutes les paroles.


Si Dani est venu avec le concept, l’histoire, les paroles et toute la partie « littéraire », quel est l'apport des musiciens ?
Il faut savoir que dans ce groupe, c'est toujours la musique qui vient en premier. Nous composons la musique d'abord. Toujours. Ensuite viennent le concept et les lyrics. J'écris la musique et les arrangements de 4 ou 5 morceaux. J'écris chaque morceau de façon indépendante pour que, même de façon indépendante, sans entrer dans le concept général de l'album, elles restent de bonnes chansons. Ensuite je vais voir Dani, qui écoute tout ça et se met à réfléchir à certaines choses, à une histoire, un concept, des personnages, des paroles. Et, à ce moment-là, on voit si elles peuvent s'intégrer dans la continuité de l'album. Donc comme je te le disais, contrairement à ce qu'on pourrait croire, tout commence toujours par la musique.


Vous avez enregistré l'album dans un cadre très bucolique, le Monkey Puzzle studio, dans la campagne anglaise. N'est-ce pas paradoxal pour réaliser un album de metal extrême?
Non, c'est beaucoup plus facile (rires). Là-bas tu n'as aucune distraction. L'atmosphère est calme et relaxante, car c'est vraiment au milieu de nulle part, tu as besoin de prendre ta voiture dès que tu veux aller quelque part. Une autre chose importante avec ce studio c'est que, comme les autres membres du groupes vivent en Angleterre, moi je vis aux USA, le studio n'était qu'à vingt minutes de voiture de chez eux, il pouvait donc rentrer chez eux quand ils avaient fini d'enregistrer leurs parties. C'est important d'être isolé quand tu enregistres, de cette façon tu peux vraiment être concentré sur ce que tu fais. Là-bas tu n'as pas de tentations, il n'y a pas de bar, de boîtes de striptease ou d'autres trucs comme ça. C'est l'endroit parfait pour enregistrer un album.


Depuis "Midian", Cradle est revenu au son plus old school, plus thrash de "The Principle Of Evil Made Flesh", le premier album ?
Oui, tout le monde nous dit ça (rires) !


Est-ce une façon de vous démarquer de toute la scène black sympho avec laquelle vous avez toujours pris vos distances ?
Je ne sais pas… je ne sais pas si c'est une décision consciente de notre part. Je ne sais pas vraiment comment te l'expliquer. Nous laissons juste venir les choses comme elles viennent et on voit ce qui en sort. On ne décide rien à l'avance, on ne se dit pas « Cet album devrait sonner comme ça », « On devrait essayer de faire ça sur cet album ». On compose, on joue et on voit juste ce qui se passe. Bien sûr si c'est pourri, on va se dire que c'est de la merde. Mais heureusement pour nous, 80% de ce qu'on joue est utilisable d'une façon ou d'une autre. Pour en revenir à ta question, cette fois, nous avons décidé d'aller plus vite, de jouer plus vite. En fait j'aime vraiment beaucoup les derniers albums « Godspeed » et « Thornography » parce que je trouve qu'ils reviennent à des sonorités plus anciennes justement. Nous avons essayé d'aller encore plus loin dans la vitesse et les mélodies. Je suis vraiment content de voir comment ça a tourné. Les vocaux aussi sont vraiment excellents. D'ailleurs, jusqu'à maintenant, nous n'avons eu aucune mauvaise remarque sur cet album donc c'est plutôt une bonne chose (rires).


Par le passé vous aviez déclaré faire du « vampiric metal ». Est-ce toujours le cas ou bien c’était juste une appellation parmi d’autres ?
Oh, c'est un truc qu'on a dit comme ça. Pour être honnête, peu importe quelle étiquette on nous colle. Que ce soit « Heavy Metal », « Black Metal », « Death Metal »... C'est juste une appellation qu'on peut coller sur la musique, comme ça la presse peut parler de vous. Tu vois ce que je veux dire ? Je ne sais pas vraiment en fait (rires). Chaque fois que quelqu'un parle de notre musique, il arrive avec une nouvelle définition, un nouveau nom. Sur cet album, je pense qu'on ne pourra pas vraiment nous catégoriser en pointant un doigt vers nous en disant « ». C'est plutôt une bonne chose. Je pense qu'on n'est pas vraiment un groupe de Black Metal. Si tu prends les groupes de true black, ils ne sonnent pas du tout comme nous ou comme Dimmu Borgir. On n'a pas grand-chose en commun. Je ne sais pas, je dirais qu'on est un « Extreme Heavy Metal band ». Sur le dernier album on avait des plans de percussions jazz mais on n'est pas un groupe de jazz pour autant. Tout ça est mixé avec les orchestrations, les mélodies, les guitares, on prend des influences dans plein de style différents donc... voilà.


Comment ça se passe quand vous composez avec Cradle ? Vous écrivez en studio, sur la route, en répétition ?
On fait des démos. Avant d'entrer en studio, on a tous les morceaux, terminés en version démo. Tout est déjà composé, musique, mélodies, orchestrations, même la voix. J'enregistre et j'assemble tout chez moi, sous forme de démos. On a toujours fait ça. On écoute les morceaux tous ensemble, puis en studio on peaufine, on retravaille chaque morceau, on met tout ensemble. On s'occupe surtout des détails et de la finition. Mais on ne compose jamais en studio.


Votre producteur Scott Atkins, a déjà bossé avec vous sur les guitares de l'album précédent. Comment a-t-il abordé le nouvel album, sachant qu'il avait la responsabilité de toute la musique cette fois?
Il avait en effet enregistré et produit les guitares sur le dernier album et on avait aimé le son qu'il avait obtenu, il était vraiment bon et voilà, aussi simple que ça. Cette fois il a fait les guitares, la batterie, tout et ça sonne putain de bien (rires) ! Scott est vraiment brillant.


En quoi l'écriture d'un concept album diffère-t-elle d'un disque classique? Que préfères-tu? Album concept ou morceaux sans lien?
La seule différence entre les deux est que sur un album normal, chaque chanson va dans la direction qu'elle veut au niveau de la composition ou des paroles tandis que sur un album concept elle doit s'intégrer dans un cadre défini, une histoire plus générale avec un début , un milieu et une fin. Sinon pour moi, je joue exactement de la même façon, je compose sans savoir si il y aura un concept précis ou pas, tout ça vient après. Je joue de la musique et après on s'occupe du reste.


Vos compos et votre style ont beaucoup évolués d'un album à l'autre. Quelles ont été les influences notables sur votre jeu depuis ces deux dernières années?
Ben en fait, c'est juste moi qui joue de la guitare, j'ai pas vraiment d'influences en fait. Je suis assez chanceux car chaque fois que je joue sur un album, quoi que je fasse, il en sort des choses très différentes. Je suppose que je fais partie de ces guitaristes qui, quoi qu'ils jouent, sortent toujours un truc différent. Ça doit venir du fait que, depuis que je joue de la guitare, je n'ai jamais joué de reprise, je n'ai copié le style de personne, j'ai, dès le début joué mes propres riffs avec mon propre style. C'est pour cela que je peux facilement composer et jouer des choses différentes.


Pensez-vous que le line up du groupe, le même depuis 2008, soit enfin stabilisé?
Je pense que oui car chaque personne fait ce qu'il faut sur album et dans la vie du groupe. Les choses marchent bien entre nous donc quand on travaille, ça marche. Cette fois on a vraiment l'impression d'être un groupe.


Il y a toujours eu beaucoup de changements de line up dans le groupe, est-ce qu'à un certain moment, cela a nui à sa stabilité et a pu remettre l’avenir du groupe en question?
Non, vraiment pas. On a toujours été assez fort pour rester ensemble et continuer d'avancer. Quand un membre quittait le groupe, en fait on intégrait rarement de nouveaux membres, ce sont souvent d'anciens musiciens qui revenaient dans le groupe. On n'a jamais vraiment dû repartir de zéro. Le groupe a toujours été une « revolving door » pour les anciens membres (rires).


Dani a la réputation d’être très exigeant, voire d’être un tyran. Est-ce si compliqué de bosser avec lui ?
Nooooon. Regarde ça fait très longtemps que nous bossons ensemble, il me laisse faire ce que je veux dans le groupe, et je pense que ça marche pas mal, on fonctionne bien ensemble. Tu sais, dans le passé on a eu d'excellents musiciens dans les groupes, des mecs capables de sortir des solos de guitares extraordinaires, mais dont la personnalité ne collait pas avec le groupe. Parfois on n'est juste pas la bonne personne pour le bon groupe et voilà, ça ne peut pas coller. Mais ça ne remet en rien en question la qualité des musiciens qui ont quitté Cradle Of Filth.


Avez-vous planifié une tournée ou une série de concerts pour défendre cet album ?
Oui bien sûr. On va commencer en Amérique du Sud au mois de décembre. Ensuite à partir de février on attaque l'Amérique du Nord et on essaye aussi de booker une tournée pour l'Europe. On aimerait venir au Hellfest en fait (rires).


Que peut-on attendre de cette tournée ? Un gros show ou un concert plus roots ?
Un très gros show. On aura quatre scènes différentes et on changera de setlist à chaque concert comme ça les fans qui viendront à plusieurs shows, entendront des morceaux différents. On aimerait monter un concert en quatre parties. La première basé sur le concept de Lilith et ensuite un spectacle en trois actes avec, entre chaque changement d'actes, des morceaux instrumentaux qui feraient la transition. Ces trois actes auraient des décors, des lumières, des ambiances différentes, les musiciens porteraient de costumes différents et le concert raconterait en fait une histoire complète. Maintenant, c'est ce qu'on aimerait faire mais il faut voir si ça va marcher (rires). On aimerait vraiment faire ça comme une pièce de théâtre musicale.


Cradle a souvent fait des reprises, très personnelles qui plus est. A quand un album entier de reprises?
Ho non, non, non, non. Je n'aime pas les covers, d'ailleurs sur ce nouvel album on s'est bien gardé d'en faire.


Le nouvel album sort chez Abracadaver - conjointement avec Peaceville Records. Dani Filth a décrit la démarche comme étant "un choix de s'éloigner de l'étroitesse d'esprit et des restrictions artistiques imposées par les grandes maisons de disque".
As-tu des exemples de restrictions artistiques que vous avez du subir par le passé?
Je vais te donner un exemple précis. On va sortir une édition limitée avec un livre de 62 pages. Ca aurait été impossible sur un autre label. Donc ce livre de 62 pages sera plein d'infos dont la description et l'explication, morceau par morceau, des paroles et de l'histoire de Lilith. En plus de ça, il y aura trois CD avec seize chansons, des clips, un documentaire, des cartes postales, un t-shirt, un artwork différent en 3D et tout un tas d'autres trucs. On n'aurait jamais pu faire ça sur un de nos anciens labels. Il y aura donc l'édition normale avec 11 morceaux, une édition avec 16 morceaux et un artwork différent et enfin l'édition dont je viens de te parler. On est vraiment très heureux avec Abracadaver. Ils ont fait un excellent boulot avec la presse, on doit jouer pour MTV Allemagne. Ils ont fait énormément de choses pour nous, du super boulot. Ce qu'aucun autre label n'avait fait.


Est-ce que l'album "Goetia" de 1992 sortira-t-il un jour ?
(Rires) Non, non. Définitivement non. Nous aimerions plutôt sortir un album instrumental sans guitares, sans voix, sans batterie, juste de la musique orchestral. Ça sonnerait très Danny Elfman.


Quel est votre opinion à propose de la parution du DVD "Eleven Burial Masses", sachant qu'il ne proposait rien d'autre que du matériel déjà sorti quelques années auparavant sous une forme et/ou un nom différent?
J'en ai pas vraiment en fait… On a, de toute façon prévu de refaire un DVD pour cette tournée. J'ai rien contre « Eleven… » mais je préfère largement « Peace Through Superior Firepower » mais ce prochain DVD, basé sur Lilith, touchons du bois et croisons les doigts, sera vraiment excellent.


Je sais que vous êtes de très grands fans de cinéma, n’avez-vous jamais pensé à travailler comme compositeur pour le cinéma ?
Oh oui on en parle souvent. C'est une chose qu'on aurait très envie de faire, mais nous sommes vraiment tous très occupés avec Cradle... Où trouverions-nous le temps de faire ça ? Quand on a un temps mort avec le groupe, on se met à écrire et composer un nouvel album, ensuite on enregistre, on assure la promo et on part en tournée, toujours le même cycle. Du coup on a vraiment pas le temps. Mais oui, on y a déjà sérieusement pensé, et ce serait génial de le faire.


Imaginons que vous avez une année complètement libre, sans aucune obligation, pour quel type de film ou avec quel réalisateur aimeriez vous travailler ?
Le réalisateur serait définitivement Tim Burton, je crois que le monde et l'univers cauchemardesque de Burton s'y prêterait mieux qu'un film de Steven Spielberg par exemple (rires).


Vous pratiquez intensivement les arts martiaux, vous pouvez nous éclairer la dessus ?
Oui parfaitement. Je pratique le karaté. Plus précisément le Wado Ryu Karaté (NDLA : Wado Ryu signifie approximativement école de la voie de la paix. Le Wado-Ryu est considéré comme ayant été le tout premier style spécifiquement japonais de karaté). Je le pratique depuis l'âge de six ans. Je pratique aussi et enseigne le Yoseikan un mix de judo, d'aikido, de jiu -itsu et de combat au sol, le tout mixé avec le Wing Chun et le Seven Star Praying Mantis, deux styles de kung fu.


En quoi la pratique des arts-martiaux vous influence dans votre vie de musicien ?
Ca m'influence énormément, d'autant plus que je le pratique depuis que j'ai 6 ans, autant dire depuis toujours. Ça m'a inculqué une sacré discipline personnelle. Discipline de vie, de travail, ça m'a appris à respecter les autres, appris à avoir un regard différent sur la vie. C'est une chose qui est vraiment ancrée en moi. Ça me permet d'avoir un rapport beaucoup plus tranquille et vrai avec les gens autour de moi. Je peux tout de suite repérer les beaux parleurs et les grandes gueules, des choses comme ça. J'ai l'impression que les arts martiaux m'ont appris à mieux percevoir les gens et le monde qui m'entoure. Ça m'aide aussi à rester calme et à relativiser pas mal de choses, ce qui est primordial dans ce milieu.


Je viens de Belgique et du milieu hardcore donc je connais bien le travail de Cindy Frei, j’ai été surpris de voir que vous meniez un projet photographique commun appelé Vomitorium. Vous pouvez nous en parler plus en détails ?
Oui c'est ça, même si ça fait quelque temps que je n'ai plus travaillé avec Cindy. Basiquement c'est du « dark art », elle prend des photos et je me charge de les retoucher et les retravailler numériquement avant de les proposer à la vente. Le résultat est, je trouve vraiment magnifique (rires). Récemment j'ai réalisé quelques nouvelles choses, plus avec Cindy mais avec un autre photographe qui, comme moi, vit aux Etats-Unis pour le groupe Dawn of Ashes. En fait j'étais directeur artisitique pour tout le shooting photo. Le concept est celui d'une enfant qui lit le Necronomicon et qui est entourée de démons. Ces photos sont assez torturées avec pas mal de costumes, de maquillages gore, de symboles ésotériques, du sang etc, etc. Elle finira clouée au sang, couverte de sang, le visage arraché et toute sorte de joyeusetés de ce genre (rires). On a aussi un projet d'exposition dans une galerie de Mineapolis et ce genre de choses.


Ca semble prometteur ! Vous n’avez jamais pensé a mixer votre travail photo avec la musique de Cradle Of Filth ?
Oh non, je pense que ça ne collerait pas, ce sont deux univers artistiques complètement différents. Cradle est plus « beau », plus gothique comparé à mon travail qui est plus horrifique, plus rentre-dedans. Cradle s'inscrit plus dans le genre gothique à la Tim Burton alors que de mon côté, mon travail s'apparente plus à Evil Dead. (rires).


Un dernier mot, une dernière chose à ajouter ?
Merci pour m'avoir consacré un peu de ton temps d'abord. Je voudrais aussi remercier les fans d'être là depuis si longtemps car sans eux, on ne serait pas là en train de se parler. J'espère qu'ils aimeront le nouvel album. Voilà (rires)!


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