- BLOCKHEADS par COBRA COMMANDER - 2404 lectures
La sortie d'un DVD de BLOCKHEADS méritait bien que je me sorte les doigts du cul pour pondre une interview, non?
C'est parti!!!



Vous venez de sortir votre premier DVD. Au pays du Grind, c'est quelque chose de relativement rare. Pourquoi avoir lancé un tel projet? Qui semble casse-gueule… Il paraît que la musique ne se vend plus…
L'idée d'un DVD de BLOCKHEADS traînait depuis déjà pas mal de temps dans nos esprits et Seb de TDK/Aragami (qui avaient auparavant réalisé le DVD des 15 ans d'INHUMATE) est un de nos vieux potes. Ces dernières années, on se recroisait de temps à autres et à chaque fois, on ré-évoquait la possibilité de réaliser ce DVD, sans pour autant voir l'opportunité de le faire.
A l'été 2008, on a su qu'on jouerait en novembre avec NAPALM DEATH à l'Autre Canal, via Metal Ride. C'était pour nous l'occasion de demander à Seb de mobiliser ses troupes, et d'être enfin dans du concret. Après les captations, ça a été un bon nombre de week-ends passés au montage vidéo pendant en gros une année, pour sortir ce DVD il y a peu… Sinon, dire que c'est casse gueule, effectivement, quand tu regardes le coût total du projet ça fait un peu flipper, mais on n'aurait pas pris ce risque si on n'y croyait pas et a priori, on ne s'est pas planté.


Qu'est-ce que vous espérez de ce DVD? C'est une sorte de cadeau pour les fans qui vous suivent depuis plus ou moins longtemps ou est-ce dans un but plus précis… du genre asseoir une bonne fois pour toute votre notoriété à l'étranger?
C'est plein de choses à la fois, tout dépend de l'angle sous lequel tu veux voir ce projet. C'est vrai que c'est une sorte de cadeau pour ceux qui nous apprécient. On a voulu mener ce projet à fond, on s'est donc investit dans la réalisation, aux côtés de Seb et de son équipe qui étaient déjà bien motivés pour que l'objet ait de la gueule, niveau son et images. De plus, il semble peu réaliste qu'on sorte un jour un second DVD, alors il ne fallait pas louper notre coup. En même temps, c'est clair qu'au-delà de la musique, c'est un outil promo assez fort s'il est bien réalisé. Quant à la notoriété de BLOCKHEADS à l'étranger, elle est ce qu'elle est, on n'a pas fait ce DVD pour prouver quoi que ce soit.


Aujourd'hui, les musiques dites extrêmes en général et le Grind Core en particulier semblent bénéficier d'un intérêt particulier… Le genre est un peu plus en odeur de sainteté qu'il y a une dizaine d'années.
Avez-vous ressenti cela et est-ce que cela vous a permis d'ouvrir des portes jusqu'alors closes?
Peut-être que le genre est un peu plus abordé, surtout depuis l'apport de Nasum pour la reconnaissance de ce style, maintenant on ne trouve pas que ça nous ait ouvert plus de portes.


Vu que le soufflé n'est pas encore totalement retombé, j'en profite… Quelle a été votre réaction vis-à-vis des propos de la mère Boutin et de de Villiers sur le Hellfest et à propos de tout le foin qui a entouré cette "affaire"?
Vous qui crapahutez dans l'Underground depuis pas mal d'années, croyez-vous que la liberté d'expression dépende de décisions politiques?
C'est la vieille droite catho qui cherche à fédérer basiquement ses troupes contre un ennemi commun, bien désigné, peut-être pour faire oublier que les voies de Dieux sont impénétrables, à l'inverse de celles des enfants de chœur… On aimerait pouvoir dire qu'ils nous font rire avec leur vertu et leur modèle et culture hérités d'un autre temps, mais quand même il y a une profonde intolérance aussi conne que celle de certains groupes Metal d'autre part…
Il arrive que certains reprochent au Grindcore ses textes engagés, l'exemple de Boutin et consorts montre bien qu'il ne faut pas s'arrêter qu'à la musique, si tu veux faire percuter les gens il ne faut pas transiger.
Par contre dire que la liberté d'expression dépend de décisions politiques… pour nous c'est clairement l'inverse, c'est à la politique de s'adapter et d'accepter que la liberté d'expression n'est pas discutable. C'est un droit.


Une partie de votre DVD a été enregistrée à la Miroiterie qui va bientôt devoir fermer ses portes… Beaucoup de petites salles sont aussi menacées (à Paris et en Province) est-ce que vous considérez cela
comme une menace qui planerait au-dessus des musiques
"bizarres"? Ne craignez-vous pas qu'au nom du pognon la culture s'uniformise et ne se nivelle par de bas?

Oui, des "petites" salles ferment à droite et à gauche, mais 'y a toujours des passionnés qui trouveront des moyens pour organiser des concerts, c'est parfois roots mais ça a du bon, c'est authentique, surtout pour les concerts dans les squatts. Mais c'est clair que les grosses structures bouffent les petites salles, on a l'exemple à Nancy où toutes les subs sont parties à l'Autre Canal, alors oui: la culture s'uniformise, mais seulement pour ceux qui veulent faire partie de ce système et en accepter les règles et les contraintes. Les autres trouvent heureusement le moyen de jouer ailleurs, il y a toujours moyen et la culture se trouve en grande partie là, tout dépend de ce que tu cherches à faire ou à voir… Les espaces auto-gérés sont des bonnes choses pour les groupes qui ne se prennent pas pour des stars, mais c'est vrai que les moyens donnés à ceux qui veulent faire vivre cette culture parallèle se raréfient et c'est un vrai problème pour la diversité et l'ouverture d'esprit. Il faut du courage et de la volonté pour monter des projets non aidés. Merci à tous ceux qui le font d'ailleurs.


Lorsque l'on assiste à vos concerts ou que l'on peut voir votre DVD, on sent que – pour BLOCKHEADS – le live est quelque chose de fondamental, de vital presque...
Est-ce que je me plante si je dis que - pour vous - il s'agit d'une communion presque religieuse avec le public?
Oui, les concerts c'est vital et la communion avec le public est très importante, on n'est pas au-dessus du public. On fait notre musique avec nos trippes, on ne voit pas comment on pourrait faire ce style autrement, sans ressenti, et le public est un puissant stimulant. Il y a souvent une interaction réciproque forte c'est vrai, et de toute manière BLOCKHEADS n'existerait pas s'il n'y avait pas le live, on ne fait pas ça que pour nous.


La sortie d'un DVD marque souvent la volonté d'un groupe à faire un point sur sa carrière. Avec le recul, comment analysez-vous votre évolution aussi bien dans la musique que dans le milieu qui l'entoure...
Est-ce que vous éprouvez des regrets ou une nostalgie par rapport à une époque révolue?
On évolue surtout au niveau de nos goûts musicaux, tout en essayant de rester axés Grindcore, sinon on partirait dans trop de directions musicales différentes, genre Crust, Sludge, Indus ou Doom… Bien que parfois ça ressorte quand même... On essaye de rester cohérents dans notre style, mais on a envie aussi de se faire plaisir, c'est ce qui fait que ça peut barrer dans un style ou un autre sur certains morceaux, mais on revient très vite aux blasts. Donc on évolue avec nos écoutes et nos capacités. Pour les regrets ben oui, il y en a… surtout de ne pas avoir pu jouer avec le NAPALM DEATH de la première époque ou DISRUPT ou DOOM… Ce sont ces groupes qui nous ont façonnés, qui ont laissé leurs empreintes sur BLOCKHEADS, mais il y a sans cesse de nouveaux groupes de qualité qui arrivent et qui prouvent que ce mouvement n'est pas figé dans le passé.
Par contre non, ce n'est pas une volonté de faire un point, on regarde devant sans renier le passé, ça ne sert pas à grand-chose de regretter. Profitons de la scène actuelle, elle a beaucoup à apporter aussi.


Dans le live à Nancy, on voit Mr. Embury venir jouer avec vous. J'imagine que c'était un rêve de gosses de jouer avec une telle icône. Pareil pour votre split sorti chez Relapse recs…
Est-ce que BLOCKHEADS est devenu blasé au fil des ans ou a-t-il conservé son émerveillement quant aux Grands Anciens?
Shane nous a proposé de jouer un titre à cette date et comme justement on reprenait déjà FETO, on n'a pas tergiversé pendant deux heures… Pendant le live, c'était assez surréaliste sur le moment, même en jouant on n'arrivait pas trop à y croire... On est fan de NAPALM depuis les débuts, et surtout pas blasés, sinon on aurait arrêté depuis longtemps, donc effectivement c'était assez merveilleux et un grand cadeau de sa part. Ces mecs sont des exemples à beaucoup de niveaux. La ré-édition du split MUMAKIL/BBLOCKHEADS sur Relapse nous fait également plaisir, pas de doute, et si on devenait blasés de tout ceci, alors il serait temps d'arrêter.
Ce qui a changé, c'est que maintenant on est parfois dans les loges avec eux plutôt que dans la fosse, et là on arrête l'idolâtrie, c'est des gens cool et ouverts en général, la discussion arrive vite et c'est encore un autre plaisir de se rendre compte que des gens qui nous ont amenés à faire cette musique sont ouverts et loin du star system. C'est vrai aussi pour la majorité des grands groupes qu'on a pu croiser.


Lorsqu'on regarde le DVD, on constate que vous vous videz les tripes sur scène… même si les conditions sont difficiles… le concert de la Miroiterie en est le flagrant exemple. Est-ce qu'il vous est arrivé de monter sur scène en traînant les pieds?
Et surtout comment réussissez-vous à garder la patate sur scène malgré le temps qui passe? Certains groupes vont sur scène comme on va pointer à l'usine… Quel est le secret de l'enthousiasme de BLOCKHEADS?
Aller sur scène comme si tu allais à l'usine est inconcevable. En fait, on veut vivre le concert à fond avec notre public dans une logique d'exutoire du quotidien. On galère plutôt pas mal pour faire (sur)vivre le groupe, ne serait-ce qu'à cause de notre éloignement géographique (24h cumulées sur la route pour chaque répèt), donc ce n'est pas pour aller traîner des pieds quand c'est l'heure de grinder. Idem quand tu fais 14h de route pour aller jouer 45 minutes de blast à un fest, puis 14 h retour, ton week-end est mort et toi aussi… mais ce n'est pas ce qui est important, le Grindcore c'est jouissif, puissant en live, et tant qu'on ressentira ça, on continuera à faire des bornes et à donner ce que l'on a, sinon ça sera la fin de l'aventure.
Le concert de Paris à la Miroiterie n'était pas initialement prévu pour le DVD, mais comme on avait été entre-temps contacté par une asso qui voulait capter quelques titres, on leur a demandé de tout filmer (merci à Florent au passage). Ca nous a semblé intéressant de livrer la face roots du Grindcore et de montrer les différentes ambiances des concerts.


"Grind Core Overdose" est paru en autoprod', pourquoi donc? Etait-ce pour garder une liberté totale sur le contenu du DVD ou était-ce parce qu'aucun label n'a risqué ses deniers dans cette aventure?
Ce n'était pas pour garder une liberté totale car on n'a pas le souvenir qu'on ait déjà été emmerdés par cela de la part d'un label. Mais effectivement, ce DVD, on a voulu le faire en DIY du début jusqu'à la fin, en travaillant avec les personnes motivées par ce projet, sans avoir de compte à rendre à quiconque. Après on doute effectivement qu'un label veuille risquer son argent avec un tel produit… Il n'y a déjà plus beaucoup de labels prêts à payer un studio pour un album, alors une équipe caméras, un montage et une réalisation…
Il y a une prise de risque financière de notre part, on a pesé le pour et le contre.


Sur le DVD on voit deux facettes de BLOCKHEADS: le BLOCKHEADS des grandes salles (Nancy, Hellfest, etc.) et le BLOCKHEADS des petites structures… Finalement, vous préférez quoi? Les palaces des grands opéras ou les campings de l'Underground?
Réponse 2, évidemment. BLOCKHEADS n'est pas un groupe "pro", même si on essaye de faire les choses comme des pros, avec nos moyens. On a fait des choix axés sur nos familles et nos boulots respectifs, qui sont nos priorités. Le reste c'est le groupe et c'est du niveau de la passion. Maintenant, on ne va pas prendre une grosse scène à la légère, ça a sincèrement ses avantages aussi. Par affinité, les squatts et les petites scènes, ainsi que l'esprit underground, souvent synonyme de riches rencontres, a clairement notre préférence. L'état d'esprit du Grindcore, hors phénomène de « mode », mais plus par style de vie, ouvert vers des musiques et un état d'esprit alternatif y est toujours présent. Même si malheureusement on ne peut pas accepter toute proposition, pour des raisons de frais ou de disponibilités, par exemple, c'est dans ce type de structures qu'on est le mieux et ça doit se ressentir en live.


J'imagine que BLOCKHEADS tient une part importante dans vos existences, est-ce que cette aventure durera encore longtemps? Qu'est-ce qui pourrait vous faire arrêter?
Un éloignement géographique encore plus important ou un travail qui nous prendrait plus de temps, bien qu'on a souvent l'impression qu'on est toujours sur la corde raide à ce niveau-là. On est sur des investissements personnels très forts depuis quelques années, juste pour continuer. Ca durera tant que ça peut durer, tant qu'on a la foi en ce qu'on fait, on le fera à fond, sinon ça s'arrêtera. De plus les différentes galères mais surtout les souvenirs de concerts, de la route, du vécu de ce groupe ont forgé quelque chose qui nous lie fortement au-delà de la musique, ceci dit c'est assez commun aux groupes qui durent.


18 ans de bons et loyaux services. Après avoir autant roulé votre bosse, vous avez exploré bien de horizons de la musique… quels objectifs voudriez-vous atteindre avec BLOCKHEADS? La sortie d'un DVD est souvent une sorte de consécration...
Après le DVD, quels sont vos prochains projets?
Consécration, plus ou moins, on ne fait pas ce groupe dans l'optique de prouver quoi que ce soit, on est ce que l'on est, avec nos imperfections et nos défauts, mais ce que l'on fait, c'est avec sincérité. Le DVD c'est un cadeau qu'on se fait avant tout à nous-mêmes et à nos potes mais également pour ceux qui apprécient BLOCKHEADS, sans tomber dans l'autosatisfaction à la con. Le prochain album est composé aux 3/4, il faut que l'on active là-dessus maintenant. On a toujours en tête la prochaine réalisation, le prochain concert, et chaque répétition, chaque discussion a pour but de faire avancer le groupe, de voir vers l'avant. Maintenant on n'a pas d'objectifs à 5 ans non plus…


Question tabou: niveau finances, comment un groupe qui ne vend pas des disques par cargos entiers fait-il pour presser un DVD de cette qualité? Héritages? Kidnappings? Ventes de collec' de pin's ultra rares sur e-bay?
En gros, comment fait-on du DIY de qualité quand on ne roule pas sur l'or?
Ce sont nos salaires qui font marcher le groupe, le projet du DVD en est un bon exemple et encore une fois l'envie de bien faire les choses et à fond, sans être pro, mais en essayant de toujours tout aborder comme tel. On a des dettes personnelles envers le groupe, mais voilà, une passion c'est jamais neutre et on l'accepte sinon on ne serait plus là depuis bien des années.


On reste dans les considérations "mercantiles": en trois mots, quels sont les arguments que vous avanceriez pour pousser les gens à acheter "Grindcore Overdose"?
L'envie de pouvoir se prendre une décharge de Grind "at home", entre potes, autour de quelques bières; ça a l'air de marcher pas mal ce plan au vu des retours qu'on en a déjà eu. L'envie de voir ce qu'est BLOCKHEADS en live pour ceux qui ont les albums et qui n'ont pas eu l'occasion de venir nous voir.
Sinon pour ceux qui ne connaissent pas, allez au moins jeter un œil sur le teaser...


L'inspiration me manque pour terminer cet interrogatoire… si vous voulez ajouter quelque chose, vous avez la parole…
Merci à toi et à VS pour l'interview, on donne rendez-vous à tous les grindfreaks à Colmar le 15 mai pour les 20 ans d'INHUMATE (+ BENIGHTED et YACOPSAE !), ainsi qu'à Nancy et Brainans le 4 et le 5 juin avec MUMAKIL…


Merci à toi! Je rappelle aux lecteurs de VS que pour commander "Grind Core Overdose", il faut passer par cette adresse:
hopelessgrind@yahoo.fr


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