1ère partie dossier Phil Lynott/Thin Lizzy par gardian666
publication le : 04/01/2016


Philip Lynott est décédé le 4 janvier 1986 des suites d'une pneumonie et d'une insuffisance cardiaque, à l'âge de 36 ans.
A travers ce dossier, son parcours musical et celui de Thin Lizzy, qu'il a mené durant près de 15 ans, sont évoqués à l'aide de faits et de petites critiques subjectives.
Loin d'être exhaustif, cet article a pour but de rendre un humble hommage à un charismatique musicien en proie à des dépendances aux drogues qui allaient avoir raison de lui.
Toutefois, il est question ici d'évoquer avant tout le meilleur de Phil et faire (re)découvrir une carrière brillante, dont l'influence n'a jamais cesser de perdurer, avant et après sa disparition.


La jeunesse de Phil et les prémices de Thin Lizzy


Né à West Bromwich près de Birmingham le 20 août 1949, Philip Parris Lynott est l'enfant hors mariage d'une jeune femme irlandaise (Philomena Lynott) alors à peine âgée de 19 ans et d'un homme guyanien, Cecil Parris. Élevé à partir de l'âge de 4 ans du côté de Crumlin (banlieue de Dublin) chez ses grands parents maternels, Philip Lynott est bercé durant son enfance et adolescence par les disques de Motown Records, un label spécialisé dans les artistes de soul et de rhythm and blues grand public.

A tout juste 16 ans, Phil occupe la place de chanteur dans un groupe de reprises nommé The Black Eagles ; le batteur de la formation ? Un dénommé Brian Downey (qui allait devenir le batteur de toujours de Thin Lizzy). Rien d'étonnant toutefois, Brian étant un ami d'école de Phil. Entre 1965 et 1968, il perfectionne son apprentissage du chant enchaînant des petits groupes qui ne dureront jamais longtemps (Liffey Beats, Kama Sutra, etc.).

En 1968, la carrière musicale de Phil Lynott prend son essor. Il rejoint en effet Skid Row, combo de blues/psyché rock mené par le bassiste Brendan 'Brush' Shiels. Auteur de 2 albums au début des années 1970, ce Skid Row est surtout connu pour avoir été le premier groupe 'professionnel' dans lequel a évolué, pendant un court laps de temps, un certain Gary Moore. Malgré un petit succès rencontré avant même la publication d'un full-length, Brush estime que le problème de Skid Row s'appelle Philip Lynott : il chante faux.
Pour ne pas se fâcher avec son ami, Brendan Shiels a l'intelligence de lui acheter une basse Fender Jazz et surtout de lui donner quelques leçons, permettant à Phil une première approche sérieuse de la 4 cordes.

'Évincé' de Skid Row, Phil décide cette fois de former son propre groupe avec l'aide de Brian Downey. Nous sommes en 1969 et les prémices de Thin Lizzy se nomment Orphanage. La formation est un quatuor avec outre Phil au chant (et occasionnellement à la guitare rythmique) et Brian à la batterie, Joe Staunton à la guitare et Pat Quigley à la basse. Alternant compositions personnelles et reprises (Jeff Beck, Bob Dylan), Orphanage sera l'histoire d'une poignée de mois jusqu'à cette fin d'année 1969 qui voit Lynott et Downey faire une rencontre décisive : celle avec le guitariste Eric Bell, ancien membre notamment de Them, le groupe ayant lancé la carrière de Van Morrison. Pour le petit aparté, les 3 hommes font connaissance grâce au claviériste Eric Wrixon (rip), également ex-Them. La rencontre se fait dans un pub après un concert d'Orphanage, Bell et Wrixon proposant à Lynott et Downey de former un groupe.

Le talent d'Eric Bell (dont la réputation musicale n'est plus à faire à cette époque) vient faire écho à la confiance acquise par Phil pour occuper la double casquette de chanteur/bassiste ; c'est ainsi que sont remerciés Joe et Pat en place avec Orphanage. Nous sommes en décembre '69 et Thin Lizzy vient de voir le jour. Un patronyme choisi par Eric, dérivé du nom d'un personnage de comic pour enfants (The Dandy) nommé Tin Lizzie.

Des débuts sur la pointe des pieds


Un premier single 2 titres est émis en juillet 1970 sur le marché irlandais et se vendra à 283 exemplaires, devenus aujourd'hui collector. Avant même sa publication, Eric Wrixon quitte Thin Lizzy, laissant le groupe sous la forme d'un trio. Cela ne constituera pas une grande perte pour la formation qui débute l'enregistrement de son premier album en janvier 1971, juste après avoir signé un deal avec la structure Decca Records (The Rolling Stones, The Who).


Thin Lizzy - 1971


Capté en tout juste 6 jours, "Thin Lizzy" n'est certainement pas le disque le plus mémorable du groupe, il faut simplement le voir comme l'œuvre fondatrice de toute une carrière.
Phil y compose seul 7 des 10 titres et en coécrit 2 autres ; le contenu est une sorte de rock folk - celtic rock - rehaussé de sonorités blues et légèrement psychédéliques. La basse tient déjà un rôle prépondérant, répondant au jeu léché de Brian, presque virevoltant pour le genre. La section rythmique privilégiant parfois des passages 'improvisés', accompagne des guitares qui là aussi ne suivent pas un schéma très précis. Alternant notes acoustiques et électriques, ce premier album n'offre pas vraiment de riffs marqués et repose plus sur une interprétation délicate, en finesse ('Eire', 'Clifton Grange Hotel', la très douce 'Saga Of The Ageing Orphan'). A ce titre, 'Honesty Is No Excuse' est une jolie pièce, ma favorite du disque avec son mellotron tenu par Ivor Raymonde (rip), ancien spécialiste notamment des arrangements pour Dusty Springfield (et père, entre autres, de Simon Raymonde, ex membre de Cocteau Twins).


Phil Lynott / Eric Bell / Brian Downey (1971)


Si "Thin Lizzy" paraît à certains moments un peu confus, il dégage un petit vent de fraîcheur et de naïveté conférant à l'ensemble une honnêteté évidente ; en quelque sorte voilà du rock (folk/acoustique) brut, pas parfait mais impossible de ne pas ressentir là du potentiel. A ce titre il suffit d'écouter le jeu d'Eric Bell sur 'Return of the Farmer's Son' ou le vif 'Look What The Wind Blew In', la patte thin lizzy semble déjà gravée dans le marbre ! Un petit mot par ailleurs sur la prestation vocale de Phil, qui étale une belle partie de sa palette, offrant surtout des partitions mélancoliques et expressives, pleines de sensibilité. Un timbre reconnaissable entre mille, qui gagnera progressivement en chaleur et 'sensualité', duquel les mots sont parfaitement compréhensibles et les textes plus évidents à suivre.

Return of the Farmer's Son (audio)


Paru en avril 71, ce premier album est suivi 4 mois plus tard par un EP 4 titres, "New Day", qui ne rencontra pas non plus un franc succès.

Ce mini-album propose une suite à 'Remembering Part 1', la piste clôturant "Thin Lizzy" tel un jam rock limite bordélique ; composée par les 3 musiciens, 'Remembering Part 2' suit elle une structure simplifiée avec couplets + refrain et contient surtout une agréable trame musicale qui entre vite dans les têtes. Cette pièce aurait assurément eu sa place sur leur premier full-length, à contrario de la très dispensable 'Old Moon Madness', heureusement vite effacée par un 'Things Ain't Working Out Down At The Farm' vivace et entraînant, aux plans de guitares simples mais délicieux.

Remembering Part 2 (audio)


Shades of a Blue Orphanage - 1972


1972 voit Thin Lizzy faire la passe de 2 sans grand(s) changement(s) : line-up intact, même label et style musical, Phil composant 8 des 9 pièces d'un "Shades of a Blue Orphanage" pour le coup assez décevant. Ce 2ème effort longue durée apparaît à plusieurs reprises décousu à l'image de son ouverture 'The Rise And Dear Demise of The Funky Nomadic Tribes', 7 minutes d'un rock étrange doté de quelques bons passages mais s'achevant par exemple sur un solo de batterie incongru. Il n y a pour ainsi dire rien à retenir de cette pièce excepté un riffing pas vilain. Moins percutant, 'Buffalo Gal' à défaut d'être brillant, renvoie à leur premier album avec sa partition acoustique douce et un Phil appliqué dans ses lignes de chant. Presque déroutant, 'I Don't Want to Forget How to Jive' ressemble à une interlude country/folk pas désagréable mais bizarrement placée. Le piano y est tenu par Clodagh Simonds, une musicienne qui collabora plus tard avec Mike Oldfield et Steven Wilson. Autre pièce accompagnée d'un piano, 'Sarah' est un hommage très intime et sans éclat à la grand mère de Phil qui l'a élevée. Partant encore sur un rythme en finesse, 'Brought Down' laisse lui ré-entendre au fur et à mesure les guitares, en particulier des soli appréciés. Derrière, 'Baby Face' vient confirmer le retour à un rock presque 'hard', Thin Lizzy retrouvant un allant qui commençait sérieusement à faire défaut au disque.
'Chatting Today' et 'Call the Police' sont elles très moyennes pour ne pas dire plus, des compositions qu'il vaut mieux oublier, desquelles rien de mémorable ne ressort.
Enfin, après un démarrage de 7 minutes, "Shades of a Blue Orphanage", l'album, se clôt sur un morceau-titre de même durée ; là point de rock 'désordonné' mais un folk mélancolique évoquant la jeunesse de Phil en Irlande. Une chanson avec un arrière gout de nostalgie qu'il ne vaut mieux pas écouter dans un moment de dépression.

Personnellement, "Shades of a Blue Orphanage" est le moins bon disque de Thin Lizzy, celui à éviter si l'on souhaite découvrir le groupe.

Brought Down (audio)


Premier succès et carrière définitivement lancée



Eric Bell / Phil Lynott / Brian Downey (1972)


En cette fin d'année 1972, Decca Records décide de sortir en single une reprise par Thin Lizzy d'une célèbre chanson traditionnelle irlandaise, 'Whiskey in the Jar', popularisée quelques années auparavant par The Dubliners (une chanson déjà enregistrée en 65 par Joe Dassin et dans notre domaine plus tard, par Metallica en 1998). Si le groupe fut contrarié du choix imposé par le label, estimant que cette cover n'était pas représentative de leur son, le 'Whiskey in the Jar' version Thin Lizzy connu un joli succès dans les charts britanniques valant à la formation une participation à la célèbre émission Top of the Pops en février 1973. Depuis, cette chanson est devenue et est restée un 'classique' de Thin Lizzy et l'un des morceaux les plus connus de son répertoire.




Vagabons of the Western World - 1973


Malgré un certain gain de popularité, "Vagabons of the Western World", leur 3ème album publié en septembre '73 (2 mois après son enregistrement), peine à se hisser dans les classements d'albums. Pourtant il ne manque pas de qualité et me parait être l'œuvre de la maturité pour Thin Lizzy. Le groupe y exprime davantage son hard rock, à l'image de l'efficace single 'The Rocker' (coécrit par Bell et doté d'une longue série de soli impeccables) et du très bon morceau-titre, sans oublier ses racines rock bluesy ('Slow Blues'), folk et plus mélodiques (les jolies 'Little Girl in Bloom' et 'A Song For While I'm Away').

Gratifié d'un visuel assez 'tape-à-l'œil', réalisé par Jim Fitzpatrick (avec qui le groupe travailla jusqu'en 1980) - lequel pour l'anecdote, donna son accord en 2012 à Darkthrone pour l'utilisation de sa peinture "The Battle of Moira" (1980) dont une partie orne dans des couleurs différentes, la cover de "The Underground Resistance" - "Vagabons of the Western World" voit la participation de près de 15 musiciens dont Jan Schelhaas (Caravan, ex-Camel) à l'orgue et Fiachra Trench (musicien et compositeur ayant participé à plusieurs BO de films dont Pearl Harbor, The Boxer, The Tailor of Panama, etc.) aux magnifiques arrangements de cordes sur 'A Song For While I'm Away'. Pour le reste, pas grand chose de nouveau à relever, Brian Downey continue de s'éclater derrière son kit (il suffit de l'écouter sur 'Gonna Creep Up On You', morceau au demeurant assez moyen à l'exception de son long solo sublime) et la basse de Phil occupe toujours un espace important, et mène joliment les rythmiques.

"Vagabons of the Western World" est à mes oreilles bien supérieur à son prédécesseur et confirme un peu plus le potentiel du groupe. Potentiel qui commencera à être exploité pour de bon sur les 4 albums suivants, parus en à peine 2 ans !

The Rocker (audio) / Vagabonds Of The Western World (audio) / A Song For While I'm Away (audio)



Visuels complémentaires à celui de l'album


Près de 14 mois s'écoulent entre la publication de "Vagabons of the Western World" et celle de son successeur "Nightlife" ; durant ce laps de temps, beaucoup de choses changent chez Thin Lizzy : Eric Bell s'en va le 31 décembre 1973, malade physiquement et écœuré de l'industrie musicale. Il sera remplacé pour achever une tournée en cours, par Gary Moore, dont la carrière solo vient de débuter. Resté 4 mois au sein du groupe, Gary enregistra avec Thin Lizzy 3 titres parmi lesquels un bien connu des amateurs de la formation (et pas que). Toujours sur les routes, notamment pour une tournée en Allemagne au printemps '74, Thin Lizzy passe pour la première fois à un quatuor avec 2 guitaristes, Phil recrutant 2 hommes d'environ 25 ans considérés comme membres de sessions live.

Les concerts passés, il est temps pour Thin Lizzy de penser concrètement au futur immédiat. Son contrat avec Decca arrivant à sa fin, le groupe trouve une place chez Vertigo (LE label de Black Sabbath) puis recrute une paire de guitaristes permanente et devenue célèbre, Brian Robertson / Scott Gorham.
Le premier est un écossais de tout juste 18 ans et le deuxième un californien recruté après une simple audition. Doté d'un line-up et d'un environnement stables, Thin Lizzy a toutes les cartes en main afin d'exploser pour de bon. 'Malheureusement', "Nightlife" (novembre 1974) n'est pas la réussite attendue et sans être médiocre, s'avère plutôt déconcertant et souvent éloigné de ce que l'on pouvait attendre du groupe.


Thin Lizzy avec Robertson (cheveux bouclés) et Gorham (cheveux lisses) en 1974



Nightlife - 1974


Produit par Ron Nevison (qui plus tard travailla avec UFO, Ozzy Osbourne ou encore Kiss), "Nightlife" a été avec le recul, considéré comme trop soft et plat par les acteurs de l'album et plusieurs critiques presse. Il est évident que ce disque est très peu orienté hard rock, reposant sur un rock parfois édulcoré et accessible (à l'image de la légère ouverture 'She Knows') où c'est surtout Phil qui s'en sort bien, côté chant. Je ne parlerai pas de naufrage car je le trouve pas si mal, à l'image du court instrumental 'Banshee' ou du classique 'Sha-La-La' mais les critiques à son sujet me paraissent justifiées. Sur les (quelques) bons points, la formule des harmonies à 2 guitares popularisée par la paire Robertson/Gorham (qui influença nettement la doublette Murray/Smith dans Maiden) commence déjà à faire effet, les 2 guitaristes se répondant superbement sur 'Philomena' ou 'Sha-La-La'. Les 2 bonhommes arrivent aussi à faire oublier Eric Bell (pourtant extrêmement talentueux), et cerise sur le gâteau, la prestation de Gary Moore sur le célèbre 'Still in Love With You' est magistrale. Reste que niveau riffs, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent...
Je n'oublierai pas non plus que "Nightlife" contient aussi son lot de titres faibles, entre un 'Showdown' tout juste passable et des 'Night Life' et 'It's Only Money' assez mous et fades (malgré quelques arrangements classieux sur le morceau-titre). Rehaussé de claviers, piano et cordes frottées, 'Dear Heart' vient conclure dans des tons mélanco-mélodiques et de façon soignée l'album ; dans ce registre avec Phil au micro, Thin Lizzy a souvent su éviter la mièvrerie et le sirupeux. Même si 'Still in Love With You' me contredit quelque peu, le duo formé sur cette compo' par Phil Lynott et Frankie Miller (chanteur écossais ayant surtout connu un petit succès dans les 70's) accentuant l'aspect sensible et grand public de cette pièce.

Malgré cet adoucissement généralisé et un groupe plus carré dans son travail d'écriture, "Nightlife" fut un autre échec commercial.



Still In Love With You (audio)


L'âge d'or de Thin Lizzy


Heureusement, 1975 est assurément une année faste pour Thin Lizzy ; elle est marquée par la première tournée du groupe aux États-Unis, en support de Bob Seger et Bachman-Turner Overdrive. Toujours côté concerts, Thin Lizzy rejoint à nouveau Bachman-Turner Overdrive pour une série de dates européennes triomphale. Au printemps '75, le quatuor inchangé se rend aux Olympic Studios (utilisés notamment par les Who, les Rolling Stones ou encore les Beatles !) de Barnes dans la banlieue londonienne pour y enregistrer leur 5ème album, "Fighting", considéré à l'unanimité comme le disque où le groupe trouva définitivement son style et par conséquent un succès plus marqué.


Fighting - 1975


"Fighting" comprend 10 titres pour une durée avoisinant les 38 minutes et combine le meilleur des influences de Thin Lizzy, déjà maintes fois remarquées sur les précédents disques. Phil en charge de la production, l'album a la bonne idée de remettre en avant les guitares, particulièrement remarquées sur les excellents 'Suicide' et 'Wild One'. La paire Gorham/Robertson exprime un peu plus son potentiel, le duo se trouvant parfaitement pour combiner sur des phases mélodiques ou des enchaînements de soli splendides (cf. les 2 titres cités plus haut). Et si Lynott affirme un peu plus ses talents de compositeur, à l'image du mélancolique 'Spirit Slips Away' (aussi beau que touchant), "Fighting" a la particularité d'avoir 3 de ses titres sans Phil à la création. Évidemment il y a la cover de...Bob Seger, ce 'Rosalie' aussi devenu un classique et hit de la discographie du groupe. Plus loin, on note un 'Silver Dollar' signé B. Robertson, petite pièce entre rock, pop et country, et également 'Ballad of a Hard Man' en conclusion, que l'on doit là à S. Gorham. Cette dernière n'est pas une ballade, plutôt une bonne petite chanson de hard rock mid-tempo, aussi simple qu'entraînante dans son sillage.

A l'exception de 'Suicide', chaque compo dure 3 ou 4 minutes, on sent que le groupe va à l'essentiel avec des intentions (hard) rock plus marquées et appréciées ('For Those Who Love to Live', 'Fighting my Way Back'). Un morceau comme 'King's Revenge' aux sonorités folk évidentes maintient un certain entrain, délivrant au passage une poignée d'arpèges délicieuses.

Ce côté direct et chaleureux propre à la formation prend ici vraiment une dimension supérieure et la qualité régulière des soli commence aussi à faire des différences (ils apportent beaucoup par exemple à 'Ballad of a Hard Man'). Avec "Fighting", Thin Lizzy a trouvé pour de bon sa voie, et chaque instrument - donc musicien - parvient à s'exprimer au mieux de ses capacités. La réponse du public sera en partie à la hauteur, l'album devenant le premier du groupe à entrer dans les charts du Royaume-Uni, à une honorable 60ème place.



Wild One (video)



Jailbreak - 1976


L'année n'est pas terminée que Vertigo met une belle pression sur Thin Lizzy, leur donnant une dernière chance de cartonner avec un futur disque. Et malgré le poids de l'attente côté label, Phil & co allaient réussir à donner grande satisfaction à tout le monde quelques mois plus tard, à l'aide de "Jailbreak". Enregistré entre décembre 1975 et février 1976 en compagnie d'un nouveau producteur, John Alcock (qui avait déjà fait ses preuves avec les Who), ce 6ème album publié le 26 mars 1976 est probablement le plus emblématique et populaire de la formation.
Un succès en grande partie dû à 'The Boys are back in Town', hit connu de tous et n'ayant pas pris une ride en 4 décennies. Autre tube resté dans les annales, le morceau-titre symbolique et mémorable en ouverture d'album, aujourd'hui encore indémodable.
"Jailbreak" c'est aussi évidemment les intemporels 'Cowboy Song' et surtout 'Emerald', pièce fondamentalement heavy metal et magistralement écrite. D'ailleurs, cette dernière est une création collégiale, les 4 hommes sont responsables de ce pur joyau musical dont la 2ème partie, ce long enchaînement de soli et d'harmonies, fait toujours figure de régal auditif.
Dans un registre similaire, difficile de passer sous silence l'excellent 'Warriors', morceau hommage à Jimi Hendrix et plus particulièrement à son 'Are You Experienced'. Le final de 'Warriors' est un témoignage de plus de la complémentarité Gorham/Robertson qui se trouvent comme jamais sur ce disque et inscrivent définitivement dans les gènes du heavy metal, le twin guitar sound.

Entre de grands classiques de Thin Lizzy, le reste de "Jailbreak" s'en sort avec les honneurs, la doublette 'Running Back'/'Romeo and the Lonely Girl' prenant clairement un virage (hard) rock accessible pour ne pas dire commercial. Mais les arrangements sont soignés, les mélodies justes et le tout prouve l'insistance de Mr. Alcock auprès des musiciens pour qu'ils perfectionnent et ne négligent aucun détail des compositions.
Textuellement, celles-ci traitent de sujets divers, Phil donnant un petit côté science-fiction au disque, à l'image des morceaux 'Jailbreak' et 'Warriors', influencés notamment par la Guerre des Mondes de H.G. Wells. A ce titre, cela traduit le visuel de l'album où l'on voit un 'seigneur du mal' (evil Overlord) représenté par Jim Fitzpatrick, dont le but est de dominer les habitants de la planète Dimension 5. 'Angel from the Coast' est à propos d'un job dans la Mafia tandis que 'Cowboy Song' peut être vu comme une identification personnelle de Phi au mode de vie des cowboys (une figure solitaire). 'Emerald' évoque l'histoire violente de l'Irlande et 'Fight or Fall' est un hymne afro-irlandais de solidarité, Phil avec son ascendance mixte connaissait très bien le sujet.



Warriors (live audio BBC Sessions)


Le printemps et l'été 1976 devaient permettre à Thin Lizzy de conquérir un peu plus les USA ; et si le groupe a pu se produire à quelques reprises en premières parties d'Aerosmith, Rush et REO Speedwagon, il dû renoncer à une jolie tournée en compagnie de Rainbow, programmée pour juin '76. Phil tomba en effet malade et souffrit d'hépatite, entraînant l'arrêt des activités du groupe pour un certain temps. Malgré ses problèmes de santé, Phil Lynott ne se priva pas de composer une bonne partie du 7ème album de Thin Lizzy, un "Johnny the Fox" publié tout juste 7 mois après "Jailbreak".


Johnny the Fox - 1976


Les acteurs engagés y sont les mêmes que précédemment, Vertigo à la promotion, Mr. Fitzpatrick réalisant un superbe visuel et Mr. Alcock offrant une production solide, le disque ayant été capté entre les Ramport Studios (où Judas Priest enregistra notamment "Sin After Sin") et les Olympic Studios.
Musicalement, "Johnny the Fox" évolue dans la continuité de son prédécesseur ; s'il marqua un peu moins les esprits, cet album reste pour autant l'un des meilleurs du groupe à mon goût. Avec 'Don't Believe a Word' en hit, les très bons 'Johnny' et 'Massacre' en pistes hard rock impériales, 'Borderline' pour la touche mélodique poignante et 'Johnny the Fox meets Jimmy the Weed' en pièce centrale funky, le disque recèle encore de petites perles et maintient une qualité d'écriture irréprochable. Phil ne semble pas diminué par la maladie, affichant un peu plus de sensualité et chaleur dans sa voix, sans délaisser ses intonations mélodieuses (à l'image de l'easy listening 'Old Flame').
Atteignant tout juste les 35 minutes, "Johnny the Fox" s'assimile rapidement et ne contient que peu d'éléments à 'jeter'. La doublette finale 'Sweet Marie' / 'Boogie Woogie Dance' est juste un cran en dessous, la première citée étant une ballade un peu mièvre et la deuxième un...'boogie' rock sympathique qui ressemble plus à la face B d'un single qu'autre chose.

Des tensions marquèrent les relations entre Lynott et Robertson durant le processus d'écriture de "Johnny the Fox" ; celles-ci constituèrent une des raisons du départ de Brian quelques mois plus tard. Notons par ailleurs la contribution d'un certain Phil Collins (Genesis) aux percussions, dont l'apport est difficilement évaluable. Sa présence en tant qu'invité de luxe vient surtout de son entente et amitié avec Phil, Brian Robertson ne manqua pas de dire plus tard que la mention de Phil Collins était l'occasion d'inscrire un nom connu dans les crédits du disque...



Don't Believe a Word (audio) / Borderline (audio)


Ce qui est sûr c'est que "Johnny the Fox" rencontra également un joli succès dans les charts et accru un peu plus la popularité du groupe en Europe. Le public américain s'apprêtait de nouveau à être conquis en décembre 76 mais une péripétie banale (quoique violente) aux premiers abords allait en décider autrement. A une poignée de jours du début de la tournée, Brian Robertson se blessa à la main dans une bagarre alors qu'il tentait de protéger son ami Frankie Miller (évoqué un peu plus haut) d'une agression dans un club de Londres.

Thin Lizzy reporta de quelques semaines sa tournée, mais Phil n'ayant pas attendu le rétablissement de Brian, refit appel à Mr. Gary Moore. Étalée entre janvier et mars 1977, cette tournée aux US en ouverture de Queen leur permis de rencontrer un franc (et logique) succès. Dans la foulée, proposition fut faite à Gary de rester membre permanent de Thin Lizzy ; ce dernier refusa l'offre privilégiant le groupe Colosseum II où il évoluait notamment aux côtés de Don Airey et Neil Murray.


Suite et fin d'ici quelques jours...
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Auteur
Commentaire
Ennemie
Membre enregistré
Posté le: 04/01/2016 à 12h35 - (3604)
Merci du dossier d'exception!
Un grand monsieur partit trop tôt, bien trop tôt...



GabinEastwood
Membre enregistré
Posté le: 04/01/2016 à 17h13 - (3606)
excellent tout ça !!! vivement la suite !!!



hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 04/01/2016 à 18h02 - (3607)
Il faut que je prenne le temps de lire tout çà, gros gros boulot mec!

Francis Hallal
IP:213.215.62.138
Invité
Posté le: 04/01/2016 à 18h54 - (3608)
Super ce dossier, merci

Pour ma part, je ne vois aucune critique sur Nightlife qui a assez bien vieilli je trouve. Et dans cette première sélection de disques, c'est Johnny the fox que j'aime le moins. Je trouve qu'il manque de liant, pas très homogène quoi, et je ne sais pas... je n'aime pas trop le son.

Le reste est carrément incontournable, et Jailbreak atteint des sommets. Ca ne vieillit pas, juste parfait

only4theweak
Membre enregistré
Posté le: 04/01/2016 à 20h05 - (3609)
super dossier, félicitations à l'auteur et vivement la seconde partie :)

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 04/01/2016 à 21h58 - (3610)
Super dossier sur le grand oublié du hard rock des origines. Avec Priest et Ac/dc, pour moi le meilleur groupe des 70's, les rois des duels de guitares, du groove, et la chaleur de cette voix.

Peut-être moins de classiques que les groupes précités mais tellement de morceaux irrésistibles. Perso, j'ai réalisé un de mes rêves en les voyant au Hellfest, sans Phil bien sur, mais quelle claque!



Ivan Grozny
Membre enregistré
Posté le: 04/01/2016 à 23h12 - (3611)
Mon royaume pour un billet Queen / Thin Lizzy !

Humungus
Membre enregistré
Posté le: 05/01/2016 à 00h58 - (3612)
Ivan Grozny + 1 !
Boulot de titan réalisé par gardian666 pour ce dossier... BRAVO mec !!!

6trouille
IP:83.155.209.175
Invité
Posté le: 05/01/2016 à 07h57 - (3613)
Ma découverte majeure de ces 20 dernières années.

J'ai mis tellement de temps à m'y mettre. Thin Lizzy ça ne me disait rien. Ca me paraissait tellement daté et ringard...
TOUT FAUX !!
Maintenant j'écoute ce mec, ce groupe, comme je me passe un Maiden, par ex : avec régularité, respect, évidence. Et avec émotion, même.
Un grand bonhomme, ce Phil !

MERCIIIIIIIIIIIIIII pour ce copieux dossier que je vais dévorer en rentrant ce soir.
COOL !!!

...
IP:2.50.149.149
Invité
Posté le: 05/01/2016 à 13h39 - (3614)
UN des meilleurs groupes de rock a JAMAIS...


Still in love with you... Est tellement MAGIQUE

CHUCK MAURICE
Membre enregistré
Posté le: 05/01/2016 à 14h00 - (3615)
+1 6trouille : Un de mes groupes préférés qui n'a eu en définitive qu'un succès "relatif".

Juste pour pinailler, c'est WISHBONE ASH (dans un registre légèrement plus rock certes) qui fut le précurseur de la formule des deux guitaristes avec lignes mélodiques harmonisées à la tierce (cf le fabuleux album Argus de 1972).

musicben69
IP:90.46.204.248
Invité
Posté le: 07/01/2016 à 11h24 - (3616)
Magnifique boulot ! Plaisant à lire (on attend la suite avec impatience) et qui donne envie de se replonger dans la discographie de ce groupe fabuleux. Merci !

Azerty
IP:79.81.23.134
Invité
Posté le: 09/01/2016 à 19h33 - (3617)
Bien de remettre la lumière sur ce groupe qui avait un style propre ! Le chant de Phil lynot m'a toujours foutu des frissons ! Grand bonhomme ! Chapeau !!

HellwindS
Membre enregistré
Posté le: 11/01/2016 à 16h12 - (3618)
Et ben, quel boulot!

Ton dossier m'a filé envie d'écouter ce groupe que j'ai toujours laissé de côté... quelle claque putain!
Merci, vraiment :)



Azerty
IP:79.81.23.134
Invité
Posté le: 11/01/2016 à 19h48 - (3619)
Et en plus la suite de leur carrière est un sans faute !! Il me semble que phys était un pote à lemmy !!!!

Morbid Tankard
Membre enregistré
Posté le: 11/01/2016 à 20h46 - (3620)
MOTORHEAD reprennait sur scène 'Rosalie'.

gardian666
Membre enregistré
Posté le: 11/01/2016 à 21h47 - (3621)
@Azerty : oui Phil et Lemmy étaient potes.
La 2ème partie du dossier arrive sous peu avec justement quelques références à cette amitié.

Humungus
Membre enregistré
Posté le: 12/01/2016 à 06h22 - (3622)
Hâte de la suite.
Et j'ose espérer que tu ne feras pas l'impasse sur le "Live and dangerous"...
Tout bonnement l'un des plus grands album live de tous les temps.
D'ailleurs, si vous commencez (seulement !) à écouter du THIN LIZZY, il faut absolument débuter par celui-là. Y'a tout dedans bordel !

Azerty
IP:79.81.23.134
Invité
Posté le: 12/01/2016 à 13h19 - (3623)
Et en plus pour moi le meilleur groupe d'origine irlandaise !! De Dublin je crois ! De plus qui ne connaissent pas lemmy à cette période !!

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