Vindsval - BLUT AUS NORD par PRINCE DE LU - 6918 lectures
Très largement amputée dans Hard Rock Magazine n°23, voici la version intégrale de l'entretien avec le maître-à-penser de BLUT AUS NORD, Vindsval (entretien datant de début mars 2009).


Il y a trois ans, tu abordais enfin concrètement le successeur de Memoria Vetusta, une séquelle qui avait tout de l'Arlésienne à une période. L'année dernière, la sortie était annoncée par Candlelight.
Ma première question est simple: pourquoi maintenant? Est-ce le bon timing pour un album clin d'œil ou une volonté de revenir aux premières amours de manière durable?
Maintenant parce que nous étions prêts à nous lancer enfin dans cet album qui a attendu son heure depuis quelques années. MV II était très important pour nous et n'avons jamais voulu forcer le destin en composant quelque chose que nous ne ressentions pas totalement au fond de nous-mêmes. Nous avons eu d'autres pulsions à assouvir avant, The Mystical Beast of Rebellion a ouvert une voie que nous avons eu besoin d'explorer jusqu'au bout, jusqu'à une extrémité totalement lugubre que nous avons touché avec MoRT. Après cet album douloureux l'envie de composer des choses plus mélodiques s'est imposée d'elle-même, je ne voulais, et ne pouvais, absolument pas replonger dans l'univers poisseux de MoRT, le besoin de refaire surface s'est fait pressant. Odinist est donc sorti rapidement, a remis les choses à plat et a servi de transition entre un Blut Aus Nord très sombre, presque abstrait et un autre beaucoup plus épique, mélodique et progressif. Tout ce chemin était nécessaire pour que MV II voit le jour, le composer parce qu'il "fallait" le faire alors que nous avions envie de nous frotter à des sonorités plus morbides n'avait aucun sens, nous n'aurions pas été concentré à 100 % sur ce travail et le résultat n'aurait pas été aussi abouti.
Je suis incapable de te dire aujourd'hui si nous allons nous inscrire dans ce registre de manière durable, rien ne dure jamais très longtemps chez BAN, nous devrions sortir un EP au cours du dernier trimestre 2009, celui-ci sera dans la veine de MV II, certainement plus éthéré, plus planant. Je ne sais en revanche absolument pas ce que Blut Aus Nord réserve pour la suite...


Le retour aux sources de BAN me semble concrètement amorcé depuis Odinist. Tu avais parlé pour Odinist d'une remise à niveau.
Ces deux derniers albums sont-ils aussi une manière de faire une pause dans les expérimentations? Ou est-ce la manière de composer de BAN, de ne pas se fermer un chemin, quitte à se faire plaisir en revenant se balader dans des contrées déjà visitées?
Nous n'allons pas arrêter les expérimentations mais nous allons les mettre au service d'un autre type d'ambiances, après avoir visité les contrées les plus sinistres de la musique nous avons besoin de nouveaux environnements sonores pour nous exprimer avec BAN. Nous ne voulons surtout fermer aucun chemin, ne nous priver d'aucune possibilité et allons donc incorporer de nouveaux éléments, de nouvelles influences dans nos prochains enregistrements afin d'atteindre de nouveaux buts, différents. En ouvrant un maximum de voies, les possibilités demeurent illimitées et le travail de composition reste passionnant. Nous avons la chance d'avoir un public très ouvert qui comprend l'esprit du projet et accepte de nous suivre un peu partout.


Depuis le début de cette interview, je te parle de cet album comme un retour aux sources. Histoire d'être certain de mon coup, vois-tu Memoria Vetusta II, et dans une certaine mesure Odinist, comme un retour aux sources?
Je considère Odinist comme un album à part dans notre discographie, il a été composé et enregistré très rapidement (avec du recul je dirais trop rapidement), comme une prise d'air un peu paniquée après un MoRT extrêmement suffocant. C'était un album nécessaire !
Memoria Vetusta II peut être considéré comme un retour aux sources, un retour à une façon très méticuleuse de composer des morceaux souvent longs et très denses, de les arranger et de les mettre en place de la façon la plus limpide qui soit malgré leur complexité. C'était l'un des buts communs aux deux volets, créer des transitions extrêmement limpides afin que chaque enchaînement, même le moins évident, devienne parfaitement logique aux oreilles de l'auditeur. Ce travail de progression dans la musique nous intéresse beaucoup, il permet à des morceaux de douze minutes de paraître moins longs que d'autres n'en durant que quatre.


Il y a fort longtemps, je me souviens de rumeurs disant que cette suite allait être un album avec des éléments jazzy, un concept musicalement très barré.
Etait-ce une simple rumeur ou une esquisse d'album qui a évolué au fil des années, s'éloignant petit à petit du projet de départ?
Nous avons souvent imaginé cet album, il a pris différentes formes au fil des années, nous aurions pu le composer dix fois différemment mais une envie très précise existait lorsque nous avons annoncé le second volet dès la sortie du premier et c'est cette envie initiale que nous attendions.


Le démarrage de l'album m'a saisi. L'intro au clavier qui amène aux premiers riffs est sans équivoque dans la lignée du premier volet de Memoria Vetusta, projetant des années en arrière.
Pourtant, le temps a passé et le BAN d'aujourd'hui n'est plus tout à fait celui du projet de 1996. Comment compares-tu ces deux époques? Et comment compares-tu tes influences musicales à ces deux périodes? Bathory est-il toujours dans ta playlist?
Effectivement le temps a passé, le champ des influences est beaucoup plus vaste, les envies sont plus nombreuses, les limites de l'époque sont depuis largement effacées et notre vision de la musique a changé, tout comme notre façon de vivre, néanmoins quand il s'agit de composer, le BAN d'aujourd'hui est exactement le même que celui de 1996. Même si au quotidien je travaille en parallèle sur des projets n'ayant absolument rien à voir avec le metal, je ressens constamment ce besoin presque vital d'écrire ces longs riffs typiques du style BAN, de composer des morceaux extrêmement purs que n'aurait pas renié le Darkthrone de Transylvanian Hunger, des dizaines de morceaux archivés au fil des ans n'ayant pour autre but que de satisfaire cette soif d'un feeling qui n'existe nulle part ailleurs.
Bathory figure toujours en bonne place dans ma playlist mais il a dû s'habituer à côtoyer des artistes que j'aurais certainement considéré comme des intrus il y a dix ans.


Tu évoques l'importance du feeling dans le black metal, que dans leur diversité musicale les grandes œuvres fondatrices du genre apportaient toujours une atmosphère particulière (sentiment que je partage).
Penses-tu que les albums de BAN, dans leur grande diversité, sont également porteurs de ce feeling?
Oui, tous nos albums sont différents les uns des autres mais tous renferment ce feeling profond qui sert de fil conducteur à tous nos travaux. C'était par exemple le plus gros challenge à propos du EP Thematic Emanation of Archetypal Multiplicity qui s'éloigne largement des sonorités employées dans le black metal mais que nous voulions inclure dans notre discographie sans que la cohérence de celle-ci soit brisée. Le résultat est allé au-delà de nos espérances justement parce que le feeling insufflé à chaque composition de cet enregistrement permet à l'auditeur d'être en terrain connu malgré une forme musicale à laquelle il n'est pas nécessairement habitué. Nous étions un peu inquiets lors de sa sortie mais l'accueil a été incroyablement favorable, cela nous a conforté dans notre idée première, peu importe la forme, seul le fond doit demeurer.


Outre les riffs, l'atmosphère sonore générale du premier Memoria Vetusta avait toute son importance. Cette production froide, glaciale même, donnait l'impression de se faire supplicier dans des steppes balayées par les vents polaires.
Dans votre démarche, pourquoi ne pas avoir tenté d'intégrer une production plus agressive, plus raw, qui aurait changé la manière d'appréhender l'album?
Tout simplement parce que Fathers of the Icy Ages est un album et que Dialogue with the Stars en est un autre. MV II est plus lumineux, plus éthéré, plus complexe également. Le traitement sonore des guitares du premier volet n'aurait pas permis de distinguer correctement les différentes couches de son qui se superposent régulièrement sur les morceaux de cet album. Il fallait impérativement une saturation assez précise et des guitares dont les fréquences ne dévorent pas d'autres éléments plus subtils dans le mix. Il n'a jamais été question de composer une copie conforme du premier volet, cela n'aurait eu aucun sens, ni en 1997 ni aujourd'hui. Le propos des deux albums est différent, l'atmosphère et la palette d'émotions évoqués également. Ce sont deux albums qui sont à la fois très proches dans leur construction et leur composition et très éloignés dans les différentes ambiances qu'ils dégagent même si une certaine majesté enveloppe les deux. Ce sont deux œuvres qui devaient être ainsi, très complémentaires.


Etant donné que BAN propose à cette occasion un black metal plus "conventionnel", devient-il envisageable que le projet puisse un jour fouler une scène?
Je sais que tu veux garder un anonymat total par rapport au concept, mais après tout, Anaal Nathrakh a bien fini par se faire plaisir en concerts.
Nous venons de refuser de grosses propositions, quelques gros festivals dont le Hellfest et une tournée US en ouverture d'Emperor sur laquelle notre label voulait impérativement nous positionner. Ce sont des opportunités qui nous ont pour la première fois obligés à réfléchir sérieusement à la question et nous savons désormais que cela ne se produira jamais. La question de l'anonymat n'est pas le point essentiel (Candlelight avait d'ailleurs imaginé tout un système de lights et d'ombres qui faisait de nous de simples silhouettes vaguement spectrales). Devant tant d'acharnement nous avons dû accepter leur offre à la seule condition que ce soit Emperor qui ouvre pour nous (Blut Aus Nord a un sens de l'humour très particulier rarement apprécié à sa juste valeur). Je considère le black metal comme quelque chose de très profond, d'introspectif, qui se vit seul. La scène, la foule et le BM sont à mes yeux des choses antinomiques. C'est un avis très personnel. Je conçois tout à fait que d'autres vivent les choses différemment et aient envie de s'exprimer sur scène.


Les expérimentations ne semblent pas terminées, puisque dès 2007 tu prédisais la suite de Thematic Emanation. Est-ce toujours d'actualité? A quand de nouvelles dissonances macabres dans l'esprit de MoRT?
Pendant de longs mois, j'ai considéré MoRT comme étant l'une des extrémités du black metal. Je n'avais aucune envie d'imaginer pire et encore moins d'aller explorer ce pire. Aujourd'hui ma position a un peu changé et j'éprouve déjà des envies de sons macabres. Je ne pensais pas être rattrapé aussi tôt par ces paysages musicaux marécageux. Néanmoins je vais laisser Blut Aus Nord prendre un peu la lumière et assouvir mes envies lugubres dans un autre projet, 777, qui sera une extension industrielle de MoRT et The Work which Transforms God, une autre branche de l'arbre BAN en quelque sorte.
Concernant la suite de Thematic…, elle s'appellera Lighteater. Mais nous ignorons encore s'il s'agira d'un nouvel EP portant ce sous-titre ou du nom d'une nouvelle entité musicale à part entière. Rien n'est encore décidé à ce sujet, d'importantes décisions concernant BAN et son avenir devant être prises dans les prochains mois. Nous savons simplement que Lighteater va exister.


En interview, tu abordes parfois le fait que BAN dispose d'une grande quantité de matériel composé et même enregistré. Comment concevez-vous un album homogène à partir de cette banque de riffs? Quel en est le point de départ?
En fait cette banque de riffs n'alimente pas les albums enregistrés, ce sont pour la plupart des riffs ou morceaux perdus. Quand nous travaillons à l'élaboration d'un nouvel album, nous devons partir de zéro et tout construire en ayant une seule et même idée à l'esprit. Si tu commences à recycler de vieilles idées, tu n'avances plus.


BAN a des points communs avec Deathspell Omega. La nationalité (au moins d'origine), l'évolutivité musicale du projet, la densité du concept, la reconnaissance en terres étrangères, un nom de groupe que beaucoup résument à quelques lettres.
J'ai ouï dire un autre point commun, à savoir que BAN et DSO sont tous deux des collectifs tournant autour d'une personne, plus que des groupes. Veux-tu renseigner ma curiosité sans trop lever le voile? Comment fonctionne concrètement BAN dans sa démarche créatrice?
Tout ce que Blut Aus Nord enregistre a été le fruit de longues discussions, d'une longue élaboration entre deux personnes GhÖsT et moi-même. C'est le commencement de tout. Si BAN est un collectif c'est uniquement pour des besoins ponctuels nécessitant d'autres exécutants. Aucun avis autre que le nôtre n'est retenu dans le processus créatif et personne n'est invité à y prendre part. Personne ne peut sonder mon âme au point de savoir mieux que moi comment doit sonner notre musique, à quoi elle doit ressembler, la direction qu'elle doit prendre. Blut Aus Nord peut aussi redevenir un véritable one man band, comme c'est le cas sur Memoria Vetusta II que j'ai entièrement composé et enregistré seul.


La reconnaissance de la scène française à l'étranger est une question mainte fois abordée.
BAN étant un porte-étendard de la scène black française à l'internationale, ressens-tu cette reconnaissance du groupe dans les autres pays? Peux-tu nous donner quelques chiffres?
La reconnaissance de la scène française à l'étranger évolue favorablement au fil du temps, de plus en plus de groupes osent proposer des choses originales et s'imposent ainsi en leader dans leur style. Trop longtemps les groupes français ont manqué de personnalité et se sont contentés d'écouter ce qui se faisait ailleurs pour suivre bêtement en espérant récolter quelques miettes. J'ai trop souvent entendu des groupes dire "On y arrive pas parce que nous sommes Français", ils oubliaient juste de préciser qu'ils faisaient de la merde. Je n'ai jamais entendu un Suédois s'obliger à détester un album parce qu'il venait de France. Concernant notre propre situation, Blut Aus Nord bénéficie effectivement d'une reconnaissance beaucoup plus importante à l'étranger, et notamment aux États-Unis, qu'en France. Cela changera peut-être un jour, ou pas, peu importe. Cette situation me rappelle un peu celle de Massacra qui était vénéré à l'étranger et détesté dans l'Hexagone, ça nous va très bien comme ça.


Pendant des années, BAN a préservé un épais mystère. Hormis de rares entretiens, le seul contact extra-musical de BAN avec le public était un site énigmatique.
Maintenant que le groupe revient musicalement vers ses racines, cela me parait presque paradoxal que BAN "s'expose" au travers de nombreuses interviews et apparaisse même dans HRM. Qu'est-ce qui a fait évoluer ta manière d'appréhender le côté extra-musical de BAN? D'où nous viennent cette plus grande ouverture et ce mystère qui s'éclaircit au fil des ans?
Tu sais BAN est déjà apparu dans HRM en 1997 je crois (NDR: le fourbe, il m'a eu). Rien de très nouveau de ce côté. Pour le reste nos avons toujours accordé quelques interviews à la sortie des différents albums et nous continuons de la même manière. Parler de notre travail n'a jamais été un problème. Quand quelqu'un s'intéresse à ce que tu fais et te pose des questions intéressantes il n'est pas problématique de lui répondre, bien au contraire. Le fait d'être chez Candlelight entraîne évidemment une sollicitation médiatique plus importante, mais être sollicité ne signifie pas accepter. Nous refusons à peu près deux tiers des interviews qui nous sont proposées et c'est d'ailleurs une source de conflit récurrente entre le groupe et le label qui souhaiterait nous voir jouer le jeu afin de développer ce produit qu'ils ont entre les mains. Quand nous avons signé avec eux nous savions que notre manière d'aborder l'aspect "promotionnel" poserait un problème. Nous essayons donc de ne pas cracher dans la soupe tout en gardant le contrôle sur ce que nous faisons et diffusons. Au final je pense que nous avons traversé l'épisode Candlelight sans accepter ce que nous aurions refusé pour un label plus underground. Mais je dois t'avouer après avoir testé plusieurs labels représentants deux systèmes bien distincts dans leur façon de fonctionner que l'ombre me manque cruellement…
Le développement d'internet, des webzines, des forums, nous pousse également d'une certaine manière à nous exprimer un peu plus qu'auparavant pour éviter que d'autres le fassent à notre place. Nous avons lu tellement de conneries nous concernant ces dernières années que nous avons estimé judicieux de communiquer un minimum avant qu'un autre qui ne sait pas parle à notre place.


A l'heure où les ventes de disque continuent de chuter et où une partie non négligeable du public de BAN a connu le groupe via internet, comment vois-tu la relation de BAN avec internet et avec son public?
Internet n'est-il pas la plate-forme où tout est possible, y compris se noyer dans l'océan des projets qui proposent de la musique chaque jour? Comment positionnes-tu BAN, un projet avare en communication visuelle au milieu d'un monde essentiellement visuel?
Je ne positionne plus du tout Blut Aus Nord au milieu de ce monde qui ne propose finalement rien de très solide. C'est assez déstabilisant au début, tout ce que tu dis, composes, enregistres est disséqué, commenté et analysé sur des forums divers et variés par des gens qui n'ont aucun lien avec toi si ce n'est quelques rumeurs officiellement colportées par la Bible Wikipédia et une page myspace sur laquelle nous n'avons aucun contrôle. Chacun de tes albums peut être détruit publiquement par un anonyme dans la foule qui vient d'écouter un extrait de quelques secondes via un mp3 de mauvaise qualité et laisse un avis définitif sur ton travail. Il faut survoler tout ça avec beaucoup de recul et en le prenant pour ce que c'est, un gros courant d'air qui au final ne soulève pas grand-chose.

Amen!


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