Interview de Brett (guitares et chant) et Laurent (claviers) de - KALISIA par DUNGORPAT - 2546 lectures
Peu d’albums, encore moins ceux qui se font attendre longtemps, parviennent à rassembler la majorité des suffrages à leur sortie. On a toujours quelque chose à leur reprocher, que ce soit le son qui n’est pas à la hauteur des espérances, le packaging qui laisse à désirer ou quoi que ce soit d’autre qui nous donne une raison de nous plaindre. Pourtant, « Cybion » est de ceux pour lesquels les superlatifs s’imposent, dont l’avenir nous dira s’il est aussi solide qu’on le croit. En attendant, laissons la parole à Brett et Laurent qui nous en disent plus sur la maturation du concept, leurs attentes, tout ça tout ça…


VS : Salut à vous! Bon, allons-y directement, l’album m’a mis sur le cul et l’étude du livret (paroles et illustrations) et du pressbook encore plus !
Nous y reviendrons dans les questions qui suivent, mais commençons par le commencement : pourquoi autant de temps s'est-t-il écoulé entre les premiers enregistrements pour "Cybion" et sa finalisation ?
Brett : Salut Pat, merci pour les compliments ça commence bien. Eh bien entre le commencement des enregistrements et leur finalisation, je peux dire que nous avons joué de malchance et avons même été victimes d'une véritable malédiction je pense. Entre le matériel qui nous lâche, les contraintes individuelles liées à nos emplois du temps et le fait qu'un certain nombre d'événements ont rapidement éclaté notre planning initial, il nous a fallu beaucoup de patience et de ténacité pour en venir à bout.


Si j’en crois la bio, les parties de guitares sont enregistrées depuis 2004. Ont-elles été retouchées depuis ? En 10 ans tu as du souvent avoir envie de bidouiller ce qui avait déjà été enregistré non ?
Ne serait-ce que parce que ta vision du projet avait évolué ?
Non pas vraiment, la composition était déjà terminée quand nous avons commencé à enregistrer la batterie, en 2003. Quelques overdubs et arrangements sont venus se greffer ici ou là, mais globalement, tout était sur le papier ou dans nos têtes depuis bien longtemps.


Sortir un album de death metal progressif (peu importe son appellation, il y a 15 ans on aurait parlé de techno death) maintenant est peut-être bien plus pertinent d’un point de vue commercial qu’il y a 5-6 ans finalement,
avec les reformations de groupes cultes comme CYNIC, PESTILENCE, ATHEIST et NOCTURNUS, qu'en penses-tu ?
Laurent : Je ne crois pas que cela ait vraiment une incidence commerciale non. D'une part nous n'avons jamais splitté, et surtout nous n'avons jamais eu la renommée des groupes que tu cites ! Le lien n'est donc pas évident… Et puis même s'il est fort possible que les fans de ces groupes adhèrent à notre musique, nous avons tout de même une identité très différente. Car il ne faut pas confondre techno-death et progressif comme tu le sous-entends, ce sont deux approches différentes à mon sens. Nous n'avons jamais cherché à être techniques par exemple ! Alors est-ce que nous allons profiter de cette vague… Mmm, tu sais ce que je pense en secret ? C'est que ces groupes ont attendu l'annonce de la sortie de "Cybion" pour se reformer, car ils comptaient EUX surfer sur notre futur succès ! (hum, je suis crédible là ?)

Brett : Moi j'y crois en tout cas, ta théorie est même validée par la sortie de "Chinese Democracy" ! En tout cas comme le souligne Laurent, je ne pense qu'on nous soyons un groupe "technique", notre but n'a jamais été d'impressionner ou de donner dans la démonstration, les émotions ont toujours été le centre de notre démarche, et par exemple l'utilisation de mesures asymétriques dans notre musique est assez discrète (même si elles sont partout, elles ne sont pas là pour sonner complexe). C'est vraiment "la musique" dans son ensemble qui prime avant toute individualité.


Le concept me rappelle parfois le "Cycle de Fondation" d’Asimov, dont la Warner a acheté les droits il y a 6 mois. Comme à l’époque où il s’est lancé dans cette entreprise, notre monde est en crise.
La Science-Fiction a souvent offert une analyse, une réflexion, voire des pistes de solution à travers ses différents moyens de communication (roman, cinéma, musique). Vois-tu "Cybion" comme une sorte de futur possible pour l'humanité ?
Laurent : C'est là tout le cœur de l'histoire ! La sortie de notre isolement cosmique, avec quelles contraintes et quelles conséquences… Car il n'est pas dit qu'il y ait un intérêt réel à la chose, ni pour nous et encore moins pour les autres peuples. Preuve en est, ils se font relativement discrets ou du moins insaisissables pour l'instant ! Dans "Cybion", on part du principe que l'humanité vient de s'éveiller à une sorte de conscience propre, que la Terre a joué son rôle de matrice et que les organes du cybionte sont maintenant suffisamment développés pour pouvoir appréhender le reste de l'univers. C'est une naissance, mise en musique par l'introduction symphonique de l'album, il va falloir éduquer ce nouveau-né… La suite des événements nous conduira à illustrer une autre possibilité d'avenir, celle du repli, où plutôt que de s'ouvrir sur la réalité que nous connaissons, contraignante et qui nous dépasse largement, nous nous en fabriquons une nouvelle – qualifiée de virtuelle pour ceux qui en connaissent la nature – régie par des lois dont nous connaissons tout et sur laquelle nous serions parfaitement omnipotents. Mais pourtant, aussi séduisant que cela puisse paraître, n'est-il pas dans l'essence même du vivant que de s'adapter à l'adversité, d'évoluer à travers des nouvelles expériences ? "Cybion" aborde ces thèmes et bien plus, au travers d'un personnage central devenu immortel…

Brett : Mais chut, tu en dis trop ! J'aime l'idée que les auditeurs vont devoir se creuser un minimum la tête pour comprendre les paroles et tout un tas de subtilités...

Laurent : Bah, ce ne sont que quelques grandes lignes Brett ! Car les gens ne comprendront pas tout de suite que l'histoire n'est en fait qu'une métaphore illustrant le principe holistique des systèmes fractals multidimensionnels… (c'est bon, j'ai embrouillé tout le monde là)


Il y a quelques explications/pistes de réflexion sur la signification des chansons dans le pressbook, qui aident à la compréhension de l’histoire.
Sans entrer dans le détail puisque ce serait en gâcher le plaisir de la découverte, peux-tu nous donner les grandes lignes du concept "Cybion" ?
Laurent : Au départ, l'histoire devait être très abstraite, avec de grands concepts et de longues réflexions. On s'est cependant rapidement rendu compte que tout ça serait indigeste pour la plupart des gens, qu'il fallait prendre des personnages bien réels et leur faire vivre une aventure à travers laquelle les fameux grands concepts pourraient être illustrés. On y a forcément perdu en profondeur, mais on y a gagné en accessibilité. Le personnage principal est un Japonais docteur en bio-nanotechnologies, Keiji Otsuka. Il fait partie de ceux que nos tuteurs ont choisi pour nous "éduquer". Ses recherches le conduisent à découvrir une sorte d'immortalité, fragile mais possible… A partir de là, une sorte de scission va s'opérer et conduire l'humanité sur un chemin que je te laisse découvrir dans "Cybion"…

Brett : Et il continue à tout dévoiler le bougre !!!

Laurent : Mais non, si peu, si peu…


À la fin livret, on trouve un glossaire recensant les personnages principaux et donnant des informations sur quelques éléments importants pour la compréhension de l’histoire.
On se sent finalement plus proche de la bande dessinée que de la musique, rares sont les albums contenant autant de détails ! D'où ma question : avez-vous pensé à une éventuelle adaptation BD du concept ? Peut-être une suite ? Pourquoi pas une BD accompagnée d'une bande son sans paroles ? Ce ne sont pas les illustrateurs talentueux qui manquent chez nous…
Une suite, c'est impossible, d'une part parce que l'histoire se finit à la fin de tout (si ! si !).

Brett : Bon cette fois c'est décidé tu es privé d'interviews ad vitam aeternam !!!

Laurent : Et puis surtout parce que sinon j'en connais un qui va se mettre une balle. Et puis s'il nous faut aussi longtemps que pour cet album, les fans seront mort de vieillesse de toute façon (rires).

Brett : Ou nous de fatigue !

Laurent : Quant à une éventuelle adaptation, je peux t'annoncer en exclusivité que la Warner vient aussi de nous racheter les droits pour la somme de… quoi, on n'a pas le droit de rêver un peu ?! Non, pour rester sérieux, j'adore la SF, je lis beaucoup de BD et une conception graphique dans cet Univers ne m'aurait pas déplu. Cependant Brett préférait quelque chose de plus "réaliste", et c'est finalement dans cette voie que nous avons creusé.

Brett : A la fois réaliste et imagé malgré tout, il n'était pas question d'avoir des illustrations qui soient des photographies, il leur fallait garder une part de "magie", d'imaginaire et de poésie. Un mélange de dessins, montages photos et maquettes en 3D...


Je vois que vous avez créé un nouveau langage, inspiré de l’étude de diverses langues. Cela a dû demander un temps fou pour mettre en place tout ce système linguistique !
L'utilisation de cette langue est-elle limitée à ses seules apparitions dans les textes des chansons, ou êtes-vous véritablement en mesure de traduire des textes entiers ?
N'étant pas complètement barjot (juste un peu), je me suis contenté de créer les mots dont j'avais besoin dans le texte. Je ne pourrai donc pas te parler en Kal car mon vocabulaire est très limité. Mais les règles grammaticales sont posées, tout comme le sont la sémantique, la calligraphie et même l'étymologie des mots (certains mots sont très proches les uns des autres, ou même symétriques, ce qui n'est pas un manque d'inspiration ni un hasard). Il ne me reste qu'à ajouter des mots à mon lexique si j'en ai besoin. Je me suis penché sur l'étude de plusieurs langues pour créer ce langage unique et crédible (du sanskrit, du russe, du grec, de l'arabe, du japonais, du latin, de l'allemand et même des langues de Tolkien que sont le Tengwar et le Quenya).


Je complète ma question précédente : des paroles rédigées exclusivement dans cette nouvelle langue n’auraient aucun intérêt si le but était une sorte de "performance",
mais on peut aussi penser que si là où une langue connue peut empêcher l'auditeur de véritablement "décoller" à cause du lien qu'elle maintient avec notre réalité, une autre totalement inconnue pourrait apporter plus de profondeur et de mystère d'un point de vue émotionnel ? Pourquoi pas dans cette adaptation BD que j'évoquais tout à l'heure finalement ?
Magma chante uniquement en Kobaïen, cette langue qu'ils ont inventée, et je ne pense pas que cela soit un problème pour qui écoute ce groupe, au contraire même ça le rend totalement unique. Pour ma part quand j'écoute Rammstein, je ne comprends pas un mot mais ça ne m'empêche pas de chanter à tue tête du gros n'importe quoi. Et crois-moi, pour de nombreuses personnes, des paroles en anglais sont aussi obscures que si elles étaient en finnois ou en chinois... En revanche faire une BD où les textes sont incompréhensibles, comme quand tu ouvres un manga en VO par exemple, ne m'attire pas plus que ça (ou alors j'ai mal compris ta question ?)(NDR : nan, je m'ai mal exprimé, je pensais à une BD accompagnée d'une bande son sur laquelle les voix seraient chantées dans cette fameuse nouvelle langue). Quoi qu'il en soit les parties chantées en Kal dans "Cybion" sont toutes traduites en anglais et en phonétique dans le livret.


"Cybion" est présenté comme un seul morceau dont aucun élément n’est dissociable. Pourquoi ne pas avoir tenté le pari, comme EDGE OF SANITY avec "Crimson", de le proposer en une seule et même plage ?
Peut-être effectivement le découper pour les besoins du téléchargement mp3 de la version promo, mais tout mettre sur une seule plage pour la version CD ?
Laurent : Grand et délicat sujet que tu abordes là ! Car en effet, "Cybion" est bien un seul morceau, et a été composé comme tel, même si nous savions dès le départ qu'il aurait plusieurs chapitres. Trois initialement, pour passer à quatre rapidement.

Brett : Et puis finalement nous en avons discuté et les avis au sein du groupe étaient très divergents et passionnés jusqu'à la dernière minute. Laurent voulait 1 ou 5 pistes (dont la première piste serait l'intro qui est actuellement le A0), moi j'hésitais entre 4 et 20 et le reste du groupe préférait 20 pistes. Il a donc fallu trancher et pour cette fois c'est la démocratie qui a joué. Mais une seule piste de 1h11m11s sur le CD, c'est bien trop pénible.

Laurent : Disons que 4 ou 5 auraient été un bon compromis je crois. Ce concept est tellement extrême, il est tellement rare de trouver des morceaux aussi ambitieux qu'au final le découper en plein de petits morceaux lui faisait perdre selon moi une grosse partie de son essence… Mais bon, la version mp3 est proposée en une seule piste, alors ça compense un peu quelque part, l'esprit est respecté…

Brett : Oui car selon les lecteurs mp3 utilisés, il y avait des blancs entre les pistes et c'était quand même plutôt gênant. Et puis il est quand même bien plus simple d'avancer ou de se repérer dans un fichier mp3 sur son ordinateur que sur un CD dans son autoradio. Et il existe de nombreux outils sur le net pour découper un fichier mp3 en plusieurs petits si on le souhaite. Quoi qu'il en soit, tout le monde ne peut pas écouter "Cybion" d'une traite au casque dans son canapé... Pour en revenir à EDGE OF SANITY (qui, je tiens à le préciser, a sorti son album après que nous ayons posé les bases de "Cybion"), j'ai rippé ma copie de "Crimson" et me le suis gravé avec différents index.


Le pressbook contient les illustrations du livret, qui sont magnifiques et n’ont pas grand-chose à envier à celles des illustrateurs actuels les plus en vue ! Comment avez-vous travaillé avec Ultimeatome (http://www.ultimeatome.com) ?
Travail des visuels en fonction des textes ? De la musique ? Ou inversement, une proposition d'illustration a-t-elle influencé la musique ou les paroles ?
Laurent : Non, la musique était déjà composée quand Brett a contacté les illustrateurs. Il les a guidés en leur fournissant un modèle fait d'images piquées un peu partout et correspondant aux scènes clefs de l'histoire. Ils ont travaillé en créant les leurs et en faisant des modifications au fur et à mesure, en fonction de nos indications. Cependant au final Brett a dû retoucher certaines images pour que nous en soyons pleinement satisfaits, et il en a même intégralement réalisé plus d'une !

Brett : On a même poussé le vice jusqu'à réfléchir avec Matthieu et Guillaume (les deux illustrateurs) à un moyen de propulsion crédible et nouveau pour les vaisseaux, les structures des bâtiments, des végétaux, les lumières...


J’ai pu lire qu’il y avait à certains endroits près de 200 pistes superposées. A l’oreille, on ne discerne rien et le rendu général est très clair et très agréable à écouter.
Comment as-tu travaillé le son Brett? As-tu testé le rendu de tes réglages et manipulations sur du matériel différent afin d'obtenir une qualité perçue la plus homogène possible (installation HiFI, auto-radio, poste CD portable) ?
Merci. Oui, mais c'est le cas pour tous les disques produits (enfin, en général), ils ne sont pas écoutés que dans le studio sur des enceintes pros, sinon c'est le désastre assuré. En effet entre les pistes de chorale et orchestrales qui s'ajoutent au groupe en lui-même, on dépasse parfois les 200 pistes... Pas simple à gérer, aussi bien pour moi que pour l'ordinateur sur lequel j'avais commencé à mixer et qui était littéralement à genoux et m'a fait perdre un temps fou.


Il est évident au regard du résultat obtenu que le temps passé sur l’album en valait la peine, mais n’as-tu pas à certains moments été tenté de tout balancer ?
La question est évidemment valable pour les autres membres du groupe : ce doit être extrêmement frustrant de savoir qu'on a quelque chose de potentiellement exceptionnel entre les mains et de voir son travail constamment ralenti ou remis en question.
Laurent : Oui et non, car ce qui est à venir est toujours plus excitant que ce qui est passé, non ? Alors savoir ce potentiel entre nos mains était assez excitant d'un certain côté, même si comme tu le dis il y a eu des doutes… Oui, Brett a menacé plus d'une fois de tout balancer ! Il faut dire qu'il avait tenu à produire "Cybion" et qu'il avait certainement sous-estimé la tâche, ce qui lui mettait une sacrée pression sur les épaules, et que nous ne lui avons pas toujours facilité la tâche, qu'il s'est souvent senti seul à tenir les rennes du groupe…

Brett : Ça a vraiment été un travail épuisant physiquement et mentalement, et il est humain de songer à abandonner, mais à chaque fois en regardant en arrière tu te dis : "Oh merde mais non j'ai déjà trop galéré et souffert pour abandonner maintenant, on n'a jamais été aussi proches du but, qu'ils aillent tous se faire foutre je finirai ce disque coûte que coûte" et tu repars pour des mois de misère...


Quelque chose m’a frappé dès la première fois où j’ai écouté l’album : même si on peut assez facilement citer quelques influences, et sans avoir un "son" particulièrement différent de ce qu’on peut entendre aujourd’hui, il a une forte identité.
Ou plus justement, les influences sont assez bien digérées pour ne pas être trop envahissantes. On écoute "Cybion" pour ce qu'il est, pas pour les parties "à la xxx" qu'il pourrait contenir. Avez-vous essayé de gommer autant que possible certaines influences qui auraient été trop marquantes ?
Laurent : Certains confondent certainement "être influencé" et "copier". En ce qui nous concerne, même si lors de nos répétitions de nombreux passages ont reçu des noms de groupes auxquels ils faisaient penser, nous n'avons jamais eu besoin de gommer ou de nous poser des "contraintes d'originalité", car la musique que nous composions était naturellement la nôtre. Enfin, c'est mon point de vue, car peut-être que de leurs côtés Loïc et Brett ont pompé honteusement plein d'idées à droite à gauche et que je ne suis pas au courant ! (rires)

Brett : Non ça va, on n'est pas Dream Theater qui depuis quelques années hélas plagient allègrement tout ce qui passe entre leurs oreilles, de Muse à Metallica en passant par Linkin Park, Opeth ou Evanescence, etc (hahaha j'imagine déjà les commentaires sur VS, rires). Et souvent nos influences se mélangent entre elles : un rythme de batterie à la Ministry avec du chant à la U2 mais passé dans un filtre à la Marilyn Manson et des guitares à la Marillion avec des nappes de claviers à la Dream Theater par exemple. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits !!! Je me souviens aussi d'un plan que j'avais composé avec Rhapsody en tête et qui au final s'appelle le plan "Strapping Young Lad" (comme l'a dit Laurent, on donnait souvent des noms de groupes à nos riffs pour mieux s'y retrouver, c'est plus pratique que "le plan en 7/8 - 5/4 - 15/16 en La phrygien"...). Disons aussi qu'on a une assez grosse culture metal et qu'on écoute beaucoup de choses.


Plusieurs styles musicaux sont abordés sur l’album, mais les transitions sont toujours limpides et on n’est jamais perdu, l’ensemble reste cohérent.
Vous êtes-vous restreints au moment de la conception du disque afin qu'il ne soit pas trop hétéroclite, ou toutes vos idées se sont-elles imbriquées naturellement ?
Laurent : "Cybion" n'a subi aucune restriction ! Enfin, si… Brett va sûrement te parler de son plan zouk, qu'il a tenté à maintes reprises de caser en vain ! (rires)

Brett : No comment !!! M'en fous, un jour je révolutionnerai le monde du metal en sortant du zouk metal avec des blasts à la tabla-steel !!!

Laurent : Reste qu'il y a tout de même eu un véritable travail de réalisé pour "imbriquer" les idées, comme tu dis, et surtout pour faire que l'ensemble garde une grande cohérence. Les progressions harmoniques, les changements de tempos, les mélanges de motifs rythmiques et mélodiques auparavant exposés séparément, le choix des ambiances, des sons… rien n'est dû au hasard ! Non, il faut bien reconnaître qu'il y a eu du travail tout de même…

Brett : On ne s'en rend pas forcément facilement compte par exemple, mais l'harmonie de certains passages est la même pendant super longtemps alors que l'on croirait que ça change tout le temps. Les choses ont toutes été pensées, pesées... Si une des parties est plus violente et sombre, voire froide et déshumanisée, ce n'est pas un hasard et l'étude des textes vous le révélera.


Andy Sneap a fait de l’"additionnal guitar engineering"… En quoi cela consiste-t-il ? Ce traitement a-t-il été appliqué sur tout l’album ou sur quelques morceaux seulement ?
Il a réampé nos guitares (pour "Cybion", pas "Origins"). Il avait une petite dette envers moi alors j'en ai profité, héhéhé...


Vous avez également reçu le soutien de nombreux artistes reconnus comme Paul Masvidal, Ludovic Loez, Angela Gossow, Arjen Lucassen… Comment êtes-vous entrés en contact avec eux ?
Comment se sont passées les différentes collaborations ?
Ça s'est passé différemment pour chaque invité en fait. Le seul à être venu enregistrer ici est Christophe Godin, les autres ont tous fait ça chez eux ou dans un studio vers chez eux (Angela Gossow après ses sessions d'enregistrement du dernier ARCH ENEMY par exemple). Je ne vais pas rentrer dans les détails de la participation de chacun d'entre eux, mais disons que j'ai soit été amené à travailler avec certains, tandis que d'autres sont des amis ou des connaissances, et il y a enfin la troisième catégorie qui correspond à ceux que j'ai contacté et convaincu via le net (par mail ou myspace) sans les connaître personnellement.


L’édition spéciale de "Cybion" contiendra votre mini CD "Skies" dans une version remixée. En quoi sera-t-elle différente de la version originale?
Le son sera bien entendu meilleur (il faut du moins l'espérer ;o) ) mais y a-t-il également eu des améliorations apportées aux morceaux ?
Non, seul le son est différent dans le sens où il s'agit d'un remixage. Et effectivement, j'espère aussi qu'il sera jugé comme étant meilleur, haha ! Mais je n'ai rien ré-enregistré. Je voulais garder intacts les plantons et erreurs qui font partie intégrante de "Skies". Il fallait que le charme reste présent, le son n'est pas complètement dénaturé, l'esprit est gardé ; juste poli, dépoussiéré. Pour ma part je prends à nouveau du plaisir à réécouter ces morceaux ainsi remixés ceci dit. Même si le résultat de l'époque était très convenable pour une démo, les morceaux retrouvent ici une seconde jeunesse.

Laurent : Au niveau des synthés c'est vrai que ça aurait pu être sympa de changer certains sons un peu moisis quand même, mais ça aurait demandé un travail délicat, et je suis sûr que dans les milieux intégristes certains puristes fanatiques auraient crié au scandale ! (rires) Bon en fait, ça ne m'attirait pas plus que ça d'y passer du temps… "Skies" c'est le passé ! Et comme l'a dit Brett, là n'était pas le propos de toute façon.


Sur ce CD bonus, on trouvera également des reprises : CYNIC, DREAM THEATER, EMPEROR et… LOUDBLAST !
Je me serais pourtant attendu à une reprise de "The Cube", dont les atmosphères se rapprochent énormément de celles de "Cybion" même si la musique est sensiblement différente… Comment s'est fait le choix des reprises ?
Brett : Nous avons déjà participé au Tribute à S.U.P. en reprenant "Deliverance" donc ça aurait été une redite. Les choix des morceaux ont été assez évidents en fait à part celui de LOUDBLAST. L'idée était de reprendre un morceau par groupe dont nous étions fans à la création du groupe et qui nous avaient influencés et aidés à forger notre identité propre à l'époque de "Skies". Et, autre contrainte, il ne fallait qu'un groupe par style. C'est ainsi que DREAM THEATER et CYNIC se sont imposés par eux-mêmes, étant nos deux principales influences et les groupes les plus souvent cités lors des chroniques de "Skies". L'un pour le côté metal progressif et l'autre pour le côté techno death jazz éthéré expérimental (même s'il faut le chercher loin dans notre musique...) J'ai fait écouter la reprise à Paul et Sean de CYNIC d'ailleurs qui m'ont alors avoué que c'était la première reprise qu'ils entendaient de leur vie d'un de leurs morceaux, et que cette version enterrait la leur (il faut savoir qu'ils sont très modestes et gentils, je pense surtout que c'est pour ça qu'ils ont dit ça). Le morceau d'EMPEROR est un morceau que nous reprenions en concert à l'époque, et nous avons d'ailleurs joué avec eux en 1997 donc cette reprise s'imposait d'elle-même également pour représenter notre côté plus extrême et obscur. Ensuite, le choix évident aurait été de reprendre DEATH (nous avions d'ailleurs préparé plusieurs reprises pour un concert tribute à Chuck pour l'aider à récolter des fonds pour payer pour son traitement avant son décès - concert auquel nous n'avons finalement pas pu participer hélas). Mais cela aurait été trop proche de CYNIC en quelque sorte (surtout que "Human" aurait été l'album choisi sans aucun doute). AMORPHIS, TIAMAT et EDGE OF SANITY ont alors traversé mon esprit (surtout qu'on reprenait déjà les deux premiers sur scène à l'époque), mais on voulait tout de même rendre hommage à notre groupe français préféré, et un de nos groupes de death metal favoris tout court : LOUDBLAST. Ça n'a pas été simple de trouver LE bon morceau à reprendre en fait, et j'avais même laissé tomber après avoir creusé en long en large et en travers sur "Sublime Dementia", "Cross the Threshold" et "Disincarnate" jusqu'à ce que je retombe par hasard sur ma compilation "Brutale Generation" et que le déclic se fasse !


Le packaging est particulièrement luxueux, pour un prix de vente plus que raisonnable… Avez-vous reçu des aides afin de réaliser un produit aussi pro sans être obligés de le proposer à un prix prohibitif afin de rentrer dans les frais ?
Laurent : Non, aucune aide financière ne nous a été apportée… Nous avons partagé tous les frais entre nous ! Certains ont parfois du faire des avances aux autres (ne me regarde pas comme ça, ça n'est pas de ces avances-là dont je parle !) mais au final nous aurons tous perdu la même chose ! (rires) C'est cependant un truc que nous acceptons, par passion, car cet album compte beaucoup pour nous… alors qu'il est vrai qu'un label ne fonctionne évidemment pas comme ça.


Où en êtes-vous actuellement niveau préventes ? Si j’en juge par les réactions à chaque news sur VS, elles devraient être satisfaisantes…
Ce sont plus que des préventes, j'ai commencé à faire les envois de digipak depuis la fin janvier ! Et je peux te dire que c'est un putain de boulot, et qui nécessite une sacrée organisation. Mais je ne me plains pas, bien au contraire. J'ai été surpris de voir la diversité des origines des commandes, il y en a vraiment de partout dans le monde. C'est vraiment génial de se dire que ce digipak que je tiens là, il va bientôt arriver dans les mains d'un Australien, d'un Chinois, d'un Russe ou d'un Ethiopien (heu, non, pas d'un Ethiopien encore…) On a des commandes de partout, mais la France reste quand même en première place, suivie par les USA. Cependant nous savons que même si nous vendons tout le stock, nous ne nous rembourserons pas complètement… Par contre on pourra sûrement envisager de presser d'autres CD, ou d'investir dans du matériel pour la scène.

Brett : On remboursera l'argent qui a été mis dans le pressage de ces disques, mais pas celui qui a été investi dans la conception et la réalisation de l'album. A moins d'en vendre plusieurs (dizaines de) milliers, je ne pense pas qu'on rentre dans nos frais un jour en tout cas... Heureusement qu'on ne fait pas tout ça pour le pognon ! Et à propos, si vous achetez le disque directement au groupe, il ne vous coûtera pas plus cher qu'en Fnac ou autres Virgin et au moins l'argent nous revient en intégralité (ce qui est très loooooooiiiiiinnnn d'être le cas pour les disques achetés en magasins). A bon entendeur ! :-)


A ce propos, avez-vous des concerts de prévus ? Ce doit être très casse-gueule d’adapter quelque chose d’aussi sophistiqué à la scène, a fortiori à de petites scènes sans forcément les moyens (son et lumières) offerts par de grosses architectures.
Laurent : C'est vrai que le matériel nécessaire est onéreux, et que nous espérons encore en acquérir pour faire de super shows. Jouer sur de toutes petites scènes ne sera certainement pas possible, il nous faudra, c'est vrai, d'assez bonnes conditions…

Brett : Nous avons absolument besoin d'un excellent son pour convaincre les gens qui ne nous connaissent pas sur scène afin qu'ils comprennent quelque chose à ce qui se passe. Sans parler du besoin de place...

Laurent : A l'époque de "Skies" nous acceptions à peu près n'importe quoi, jusqu'à jouer dans une cave d'une zone industrielle lors d'une manifestation improvisée par des gars du coin… Bon, c'était sympa c'est vrai, mais ça on ne le fera plus par exemple ! Nous n'avons pas encore de dates de prévues, et pour être franc pas encore de remplaçant officiel à notre ancien batteur… Mais un jour, nous jouerons "Cybion" en live, c'est sûr !

Brett : Et ça va tuer des huîtres !


Sans vouloir en aucune manière minimiser votre travail, certaines de vos lectures, certains de vos albums favoris vous ont sans doutes influencés. Avez-vous quelques références (Romans, BDs, Disques, Essais, etc.) à nous conseiller ?
Laurent : Le livre à l'origine de "Cybion" est "L'Homme Symbiotique", de Joël de Rosnay, paru en 1995. Ce livre m'a fasciné, car pour la première fois un scientifique formalisait tout un tas d'idées que j'avais et donnait un nom à notre macro-organisme planétaire : le cybionte. J'avais déjà eu envie d'aborder ce thème, mais un morceau classique c'est trop peu pour un sujet aussi vaste. Ainsi est né ce concept…

Brett : Et il faut rendre à César ce qui lui appartient, des éléments inspirés d'autres auteurs de science-fiction tels que Philip K. Dick, Frank Herbert ou Arthur C. Clarke ont aussi beaucoup joué. En ce qui concerne la musique, nos influences sont déjà connues de toutes et tous mais je citerai tout de même ces albums à ne pas rater que sont "Images & Words", "Awake" et "Scenes From A Memory" de DREAM THEATER, "Focus" de CYNIC, ou encore "Operation: Mindcrime" de QUEENSRŸCHE.


Nous voilà à la fin de l’interview ! Y a-t-il une question que vous avez toujours voulu qu’on vous pose mais qu’on ne vous à jamais posée ?
Laurent : Oui, c'était justement celle-là ! ;-)


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