Interview de Sébastien Régnier (tous instruments) d' - ECLECTIKA par DUNGORPAT - 1484 lectures
Musicien multi instrumentiste, patron de label, rédacteur en chef d'un webzine faisant la promotion de l'activité métal bourguignonne, impliqué dans plusieurs groupes, Séb fait partie de ceux qui prennent la taureau par les cornes afin de mener à bien les projets qui leur tiennent à cœur. Petit coup de projecteur sur un personnage très attachant!
Salut Seb! Tu connais bien le rituel puisque tu es le rédacteur en chef d’un fanzine et d’un webzine (nous y reviendrons tout à l’heure), alors présente-nous ECLECTIKA !
Salut ! ECLECTIKA est né en 2001 mais c'est à partir de 2005 et avec la sortie de la première démo « Funeral Victorious March » que le projet a commencé à être sérieux. Deux ans plus tard sort le premier album d'ECLECTIKA « The Last Blue Bird ». Le groupe est actuellement composé d'Alexandra au chant féminin, d'Aurélien au chant masculin et de moi-même au chant et aux instruments. Nous avons des musiciens de session pour les concerts.
« The Last Blue Bird » est ton premier véritable album après la démo « Funeral Victorious March ». Est-ce une sorte d’aboutissement pour toi, étant donné que tu t’es chargé de tout et que tu as même monté un label pour l’occasion ?
Aboutissement, non, mais une étape importante dans l'évolution constante du groupe. Je ne peux pas me reposer, il faut toujours que j'améliore ce que je fais et ce à tous les niveaux (compositions, qualité du son, distribution…). La vie est un éternel apprentissage et une accumulation d'expériences qui font que l'on se sent obligé de progresser continuellement. « L'aboutissement » est une chose que je n'atteindrai jamais.
Nous reparlerons du label plus bas, pour l’heure concentrons-nous sur l’album : « The Last Blue Bird »… Ce titre a-t-il une signification particulière pour toi ?
Il m'inspire l'évasion et l'imaginaire. Tout est très abstrait tant dans l'imagerie que dans les paroles. Chacun peut se faire sa propre interprétation des textes. J'ai puisé dans un très large éventail, à l'instar de la musique, pour l'écriture des paroles.
Ce titre est assez énigmatique et suscite la curiosité.
Tu as poussé le concept de thrash/black/goth/ambiant un peu plus loin encore que sur la démo, penses-tu pouvoir continuer dans cette voie ou le prochain disque sera-t-il orienté dans une toute nouvelle direction ?
Le prochain disque, qui est en cours d'écriture, sera sans la même veine que "The Last Blue Bird". Il sera néanmoins plus complexe dans l'écriture avec des couches supplémentaires d'instruments. Comme je l'ai dit précédemment, il faut que je fasse évoluer continuellement la musique et les compositions, même si je reste dans un style défini.
Pour la démo, J'ai voulu avoir un son et des compositions très brutes pour essayer d'avoir une base solide pour la suite. "The Last Blue Bird" est une amélioration de cette démo, avec une structure plus complexe et étendue. Le prochain sera encore une évolution des travaux effectués et ainsi de suite.
Je ne m'interdis pas non plus de faire un album complètement centré sur un style particulier ou dans une toute nouvelle direction comme tu le mentionnes dans ta question. Bref l'avenir est vaste et sujet à différentes expérimentations.
Nous en avons déjà beaucoup parlé ensemble, ta musique me fait beaucoup penser aux travaux des groupes grecs du début des années 90, principalement ROTTING CHRIST pour le mélange d’influences heavy metal et de thrash, le tout dans une ambiance très sombre Te sens-tu proche de cette scène ? Cherchais-tu à recréer ces ambiances quand tu as commencé à composer pour ECLECTIKA ?
Je ne sais pas si je suis influencé par une scène en particulier. J'écoute énormément de choses et chaque style de musique m'influence. Pour moi, mélanger les genres est assez naturel et je ne suis pas du tout choqué du résultat. Je trouve qu'il y a toujours une certaine unité et continuité dans la musique d'ECLECTIKA, même si ce n'est pas évident de prime abord.
Pour en revenir à ta question, même si j'aime un groupe comme SEPTIC FLESH, je ne me sens pas vraiment proche de la scène grecque.
Tu as tout fait toi-même niveau production, mixage, etc. Par volonté de tout maîtriser ? Par manque de moyens pour te payer un véritable studio de production ? Es-tu totalement satisfait du résultat ?
Oui, on peut dire que j'aime bien tout maîtriser et tout gérer de A à Z. C'est plus une question de caractère que de volonté ou une question financière. A tous les niveaux, j'apprends, je crée et j'y gagne en plaisir et en fierté.
Pour ce qui est de la satisfaction, je suis content du résultat. Bien sûr tout est améliorable et sera toujours perfectible, mais j'apprécie cet album tel qu'il est.
Ce qui peut être reproché à « The Last Blue Bird », c’est en partie ce qui fait, selon moi, son charme : son côté vintage, que ce soit en terme de composition ou de production. Comment réagis-tu fasse à ce genre de critiques ?
Très bien, pour moi toutes les critiques constructives sont bonnes à prendre même si je ne me focalise pas dessus et ne change pas du tout au tout. Je fais ce qui me plaît, ce qui est de loin le plus important à mes yeux. La principale qualité de cet album est qu'il est sincère et qu'il vient des tripes. Je ne pourrais jamais faire un album formaté pour vendre plus de disques. La liberté et l'intégrité avant tout. Donc, j'assume complètement le côté vintage du son et des compos.
Y a-t-il un concept général derrière l’album ? Peut-être une dimension « cosmique » que l’on peut retrouver dans le visuel et dans les morceaux ambiant… Une démarche à la LIMBONIC ART en somme, toutes proportions gardées bien évidemment !
L'ouverture d'esprit et l'évasion sont les termes qui me viennent à l'esprit. Dans une interview, un journaliste m'a dit que notre musique était « un grand huit émotionnel », c'est un magnifique compliment et une métaphore qui caractérise parfaitement notre démarche artistique. Le but de la musique est de créer des émotions à travers des notes de musiques.
Les musiques ambiantes sont là pour transporter l'auditeur d'un monde à un autre. Ce n'est pas pour autant un album concept et chaque titre est indépendant du reste.
Tiens, une question me vient là, tout de suite : et le dernier DARKTHRONE, t’en penses quoi? Et le BLUT AUS NORD ? Et le AGUA DE ANNIQUE ? Et le LACUNA COIL ? Bref, comment vis-tu les changements d'orientation de tous tes groupes fétiches, sans lesquels tu ne serais sûrement pas devant ces questions aujourd'hui ?
C'est vrai que je suis souvent déçu par les directions artistiques et les évolutions prisent par les groupes que j'affectionne. Il y a des exceptions comme DISMAL EUPHONY, THE GATHERING, EMPEROR,… mais en règle générale, je préfère toujours les premiers albums des groupes.
Revenons à nos oiseaux bleus après ce petit aparté : j’ai évoqué THE GATHERING à travers le nouveau projet de Anneke Van Giersbergen, et tu es justement fan de cette scène initiée par les Hollandais… Qu’y trouves-tu que tu ne trouverais pas ailleurs ?
Je trouve qu'il y a une sincérité et une fraîcheur dans la musique de THE GATHERING. Que ce soit d'"Always" à "Home", il y a toujours une touche émotionnelle apporté aux compositions. Bref c'est un groupe honnête avec lui-même donc avec les fans.
La scène qu'ils ont engendrée (Doom Atmosphérique, Heavy/Gothic avec chant féminin) est formidable même si elle s'est épuisée et tourne en rond ces dernières années. Actuellement, seul EPICA sort son épingle du jeu à mon avis.
Deux chanteurs sont crédités sur le livret, toi et Aurélien Pers. Comment vous êtes-vous partagés les vocaux ?
Je m'occupe des principaux vocaux Death et Black et Aurélien ponctue la musique avec ses cris Filthiens. Je trouve qu'il y a une complémentarité dans les chants et je vois mal la musique d'ECLECTIKA sans la réunion de nos voix. Je n'exploite pas encore à fond cette diversité, mais je ne veux pas brûler les étapes car ça demande beaucoup de travail et d'expérience dans la composition.
Qui est cette jeune fille à la voix angélique qu’on entend sur quelques chansons ?
C'est Alexandra, son chant complète parfaitement les deux autres chants. Il apporte une touche mélodique aux compositions. Mais comme évoqué précédemment, je n'utilise pas encore tout son potentiel, son chant sera mis beaucoup plus en avant pour la suite et les compositions seront plus articulées autour de sa voix.
La plupart des textes sont comme des fenêtres ouvertes sur les réflexions d’une entité qu’on découvre au fil de l’album. Des phrases courtes qui font penser à ces scènes de film où l'un des personnages se tape un mauvais trip et que corps et esprit semblent se dissocier… T'es-tu inspiré de certaines techniques cinématographiques pour écrire les paroles ?
J'utilise beaucoup de phrases nominales qui sont plus percutantes. Le travail autour des textes est important pour qu'ils collent parfaitement à la musique. Je dois avouer que l'écriture des paroles m'est très compliquée et pénible car ce n'est pas trop mon domaine. J'essaye néanmoins d'être en symbiose avec la musique et de travailler au maximum les textes pour qu'ils soient intéressants et pertinents.
Tu as monté ton propre label il y a peu, « Asylum Ruins ». Comment t’est venue l’idée de te lancer dans cette galère? Quels sont les objectifs du label, à court et long terme ?
Galère est le terme adéquat (rires). Tout simplement je voulais tenter l'aventure en tant que responsable de Label. Ca demande beaucoup de travail et d'investissement. Je pense aussi que ce n'est pas la bonne période pour créer son entreprise dans un marché du disque en pleine dégringolade. Mais j'avais l'opportunité de le faire, donc je me suis jeté à l'eau.
Les objectifs à court terme sont de développer la Vente par Correspondance et d'aider les jeunes groupes autoproduits et les artistes indépendants en vendant leurs productions via notre site http://www.asylumruins.fr . A long terme, je voudrais élargir les activités du label et diversifier nos offres.
Tu as également créé le site « Rough Burgundian Dukes », centré sur la scène bourguignonne et principalement dijonnaise. C’est l’évolution naturelle et moins onéreuse de ton fanzine Eclectic Metal Art? Que peut-on trouver sur le site ?
C'est vrai que le fanzine était un gouffre financier et une masse de travail importante, mais j'ai tenu bon pendant 4 ans ! Déjà avec ce fanzine, qui était consacré à l'actualité Métal internationale, je m'intéressais à la scène locale dijonnaise. J'ai souhaité développer cet aspect en créant un site Internet entièrement consacré à cette scène. C'est déjà plus gérable en terme de temps et d'investissement.
Sur le site Rough Burgundian Dukes (http://burgundian.free.fr) on peut retrouver des news, des dates de concerts à venir, des live reports, des photos, des interviews, des chroniques, des liens, un forum, des petites annonces… bref tout ce que l'on peut trouver sur un webzine classique ; la différence est que celui-ci est spécifiquement dédié à la scène Métal dijonnaise (et alentours).
Parle-nous un peu de EVILIZED, ton autre groupe, de heavy metal cette fois : un album est-il en préparation? Y a-t-il du son disponible quelque part sur le Web ?
EVILIZED est un groupe de Heavy Metal. Il a été créé en 2001 et j'ai intégré le groupe fin 2002. Nous allons bientôt enregistrer quelques titres en studio. Le site Internet du groupe est http://www.evilized.fr
Résumons : 2 groupes, un fanzine, un webzine, un label, une émission de radio… Tu dors quand ? Comment parviens-tu à gérer toutes tes activités ?
J'arrive quand même à tout gérer malgré la masse de travail et j'essaye d'être disponible au maximum. Il n'y a pas de mystère, ça demande beaucoup de temps et d'énergie, mais la passion est une sacrée force motrice.
Tu dois savoir de quoi je parle ;o)
Je viens d’évoquer ton émission de radio, « Flea Pit », sur Radio Dijon Campus (92.2 FM, http://www.radiodijoncampus.org). Quel en est le contenu ?
Je pense que ça ne va intéresser qu'un tout petit nombre des lecteurs de VS, tout du moins les plus ouverts d'esprit. Cette émission est entièrement consacrée aux musiques de Films. Je diffuse divers styles de musique (mes vieux démons !). Au programme, de la pop, du rock, de l'ambiant, de la musique classique, du métal, de l'électro… qui ont tous un rapport avec le cinéma. L'émission est diffusée sur Dijon Campus tous les dimanches de 21h à 22h.
Avant de terminer, as-tu déjà eu quelques retours concernant les chroniques de « The Last Blue Bird » ? Quel est le bilan quelques mois après la sortie du disque ?
Concernant les chroniques en général, nous passons par toute une palette de notations et de critiques (positives ou négatives). C'est assez surprenant, mais dans un sens ça me rassure car ça prouve que cet album ne laisse pas indifférent et peut être interprété et appréhendé de différentes manières. Il n'y a pas un titre de l'album qui ressort plus qu'un autre, chaque chroniqueur à son titre préféré et celui-ci change suivant les personnes.
Une chose est sûre c'est que "The Last Blue Bird" n'est pas destiné à être chroniqué, je dirais même qu'envoyer un tel album aux différents médias, c'est tendre le bâton pour se faire battre (mais il faut bien faire la promo). Il est très loin d'être direct et immédiat, il part dans tous les sens, il a un son brut ; et plongé dans une pile de CD à chroniquer, il passera obligatoirement mal. Le fait qu'il ne rentre pas dans une case stylistique bien définie est aussi un handicap, car je me rends compte que tout doit être de plus en plus catalogué et stéréotypé.
Merci pour tes réponses, c’est maintenant à toi de mettre le point final à cette interview… peut-être en nous disant ce qu’est devenu ou ce que deviendra le dernier oiseau bleu, perdu tout là bas au fond du froid cosmos…
Merci pour l'interview. Un nouvel album est en préparation et devrait sortir en 2008 toujours chez Asylum Ruins Records. L'oiseau bleu ne s'est pas totalement perdu et reviendra sous une forme différente.