Paganisme et Nature Souveraine... Folklores et Mythologies... Patrimoine historique et culturel... D'inépuisables sources d'inspiration que les musiciens scandinaves ont su exploiter, marquant durablement leur époque, certains devenant des figures de référence pour les générations suivantes. Thématique et esthétique, cette quête d'authenticité a débouché sur l'incorporation d'influences extérieures et l'usage d'instruments inhabituels, d'abord synthétiques, puis classiques et enfin folkloriques. LE point de repère temporel reste bien sûr l'année 1995 avec la sortie de Nordavind, le cultissime album de Storm, ainsi que ceux d'Isengard (projet de Fenriz) et Wongraven (projet de Satyr). Impossible d'aborder le sujet sans les citer, à l'instar des premiers travaux d'Ulver. Malgré tout certains de ces héros sont en passe d'être oubliés. C'est par exemple le cas de Ronny 'Ares' Hovland. Fondateur d'Aeternus en 1993, le Norvégien exerce par la suite une certaine influence, notamment en 1998. Outre la fin de son investissement dans Gorgoroth (l'album Destroyer), il dépanne Immortal comme bassiste live et apparait en guest sur Soulblight d'Obtained Enslavement. Le rapport avec le sujet? Le 2ème album d'Aeternus: ...and So the Night Became. Cet enregistrement bénéficie d'arrangements soignés qui sont l'oeuvre de l'une de ses connaissances: Kristian Nordeide.
C'est à lui que l'on doit les passages de piano, vielle à roue, lyre, luth, crewth fiddle, clàrsach (harpe celtique), dronepipes (voir cornemuse), ainsi que certaines parties de guitares acoustiques et de percussions. Originaire de Bergen, Kristian Nordeide est un passionné de traditions anciennes. Spécialisé dans la réparation et la confection d'instruments, il ne tarde pas à se faire un nom dans ce milieu, sa réputation dépassant les frontières de son pays natal. Ainsi Kristian Nordeide participe à la fondation de Welladay, un collectif basé à St.-Petersburg (Russie). Leur répertoire? Issu des traditions irlandaise, écossaise, anglaise, bretonne, espagnole et plus généralement axé sur les périodes médiévale et de la Renaissance. Lights of Love le 1er album de Welladay sort en 1998 (et sera plusieurs fois réédité). Année faste pour cet érudit discret, car outre sa collaboration à Aeternus, Kristian Nordeide trouve le moyen de plancher sur un album solo. S'inscrivant dans la droite ligne des travaux du collectif russe, le Norvégien brasse cependant un peu plus large en s'autorisant à piocher dans le répertoire contemporain et à inclure des compositions personnelles. S'entourant de Ronny Hovland (plages 1, 2, 12, 16), des cadres de Welladay (2, 8, 11, 14) et de divers guests (4, 9, 16) comme Remi Andersen (batteur de Hades Almighty), Kristian Nordeide enregistre 45 minutes de musique instrumentale à l'hiver 1998/99 en collaboration avec Eirik 'Pytten' Hundvin, LE producteur de la scène black norvégienne. Des noms? Aeternus, Burzum, Enslaved, Gorgoroth, Immortal...
Les Néerlandais de Hammerheart Records se montrent intéressés pour sortir ce projet sur Well of Urd, éphémère sous-division orientée folk/ambient (Avrigus, Hagalaz Runedance et Hekate). Kristian Nordeide utilise le patronyme de Corona Borealis et nomme son album Cantus Paganus. La première chose que l'on remarque à la lecture des crédits, c'est l'intérêt marqué du Norvégien pour notre culture, 9 des 16 morceaux étant en rapport direct avec les traditions bretonne et médiévale française. Voila bien une raison supplémentaire de s'intéresser à cet album, n'est ce pas? Une autre pourrait être la liste des instruments utilisés par Kristian Nordeide: cornemuses, flutes, harpes celtique et médiévale, lyre, hurdy gurdy, reedpipes, vihuela (luth espagnol) et percussion. Abordons Cantus Paganus avec 3 compositions originales: Bordeaux, Bay of Douarnenez et Bjørgvindans. J'en profite pour déplorer l'absence d'interview française, connaitre la genèse d'un tel enregistrement et du choix d'un titre comme Bordeaux aurait été appréciable. Pour Bay of Douarnenez le Norvégien précise qu'il s'agit d'une improvisation. Quant à Bjørgvindans, il s'agit de l'unique morceau sur lequel n'apparait pas Kristian Nordeide. Composé et interprété par Ronny Hovland (guitare acoustique, guimbarde, percussion) avec la contribution de Remi Andersen (verrillon & percussion). La très courte et contemporaine Tir na n'Og est une composition du breton Pol Quefféléant, disciple d'Alan Stivell spécialisé dans la harpe celtique et membre du groupe Triskell.
Une partie du répertoire de Cantus Paganus provient de la tradition espagnole des XIIIème et XIVème siècles. A noter l'implication des cadres de Welladay pour le classique La rotta: Slava Soukharev (arrangements, cornemuse & flute), Ekaterina Lojkomoeva (violon) et Vadik Mitrofanov (luth). Quant à The Pretty Harvestress enregistré avec Ronny Hovland, cette composition d'Alphonse X de Castille dit le Sage est sans aucun doute mon titre préféré, découvert grâce au sampler du mag n°15 d'Elegy. Autre référence absolue extraite du Livre vermeil de Montserrat, Stella Splendens sera familier à nombre d'entre vous, ce morceau ayant connu de très nombreuses adaptations notamment par la scène allemande (Estampie, Corvus Corax, In Extremo, Saltatio Mortis et Qntal) et plus récemment par Blackmore's Night et Luc Arbogast. On referme le chapitre étranger avec une composition britannique, Molendinar, signée William Jackson. L'autre partie de Cantus Paganus provient du répertoire français. Cantus Paganus (N'aven tan dansa) et Morning Song sont issus de la tradition corrézienne. Tourdion est signé Pierre Attaignant, imprimeur du roi domicilié rue de la Harpe (ça ne s'invente pas) et compositeur du XVIème siècle, auteur de messes, chansons et tablatures pour luth, orgue, manicordions et épinette. Le cas de Rencontre à St.Chartier est intéressant. Composé par le néerlandais Tielman Susato au XVIème siècle, ce morceau fait aussi référence au célèbre festival international de musique traditionnelle fondé en 1976 et déplacé au Château d'Ars en 2008. Un festival où Welladay s'est régulièrement produit, d'où la traduction du titre j'imagine. Nun puesc sofrir qua la dolor est une composition de Giraut de Bornelh, considéré comme l'un des plus grands troubadours du XIIème siècle. On termine avec l'adaptation d'Ouvrez moi la porte, issue des traditions berrichonne et bretonne.
En résumé, les participants maitrisent parfaitement leur sujet et sont bien mis en valeur par une production sobre et naturelle. Hommage réussi à la tradition médiévale, Cantus Paganus a su sans peine séduire les amateurs du genre. Quant à vous, si la musique 100% instrumentale ne vous rebute pas et que des albums tels que Kveldssanger d'Ulver et Hantaoma de Stille Volk ont vos faveurs, partez à la découverte de Corona Borealis, vous ne le regretterez pas. L'album en écoute intégrale: https://www.youtube.com/watch?v=Ig124dG9E2c
Après quelques apparitions chez Aeternus et Hagalaz Runedance, Kristian Nordeide est retourné à l'anonymat, privilégiant son travail d'artisan et l'organisation locale de banquets médiévaux mélangeant théâtre, danse, musique, boustifaille et picole. Quant à Welladay, le collectif a connu un certain turn-over et déploré le décès de Slava Sukharev en 2002. Corona Borealis restera un projet éphémère et Cantus Paganus un one-shot, mais une référence à connaitre.
Rédigé par : forlorn | 2000 | Nb de lectures : 2404
Merci pour cette très belle chronique, parler de ce groupe pas très connu est une bonne chose. J'avais acheté l'album un peu par hasard à l'époque,quelle bonne pioche, j'ai "usé" le cd dans ma platine, c'est un pur chef d'oeuvre.
Moshimosher Membre enregistré
Posté le: 05/04/2015 à 13h17 - (31636)
Chronique fort intéressante... et musique vraiment superbe !!! :)
Moshimosher Membre enregistré
Posté le: 05/04/2015 à 13h29 - (31637)
Tiens, Tourdion figure aussi sur Shadow of the Moon de Blackmore's Night (sous le nom de Play Minstrel Play)... Blackmore et Nordeide doivent avoir pas mal de goût musicaux en commun... :)
hammerbattalion Membre enregistré
Posté le: 05/04/2015 à 16h52 - (31638)
Intéressant, je viens d'écouter l'album, çà relaxe pas mal, c'est bien fait!
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C'est à lui que l'on doit les passages de piano, vielle à roue, lyre, luth, crewth fiddle, clàrsach (harpe celtique), dronepipes (voir cornemuse), ainsi que certaines parties de guitares acoustiques et de percussions. Originaire de Bergen, Kristian Nordeide est un passionné de traditions anciennes. Spécialisé dans la réparation et la confection d'instruments, il ne tarde pas à se faire un nom dans ce milieu, sa réputation dépassant les frontières de son pays natal. Ainsi Kristian Nordeide participe à la fondation de Welladay, un collectif basé à St.-Petersburg (Russie). Leur répertoire? Issu des traditions irlandaise, écossaise, anglaise, bretonne, espagnole et plus généralement axé sur les périodes médiévale et de la Renaissance. Lights of Love le 1er album de Welladay sort en 1998 (et sera plusieurs fois réédité). Année faste pour cet érudit discret, car outre sa collaboration à Aeternus, Kristian Nordeide trouve le moyen de plancher sur un album solo. S'inscrivant dans la droite ligne des travaux du collectif russe, le Norvégien brasse cependant un peu plus large en s'autorisant à piocher dans le répertoire contemporain et à inclure des compositions personnelles. S'entourant de Ronny Hovland (plages 1, 2, 12, 16), des cadres de Welladay (2, 8, 11, 14) et de divers guests (4, 9, 16) comme Remi Andersen (batteur de Hades Almighty), Kristian Nordeide enregistre 45 minutes de musique instrumentale à l'hiver 1998/99 en collaboration avec Eirik 'Pytten' Hundvin, LE producteur de la scène black norvégienne. Des noms? Aeternus, Burzum, Enslaved, Gorgoroth, Immortal...
Les Néerlandais de Hammerheart Records se montrent intéressés pour sortir ce projet sur Well of Urd, éphémère sous-division orientée folk/ambient (Avrigus, Hagalaz Runedance et Hekate). Kristian Nordeide utilise le patronyme de Corona Borealis et nomme son album Cantus Paganus. La première chose que l'on remarque à la lecture des crédits, c'est l'intérêt marqué du Norvégien pour notre culture, 9 des 16 morceaux étant en rapport direct avec les traditions bretonne et médiévale française. Voila bien une raison supplémentaire de s'intéresser à cet album, n'est ce pas? Une autre pourrait être la liste des instruments utilisés par Kristian Nordeide: cornemuses, flutes, harpes celtique et médiévale, lyre, hurdy gurdy, reedpipes, vihuela (luth espagnol) et percussion. Abordons Cantus Paganus avec 3 compositions originales: Bordeaux, Bay of Douarnenez et Bjørgvindans. J'en profite pour déplorer l'absence d'interview française, connaitre la genèse d'un tel enregistrement et du choix d'un titre comme Bordeaux aurait été appréciable. Pour Bay of Douarnenez le Norvégien précise qu'il s'agit d'une improvisation. Quant à Bjørgvindans, il s'agit de l'unique morceau sur lequel n'apparait pas Kristian Nordeide. Composé et interprété par Ronny Hovland (guitare acoustique, guimbarde, percussion) avec la contribution de Remi Andersen (verrillon & percussion). La très courte et contemporaine Tir na n'Og est une composition du breton Pol Quefféléant, disciple d'Alan Stivell spécialisé dans la harpe celtique et membre du groupe Triskell.
Une partie du répertoire de Cantus Paganus provient de la tradition espagnole des XIIIème et XIVème siècles. A noter l'implication des cadres de Welladay pour le classique La rotta: Slava Soukharev (arrangements, cornemuse & flute), Ekaterina Lojkomoeva (violon) et Vadik Mitrofanov (luth). Quant à The Pretty Harvestress enregistré avec Ronny Hovland, cette composition d'Alphonse X de Castille dit le Sage est sans aucun doute mon titre préféré, découvert grâce au sampler du mag n°15 d'Elegy. Autre référence absolue extraite du Livre vermeil de Montserrat, Stella Splendens sera familier à nombre d'entre vous, ce morceau ayant connu de très nombreuses adaptations notamment par la scène allemande (Estampie, Corvus Corax, In Extremo, Saltatio Mortis et Qntal) et plus récemment par Blackmore's Night et Luc Arbogast. On referme le chapitre étranger avec une composition britannique, Molendinar, signée William Jackson. L'autre partie de Cantus Paganus provient du répertoire français. Cantus Paganus (N'aven tan dansa) et Morning Song sont issus de la tradition corrézienne. Tourdion est signé Pierre Attaignant, imprimeur du roi domicilié rue de la Harpe (ça ne s'invente pas) et compositeur du XVIème siècle, auteur de messes, chansons et tablatures pour luth, orgue, manicordions et épinette. Le cas de Rencontre à St.Chartier est intéressant. Composé par le néerlandais Tielman Susato au XVIème siècle, ce morceau fait aussi référence au célèbre festival international de musique traditionnelle fondé en 1976 et déplacé au Château d'Ars en 2008. Un festival où Welladay s'est régulièrement produit, d'où la traduction du titre j'imagine. Nun puesc sofrir qua la dolor est une composition de Giraut de Bornelh, considéré comme l'un des plus grands troubadours du XIIème siècle. On termine avec l'adaptation d'Ouvrez moi la porte, issue des traditions berrichonne et bretonne.
En résumé, les participants maitrisent parfaitement leur sujet et sont bien mis en valeur par une production sobre et naturelle. Hommage réussi à la tradition médiévale, Cantus Paganus a su sans peine séduire les amateurs du genre. Quant à vous, si la musique 100% instrumentale ne vous rebute pas et que des albums tels que Kveldssanger d'Ulver et Hantaoma de Stille Volk ont vos faveurs, partez à la découverte de Corona Borealis, vous ne le regretterez pas. L'album en écoute intégrale: https://www.youtube.com/watch?v=Ig124dG9E2c
Après quelques apparitions chez Aeternus et Hagalaz Runedance, Kristian Nordeide est retourné à l'anonymat, privilégiant son travail d'artisan et l'organisation locale de banquets médiévaux mélangeant théâtre, danse, musique, boustifaille et picole. Quant à Welladay, le collectif a connu un certain turn-over et déploré le décès de Slava Sukharev en 2002. Corona Borealis restera un projet éphémère et Cantus Paganus un one-shot, mais une référence à connaitre.
Rédigé par : forlorn | 2000 | Nb de lectures : 2404