Chapitre I

Les groupes maudits. Vous savez, ceux qui semblent mettre tout le monde d'accord et qui pourtant n'obtiennent pas le succès escompté. On peut tous en citer des dizaines. Chaque génération s'est heurtée à de multiples difficultés, certaines paraissant insolubles. Exemple: vivre sur un archipel au milieu de l'océan il y a 20 ans n'était pas sans poser quelques problèmes logistiques (voir ma kro d'Obscenus). Plus proche de nous, l'entrée dans le nouveau millénaire s'est accompagné d'importants changements (développement du support numérique, essor d'internet) auxquels il a fallu s'adapter. Toutefois, on peut se demander comment certains se sont débrouillés pour rater le coche vu les cartes qu'ils avaient en mains. La formation à l'ordre du jour disposait de sérieux atouts, pourtant, entre mauvais timing et choix désastreux, ces Suédois ont gâché leurs chances. Retour sur un groupe qui méritait mieux: Chastisement.

Les guitaristes Marcus Edvardsson et Fredrik Magnusson fondent le groupe à Östersund, une ville du centre du pays (à 600 kilomètres au nord de Stockholm). Le batteur Nils Fjellström, le vocaliste Johan Klitkou et le bassiste Per Gabrielsson complètent le tableau. L'année de leurs débuts diffère selon les sources (de 1993 à 1995). Leur première Demo sort en 1997 et reçoit un bon accueil à l'échelle locale, renforcé par des prestations scéniques énergiques. Leur créneau? Un death metal d'obédience old-school mettant l'accent sur le groove. De cette époque rehearsal, il ne reste pas grand chose, hormis quelques titres en écoute sur youtube: Weak Mind, My Life for You et A World of Trust. A noter le départ de Fredrik Magnusson, remplacé par Tommy Larsson. Jusqu'ici le parcours classique d'un groupe perdu dans les profondeurs de l'Underground. Mais l'évolution rapide de Chastisement va surprendre les observateurs, de même que leurs choix.

Dès la première écoute, la qualité globale m'a sidéré. Imaginez la puissance et le groove de vieux briscards comme Bolt Thrower ou Dismember (période Massive Killing Capacity) mixés aux mélodies des premiers
In Flames, le tout surplombé de vocaux gutturaux à la Dan Swanö (Edge of Sanity), et vous aurez une vague idée de l'alchimie unique de cet EP. Compositions inspirées, instrumentistes redoutables et production impeccable... un vrai carton plein. 7 titres, 7 bombes. Aucun déchet, les Suédois maitrisent leur sujet et vont droit à l'essentiel. Pas de place pour les longueurs et autres démonstrations stériles, en moins de 4 minutes tout est dit (à 2 exceptions près). Chaque morceau possède sa propre structure et regorge de détails lui conférant une personnalité propre. Très organique, la production contribue au dynamisme d'un ensemble sacrément pêchu.

Portée sur les mid-tempo écrasants (Exposed Hatred), la paire Edvardsson/Larsson n'hésite pas à appuyer sur l'accélérateur (Rapid Fluid) allant jusqu'à la frénésie (Life Denied). Pourvoyeurs de riffs de qualité (...But Lost We Are), les gratteux font valoir leur complémentarité et leurs idées sont toujours judicieusement exploitées: rythmique hachée, feeling quasi-black, mélodies et soli, usage de l'acoustique... Lorsqu'on y prête attention, on réalise que le tableau est complet, à l'image d'At the Garden of Eden sur lequel ils changent constamment de direction sans perdre de vue l'identité du morceau. Le bassiste Per Gabrielsson participe activement à la puissance et au groove de l'ensemble, écoutez son entrée sur Conclusion; Pain!. Certaines de ses interventions sont mémorables: voir le break de My Father ou les passages slappés sur At the Garden of Eden. Quant au batteur Nils Fjellström, sa performance est de premier ordre. Très à l'aise techniquement, il possède un super toucher et ses parties mettent en valeur les compos. Des cymbales à la double-pédale, chaque partie de son kit est mise à profit dans l'intérêt des morceaux. Le groupe en a conscience et lui ménage régulièrement des breaks. Sur le plan vocal aussi Chastisement c'est du costaud, avec un Johan Klitkou plus versatile qu'il n'y parait, ce dernier passant tranquillement du guttural au criard, et même déclamatoire à une occasion (At the Garden of Eden). Le guitariste Marcus Edvardsson apporte une dimension supplémentaire en doublant les parties de son frontman ou en apparaissant en décalage (en studio comme en live). Palme du haut-débit pour le final de ...But Lost we Are.



Pour les intéressés: https://archive.org/details/iuma-chastisement

Avec cet EP, Chastisement emporte tout sur son passage, vérifiez le par vous-même en lançant le player ci-dessus. Les labels répondent présents, mais contre toute attente, les Suédois déclinent les offres, privilégiant l'autoproduction et leurs activités annexes. En effet, le guitariste Marcus Edvardsson souhaite passer derrière la console et fonde en parallèle Souldrainer (doom/death mélodique), projet dans lequel il entraine 2 membres de Chastisement: Johan Klitkou et Nils Fjellström. En 2001 ce dernier intègre aussi Sanctification (death metal). Hormis leurs side-projects, en ce début de millénaire, les Suédois décident de tout miser sur internet...

* La suite sur la chronique d'Alleviation of Pain *


Rédigé par : forlorn | 1999 | Nb de lectures : 2050