* Hiver 1994/1995. * J'ai 14 ans et une intarissable soif de découvertes. Presse, radio, TV, emprunts, tape-trading, squattage chez l'indé du coin, achats à l'aveugle, VPC (grâce à mes parents)... mon investissement est total. Depuis l'acquisition de Bloody Kisses et mes premiers pas dans l'underground européen, j'ai conscience qu'il existe "autre chose", loin des codes du hard ou du thrash. A l'époque, les évènements liés à l'Inner Circle se racontaient entre la légende urbaine locale et les anecdotes sur le dernier Freddy Krueger. J'ai basculé dans le concret le jour où un type plus âgé et aux goûts ciblés m'a montré ses derniers achats. C'était le split Necromantia / Varathron et le We Are Death... Fukk You! de Sadistik Exekution. Les épingles à nourrice plantées dans les bras du guitariste australien m'ont impressionné. Je n'avais encore jamais rien vu de pareil. Mais la vraie claque fût musicale et à ce jeu là, avantage aux Grecs. C'est parti pour le 1er enregistrement de black metal qu'il m'ait été donné d'écouter.

Moins en vue, la scène hellénique n'a pourtant pas grand chose à envier à ses cousins scandinaves. Florissante dès la fin des années 80s, cette génération inspirée obtiendra quelques temps plus tard un échos particulièrement favorable en France, grâce à Holy records et Osmose prods. Mais avant ça, il a fallu passer par la case Demo et d'éphémères structures locales, comme Black Power records, responsable de l'essort d'Horrified, du 1er EP de Septic Flesh (le fameux Temple of the Lost Race), et du split qui nous intéresse aujourd'hui. Sorti en vinyl en mai 1992, il comprend sur sa face A les titres de Necromantia (également disponibles sur la Demo Vampiric Rituals) et sur la face B une sélection des meilleurs morceaux de Varathron enregistrés en 1991. En septembre 1994, un autre label athénien, Unisound Records, réédite ce split au format CD. Les changements y sont nombreux: nouveau visuel, intitulés fondus en un seul et surtout 3 morceaux supplémentaires pour 17 minutes de musique en plus.
Ceci étant dit, rentrons maintenant dans le vif du sujet.

1/ NECROMANTIA - The Black Art

Le line-up de l'époque:
Morbid (George Zacharopoulos) - Vocals & Bass (Diabolos Rising, Rotting Christ, Thou Art Lord... pour faire court)
Baron Blood (Makis) - 8-String Bass
Divad (David P.) - Guitars (Blood Covered, session pour Diabolos Rising)
The Worshiper of Pan (Giannis Papagiannis) - Keyboards, Percussions, Saxophone
Slow Death (Vasilis Gavanas) - Additionnal Vocals (ex-Vomit)
+
Nick Adams - Session Drums (Dark Nova, ex-Carnage, ex-Impaler, guest pour Septic Flesh)

La liste des instruments utilisés suffit à convaincre de la singularité de Necromantia dont le terrain de jeu, assez vaste, passe d'un black metal occulte (Lord of the Abyss, The Feast of Ghouls, Lycanthropia) à de la musique rituelle (Evil Prayers, De Magia Veterum). Rythmiques rampantes, lancinantes, atmosphères démoniaques, leads crépusculaires et vocaux de gremlins font ici bon ménage, grâce à une production rustique mais efficace. Pas de compression, la musique respire, chaque instrument s'entend distinctement et sonne comme il se doit, de façon très organique, à l'image des parties de batterie. Chaque titre possède sa propre identité. Lord of the Abyss pose le style Necromantia avec son mid-tempo ravageur et la domination écrasante des basses. The Feast of Ghouls est à la fois plus concis, dynamique et varié. Mention à l'intro, mémorable grâce à son solo de guitare en tapping. L'onirique Evil Prayers met en valeur les percussions et nous offre un court mais savoureux passage de saxophone. Il semble que les textes murmurés à l'arrière plan soient issus de l'oeuvre de l'écrivain français Remy de Gourmont (voir wikipedia). Lycanthropia est un court instrumental hypnotisant avec son thème de guitare, ses descentes de toms, sa cascade de hurlements et ses samples de loups. Quant à De Magia Veterum, cet ajout de la version CD est confus et bien trop long à mon goût. 10 minutes de minimalisme datant de 1989 et proche du dark ambient qui ternissent un tableau jusqu'ici plutôt flatteur. Alors bien sûr on peut pointer des longueurs ou des carences techniques, mais ces Grecs possèdent l'essentiel, une identité musicale forte, qui leur a permis de rejoindre les rangs d'Osmose (Dark Tranquillity, Immortal, Impaled Nazarene, Marduk). A cette époque, Necromantia était un fer de lance de la scène hellénique.

Lycanthropia / The Feast of Ghouls - https://www.youtube.com/watch?v=5U-ZSFViVpw
Evil Prayers - https://www.youtube.com/watch?v=_0AkIf8EHls

2/ VARATHRON - The Everlasting Sins

Le line-up de l'époque:
Stefan Necroabyssious (Stefanos Karasavvas) - Vocals (Kawir, ex-Sickness Mind, ex-Terra Vivante, ex-Wolf)
John - Guitars (ex-Danger Cross, ex-Industrial Suicide, ex-Sound Pollution)
Mutilator (Jim Patsouris) - Bass (Rotting Christ, ex-Black Church)
Themis (Efthimios Tolis) - Drums (Rotting Christ, ex-Black Church, session pour Zemial)
Stavros Mitropoulos - Guitars (Horrified, session live pour Rotting Christ)

Chez Varathron, l'instrumentation est plus sobre, par contre le line-up tient presque du supergroupe avant l'heure. Z'avez vu? La section rythmique de Rotting Christ et un guitariste de Horrified, excusez du peu. Moins original et dispersé que Necromantia, le groupe emmené par Necroabyssious est aussi bien meilleur techniquement, leurs compos témoignant d'une certaine maturité. Au temps le dire, je classe le Varathron de cette époque (1992-1995) dans ce que le black metal grec a produit de meilleur. Leur style est consistant, affirmé, avec de nombreux changements de rythmes et cette fameuse signature mélodique propre à la scène hellénique. On aura l'occasion d'en reparler prochainement. Après The Cult of the Dragon, une intro emphatique composée par Magus Wampyr Daoloth, on passe aux choses sérieuses avec l'enchainement The Tressrising Of Nyarlathotep (coucou Lovecraft) et La Reine Noir (bordel z'avez oublié le E les mecs). Varathron pratique un black metal élaboré conduit par les guitares. Solide et investie, la section rythmique est très présente. Quant aux 6-cordistes, ces 2 morceaux nous permettent d'apprécier leur complémentarité, en particulier lors des entames, la grande spécialité de Varathron. Bon riff surplombé d'un arpège suivi d'un solo pour Tressrising, et approche quasi-western pour La Reine Noir. Le point faible des Grecs reste les vocaux linéaires et sans nuances de Necroabyssious. La suite? Une courte outro sonnant très horror movie 70s italien, suivie de 2 morceaux additionnels ajoutés à la version CD. Comme pour Necromantia, on retrouve une baisse de qualité tant dans l'écriture que la production. Pourtant 2 fois plus courts, Descent of a Prophetic Vision et Genesis of Apocryphal Desires sont nettement plus plats et paraissent presque bâclés. Les soli de Genesis sont d'ailleurs complètement loupés. Mais ne restez pas sur cette dernière impression, écoutez plutôt les liens ci-dessous:

The Tressrising Of Nyarlathotep - https://www.youtube.com/watch?v=2M4jVQ_wKfI
La Reine Noir - https://www.youtube.com/watch?v=igy-pqjKqvo

Il est parfois bon de le rappeler, la Scandinavie n'a pas eu le monopole du metal extrême. Originellement paru en 1992, Black Arts Lead to Everlasting Sins fait parti des enregistrements qui ont essuyé les plâtres de la scène grecque, aux côtés de Passage to Arcturo (Rotting Christ), Eternal God (Horrified), Temple of the Lost Race (Septic Flesh) et Parade Into Centuries (Nightfall). N'hésitez pas à fouiner de ce côté là.

PS: En partant, un peu de pub pour le Top 5 sur le metal grec.


Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 2058