Pourquoi la plupart des groupes norvégiens se séparent-ils après avoir sorti un chef-d’œuvre ? C’est une question insoluble mais qui s’est souvent vérifiée par le passé avec leurs compatriotes de MAYHEM et « De Mysteriis Dom Sathanas », EMPEROR et « Promotheus : The discipline of fire & demise » ou bien encore IMMORTAL et le fabuleux « Sons of the Northern Darkness ».

TSJUDER n’avait pas la même renommée à l’époque que celle d’aujourd’hui, pourtant ils ont suivi le même schéma car après avoir gravi les échelons de l’underground avec « Kill for Satan » et « Demonic Possession », quitté Drakkar Productions pour Season of Mist et sorti l’incroyable « Desert Northern Hell » (dont le titre et la pochette sont directement inspirés de la bande à Demonaz), les voilà qui cessent toutes activités après la tournée « Norwegian Apocalypse » réalisée en compagnie de CARPATHIAN FOREST.

Pourtant avec les années ce disque va devenir culte et indispensable pour tout amateur de black-metal car le trio s’est totalement lâché et bénéficie enfin d’une production parfaite, le tout voyant le retour du batteur d’origine Anti-Christian qui nous offre tout l’éventail de son jeu si particulier mais si addictif. Si on avait vu par le passé que le trio (et quartet à ses débuts) avait un fort potentiel, personne n’avait vu arriver la déferlante norvégienne qui avait alors une inspiration au sommet et réussissait la prouesse de faire sonner ce mélange de thrash et de metal noir comme cela avait rarement été aussi réussi par le passé.

Baignées par une production aux petits oignons qui est absolument parfaite (car tout y est précis, juste, et d’un équilibre total) les 9 bombes qui composent cette galette sont certainement parmi les meilleurs morceaux jamais composés par Nag et ses compères. On s’aperçoit de cela dès les premières secondes de « Malignant Coronation » où l’alternance de blast et de parties thrash est déjà particulièrement inspirée et on sent déjà qu’on va vivre une expérience sensorielle hors du commun, l’impression se confirme avec ce « Ghoul » démentiel et ultra-brutal : blasts combinés à des parties de doubles de folie (ça n’est pas pour rien qu’Anti-Christian possède un des jeu aux pieds les plus efficaces du circuit black-metal), roulements impressionnants, son de basse bien prenant, solo bienvenue et une fin plus lente que tout le reste, cela nous conforte donc dans cette idée et on est déjà rincés, et pourtant on va y aller crescendo car ça n’est que le début.

En effet le trio a visiblement voulu dérouter l’auditeur et le surprendre car plus on avance et plus on reste bouche-bée devant la précision diabolique qu’ils nous envoient, et cela met un gros coup de pied aux fesses à ceux qui osent encore prétendre que le black-metal est une musique de braillards et jouée n’importe comment.

Si « Possessed » est une ode au black-metal old-school jouée de manière débridée et jouissive (et réenregistrée pour l'occasion, celle-ci datant de la démo de 1995) qui assume le slogan "No synthetizers, No female voices, No Fucking Compromises !", « Lords of Swords » et « Helvete » nous assènent quant à eux un déluge de haine à une vitesse hallucinante mais toujours ponctués de passages thrash très bien foutus et parfaitement mêlés au reste. Les scandinaves décident par la suite de se calmer sur « Mouth of Madness » à la rythmique très simple et épurée, qui s’enchaîne naturellement sur du heavy bien lourd et à l’ancienne où il est à noter que Draugluin prend le micro et si son timbre vocal est différent de celui de Nag, il s’accorde néanmoins très bien à l’ambiance lourde et pesante de ce titre de 8 minutes. La mélancolie est encore présente sur « Unholy Paragon » où l’intro sombre et morbide à souhait permet de faire monter l’ambiance progressivement avant le déluge sonore et de blast qui s’ensuit, le tout est agrémenté de passages épiques et martiaux avant de se finir à nouveau comme le début, et là encore ces morceaux ont ce petit plus que l’on ne trouve pas ailleurs tant ils sont accrocheurs et jouissifs.

Et quand il n’y en a plus il y en a encore, car le feu d’artifice arrive, tout d’abord avec « Sacrifice » l’étincelante reprise de BATHORY qui figure toujours dans leurs setlists et qui surpasse presque l’original où le sens du groove propre au groupe est étalé avec classe, et justement la grande classe est là pour terminer le travail avec l’incroyable « Morbid Lust » et ses 11 minutes exceptionnelles, n’ayons pas peur des mots ! Le groupe nous fait là l’étalage de toutes ses influences et trouve le moyen de faire un hymne presque aussi marquant que le célèbre « Blashyrkh » d’IMMORTAL, car on y trouve aussi bien du thrash à la SLAYER (période « Show No Mercy ») que du black primitif façon « Deathcrush » de MAYHEM, tout cela une fois encore avec une cohérence et une accroche totale et sans temps-mort et ponctué de breaks naturels.

Si l'album n'a pas été un succès à l'époque il a acquis ses lettres de noblesse dans les années qui ont suivi et aujourd'hui il a été enfin reconnu à sa juste valeur, c'est à dire un chef-d'œuvre où il n’y a rien à jeter, et qu’il est au niveau tout simplement de ses compatriotes cités plus haut, un disque qui se déguste tel une œuvre d’art où l’on découvre à chaque fois quelque chose de nouveau.

Que dire de plus après cette critique dithyrambique ? Qu’il est tout simplement encore aujourd’hui (et à mon avis pour longtemps encore) un des plus grands disque du style et qu’il mérite d’être découvert pour ceux qui ne l’ont pas écouté, et à redécouvrir pour ceux qui ne l’ont plus entendu depuis des lustres.




Rédigé par : GabinEastwood | 2004 | Nb de lectures : 2714