17 Octobre 1993. Nous sommes à l’Atelier des Môles, la salle de concert culte de la petite ville de Montbéliard. Ce jour là, CORONER se produit pour l’avant-dernière date du « Grin tour », en support de l’album du même nom. Les quelques dates que le trio Suisse partage avec les Teutons de Depressive Age sont baptisées « Thrash with Class tour », comme l’affirment les sobres affiches collées un peu partout autour du piteux bâtiment. Un troisième groupe, régional, et chargé d’ouvrir les hostilités est, paraît-il, présent ce jour là, mais j’avoue n’en posséder strictement aucun souvenir. Je n’ai pourtant pas bu une goutte d’alcool. Ah, mémoire d’huître, je t’aime !
Bon, j’ai beau ne pas avoir le talent de Dustin Hoffman dans Rain Man, mon éponge grise regorge tout de même de souvenirs de vieux con, parmi lesquels cette journée figure en bonne place. C’est la première fois que je débarque, veste en jean à patches, cheveux longs qui rebiquent et acné plein la face, à un concert d’un plateau INTERNATIONAL. Autant dire que ça déconne pas et que je vais pouvoir me la péter grave demain au lycée auprès des 3 cinglés qui écoutent eux aussi du « Hard » (encore faudrait-il qu’ils connaissent CORONER, mais à priori aucun problème de côté là). Le fidèle Manu m’accompagne, c’est même son beau-père qui nous a trimbalés dans sa caisse pourrie tout en devisant avec sagesse de l’ensemble des techniques de combat à adopter en cas d’agression. On sait jamais qui cette musique de sauvages va rameuter après tout. En 93, le « Hard » c’est encore dangereux. On ne sait pas non plus qu’on devra se taper 10 bornes à pieds au retour, mais ça je pense qu’on s’en serait foutus même si on avait lu notre horoscope du matin. Y a CORONER ce soir bordel, waouh !!!!
On attend tout l’après-midi devant la salle. On se fait chier, mais c’est pour la bonne cause et c’est pas pire qu’en cours de math. Les portes s’ouvrent, enfin ! On pénètre dans l’antre minuscule. Ça commence. Le premier groupe n’a pas réussi à s’inscrire durablement au milieu des mes neurones déficients, je l’ai déjà dit. Depressive Age m’ennuie copieusement, sauf le temps d’un « Eternal Twins » bien sympa avec ses voix quasi death. Puis CORONER, tel le messie, s’empare finalement de la scène. Souriant (Grin ‘til I lose myself ?), Ron(ald) « Royce » Broder nous gratifie d’un laconique « Salut Montbéliard ! » avec son accent suisse allemand à couper au couteau. On commence avec un « Divine Step » de derrière les fagots suivi par le premier extrait de GRIN, j’ai nommé « Internal Conflicts ». Le son est impeccable, les musiciens jouent comme des dieux (mais ils en sont, je l’ai toujours dit). La différence inhumaine de niveau avec le (les ?) groupe(s) suivant(s) est flagrante. La voix de Ron sonne stricto-sensu comme sur les albums (mais il est aussi un sacré bassiste, ne l’oublions pas) tandis que les doigts agiles de Thomas « Tommy T. Baron » Vetterli s’agitent frénétiquement avec une facilité ecoeurante sur sa guitare rouge. Infatigable et impérial, Markus Edelmann alias « Marquis Marky » cogne son kit comme s’il était branché sur piles Duracell. Pendant une heure et trente minutes, CORONER va nous transporter, nous faire vibrer, secouer la tête, bref kiffer nos races comme des gros bâtards ! Manu a les yeux mi-clos, sa tête oscille comme celle d’un benêt et un peu de salive coule sur son menton. C’est beau, un jeune hardos en transe. Un spectacle dantesque donc. Mais qui augure, mille fois hélas, le début de la fin pour CORONER : personne ne se doute que le groupe ne donnera guère plus de 8 concerts de plus avant de splitter et de garder le silence pendant plus de 15 ans… C’est bon pour les photos ? Allez, on remonte encore un petit coup dans la machine à remonter le temps !
Flashback ! ZGLOUB ! (c’est le bruit que ça fait)
Mi-Septembre 1993. Armé de mes cassettes vierges BASF 90 minutes (les mp3 de l’époque), direction chez Manu pour la séance de copies de nouveautés. D’ailleurs, pucelles, les cassettes, elles le restent jamais bien longtemps. Manu et moi, on se partage les sorties à acheter et on se les copie mutuellement. Du coup, on a l’équivalent de deux albums pour le prix d’un ! Qui dit mieux ? On est des petits malins !
Manu a été sommé d’acheter le nouveau CORONER, GRIN, qui vient tout juste de sortir. Coup de bol : le disquaire l’avait ! Ouf. C’est pas toujours le cas. Je suis déjà bien-bien fan du groupe : je me suis enfilé leur discographie des centaines de fois en perfectionnant ma technique d’air guitar devant la glace de la salle de bain. Un jour j’ai remarqué que la voisine me regardait en se marrant. Salope ! M’enfin, rien à foutre. Autant dire que le nouveau CORONER est attendu derrière le virage ! Arrivée chez le poto. On me met d’entrée de jeu au parfum : « J’te préviens il est bizarre le nouveau Coro ». Arf, il l’a déjà écouté tout seul ce gros traître !
Mais attends… Bizarre ? Un album de CORONER ? Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? Meuh non, quel déconneur ce Manu !
Il lance GRIN dans le radiocassette…
… Les minutes passent.
… Bibi : Mais… Qu’est ce que c’est que cette merde ?
… Les minutes re-passent, puis le disque s’achève dans un bourdonnement d’insectes.
Mais seigneur Jesus Christ, ils sont où tous les solos et riffs plein de notes qu’on comprend même pas c’qu’y joue tellement ça va vite ? Et pis qui t’en foutent plein la tronche ? On dirait un album pour pioncer ce truc ! Vite, un Kreator pour se laver les esgourdes !
Argh, j’aime pas ! Un disque de CORONER. Je vais bien, tout va bien ! Mais qu’est ce qu’ils ont foutu nom de Dieu ? Ils ont bouffé trop de Milka les Suisses ou quoi ?
Flashforward ! ZGLOUB !
Passé le choc initial, bien évidemment GRIN a fini par se trouver une place de choix dans ma disco… hem… cassette-thèque, sans quoi cette chronique n’aurait pas lieu d’être. Mais il a fallu ramer au moins, pffff, un après-midi ! Précisons qu’à l’époque, un nouvel album me faisant l’honneur d’atterrir entre mes mains est écouté, décortiqué, disséqué et autopsié sous toutes les coutures 10 à 15 fois par grappes de 24 heures, et encore on parle d’un minimum là. On a pas le privilège d’avoir de la nouveauté entre les feuilles tous les jours ma bonne dame… Comparez ça avec aujourd’hui !
Fatalement, martelée à ce rythme, la musique fini par rentrer. Et on fini par l’aimer. Parce qu’elle a eu une vraie chance de se révéler la coquine. On mettait les moyens pour l’apprivoiser dirais-je, tel le renard de Saint-Exupéry. Et ça aurait été bien dommage de rester sur la première impression bas du front explicitée plus haut : GRIN, adopté, compris, est une perle rare. Un de ces albums qui traverse le temps, intact, toujours nappé de son charme, de son mysticisme et de son intensité malgré le poids des ans. Me fais pas dire ce que j’ai pas dit : il est pas facile-facile d’accès.
Avec le recul, il semble évident que le fantastique Mental Vortex amorçait le tournant à venir. Après avoir débarrassé son No More Colors des quelques influences néo-classiques parsemant ici et là ses deux premières pépites – R.I.P et Punishment for Decadence, sortant donc à l’occasion une espèce de maître étalon insurpassable en matière de techno-thrash (« techno » comme « technique » hein !), Coroner a senti le besoin de s’exprimer autrement, en condensant le propos, privilégiant les ambiances, le rythme, une écriture structurée et mûre plutôt que les véloces et baroques éruptions créatives de ses disques précédents qui vous matraquaient sous un déluge de notes. Mais ! Alors que Mental Vortex était encore chargé de l’histoire musicale du groupe, ne se détachant finalement du passé qu’avec douceur et un sens de la transition rondement orchestrée, GRIN franchi quant à lui allégrement le Rubicon, quitte à s’aliéner une partie d’un public chèrement acquis. Qu’on soit clair : GRIN n’a plus rien à voir avec ses petits frères. C’est à une toute autre bestiole qu’on aura à faire ici. Mais quelle bestiole ! (Là le suspense est au top tu vois)
Aparté : la discographie de CORONER est parfaite, ou presque. C’est mon avis et tu le partages, pas vrai ?
Peu de groupes sont capables d’exprimer un tel niveau de créativité avec une telle constance. Le groupe a-t-il seulement sorti un mauvais disque ? La bonne blague ! Un disque médiocre, moyen, pas terrible, bof, peu mieux faire ? Même pas !
Discutez avec les fans : ils n’arrivent pas à accorder leurs violons sur la hiérarchie du podium des albums du groupe. Signe des grands ! Une chose est sûre : comme les autres, GRIN est un chef d’œuvre. Mais sa singularité musicale le range dans une position à part, unique. C’est pourquoi il souvent cité en référence. D’autres ne l’aiment pas. Ils pensent que CORONER s’est trahi, fourvoyé. Mais ceux là auraient été cruellement châtiés si j’avais été Vlad Tepes, Caligula, Tywin Lannister, le Dominateur ou un autre type sympa dans le genre. Je n’aime guère les gens qui ne comprennent décidément pas, même quand l’évidence est là, sous leurs yeux.
Depuis la sortie du 5ème album éponyme de Metallica, baptisé « Black Album », il est fréquent d’entendre ou lire ici et là, à propos de la nouvelle sortie d’un groupe ayant exercé dans un style de musique qu’on qualifiera sommairement « d’agité », et ayant considérablement modéré son propos, qu’il s’agit de son « Black Album ». A savoir une œuvre qui abandonne plus ou moins le style originel turbulent et tente, à tort ou à raison, de proposer une musique plus adulte, plus mûre, plus réfléchie. Souvent plus accessible, plus « commerciale » aussi. Plus gay-friendly diront certains… Beaucoup de groupes de Thrash des années 80 sont passés par là, avec plus ou moins de réussite. Citons Megadeth, Anthrax, Exodus, Testament pour les plus emblématiques (non Corky, pas Slayer). A croire que la transition d’une décennie à l’autre est systématiquement une période charnière dans le monde de la musique !
Bref. Revenons à nos moutons. GRIN est donc bel et bien ce disque LÀ dans la carrière de CORONER. Celui qui représente le changement de peau et l’entrée dans une nouvelle phase « on est trop des artistes tu vois ».
Hein ? J’entends Jaquouille me dire au loin : « Alors, tout ce blah blah et tu ne nous a même pas dit à quoi il ressemble ce GRIN !!?? ». D’acc Jaquouille, je me grouille !
Écoutons, décortiquons, disséquons et autopsions alors ! Classieuse et vaguement tribale, « Dream Path » est chargée d’immerger l’auditeur dans le bain. Percus et ambiance un peu mystique, tendue, cette petite intro d’un peu plus d’une minute est relativement anecdotique mais permet de faire le lien avec le premier titre véritable de l’album, j’ai nommé :
« The Lethargic Age ». Alors là oui, tu nous avais prévenu Manu, ça change ! On s’attend à une pluie d’octuples croches sur le coin de la gueule et voilà t’y pas que le morceau débute tout calmement avec deux accords et un pattern de basse bien hypnotisant ! Par contre c’est sombre tout ça, très sombre. La musique est très dépouillée, très rythmique. Ça va à l’essentiel. C’est expérimental mais pas trop non plus. On dirait qu’ils ont fait du concentré de Metal ! En expurgeant tout le superflu pour ne garder que le noyau en fusion de cette musique, sa pureté. Le diamant brut, dénudé, sans artifices. Je me répète : c’est sombre. C’est noir. C’est sec, il n’y a pas beaucoup d’humanité là dedans. Ron Royce nous raconte des choses pas très joyeuses. Le solo de Tommy T. Baron est exceptionnel de toucher et de grâce, ce type est tout simplement l’un des meilleurs solistes du genre. Comment est-ce possible que je n’ai pas aimé ce titre superbe dès la première écoute ? Qu’on est con quand on est jeune !
Classe et profondeur : le ton est donné.
« Internal Conflicts ». Absolument imparable. Encore un morceau très rythmique et dépouillé. La voix de Ron Royce sature et en rajoute une couche dans le malsain. Et oui, car entre cette musique sèche et claquante qui n’invite pas vraiment à la fête au village et les textes débitant froidement, chirurgicalement, des pulsions d’auto mutilation, il est déjà clair qu’à ce stade CORONER n’est pas venu vous raconter des blagues de Toto. Les thèmes abordés sur GRIN sont globalement liés à la psyché humaine, à la place de l’homme dans la société, son aliénation à une vie et des concepts vides de sens. Le conformisme et la léthargie des membres de cette ruche grouillante. La folie et l’absurdité de tout cela, l’évolution possible vers autre chose, une autre humanité… Enfin… Je crois... J’ai parfaitement tort, mais j’ai toujours perçu GRIN comme une sorte concept album traitant de l’histoire d’un homme s’enfonçant toujours plus loin dans la folie. Je crois que ça marche aussi. C’est, indépendamment des textes, ce que la musique m’évoque. Une froide détermination se dégage de ce Metal glacial et quasi martial. Celle d’un psychotique bien décidé à se faire du mal, beaucoup de mal, parce que sa haine envers lui-même, son inéquation avec le monde qui l’entoure a franchi le seuil du contrôle.
A l’image de tout l’album, « Internal Conflicts » est d’une élégance austère folle. Et parfois, au delà de la couche de nuages noirs qui survole l’œuvre, de petits rayons de lumière blanche, comme un vague espoir, surgissent au sein des vapeurs de charbon et vous transportent par leur beauté ; C’est le cas de la partie instrumentale de ce titre, affublée d’un solo de guitare anthologique. Technique, mélodique, c’est une véritable démonstration virtuose. C’est ça un bon solo : il vous raconte une histoire. Rien que d’y penser, sans même l’écouter : chair de poule direct ! Ouais, la musique de ce niveau ça peut faire ça aussi !
Sinon, vous avez remarqué le petit sample tiré d’Aliens au début ?
« Caveat (To the Coming) » se ramène juste après et semble presque être un titre généreux à côté. Accords pleins et samples d’enfants, on quitte le temps de quelques mesures la lourdeur du plomb pour une pleine poignée de nostalgie aérienne. Mais la réalité finit par tout noyer. Retour sur le plancher des vaches. Le reste du titre retrouve l’ambiance morose introduite par les titres précédents et nous replonge dans le smog traumatique. Des parties de guitare qui couinent admirablement en solo sur un duo basse/batterie « laid back », un peu 70’s mais façon bad trip au peyotl calment cependant nos ardeurs. Le RunForestRun de 1993 vous aurait dit : « il y a des passages pour pioncer ou aller pisser un coup ». Celui d’aujourd’hui boit chaque note comme du nectar.
Notons à ce stade que la production de l’album (le mixage est signé Tom Morris du Morrisound Studio à Tampa en Floride, bien que l’enregistrement ait eu lieu en Suisse) rend vraiment justice au songwriting exceptionnel du disque. Instruments audibles jusqu’au moindre détail, effets parfaitement intégrés (Ah ces reverbs sur les grattes, ce qu’elles sont belles !), grosse dynamique, sensation d’espace. Puissance, mais modérée, tempérée pour ne rien perdre en finesse. FINESSE. Ah, le voilà le maître-mot qu’on cherchait depuis tout à l’heure ! Tout cela est construit, interprété, enregistré, produit avec une extrême finesse. GRIN est fin, racé, classe, profond, intelligent dans tous les compartiments.
Trou normand pour les fans de pinailles : la caisse claire aurait pu sonner un peu mieux. J’aurais aimé un son plus mat et « fat ». Voilà, c’est dit. Mais chuuuut hein !
On arrive à l’étape « Serpent Moves », qui est un titre obsédant, noir de jade et truffé de samples. Dans le même esprit que « Caveat », il est construit lui aussi sur un tempo relativement cool et n’en est que plus insidieusement vicieux. Le final est magistral.
Suivant ! « Status: Still Thinking ». Ok, un de mes titres favoris. Après une longue intro un peu voivodienne, les couplets bien vicelards s’accouplent avec de longs passages hypnotiques. C’est bon ça ! Ron Royce est vraiment très en forme sur ce titre.
L’interlude « Theme for Silence » fait écho à l’intro « The Lethargic Age ». Nocturne, tribale, mystique, toute en tension délicate, elle permet au titre suivant, un autre classique de l’album, « Paralyzed, Mesmerized » se s’ouvrir.
« Paralyzed, Mesmerized » donc. Au risque de me répéter, GRIN est à peu près l’inverse de la bande-son du carnaval de Rio et ce n’est pas ce titre qui me contredira. Pièce d’un extraordinaire ascétisme, "Paralyzed, Mesmerized" évoque dans sa forme décharnée et réduite à une expression des plus simples et essentielles, la teneur de son titre. Notons une série de très beaux soli du père Tommy, qui joue l’économie lui aussi, surtout si on compare son travail avec celui des albums précédents. Il instille une ambiance tranquille mais toujours menaçante avec goût et tact. Quand je vous parlais de classe façon Georges Abitbol : ce titre en est la démonstration la plus exemplaire et Tommy T. Baron, sans minimiser l’apport essentiel de ses collègues, en est l’artisan numéro 1. Ce type est doté d’un don : le talent. Souvent galvaudé, ce terme prend tout son sens quand on tombe nez-à-nez avec des gonzes comme lui, ce qui est très rare. Respect éternel !
On continue la visite ? Attention, je dois vous prévenir : alors qu’il est fréquent que les musiciens balancent toute la sauce en début d’album et terminent péniblement la course à bout de souffle, Coroner n’a pas faibli et vous a même réservé le meilleur pour la fin ! Le doublé officiellement chargé de donner un point final à GRIN (et officieusement à la carrière discographique du groupe si on exclu la compilation éponyme sortie deux ans plus tard) est tout simplement HORRIBLEment jouissif. Du grand art.
« Grin (Nails Hurt) » est le morceau titre de l’album. Particulièrement froid et rythmique, il est composé de riffs façonnés avec le soin et la stricte justesse du pur et simple nécessaire qui caractérise tout l’album ; Autant de modèles d’épure et de beauté élémentaire, sculptures émaciées certes, mais posées au bon endroit, au bon moment, parfaitement épaulés par une basse lourde, ronde, impitoyable et une batterie minimaliste qui fait le job à la perfection, sans esbroufe, mais qui sait placer le petit truc discret et génial où il faut et quand il faut. Cette dernière s’emballe dans un final particulièrement hypnotique d’une glaciale majesté. Une chose est sûre, avant ce morceau, on avait jamais entendu Ron Royce aussi fâché ! NAILS… IN… MY BRAIN… NAILS… HURT… On lui a vraiment enfoncé dans clous dans le cerveau pendant l’enregistrement ? Le doute est permis ! Ce cri primal comme une lutte désespéré pour garder le contrôle de soi-même est vraiment un moment fort.
Ce morceau représente à lui seul l’antithèse d’une partie non négligeable du Metal « moderne », gras, obèse, trop salé, trop sucré, trop synthétique, trop industriel, inodore, incolore malgré les additifs et adjuvants. « Grin (Nails Hurt) » c’est la saveur simple d’un bon produit avec le bon assaisonnement. Plaisir et raffinement de l’authentique, réunis en une saine harmonie. CORONER, mangez-en ! Et accessoirement, tapez du pied parce que ça groove sévère avec tous ces chouettes contretemps !
J’imagine que l’énigmatique pochette, représentant un masque au sourire peu engageant illustre ce titre traitant de la pression de la société sur les individus, forcés de sourire, de se camoufler derrière une image, un masque, pour exister socialement, lutter contre sa nature, la nature. Texte dystopique ? Album dystopique ? Fort possible ! En tout cas, en 1993, les textes vous raconteraient presque la société d’aujourd’hui.
« Host », sans aucun doute le titre le plus abyssal débarque enfin. Composé grosso modo de deux parties, la première étant la plus Metal et laissant le champs libre à Ron Royce pour gueuler encore plus fort que sur le morceau précédant sur le simili refrain (IT BREEDS ! IT SWEATS ! IT BURNS ! IT LIVES – re-chair de poule illico), et la seconde une sorte de Pink Floyd sous antidépresseurs époque « Dark Side Of The Moon », avec ces voix hantées et cette basse ronflante comme celle de Roger Waters, « Host » est un morceau extrêmement lancinant qui permet à GRIN de se conclure de manière magistrale. Alors qu’on pense avoir touché, enfin, à une certaine sérénité une fois les dernières notes envolées, un angoissant bourdonnement d’abeilles (ou de guêpes ?) prend le relais, se tire, et abandonne l’auditeur pantois. A quoi vient-on d’assister ? Attends, je reprends mon souffle. Tuerie ce titre. Le plus expérimental en tous cas.
GRIN est pour moi un album essentiel, et ce dans tous les sens du terme. Epuré, il est le chantre d’un Metal n’existant qu’à travers la substantifique moelle de son essence pure; Vous voulez faire comprendre ce qu’est le Metal, nu, débarrassé de son barda, à un néophyte ? Faites écouter GRIN. Tout est là. Voilà à quoi il ressemble, le bazar.
Essentiel, il l’est aussi parce qu’il prouve qu’un groupe composés de musiciens de goût, techniquement capables de faire ce qu’ils veulent, ne donnera jamais dans la surenchère. Pas d’orchestre bruyant de 3000 violonistes ici, ni de concours de rapidité et un frein clair et net mis sur la débauche technique. Pour les retardataires et les amateurs de bovins : GRIN ne joue pas dans la catégorie « salon de l’agriculture ». FINESSE !! Rappelez-vous de ça !
Enfin, essentiel, il l’est parce qu’il fait partie de ces albums qui RACONTENT quelque chose. Il vous susurre à l’oreille… Vous explique qu’il y a des choses à comprendre derrières les apparences... Derrière le décor en carton pâte... C’est pas joli-joli à voir, mais c’est le prix à payer pour avoir choisi la pilule rouge.
Il y là, en GRIN, l’absolu musical et thématique d’une grande œuvre d’art. Un travail d’orfèvre… Ou d’horloger… Suisse ?
Soyez tranquilles : Manu est d’accord ! ZGLOUB !
Rédigé par : RunForestRun | 1993 | Nb de lectures : 3731
Haha, le coup du premier concert m'a bien fait marrer. Ca m'a rappelé le mien, à 14 ans: Sepultura tournée Chaos AD avec Paradise Lost (période Icon) en 1re partie (ça avait de la gueule à l'époque les groupes d'ouverture...), au Brielpoort de Deinze.
2 semaines de négociations intensives pour avoir l'accord des parents pour y aller (autre temps, autre mœurs). La mère d'un des 4 potes avec qui j'y vais s'y colle pour nous conduire en caisse. 70km. Arrivés devant la salle, on voit une meute de malabards 2x plus grands et larges que nous, full t-shirts et vestes metal affonner des pintes devant la salle. La mère du pote voulait plus nous laisser sortir de la bagnole de peur qu'on se fasse découper en rondelles! Hahaha!
hammerbattalion Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 02h25 - (30815)
Pas mal, pas mal, et oui l'époque où on disséquait longuement les albums achetés avec nos maigres économies, quand l'achat d'une bouze signifiait une déprime relativement longue. Les copies k7 sur BASF ou Sony :)
J'ai aussi une anecdote de vieux con concernant le premier concert hors mjc/ potes/ fête de la musique/potes/tremplin pourri/potes/groupes locaux. C'était à Montoir de Bretagne pour la tournée Abject Offerings de Mercyless, un peu imbibé, je décide d'aller uriner dans les toilettes publiques devant la salle, je me fais bloquer par des punks qui veulent me piquer mes clopes, mes bières, et les 50 francs que j'ai dans la poche. Ils accompagnent poliment et courageusement leurs demandes de quelques coups et menaces. Sur ce arrive une horde de joyeux death metalleux à la vessie pleine, ils voient le petit jeune vestapatché apeuré. Ils gueulent qu'il faut pas emmerder les hardos, et foutent une sévère rouste aux punkos qui prennent la fuite, pfffffffffffff.
Quant à ce grin, j'ai mis quelques années à l'apprécier vraiment, je lui préfère toujours Mental Vortex, mais c'est vrai qu'il est bon!
Ginzu Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 08h56 - (30819)
Bravo pour cette chronique, elle retrace parfaitement le sentiment de l'époque : une forme de déception liée à l'abandon des riffs techno thrash qui faisait le succes de coroner. J'avais le sentiment d'étre incompris à l'époque, jamais un album de coroner n'avait eu autant de groove, l'album respire, les riffs , les ambiances sont imparables, cet album est le chef d'oeuvre absolu de coroner.
Et sa transcription sur scéne est impériale.
Sur le son : j'avais rencontré ron royce en 96 ou 97 lors de leur tournee d'adieu avec sup, à lyon, et chose surprenante, il n'était pas totalement satisfait du son de grin, ils auraient voulu avoir plus de temps. Leur son live en revanche, s'était déjà épaissi avec des samples et l'utilisation d'un ampli stéréo pour tommy.
tool IP:82.249.7.210 Invité
Posté le: 06/04/2014 à 09h56 - (30820)
dans mon top 10 des plus grands albums tout styles confondus, un monument d'une noirceur et d'une beauté absolu, quel dommage qu'ils n'aient pas continué !
jaquouille Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 10h19 - (30821)
nom de dieu je dois avoir un problème... j'ai jamais accroché à Coroner ! c'est grave docteur ?
pourtant au début des 90' tout y a passé : Testament, Tankard, Sodom, Kreator, Protector, Atheist, Cynic, Loudblast, Candlemass, Carcass, Sabbat, Wasp, Annihilator, King Diamond, etc... mais pas Coroner
j'ai bien NO MORE COLOR dans ma disco mais c'est celui d'un pote que j'ai récupéré quand il a tout balancé (sic)
je crois les avoir vu une fois mais je ne m'en rappelle même plus exactement
là j'écoute Grin sur youtube mais non, décidément ça me laisse froid
mis à part ça, sympa la chronique et en plus tu parles de moi :-)
hammerbattalion Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 10h27 - (30822)
jaquouille@ j'ai la même maladie avec Voivod, rien à faire. D'un autre côté, ces groupes ont un statut culte maintenant, ils créent l'événement à chaque passage, mais je n'ai pas le souvenir qu'ils déplaçaient les foules et vendaient des palettes de cd à l'époque.
J.N. Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 13h00 - (30823)
Un album incompris à son époque. Je ne l'ai moi même pas du tout apprécié à sa sortie. J'y suis revenu il y a seulement 4 ans et c'est un fucking bon album. Le plus sombre du groupe, le plus malsin, mais peut-être leur meilleur skeud !
Vivement une réedition remasterisée !
nocturnus1977 Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 13h48 - (30824)
album parfait, unique, chef d'oeuvre
le trip, les compos, les paroles, les soli les plus beaux du monde, et surtout le fameux "smog traumatique" (bien trouvé!!!)
j'ai découvert Coroner en 1995, et je suis un gros fan de tous leurs albums, mais c'est vrai que GRIN est la perfection dans le metal un poil sophistiqué
(même si No More Color est par exemple un des meilleurs albums de thrash technique mélangeant influence neo classique et violence)
merci pour cette chronique, on dirait que tu es tout simplement né pour l'écrire...je me reconnais dans TOUT ce que tu as écris...
je les ai vu sur la tournée de 1996 à Strasbourg...magnifique...3 musiciens (+1 dans l'ombre) qui portent le monde sur leurs épaules...
et revu surtout au dernier concert de Marky cette année et les gars n'ont rien perdu de leur superbe...de la magie à l'état pur
pour Jaquouille, pas de soucis si tu n'apprécies pas... mais fait tourner l'album Grin quelques jours et tu ne pourras plus t'en passer...le truc le plus zarb chez Coroner c'est le chant bizarroide, entre l'agression et...quelque chose...lol...mais je t'assure que tu vas plonger...
en tout cas j'ai jamais retrouvé un album proche de celui-ci dans l'esprit...si vous m'en proposez je saute dessus
tonio Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 14h13 - (30825)
Tout pareil que vous autres, cet album m'a retourné la tronche. Après plusieurs écoutes, pas de suite. c'est vrai que c'est vraiment un disque unique dans son genre, le bouquet final d'une disco exemplaire. Et puis les solo, mon dieu les solo ! Le mec est juste LE grateux parfait.
Album que j'ai acheté d'occaz en 1995 avec, je m'en souviens encore, le Butchered de Cannibal et A Shedding Of Skin de Protector. A Quimper...
Je me retrouve à 200% dans cette chronique, les mêmes sensations exactement. Bravo pour l'écrit.
Moshimosher Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 15h54 - (30826)
Fort bonne chronique !
Je n'ai pas l'album (je n'ai que Mental Vortex qui est superbe... Ah ! Ces guitares !). En tout cas, le son déchire ! (Une réédition, oui ; remasterisée, non !)
Pour les solos de gratte, y a pas photo, c'est de la bombe !
Pour la mémoire, je ne vaux pas mieux: je les ai vu au Club Dunois pour leur dernière tournée (façon de parler, bien sûr, vu qu'ils sont encore là, à tourner, encore et encore, comme un disque vinyle...), et je ne me souvenais même plus des autres groupes ayant joué sur ce soir là...
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 16h15 - (30828)
J'ai découvert Coroner avec cet album à sa sortie. Alors quand tous les copains m'en parlaient comme d'un groupe de Techno Thrash, j'ai cru que c'était une blague. J'ai donc logiquement detesté ce que j'ai entendu et j'ai eu beaucoup de mal et mis beaucoup de temps avant de commencer à l'appréhender différement.
Mais ce n'est pas pour autant que je l'apprécie aujourd'hui. Je lui préfère "Mental Vortex".
Superbe chro sinon ! Bravo
Philou IP:79.91.245.93 Invité
Posté le: 06/04/2014 à 17h27 - (30831)
@Moshimosher c'etait Sup et Soar qui ouvraient pour Coroner au Dunois
Bernard Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 17h52 - (30832)
Chef-d’œuvre absolu du groupe pour moi. Et simplement un des meilleurs albums metal toutes catégories confondues.
Kazyrga Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 18h28 - (30833)
je ne lis jamais cette rubrique d'habitude, mais ce sujet a piqué ma curiosité. chapeau bas pour le travail Forest: belle plume.
Même ressenti pour moi qui ai commencé par No more Color (que j'ai adore encore): déçu au départ mais hanté jusqu'à ce jour par ces ambiances hypnotisantes. Belle maîtrise d'un "minimalisme technique", efficacement mise au service des morceaux et du rendu des atmosphères. Surtout, il n'y a ni déchets, ni fioritures: la marque des Grands.
2 questions pour les initiés:
-y a t il des groupes qui se rapprochent de cette qualité dans ce style?
-vous parliez de la profondeur des textes, mais avec le départ de Mark, pensez vous que d'éventuels nouveaux opus soient du même tenant?
Moshimosher Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 19h35 - (30834)
@Philou : merci ! :)
Boz pas connecté IP:92.104.154.238 Invité
Posté le: 06/04/2014 à 19h59 - (30835)
Chef d'oeuvre absolument. je l'ai depuis sa sortie, certainement l'album que j'ai le plus écouté à ce jour. ultime, imparable, jamais égalé, totalement unique. Sombre et puissant, superbement exécuté, des soli absolument somptueux... album des superlatifs. Me souviens à l'époque avec mon disquaire on se disait fin 93 'c'est quoi l'album de l'année'? Ben Grin de Coroner... Pas changé d'avis 20 ans plus tard.
Un plaisir ENORME de les avoir vu sur scene, à jouer quasiment tout cet album.
Bou Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 20h44 - (30837)
Chef d'oeuvre! Je l'ai tellement fait tourner...
Jamais le Thrash n'a été poussé aussi loin en terme d'ambiances, de raffinement. L'épitaphe du genre en quelque sorte.
Dire qu'on sentait qu'ils pouvaient aller encore plus loin (l'album "best of" posthume et ses quelques inédits).
Morbid Tankard Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 20h47 - (30838)
Une belle chronique pour un album sublime d'un groupe sublime.
Ginzu Membre enregistré
Posté le: 06/04/2014 à 21h27 - (30839)
Bou,
: vrai pour le best of qui a suivi. Si les inedits était le début d'un album, c'aurait été un autre chef d'oeuvre. Je me souviens des titres de ce best of joués à lyon : golden cashmere sleeper et je ne sais plus quoi, c'était dément. Ça sert d'intro au show de 2012 que j'ai vu au moto en version raccourcie
Gargoylian Membre enregistré
Posté le: 07/04/2014 à 14h33 - (30845)
@hammerbattalion : Le concert de Montoir de Bretagne, j'y étais aussi. Il y avait LE GROUPE Nazairien de l'époque : Asa Foetida. Tu te souvientd ? Moi j'étais "roadie" batterie. Après le show on a picolé en backstage terrible avec Mercyless.
@RunForestRun : Et encore une chronique magistrale. Longue, détaillée, pointue. Et quel album ce GRIN. J'ai comme toi à l'époque ressentie la même chose lors de la première écoute. Bouah ! C'est quoi ce truc. Mais au final quel tuerie.
Je te verrais bien faire une review de Bathory "Hammerheart" toi ;)
hammerbattalion Membre enregistré
Posté le: 07/04/2014 à 15h06 - (30846)
Gargoylian@ Bien sur que je m'en souviens, il y avait aussi Decrepitude, je crois même que j'avais acheté Tormenta Animae ce soir-là. Je me souviens aussi que la salle était pleine, que j'ai perdu un genou en slammant sur Mercyless, chaque jour de pluie me le rappelle depuis 20 ans :). Il se peut qu'on se connaisse de vue, on n'était pas 500 metalleux dans le coin à l'époque.
J'ai discuté avec Max et Stéphane récemment, ils se souviennent très bien de ce concert et de cette cuite!
Désolé pour le hs, mais sans remember, comment radoter ces vieilles histoires?
Et +1 pour la kro du Bathory.
RunForestRun Membre enregistré
Posté le: 07/04/2014 à 16h55 - (30847)
Je suis un peu dur de la comprenette, là, pourquoi spécialement cet album de Bathory ?? Expliquez-moi svp !
Concernant la remarque sur la re-masterisation, ça a déjà été dit, ce serait une hérésie de toucher à cet album dont le son est déjà parfait tel quel (ce qui ne signifie pas qu'il correspond à la vision initiale du groupe, ce qui est relativement fréquent) et qui n'a nul besoin de coup de peinture (ça vous semblerait pas bizarre de prendre Notre Dame de Paris de Hugo et de changer tous les mots peu utilisés de nos jours et de le changer par des mots d'argot actuels ?? --> c'est pareil).
Il faut quand même préciser pour ceux qui ne le savent pas, que ce n'est pas le mastering / remastering en tant que tel, c-a-d technique audio qui est à remettre en cause mais ce qu'est devenu le mastering avec le loudness war ; De nos jours, 99% des remastering signifient compresser le son à mort pour monter le volume, au mépris de toute qualité sonore. Un véritable remastering dépoussièrerait éventuellement un mix ou mastering original de faible qualité (et là, le mieux serait de d'abord remixer si c'est possible) en lui offrant une couleur sonore différente, plus qualitative. GRIN n'en a pas DU TOUT besoin.
Le terme "remastering" tel qu'il est employé aujourd'hui est complètement bidon, c'est juste pour proposer du neuf, toujours du neuf au consommateur. Coroner l'a d'ailleurs bien compris en ressortant Mental Vortex dans sa version originale. Ces mecs ont décidément tout compris.
@Kazyrga : dans le même style, là comme ça je ne vois pas...
Et puis pour les textes de l'éventuel prochain album, on verra bien... Je suis partagé entre excitation et crainte qu'ils se plantent avec ce projet.
Globox666 IP:78.248.28.114 Invité
Posté le: 07/04/2014 à 22h02 - (30848)
pas mon préféré et le plus à part du groupe mais un album absolument sublime aux ambiances incroyables. Il est indispensable tout comme les autres mais je lui préfère les 3 albums d'avant. L'évolution entre les albums est admirable, quelle créativité, quel panache et quelle maitrise dans les compos!
Gargoylian Membre enregistré
Posté le: 09/04/2014 à 12h37 - (30850)
@RunForestRun : Pour BATHORY, parce que c'est leur meilleur album (bien que j'ai découvert le groupe avec le précédent Blood Fire Death"). Hammerheart est une tuerie et vu la qualité de tes chroniques je me disais que tu pourrais faire un truc monstrueux.... Voilà ;)
Gargoylian Membre enregistré
Posté le: 09/04/2014 à 12h39 - (30851)
Sinon je verrais bien une review/remember de Helloween "Keeper Paret II". Je le sens bien... snif snif :)
forlorn Membre enregistré
Posté le: 09/04/2014 à 12h53 - (30852)
@ Gargoylan: Pour information, un autre VSeur a réservé la chronique de Hammerheart.
Quant à Keeper of the Seven Keys Part II la chronique existe déjà.
RunForestRun Membre enregistré
Posté le: 09/04/2014 à 14h13 - (30853)
C'est bien urbain de ta part Gargolylian, merci, mais les conditions sine qua non pour accoucher d'une chronique comme celle là c'est que l'album me parle énormément et que je le connaisse sur le bout des doigts depuis longtemps. J'aime bien les albums majeurs de Bathory mais ce groupe n'a pas un statut suffisamment important dans mon parcours pour que j'ai envie de me pencher dessus. Et puis si on plus c'est déjà réservé, autant laisser quelqu'un de plus motivé s'exprimer dessus.
J'ai bien une petite idée en train de germer pour une autre chronique, mais j'ai pas le temps cette semaine. :-)
Ivan Grozny Membre enregistré
Posté le: 10/04/2014 à 13h42 - (30854)
Très belle chronique pour cet album majeur du thrash !
Psyrhosis IP:78.246.181.155 Invité
Posté le: 29/04/2014 à 22h53 - (30892)
Groupe culte. Album culte. Quand on sait que le gratteux Tommy Vetterli joue avec Stephan Eicher :)
Kaïn Membre enregistré
Posté le: 02/05/2014 à 12h38 - (30894)
Le meilleur de Coroner avec Punishment For Decadence. Et Mental Vortex aussi.
Il n'y a absolument rien à jeter : de Lethargic Age (qui peut faire penser à du Prong, certes) à Host (qui fait penser à du Pink Floyd), le cœur de l'album (faut pas oublier Statut (Still Thinking)) est juste ultime d'inspiration, d’originalité, d'ambiance et de jeu de batterie.
Le best est clairement la trinité Internal Conflicts-Caveat (to the coming)-Serpent Moves, où les riffs explosent, les soli écrasent tout (surtout celui de Caveat). Après, il faut écouter Paralized Mesmerized où la voix de Ron Royce atteint son apogée, et Grin où le rythme est impitoyable et renvoie la techno aux oubliettes).
En attendant un nouvel album (allez Vetterli, allez Vetterli !!!), il est temps de rééditer ce disque (Aspid est passé par là, Nocturnus aussi).
The End of The Road
The End of a Love
The End of the Game
The End of The Fames
The End of Summer
The End of Freedom
Leaving you Behind Like...
RBD Membre enregistré
Posté le: 14/05/2014 à 23h47 - (30917)
J'aurais aimé avoir le courage d'écrire un jour quelque chose à la hauteur de cet album phénoménal. RFR a su le faire dans son style, je m'y retrouve, bravo. Le solo de "Serpent Moves" me fait encore trembler après des années, la propreté de la production ressort toutes les finesses (...) recherchées par des compositions follement audacieuses et épurées du point de vue harmonique. Les titres inédits de la compile qui a suivi prolongent l'esprit de cet extraordinaire chef-d'oeuvre de Thrash atmosphérique déprimé.
C'était aussi le premier disque que j'ai acheté sur internet, le dernier Coroner que je n'avais pu trouver par VPC ou en magasin.
Coroner était passé par Montpellier en 93, j'étais trop jeune, je m'en mords encore les doigts (j'ai bien dit les doigts).
Ben IP:193.248.33.161 Invité
Posté le: 23/06/2015 à 15h53 - (31693)
Philou
Soar n'avais pas jouer ce soir là ,c'est Horresco referens,et Iceland mais je doute .
tigny IP: Invité
Posté le: 16/06/2022 à 23h48 - (31980)
Ça fait du bien de retourner dans ces/ses souvenirs.
Et mon pote qui a presque renversé le Marshall de Thomas "guitariste de Stefan Eicher" Vetterli pour piquer des mediators...
Au fait, sauf erreur de ma part, ce n'est pas Marky qui a enregistré l'album, mais un batteur de session. À ce sujet lisez le livre sur Noise Record:
DAMN THE MACHINE - THE STORY OF NOISE RECORDS par David E. Gehlke
Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site
Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs.
S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos
Bon, j’ai beau ne pas avoir le talent de Dustin Hoffman dans Rain Man, mon éponge grise regorge tout de même de souvenirs de vieux con, parmi lesquels cette journée figure en bonne place. C’est la première fois que je débarque, veste en jean à patches, cheveux longs qui rebiquent et acné plein la face, à un concert d’un plateau INTERNATIONAL. Autant dire que ça déconne pas et que je vais pouvoir me la péter grave demain au lycée auprès des 3 cinglés qui écoutent eux aussi du « Hard » (encore faudrait-il qu’ils connaissent CORONER, mais à priori aucun problème de côté là). Le fidèle Manu m’accompagne, c’est même son beau-père qui nous a trimbalés dans sa caisse pourrie tout en devisant avec sagesse de l’ensemble des techniques de combat à adopter en cas d’agression. On sait jamais qui cette musique de sauvages va rameuter après tout. En 93, le « Hard » c’est encore dangereux. On ne sait pas non plus qu’on devra se taper 10 bornes à pieds au retour, mais ça je pense qu’on s’en serait foutus même si on avait lu notre horoscope du matin. Y a CORONER ce soir bordel, waouh !!!!
On attend tout l’après-midi devant la salle. On se fait chier, mais c’est pour la bonne cause et c’est pas pire qu’en cours de math. Les portes s’ouvrent, enfin ! On pénètre dans l’antre minuscule. Ça commence. Le premier groupe n’a pas réussi à s’inscrire durablement au milieu des mes neurones déficients, je l’ai déjà dit. Depressive Age m’ennuie copieusement, sauf le temps d’un « Eternal Twins » bien sympa avec ses voix quasi death. Puis CORONER, tel le messie, s’empare finalement de la scène. Souriant (Grin ‘til I lose myself ?), Ron(ald) « Royce » Broder nous gratifie d’un laconique « Salut Montbéliard ! » avec son accent suisse allemand à couper au couteau. On commence avec un « Divine Step » de derrière les fagots suivi par le premier extrait de GRIN, j’ai nommé « Internal Conflicts ». Le son est impeccable, les musiciens jouent comme des dieux (mais ils en sont, je l’ai toujours dit). La différence inhumaine de niveau avec le (les ?) groupe(s) suivant(s) est flagrante. La voix de Ron sonne stricto-sensu comme sur les albums (mais il est aussi un sacré bassiste, ne l’oublions pas) tandis que les doigts agiles de Thomas « Tommy T. Baron » Vetterli s’agitent frénétiquement avec une facilité ecoeurante sur sa guitare rouge. Infatigable et impérial, Markus Edelmann alias « Marquis Marky » cogne son kit comme s’il était branché sur piles Duracell. Pendant une heure et trente minutes, CORONER va nous transporter, nous faire vibrer, secouer la tête, bref kiffer nos races comme des gros bâtards ! Manu a les yeux mi-clos, sa tête oscille comme celle d’un benêt et un peu de salive coule sur son menton. C’est beau, un jeune hardos en transe. Un spectacle dantesque donc. Mais qui augure, mille fois hélas, le début de la fin pour CORONER : personne ne se doute que le groupe ne donnera guère plus de 8 concerts de plus avant de splitter et de garder le silence pendant plus de 15 ans… C’est bon pour les photos ? Allez, on remonte encore un petit coup dans la machine à remonter le temps !
Flashback ! ZGLOUB ! (c’est le bruit que ça fait)
Mi-Septembre 1993. Armé de mes cassettes vierges BASF 90 minutes (les mp3 de l’époque), direction chez Manu pour la séance de copies de nouveautés. D’ailleurs, pucelles, les cassettes, elles le restent jamais bien longtemps. Manu et moi, on se partage les sorties à acheter et on se les copie mutuellement. Du coup, on a l’équivalent de deux albums pour le prix d’un ! Qui dit mieux ? On est des petits malins !
Manu a été sommé d’acheter le nouveau CORONER, GRIN, qui vient tout juste de sortir. Coup de bol : le disquaire l’avait ! Ouf. C’est pas toujours le cas. Je suis déjà bien-bien fan du groupe : je me suis enfilé leur discographie des centaines de fois en perfectionnant ma technique d’air guitar devant la glace de la salle de bain. Un jour j’ai remarqué que la voisine me regardait en se marrant. Salope ! M’enfin, rien à foutre. Autant dire que le nouveau CORONER est attendu derrière le virage ! Arrivée chez le poto. On me met d’entrée de jeu au parfum : « J’te préviens il est bizarre le nouveau Coro ». Arf, il l’a déjà écouté tout seul ce gros traître !
Mais attends… Bizarre ? Un album de CORONER ? Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? Meuh non, quel déconneur ce Manu !
Il lance GRIN dans le radiocassette…
… Les minutes passent.
… Bibi : Mais… Qu’est ce que c’est que cette merde ?
… Les minutes re-passent, puis le disque s’achève dans un bourdonnement d’insectes.
Mais seigneur Jesus Christ, ils sont où tous les solos et riffs plein de notes qu’on comprend même pas c’qu’y joue tellement ça va vite ? Et pis qui t’en foutent plein la tronche ? On dirait un album pour pioncer ce truc ! Vite, un Kreator pour se laver les esgourdes !
Argh, j’aime pas ! Un disque de CORONER. Je vais bien, tout va bien ! Mais qu’est ce qu’ils ont foutu nom de Dieu ? Ils ont bouffé trop de Milka les Suisses ou quoi ?
Flashforward ! ZGLOUB !
Passé le choc initial, bien évidemment GRIN a fini par se trouver une place de choix dans ma disco… hem… cassette-thèque, sans quoi cette chronique n’aurait pas lieu d’être. Mais il a fallu ramer au moins, pffff, un après-midi ! Précisons qu’à l’époque, un nouvel album me faisant l’honneur d’atterrir entre mes mains est écouté, décortiqué, disséqué et autopsié sous toutes les coutures 10 à 15 fois par grappes de 24 heures, et encore on parle d’un minimum là. On a pas le privilège d’avoir de la nouveauté entre les feuilles tous les jours ma bonne dame… Comparez ça avec aujourd’hui !
Fatalement, martelée à ce rythme, la musique fini par rentrer. Et on fini par l’aimer. Parce qu’elle a eu une vraie chance de se révéler la coquine. On mettait les moyens pour l’apprivoiser dirais-je, tel le renard de Saint-Exupéry. Et ça aurait été bien dommage de rester sur la première impression bas du front explicitée plus haut : GRIN, adopté, compris, est une perle rare. Un de ces albums qui traverse le temps, intact, toujours nappé de son charme, de son mysticisme et de son intensité malgré le poids des ans. Me fais pas dire ce que j’ai pas dit : il est pas facile-facile d’accès.
Avec le recul, il semble évident que le fantastique Mental Vortex amorçait le tournant à venir. Après avoir débarrassé son No More Colors des quelques influences néo-classiques parsemant ici et là ses deux premières pépites – R.I.P et Punishment for Decadence, sortant donc à l’occasion une espèce de maître étalon insurpassable en matière de techno-thrash (« techno » comme « technique » hein !), Coroner a senti le besoin de s’exprimer autrement, en condensant le propos, privilégiant les ambiances, le rythme, une écriture structurée et mûre plutôt que les véloces et baroques éruptions créatives de ses disques précédents qui vous matraquaient sous un déluge de notes. Mais ! Alors que Mental Vortex était encore chargé de l’histoire musicale du groupe, ne se détachant finalement du passé qu’avec douceur et un sens de la transition rondement orchestrée, GRIN franchi quant à lui allégrement le Rubicon, quitte à s’aliéner une partie d’un public chèrement acquis. Qu’on soit clair : GRIN n’a plus rien à voir avec ses petits frères. C’est à une toute autre bestiole qu’on aura à faire ici. Mais quelle bestiole ! (Là le suspense est au top tu vois)
Aparté : la discographie de CORONER est parfaite, ou presque. C’est mon avis et tu le partages, pas vrai ?
Peu de groupes sont capables d’exprimer un tel niveau de créativité avec une telle constance. Le groupe a-t-il seulement sorti un mauvais disque ? La bonne blague ! Un disque médiocre, moyen, pas terrible, bof, peu mieux faire ? Même pas !
Discutez avec les fans : ils n’arrivent pas à accorder leurs violons sur la hiérarchie du podium des albums du groupe. Signe des grands ! Une chose est sûre : comme les autres, GRIN est un chef d’œuvre. Mais sa singularité musicale le range dans une position à part, unique. C’est pourquoi il souvent cité en référence. D’autres ne l’aiment pas. Ils pensent que CORONER s’est trahi, fourvoyé. Mais ceux là auraient été cruellement châtiés si j’avais été Vlad Tepes, Caligula, Tywin Lannister, le Dominateur ou un autre type sympa dans le genre. Je n’aime guère les gens qui ne comprennent décidément pas, même quand l’évidence est là, sous leurs yeux.
Depuis la sortie du 5ème album éponyme de Metallica, baptisé « Black Album », il est fréquent d’entendre ou lire ici et là, à propos de la nouvelle sortie d’un groupe ayant exercé dans un style de musique qu’on qualifiera sommairement « d’agité », et ayant considérablement modéré son propos, qu’il s’agit de son « Black Album ». A savoir une œuvre qui abandonne plus ou moins le style originel turbulent et tente, à tort ou à raison, de proposer une musique plus adulte, plus mûre, plus réfléchie. Souvent plus accessible, plus « commerciale » aussi. Plus gay-friendly diront certains… Beaucoup de groupes de Thrash des années 80 sont passés par là, avec plus ou moins de réussite. Citons Megadeth, Anthrax, Exodus, Testament pour les plus emblématiques (non Corky, pas Slayer). A croire que la transition d’une décennie à l’autre est systématiquement une période charnière dans le monde de la musique !
Bref. Revenons à nos moutons. GRIN est donc bel et bien ce disque LÀ dans la carrière de CORONER. Celui qui représente le changement de peau et l’entrée dans une nouvelle phase « on est trop des artistes tu vois ».
Hein ? J’entends Jaquouille me dire au loin : « Alors, tout ce blah blah et tu ne nous a même pas dit à quoi il ressemble ce GRIN !!?? ». D’acc Jaquouille, je me grouille !
Écoutons, décortiquons, disséquons et autopsions alors ! Classieuse et vaguement tribale, « Dream Path » est chargée d’immerger l’auditeur dans le bain. Percus et ambiance un peu mystique, tendue, cette petite intro d’un peu plus d’une minute est relativement anecdotique mais permet de faire le lien avec le premier titre véritable de l’album, j’ai nommé :
« The Lethargic Age ». Alors là oui, tu nous avais prévenu Manu, ça change ! On s’attend à une pluie d’octuples croches sur le coin de la gueule et voilà t’y pas que le morceau débute tout calmement avec deux accords et un pattern de basse bien hypnotisant ! Par contre c’est sombre tout ça, très sombre. La musique est très dépouillée, très rythmique. Ça va à l’essentiel. C’est expérimental mais pas trop non plus. On dirait qu’ils ont fait du concentré de Metal ! En expurgeant tout le superflu pour ne garder que le noyau en fusion de cette musique, sa pureté. Le diamant brut, dénudé, sans artifices. Je me répète : c’est sombre. C’est noir. C’est sec, il n’y a pas beaucoup d’humanité là dedans. Ron Royce nous raconte des choses pas très joyeuses. Le solo de Tommy T. Baron est exceptionnel de toucher et de grâce, ce type est tout simplement l’un des meilleurs solistes du genre. Comment est-ce possible que je n’ai pas aimé ce titre superbe dès la première écoute ? Qu’on est con quand on est jeune !
Classe et profondeur : le ton est donné.
« Internal Conflicts ». Absolument imparable. Encore un morceau très rythmique et dépouillé. La voix de Ron Royce sature et en rajoute une couche dans le malsain. Et oui, car entre cette musique sèche et claquante qui n’invite pas vraiment à la fête au village et les textes débitant froidement, chirurgicalement, des pulsions d’auto mutilation, il est déjà clair qu’à ce stade CORONER n’est pas venu vous raconter des blagues de Toto. Les thèmes abordés sur GRIN sont globalement liés à la psyché humaine, à la place de l’homme dans la société, son aliénation à une vie et des concepts vides de sens. Le conformisme et la léthargie des membres de cette ruche grouillante. La folie et l’absurdité de tout cela, l’évolution possible vers autre chose, une autre humanité… Enfin… Je crois... J’ai parfaitement tort, mais j’ai toujours perçu GRIN comme une sorte concept album traitant de l’histoire d’un homme s’enfonçant toujours plus loin dans la folie. Je crois que ça marche aussi. C’est, indépendamment des textes, ce que la musique m’évoque. Une froide détermination se dégage de ce Metal glacial et quasi martial. Celle d’un psychotique bien décidé à se faire du mal, beaucoup de mal, parce que sa haine envers lui-même, son inéquation avec le monde qui l’entoure a franchi le seuil du contrôle.
A l’image de tout l’album, « Internal Conflicts » est d’une élégance austère folle. Et parfois, au delà de la couche de nuages noirs qui survole l’œuvre, de petits rayons de lumière blanche, comme un vague espoir, surgissent au sein des vapeurs de charbon et vous transportent par leur beauté ; C’est le cas de la partie instrumentale de ce titre, affublée d’un solo de guitare anthologique. Technique, mélodique, c’est une véritable démonstration virtuose. C’est ça un bon solo : il vous raconte une histoire. Rien que d’y penser, sans même l’écouter : chair de poule direct ! Ouais, la musique de ce niveau ça peut faire ça aussi !
Sinon, vous avez remarqué le petit sample tiré d’Aliens au début ?
« Caveat (To the Coming) » se ramène juste après et semble presque être un titre généreux à côté. Accords pleins et samples d’enfants, on quitte le temps de quelques mesures la lourdeur du plomb pour une pleine poignée de nostalgie aérienne. Mais la réalité finit par tout noyer. Retour sur le plancher des vaches. Le reste du titre retrouve l’ambiance morose introduite par les titres précédents et nous replonge dans le smog traumatique. Des parties de guitare qui couinent admirablement en solo sur un duo basse/batterie « laid back », un peu 70’s mais façon bad trip au peyotl calment cependant nos ardeurs. Le RunForestRun de 1993 vous aurait dit : « il y a des passages pour pioncer ou aller pisser un coup ». Celui d’aujourd’hui boit chaque note comme du nectar.
Notons à ce stade que la production de l’album (le mixage est signé Tom Morris du Morrisound Studio à Tampa en Floride, bien que l’enregistrement ait eu lieu en Suisse) rend vraiment justice au songwriting exceptionnel du disque. Instruments audibles jusqu’au moindre détail, effets parfaitement intégrés (Ah ces reverbs sur les grattes, ce qu’elles sont belles !), grosse dynamique, sensation d’espace. Puissance, mais modérée, tempérée pour ne rien perdre en finesse. FINESSE. Ah, le voilà le maître-mot qu’on cherchait depuis tout à l’heure ! Tout cela est construit, interprété, enregistré, produit avec une extrême finesse. GRIN est fin, racé, classe, profond, intelligent dans tous les compartiments.
Trou normand pour les fans de pinailles : la caisse claire aurait pu sonner un peu mieux. J’aurais aimé un son plus mat et « fat ». Voilà, c’est dit. Mais chuuuut hein !
On arrive à l’étape « Serpent Moves », qui est un titre obsédant, noir de jade et truffé de samples. Dans le même esprit que « Caveat », il est construit lui aussi sur un tempo relativement cool et n’en est que plus insidieusement vicieux. Le final est magistral.
Suivant ! « Status: Still Thinking ». Ok, un de mes titres favoris. Après une longue intro un peu voivodienne, les couplets bien vicelards s’accouplent avec de longs passages hypnotiques. C’est bon ça ! Ron Royce est vraiment très en forme sur ce titre.
L’interlude « Theme for Silence » fait écho à l’intro « The Lethargic Age ». Nocturne, tribale, mystique, toute en tension délicate, elle permet au titre suivant, un autre classique de l’album, « Paralyzed, Mesmerized » se s’ouvrir.
« Paralyzed, Mesmerized » donc. Au risque de me répéter, GRIN est à peu près l’inverse de la bande-son du carnaval de Rio et ce n’est pas ce titre qui me contredira. Pièce d’un extraordinaire ascétisme, "Paralyzed, Mesmerized" évoque dans sa forme décharnée et réduite à une expression des plus simples et essentielles, la teneur de son titre. Notons une série de très beaux soli du père Tommy, qui joue l’économie lui aussi, surtout si on compare son travail avec celui des albums précédents. Il instille une ambiance tranquille mais toujours menaçante avec goût et tact. Quand je vous parlais de classe façon Georges Abitbol : ce titre en est la démonstration la plus exemplaire et Tommy T. Baron, sans minimiser l’apport essentiel de ses collègues, en est l’artisan numéro 1. Ce type est doté d’un don : le talent. Souvent galvaudé, ce terme prend tout son sens quand on tombe nez-à-nez avec des gonzes comme lui, ce qui est très rare. Respect éternel !
On continue la visite ? Attention, je dois vous prévenir : alors qu’il est fréquent que les musiciens balancent toute la sauce en début d’album et terminent péniblement la course à bout de souffle, Coroner n’a pas faibli et vous a même réservé le meilleur pour la fin ! Le doublé officiellement chargé de donner un point final à GRIN (et officieusement à la carrière discographique du groupe si on exclu la compilation éponyme sortie deux ans plus tard) est tout simplement HORRIBLEment jouissif. Du grand art.
« Grin (Nails Hurt) » est le morceau titre de l’album. Particulièrement froid et rythmique, il est composé de riffs façonnés avec le soin et la stricte justesse du pur et simple nécessaire qui caractérise tout l’album ; Autant de modèles d’épure et de beauté élémentaire, sculptures émaciées certes, mais posées au bon endroit, au bon moment, parfaitement épaulés par une basse lourde, ronde, impitoyable et une batterie minimaliste qui fait le job à la perfection, sans esbroufe, mais qui sait placer le petit truc discret et génial où il faut et quand il faut. Cette dernière s’emballe dans un final particulièrement hypnotique d’une glaciale majesté. Une chose est sûre, avant ce morceau, on avait jamais entendu Ron Royce aussi fâché ! NAILS… IN… MY BRAIN… NAILS… HURT… On lui a vraiment enfoncé dans clous dans le cerveau pendant l’enregistrement ? Le doute est permis ! Ce cri primal comme une lutte désespéré pour garder le contrôle de soi-même est vraiment un moment fort.
Ce morceau représente à lui seul l’antithèse d’une partie non négligeable du Metal « moderne », gras, obèse, trop salé, trop sucré, trop synthétique, trop industriel, inodore, incolore malgré les additifs et adjuvants. « Grin (Nails Hurt) » c’est la saveur simple d’un bon produit avec le bon assaisonnement. Plaisir et raffinement de l’authentique, réunis en une saine harmonie. CORONER, mangez-en ! Et accessoirement, tapez du pied parce que ça groove sévère avec tous ces chouettes contretemps !
J’imagine que l’énigmatique pochette, représentant un masque au sourire peu engageant illustre ce titre traitant de la pression de la société sur les individus, forcés de sourire, de se camoufler derrière une image, un masque, pour exister socialement, lutter contre sa nature, la nature. Texte dystopique ? Album dystopique ? Fort possible ! En tout cas, en 1993, les textes vous raconteraient presque la société d’aujourd’hui.
« Host », sans aucun doute le titre le plus abyssal débarque enfin. Composé grosso modo de deux parties, la première étant la plus Metal et laissant le champs libre à Ron Royce pour gueuler encore plus fort que sur le morceau précédant sur le simili refrain (IT BREEDS ! IT SWEATS ! IT BURNS ! IT LIVES – re-chair de poule illico), et la seconde une sorte de Pink Floyd sous antidépresseurs époque « Dark Side Of The Moon », avec ces voix hantées et cette basse ronflante comme celle de Roger Waters, « Host » est un morceau extrêmement lancinant qui permet à GRIN de se conclure de manière magistrale. Alors qu’on pense avoir touché, enfin, à une certaine sérénité une fois les dernières notes envolées, un angoissant bourdonnement d’abeilles (ou de guêpes ?) prend le relais, se tire, et abandonne l’auditeur pantois. A quoi vient-on d’assister ? Attends, je reprends mon souffle. Tuerie ce titre. Le plus expérimental en tous cas.
GRIN est pour moi un album essentiel, et ce dans tous les sens du terme. Epuré, il est le chantre d’un Metal n’existant qu’à travers la substantifique moelle de son essence pure; Vous voulez faire comprendre ce qu’est le Metal, nu, débarrassé de son barda, à un néophyte ? Faites écouter GRIN. Tout est là. Voilà à quoi il ressemble, le bazar.
Essentiel, il l’est aussi parce qu’il prouve qu’un groupe composés de musiciens de goût, techniquement capables de faire ce qu’ils veulent, ne donnera jamais dans la surenchère. Pas d’orchestre bruyant de 3000 violonistes ici, ni de concours de rapidité et un frein clair et net mis sur la débauche technique. Pour les retardataires et les amateurs de bovins : GRIN ne joue pas dans la catégorie « salon de l’agriculture ». FINESSE !! Rappelez-vous de ça !
Enfin, essentiel, il l’est parce qu’il fait partie de ces albums qui RACONTENT quelque chose. Il vous susurre à l’oreille… Vous explique qu’il y a des choses à comprendre derrières les apparences... Derrière le décor en carton pâte... C’est pas joli-joli à voir, mais c’est le prix à payer pour avoir choisi la pilule rouge.
Il y là, en GRIN, l’absolu musical et thématique d’une grande œuvre d’art. Un travail d’orfèvre… Ou d’horloger… Suisse ?
Soyez tranquilles : Manu est d’accord ! ZGLOUB !
Rédigé par : RunForestRun | 1993 | Nb de lectures : 3731