A la question "Qui a tué Sanctuary?", beaucoup répondent 'le grunge', coupable à leurs yeux de la plupart des difficultés rencontrées par le metal à l'époque. C'est oublier un peu vite la part de responsabilités de chacun. L'industrie musicale ayant décrété le 'hard' has-been (on ne disait pas encore metal), certains labels firent pression sur leurs signatures, enjoignant les plus irréductibles à se mettre à la page. La collusion des medias eut pour conséquence une forme de blackout sur le heavy (en gros de 1992 à 1996). Quant aux fans, ils étaient trop affairés par leur découverte du death metal pour réaliser qu'elle se faisait en partie au détriment des genres traditionnels. De plus j'ai toujours trouvé injuste le procès intenté à la scène de Seattle dont les fers de lances étaient actifs bien avant que des commerciaux ne discutent étiquette, look et plan marketing. Franchement qui oserait jeter la pierre à des mecs tels que Jerry Cantrell ou Dave Grohl après tout ce qu'ils nous ont offert? Les passerelles entre les genres et les groupes sont nombreuses, vérifiez ce que pensent Metallica, Ozzy Osbourne ou Phil Anselmo du premier cité ou l'opinion des participants à Probot au sujet du second.
Mais revenons-en à Sanctuary. Je parlais plus haut de pressions. Epic records n'a pas hésité à saboter leur album live (Into the Mirror Live), imposant au groupe le format EP avant d'en stopper le pressage, allant même jusqu'à détruire plus de 500 copies. Face à des problèmes contractuels aussi graves, on comprend sans mal que Sanctuary n'y ait pas résisté (Carcass connaitra une mésaventure similaire quelques années plus tard). Le guitariste Sean Blosl lâche l'affaire en 1990, remplacé par Jeff Loomis (candidat malheureux au poste de soliste chez Megadeth). Mais le mal était fait, Sanctuary étant alors divisé en 2 clans, les puristes s'opposant aux opportunistes (Lenny Rutledge/Dave Budbill). Au printemps 1992 la question se régla aux poings dans un pugilat de sinistre mémoire mettant un terme à l'existence de Sanctuary (reformé depuis 2010). Le trio Warrel Dane/Jim Sheppard/Jeff Loomis fonde Nevermore dans la foulée, recrutant au passage le batteur Mark Arrington. Disposant d'un matériel conséquent au moment du split (l'excellent Into the Mirror Black remontant à 1989), les Américains sollicitent le producteur Neil Kernon (Rage for Order de Queensrÿche) pour enregistrer Utopia, une Demo 10 titres qui aurait du être leur premier véritable album.
Sur les 10 morceaux d'Utopia, 3 finiront sur 'Nevermore' (paru le 1er janvier 1995) et 2 sur l'EP In Memory
(mai 1996). Quant aux 5 titres écartés, ils seront réhabilités en 2006, en bonus de la réédition de 'Nevermore'.
En attendant la route est longue et le quartet doit persévérer. Les Américains ne parviennent à convaincre les Allemands de Century Media qu'au printemps 1994, à la faveur d'une 2ème Demo sans titre comprenant de nouveaux morceaux. Cette fois la machine semble lancée. Nevermore retourne chez Neil Kernon, mais le travail est interrompu, les mois passent et le batteur Mark Arrington décide d'en rester là. Van Williams est appelé en urgence pour achever l'enregistrement d'un 1er album éponyme accouché dans la douleur. Notez que Mark Arrington n'est pas crédité sur les pressages d'origine, alors qu'il joue sur 4 des 8 morceaux (What Tomorrow Knows, Garden of Gray, The Hurting Words et Godmoney). Il faudra attendre la réédition de 2006 pour que l'injustice soit réparée. Jeff Loomis a d'ailleurs fait appel à ses services pour son album solo Zero Order Phase (2008). Mais trêve de blabla, il vaut quoi ce "premier" album officiel de Nevermore?
Beaucoup mieux que cette accumulation de galères ou l'accueil poli reçu à sa sortie, vous pouvez me croire. Les amateurs éclairés n'ont pas manqué de constater les progrès accomplis par la bande à Warrel Dane. Nevermore révèle à qui veut l'entendre le talent d'un guitariste de premier ordre: Jeff Loomis. De sa maturité dans l'écriture
(il n'avait qu'une 20aine d'année au début du processus en 1992) à son excellent niveau technique, il ne mérite que des louanges. En comparaison de Sanctuary, la musique de Nevermore a gagné en consistance et en densité (merci Neil Kernon pour la production en béton). Leur style, qu'on peut qualifier de thrash progressif, est aussi devenu plus complexe et torturé. Les rythmiques sont plus vigoureuses et groovy que jamais, avec un Jim Sheppard très présent. Quant aux mélodies, elles sont aussi plus affirmées. Warrel Dane adapte son chant en conséquence. Les envolées heavy qui ont fait sa réputation sont moins systématiques (au grand dam des puristes), ce dernier privilégiant l'émotion à la démonstration. Dans le contexte de l'époque, c'était quand même une sacrée performance, même si on sait tous qu'ils iront beaucoup plus loin par la suite.
What Tomorrow Knows et son groove imparable lancent idéalement l'album. Un classique que Nevermore jouera tout au long de sa carrière et dont le clip nous permet de découvrir leur nouvelle recrue, le guitariste Pat O'Brien (futur Cannibal Corpse). Dans le même genre, difficile voir impossible de ne pas headbanguer grâce au formidable riff de Garden of Gray (et ses backings féminins plutôt discrets signés Christine Rinehart). Avec leurs compositions les plus mélodiques, les Américains développent des atmosphères crépusculaires, incroyables de profondeur. Découvert sur un sampler Century Media à l'époque, le refrain de The Sanity Assassin m'a marqué à vie. Quant à The Hurting Words (textes écrits suite à une rupture) ce mélange de puissance et de mélancolie ne peut laisser indifférent. Avec C.B.F. et Sea of Possibilities, le quartet démontre tout son potentiel en repoussant ses limites, ces morceaux rivalisent d'atouts. Du premier cité on retiendra sa richesse et la performance vocale de Warrel Dane. Quant au second, Jeff Loomis nous offre une impressionnante démonstration technique où une avalanche de soli répond à une rythmique frénétique et complexe. En résumé on a jusqu'ici un sans faute, une tuerie intégrale.
Histoire de mettre un bémol, je dirais que les derniers morceaux, Timothy Leary (en hommage à un écrivain et philosophe prônant l'usage thérapeutique du LSD) et Godmoney, se situent un cran en dessous et n'apportent rien de plus à l'affaire. Quant à la réédition de 2006, hormis un visuel légèrement retouché (coloris modifié, logo réhaussé), on profite surtout de liner-notes instructives et des morceaux enregistrés pour Utopia en 1992. Tout en puissance, le bonus de l'édition japonaise The System's Failing aurait mérité sa place sur l'album. The Dreaming Mind, World Unborn, Chances Three et Utopia n'ont par contre pas bénéficié d'un réenregistrement et ont été ajouté tel quel, brut de décoffrage. Le contraste sonore est d'autant plus important que l'album a été remasterisé. Les mordus du groupe sauront néanmoins apprécier ce cadeau à sa juste valeur, même si le son a surement fait grincer des dents à certains. A noter que la ballade Chance Three aborde un registre 70s clairement inhabituel.
Dès le départ Nevermore avait toutes les cartes en mains pour tenir le haut de l'affiche: un niveau technique supérieur et une qualité d'écriture franchement enviable. Paradoxalement je pense que cette lutte permanente contre l'adversité leur a apporté ce supplément d'âme qui transparait sur leurs premiers enregistrements. C'est pourquoi ils ont ma préférence (notamment The Politics of Ecstasy).
Nevermore ou les convaincants débuts d'un groupe à l'identité forte dont on n'a pas fini d'entendre parler...
Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2404
Je connais juste de nom, mais c'est pas mal du tout... (Bon, j'accroche peut-être pas énormément avec le chant, mais ça peut aller tout de même...)
En tout cas, en lisant le premier paragraphe de la chronique, je crois avoir enfin compris pourquoi je n'avais pas eu l'impression, dans les années 90, que le metal subissait tant que cela le succès du grunge... A l'époque, je découvrais et m'enfonçais bien bien profond dans le death et le black, styles bien trop underground à mon avis pour se trouver affectés par le grunge et ses millions d'albums vendus... Ils ne touchaient pas le même public. (En fait, c'est sans doute aussi le death et le black qui ont fait que la plupart des groupes de néo - sans cracher dessus, bien sûr - ne représentent rien pour moi...)
sid IP:80.215.167.45 Invité
Posté le: 08/12/2013 à 21h33 - (30287)
Si on regarde le succes de Metallica, Sepultura, Guns, Pantera... Slayer... en fait ces annees la n'etaient pas mauvaises pour le metal, loin de la, au regard des ventes c'est plutot l'inverse. Ce qui commencait a changer, c'etait l'industrie du disque, et la faut pas etre nombriliste, des tas de petits groupes quelque soit leurs styles on en fait les frais.
Des tas de gens se sont mit a ecouter ce sue la presse a appele du grunge, et certains se sont ensuite tourne vers des sonorites plus metal. Mais pas l'inverse, les metalleux ont certe kiffe qques groupes de cette tendance ( Soundgarden, Alice in Chains par ex) mais ne se sont pas detournes du metal pour autant
vincesnake Membre enregistré
Posté le: 08/12/2013 à 22h03 - (30288)
1er album, coup de maître, même si on peut pas encore parler de chef d'œuvre compte tenu de ce qu'ils sortirons par la suite, notamment les 3 albums suivants qui sont pour moi bien au dessus.
Alors c'est sûr, les mecs avaient déjà pas mal de bouteille sauf peut être Jeff Loomis mais il figure de toute façon parmi les surdoués de sa génération. Warrel Dane quand à lui possède un organe unique en son genre qu'il développa de fort belle manière sur ce disque avec un coté Dark limite gothique pas étonnant si on se réfère à ses influences (cf les reprises de Bauhaus, Téa Party, Doors, etc...)
Une œuvre magique qui pose définitivement les bases d'un groupe hors normes!
Bien vu, "The sanity assassin" c'est le tube de l'album mais je te trouve sévère avec les 2 derniers titres qui sont très efficaces, il n'y a rien à jeter de toute façon.
forlorn Membre enregistré
Posté le: 09/12/2013 à 19h26 - (30295)
@ Moshimosher: Dépasser le blocage sur le chant garantit la découverte d'un groupe unique en son genre, composé de musiciens charismatiques et inspirés. Technicité, créativité, puissance, groove, mélodies, profondeur et atmosphères, textes et concepts de qualité... tout y est.
@ vincesnake: On est d'accord, et c'est justement parce qu'ils ont fait mieux ensuite que j'ai évité de m'enflammer ici (même si ce 1er album m'a fait grosse impression à l'époque).
Pour info, je prépare la chronique de The Politics of Ecstasy + In Memory. Quant à The Tea Party, n'hésitez pas à jeter un oeil à ma chronique de leur album sorti la même année: The Edges of Twilight (1995).
forlorn Membre enregistré
Posté le: 09/12/2013 à 19h45 - (30296)
@ sid: En ce qui me concerne les années 90s représentent l'âge d'or du metal sur le plan créatif. Etre un inconditionnel d'Alice in Chains ou Faith No More ne m'a jamais empêché de profiter du catalogue Roadrunner ou de faire mes premiers pas dans le death et le black.
Par contre, j'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer qu'à cette époque, les médias et les metalleux ont tourné le dos à de larges pans de notre univers de prédilection. Par exemple vers 1998/1999 les Français ont subitement réalisé les qualités de Nevermore ou Iced Earth, alors que ces groupes ont toujours été bons.
sid IP:80.215.128.147 Invité
Posté le: 09/12/2013 à 20h23 - (30298)
Oui absolument, ca va dans le sens de mon observation. Par contre, il faut aussi dire qu'a ce moment, les fans de metal ont eux memes un peu tourne le dos au style metal cuir et clous, il s'est passe tellement de choses dans ces annees.. on a decouvrait qu'on pouvait faire du metal sans perfecto et jeans moule burnes, on pouvait meme presque etre branche... entre l'institutionnalisation du metal grand publique (Mets, Guns), l'explosion de la fusion (RATM, BIOHAZARD, SENSER..) le thrash crane rase baggy de Pantera ou dreads de Sepultura, on n'a eu besoin de respirer et on l'a fait ce qui a permit au style de se purger et puis tot ou tard, comme d'hab, BACK TO THE ROOTS. Tu aditionnes ca et la mutation de l'industrie du disque..mais consulte les ventes de cette periode, tu seras etonne. La plus forte pour les musiques extremes.
sid IP:80.215.128.147 Invité
Posté le: 09/12/2013 à 20h28 - (30299)
Ps j'adore Alice in Chains, merde, the rooster, le son, l'histoire, le clip.... on a eu de la chance de connaitre ses annes.
forlorn Membre enregistré
Posté le: 09/12/2013 à 20h54 - (30300)
Pour avoir vécu cette époque et archivé la presse metal (atout non négligeable pour réaliser des chroniques Remember), je connais les ventes sid, t'inquiètes. Le but de mon intro était simplement de rappeler qu'on a imposé de longues années de vaches maigres à des groupes comme Nevermore et Iced Earth, avant de reconnaitre leur valeur pratiquement du jour au lendemain. Mieux vaut tard que jamais cela dit...
sid IP:80.215.128.147 Invité
Posté le: 09/12/2013 à 22h47 - (30301)
Pareil, mais sans les archives... me rappel de Metallica, Sepultura, Guns, Pantera et son milion de skeud aux states, Maiden, Ac/Dc chronique par les presentateurs M6 et Canal + hallucines par leurs entrees dans les hit parades francais, Machine Head et Sepultura dans Nulle part Ailleurs.... RATM dans les hauts du classements, voire meme Nirvana, meme si je suis loin d'etre fan...Suicidal aux portes du top 50, remplissant les salles, Obituary qui explose la laiterie de strasbourg...Slayer, entre 5 et 10000 spectateurs en tournee ( En allemagne les 10)...quelles belles annees...
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Le trio Warrel Dane/Jim Sheppard/Jeff Loomis fonde Nevermore dans la foulée, recrutant au passage le batteur Mark Arrington. Disposant d'un matériel conséquent au moment du split (l'excellent Into the Mirror Black remontant à 1989), les Américains sollicitent le producteur Neil Kernon (Rage for Order de Queensrÿche) pour enregistrer Utopia, une Demo 10 titres qui aurait du être leur premier véritable album.
Sur les 10 morceaux d'Utopia, 3 finiront sur 'Nevermore' (paru le 1er janvier 1995) et 2 sur l'EP In Memory
(mai 1996). Quant aux 5 titres écartés, ils seront réhabilités en 2006, en bonus de la réédition de 'Nevermore'.
En attendant la route est longue et le quartet doit persévérer. Les Américains ne parviennent à convaincre les Allemands de Century Media qu'au printemps 1994, à la faveur d'une 2ème Demo sans titre comprenant de nouveaux morceaux. Cette fois la machine semble lancée. Nevermore retourne chez Neil Kernon, mais le travail est interrompu, les mois passent et le batteur Mark Arrington décide d'en rester là. Van Williams est appelé en urgence pour achever l'enregistrement d'un 1er album éponyme accouché dans la douleur. Notez que Mark Arrington n'est pas crédité sur les pressages d'origine, alors qu'il joue sur 4 des 8 morceaux (What Tomorrow Knows, Garden of Gray, The Hurting Words et Godmoney). Il faudra attendre la réédition de 2006 pour que l'injustice soit réparée. Jeff Loomis a d'ailleurs fait appel à ses services pour son album solo Zero Order Phase (2008). Mais trêve de blabla, il vaut quoi ce "premier" album officiel de Nevermore?
Beaucoup mieux que cette accumulation de galères ou l'accueil poli reçu à sa sortie, vous pouvez me croire. Les amateurs éclairés n'ont pas manqué de constater les progrès accomplis par la bande à Warrel Dane. Nevermore révèle à qui veut l'entendre le talent d'un guitariste de premier ordre: Jeff Loomis. De sa maturité dans l'écriture
(il n'avait qu'une 20aine d'année au début du processus en 1992) à son excellent niveau technique, il ne mérite que des louanges. En comparaison de Sanctuary, la musique de Nevermore a gagné en consistance et en densité (merci Neil Kernon pour la production en béton). Leur style, qu'on peut qualifier de thrash progressif, est aussi devenu plus complexe et torturé. Les rythmiques sont plus vigoureuses et groovy que jamais, avec un Jim Sheppard très présent. Quant aux mélodies, elles sont aussi plus affirmées. Warrel Dane adapte son chant en conséquence. Les envolées heavy qui ont fait sa réputation sont moins systématiques (au grand dam des puristes), ce dernier privilégiant l'émotion à la démonstration. Dans le contexte de l'époque, c'était quand même une sacrée performance, même si on sait tous qu'ils iront beaucoup plus loin par la suite.
What Tomorrow Knows et son groove imparable lancent idéalement l'album. Un classique que Nevermore jouera tout au long de sa carrière et dont le clip nous permet de découvrir leur nouvelle recrue, le guitariste Pat O'Brien (futur Cannibal Corpse). Dans le même genre, difficile voir impossible de ne pas headbanguer grâce au formidable riff de Garden of Gray (et ses backings féminins plutôt discrets signés Christine Rinehart). Avec leurs compositions les plus mélodiques, les Américains développent des atmosphères crépusculaires, incroyables de profondeur. Découvert sur un sampler Century Media à l'époque, le refrain de The Sanity Assassin m'a marqué à vie. Quant à The Hurting Words (textes écrits suite à une rupture) ce mélange de puissance et de mélancolie ne peut laisser indifférent. Avec C.B.F. et Sea of Possibilities, le quartet démontre tout son potentiel en repoussant ses limites, ces morceaux rivalisent d'atouts. Du premier cité on retiendra sa richesse et la performance vocale de Warrel Dane. Quant au second, Jeff Loomis nous offre une impressionnante démonstration technique où une avalanche de soli répond à une rythmique frénétique et complexe. En résumé on a jusqu'ici un sans faute, une tuerie intégrale.
Histoire de mettre un bémol, je dirais que les derniers morceaux, Timothy Leary (en hommage à un écrivain et philosophe prônant l'usage thérapeutique du LSD) et Godmoney, se situent un cran en dessous et n'apportent rien de plus à l'affaire. Quant à la réédition de 2006, hormis un visuel légèrement retouché (coloris modifié, logo réhaussé), on profite surtout de liner-notes instructives et des morceaux enregistrés pour Utopia en 1992. Tout en puissance, le bonus de l'édition japonaise The System's Failing aurait mérité sa place sur l'album. The Dreaming Mind, World Unborn, Chances Three et Utopia n'ont par contre pas bénéficié d'un réenregistrement et ont été ajouté tel quel, brut de décoffrage. Le contraste sonore est d'autant plus important que l'album a été remasterisé. Les mordus du groupe sauront néanmoins apprécier ce cadeau à sa juste valeur, même si le son a surement fait grincer des dents à certains. A noter que la ballade Chance Three aborde un registre 70s clairement inhabituel.
Dès le départ Nevermore avait toutes les cartes en mains pour tenir le haut de l'affiche: un niveau technique supérieur et une qualité d'écriture franchement enviable. Paradoxalement je pense que cette lutte permanente contre l'adversité leur a apporté ce supplément d'âme qui transparait sur leurs premiers enregistrements. C'est pourquoi ils ont ma préférence (notamment The Politics of Ecstasy).
Nevermore ou les convaincants débuts d'un groupe à l'identité forte dont on n'a pas fini d'entendre parler...
Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2404