Cette semaine encore je souhaite honorer un groupe de qualité n'ayant pas réussi à percer. Lorsqu'on s'intéresse à la scène portugaise, on découvre que le succès de Moonspell a bénéficié mid 90s à toute une génération de groupes qu'on peut rassembler sous la bannière 'gothic doom'. Alors pourquoi les mecs d'Obscenus ont-ils échoués là où Desire, Heavenwood ou Inhuman ont su se faire remarquer? On a tendance à l'oublier, mais avant l'arrivée du net, les problèmes rencontrés par les musiciens étaient parfois presque insolubles. Ici la raison est simple et bassement logistique: l'éloignement géographique. Pendant des années je me suis contenté de l'étiquette 'portugaise' et il m'aura fallu cette chronique pour réaliser qu'Obscenus était originaire des Açores. Il s'agit d'un archipel de 9 îles situées dans l'Atlantique nord à plus de 1 500 kilomètres de Lisbonne (et comptant plus de 245 000 habitants). Vivre au milieu de l'océan à l'époque a du sacrément leur compliquer la tâche... c'est une raison supplémentaire de les mettre en valeur.
En 1993 le guitariste Ruben Correia fonde Blind Death, un groupe de doom/death qui se rebaptise Obscenus l'année suivante. Très vite stabilisé, le sextet s'attèle à la composition d'une première Demo, Salvatore, qui parait en 1996. Je profite de l'occasion pour saluer la démarche de Paulo Silva. Auteur du blog 'Portugal Underground', ce dernier a rassemblé une quantité impressionnante de matériel allant du début des années 90s à nos jours, principalement des Demos et EPs introuvables aujourd'hui. Une démarche estimable entravée en 2012 par la fermeture abusive de comptes hébergeant les enregistrements les plus anciens. Comme quoi rien ne remplacera jamais le support physique. Mais retour à Salvatore. En 5 morceaux (intro et outro comprises), les Açoréens dévoilent un style mélodique, porté sur les arrangements gothiques (claviers, choriste, violon et flute) et surplombé d'un vocaliste alternant parties death et black. Le résultat est encore assez vert mais encourageant. Le morceau A Dream a d'ailleurs figuré sur une compilation: High Radiation 2. Heureusement la suite est d'un tout autre acabit.
Un an après, Obscenus remet le couvert avec sa 2ème Demo: Nocturnus Exordio. Je ne suis pas un collectionneur et je n'ai plus acheté ce format depuis le début des années 2000, mais c'est sans aucun doute la Demo K7 la plus classe qu'il m'ait été donné d'acquérir, car envoyée dans un élégant fourreau de soie pourpre frappé de l'emblème du groupe. Une initiative rendue possible par leur sponsor, une marque de bière locale (Melo Abreu pour les connaisseurs) qui en profite pour intégrer une pub dans le livret de la Demo. Un procédé inédit à mes yeux. En parlant du livret, le groupe poursuit sa logique naturaliste avec des photos de l'océan en guise d'illustrations. Miguel Ramos (le bassiste) signe la couverture et Tiago Dias (le claviériste) l'intérieur. La lecture des crédits nous apprend que les 4 morceaux ont été enregistrés sur 2 sessions (octobre 1996 puis février 1997) dans des studios différents. Bien que polyvalents, les membres d'Obscenus ont encore fait appel à plusieurs guests (voix et chant féminins, mandoline, violon) pour enrichir leur musique. Sur ce venons-en aux faits.
Angelica Puritas (Nocturnus Exordio). Ce morceau d'ouverture, instrumental, voit les Açoréens développer une atmosphère poignante, entre onirisme et mélancolie. Dominé par les claviers de Tiago Dias, 'Angelica' (Eternity quel album...) bénéficie des interventions du batteur Marco Martins (percussions et flûte) et du guest Paulo Noval à la mandoline. Une entame des plus agréables qui ne nous prépare cependant pas à la claque du morceau suivant: With That Angel. De doom/death il n'est plus question, on parlera désormais d'un gothic metal véloce et parfaitement construit. La paire de gratteux Ruben Correia et Pedro Agrelos a nettement progressé, leurs parties étant plus sobres, accrocheuses et surtout complémentaires. Au rayon des innovations, le vocaliste Marco Sousa alterne toujours parties black et death mais partage désormais le micro avec le claviériste Tiago Dias au chant clair proche de la narration (perfectible mais intéressant). Le point d'orgue de With That Angel? Les excellentes parties de basse de Miguel Ramos qui enrichissent la trame mélodique. Le break central bénéficie de l'apport de 2 guests, Antonio Feijo au violon et Sara Medeiros au chant angélique (façon Sarah Jezebel Deva). La Face A est déjà terminée et putain c'était vachement bien.
La Face B démarre par De Uma Serenidade... à l'intro tout en arpèges entremêlés. Le travail guitaristique sur les mélodies/harmonies est plus poussé, avec un Ruben Correia qui se fend de plusieurs soli. Le contraste est aussi plus marqué entre le corps du morceau, résolument mid-tempo, et quelques accélération quasi-black metal. Le chant clair (masculin et féminin) est aussi plus présent. Notez que les textes sont cette fois en portugais. Au niveau des arrangements, ils sont parfaitement agencés, à l'image des claviers employés à bon escient. On profite notamment d'un break arpèges/violon et d'un final basse/flute. L'outro A Fragrance... nous replonge dans l'atmosphère mystérieuse de l'intro (Angelica Puritas), tout en claviers cotonneux et parties de guitares acoustiques. La courte narration (en anglais) est l'oeuvre du guitariste rythmique Pedro Agrelos, doublé par une guest, Marlene Fontes. Que dire à part que les progrès accomplis en seulement quelques mois sont étonnants et que ces 17 minutes ont le goût de trop peu? Certes tout n'est pas parfait (batterie mixée trop en retrait), mais le potentiel était là et c'est un crève-coeur de constater que des musiciens inspirés sont condamnés à l'UG puis l'oubli, surtout pour une raison comme celle évoquée plus haut (l'éloignement géographique).
Pour l'anecdote, sur ma K7 la qualité audio et le volume sonore de la Face B sont en deçà de la Face A. Je crois que ça vient de la duplication, car je n'ai pas retrouvé ce différentiel sur le net. Tant mieux pour vous qui allez, je l'espère, tester ces morceaux via les liens ci-dessous. Pour conclure, cette 2ème Demo est le dernier enregistrement d'Obscenus qui splitte en 1998. Ses membres disparaissent dans la nature, à l'exception du claviériste Tiago Dias, qui bricole un fansite de Moonspell et rejoint Classic Rage, un autre groupe des Açores auteur de 2 albums studio et un live, dans un registre speed/power metal. N'hésitez pas à écouter et donner vos impressions, Obscenus mérite un peu de considération, surtout de la part des fans de gothic metal.
Rédigé par : forlorn | 1997 | Nb de lectures : 2104
Franchement, très bon !!! Vraiment une grosse perte :(
Par contre, avant de lire la chronique, je m'étais écouté en boucle les deux morceaux et m'étais mis en tête que c'était un groupe slave... J'étais loin de me douter qu'il était originaire des Açores :)
En tout cas, même si ce groupe n'existe plus, merci encore pour cette découverte...
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 29/09/2013 à 14h45 - (29911)
Merci pour la découverte, c'est vraiment beau et mélancolique à la fois.
forlorn Membre enregistré
Posté le: 11/07/2015 à 00h15 - (31702)
Rafraichissement de la mise en page et Demo désormais en écoute intégrale.
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En 1993 le guitariste Ruben Correia fonde Blind Death, un groupe de doom/death qui se rebaptise Obscenus l'année suivante. Très vite stabilisé, le sextet s'attèle à la composition d'une première Demo, Salvatore, qui parait en 1996. Je profite de l'occasion pour saluer la démarche de Paulo Silva. Auteur du blog 'Portugal Underground', ce dernier a rassemblé une quantité impressionnante de matériel allant du début des années 90s à nos jours, principalement des Demos et EPs introuvables aujourd'hui. Une démarche estimable entravée en 2012 par la fermeture abusive de comptes hébergeant les enregistrements les plus anciens. Comme quoi rien ne remplacera jamais le support physique. Mais retour à Salvatore. En 5 morceaux (intro et outro comprises), les Açoréens dévoilent un style mélodique, porté sur les arrangements gothiques (claviers, choriste, violon et flute) et surplombé d'un vocaliste alternant parties death et black. Le résultat est encore assez vert mais encourageant. Le morceau A Dream a d'ailleurs figuré sur une compilation: High Radiation 2. Heureusement la suite est d'un tout autre acabit.
Un an après, Obscenus remet le couvert avec sa 2ème Demo: Nocturnus Exordio. Je ne suis pas un collectionneur et je n'ai plus acheté ce format depuis le début des années 2000, mais c'est sans aucun doute la Demo K7 la plus classe qu'il m'ait été donné d'acquérir, car envoyée dans un élégant fourreau de soie pourpre frappé de l'emblème du groupe. Une initiative rendue possible par leur sponsor, une marque de bière locale (Melo Abreu pour les connaisseurs) qui en profite pour intégrer une pub dans le livret de la Demo. Un procédé inédit à mes yeux. En parlant du livret, le groupe poursuit sa logique naturaliste avec des photos de l'océan en guise d'illustrations. Miguel Ramos (le bassiste) signe la couverture et Tiago Dias (le claviériste) l'intérieur. La lecture des crédits nous apprend que les 4 morceaux ont été enregistrés sur 2 sessions (octobre 1996 puis février 1997) dans des studios différents. Bien que polyvalents, les membres d'Obscenus ont encore fait appel à plusieurs guests (voix et chant féminins, mandoline, violon) pour enrichir leur musique. Sur ce venons-en aux faits.
Angelica Puritas (Nocturnus Exordio). Ce morceau d'ouverture, instrumental, voit les Açoréens développer une atmosphère poignante, entre onirisme et mélancolie. Dominé par les claviers de Tiago Dias, 'Angelica' (Eternity quel album...) bénéficie des interventions du batteur Marco Martins (percussions et flûte) et du guest Paulo Noval à la mandoline. Une entame des plus agréables qui ne nous prépare cependant pas à la claque du morceau suivant: With That Angel. De doom/death il n'est plus question, on parlera désormais d'un gothic metal véloce et parfaitement construit. La paire de gratteux Ruben Correia et Pedro Agrelos a nettement progressé, leurs parties étant plus sobres, accrocheuses et surtout complémentaires. Au rayon des innovations, le vocaliste Marco Sousa alterne toujours parties black et death mais partage désormais le micro avec le claviériste Tiago Dias au chant clair proche de la narration (perfectible mais intéressant). Le point d'orgue de With That Angel? Les excellentes parties de basse de Miguel Ramos qui enrichissent la trame mélodique. Le break central bénéficie de l'apport de 2 guests, Antonio Feijo au violon et Sara Medeiros au chant angélique (façon Sarah Jezebel Deva). La Face A est déjà terminée et putain c'était vachement bien.
La Face B démarre par De Uma Serenidade... à l'intro tout en arpèges entremêlés. Le travail guitaristique sur les mélodies/harmonies est plus poussé, avec un Ruben Correia qui se fend de plusieurs soli. Le contraste est aussi plus marqué entre le corps du morceau, résolument mid-tempo, et quelques accélération quasi-black metal. Le chant clair (masculin et féminin) est aussi plus présent. Notez que les textes sont cette fois en portugais. Au niveau des arrangements, ils sont parfaitement agencés, à l'image des claviers employés à bon escient. On profite notamment d'un break arpèges/violon et d'un final basse/flute. L'outro A Fragrance... nous replonge dans l'atmosphère mystérieuse de l'intro (Angelica Puritas), tout en claviers cotonneux et parties de guitares acoustiques. La courte narration (en anglais) est l'oeuvre du guitariste rythmique Pedro Agrelos, doublé par une guest, Marlene Fontes. Que dire à part que les progrès accomplis en seulement quelques mois sont étonnants et que ces 17 minutes ont le goût de trop peu? Certes tout n'est pas parfait (batterie mixée trop en retrait), mais le potentiel était là et c'est un crève-coeur de constater que des musiciens inspirés sont condamnés à l'UG puis l'oubli, surtout pour une raison comme celle évoquée plus haut (l'éloignement géographique).
Pour l'anecdote, sur ma K7 la qualité audio et le volume sonore de la Face B sont en deçà de la Face A. Je crois que ça vient de la duplication, car je n'ai pas retrouvé ce différentiel sur le net. Tant mieux pour vous qui allez, je l'espère, tester ces morceaux via les liens ci-dessous. Pour conclure, cette 2ème Demo est le dernier enregistrement d'Obscenus qui splitte en 1998. Ses membres disparaissent dans la nature, à l'exception du claviériste Tiago Dias, qui bricole un fansite de Moonspell et rejoint Classic Rage, un autre groupe des Açores auteur de 2 albums studio et un live, dans un registre speed/power metal. N'hésitez pas à écouter et donner vos impressions, Obscenus mérite un peu de considération, surtout de la part des fans de gothic metal.
Rédigé par : forlorn | 1997 | Nb de lectures : 2104