La fin des années 90s a vu la production metal devenir pléthorique. Désormais incroyablement diversifiée et charriant un flot impressionnant de classiques, la scène black avait le vent en poupe. Des formations les plus accessibles aux groupes les plus respectés, des plus agressifs aux plus symphoniques en passant par les plus novateurs... les amateurs de metal extrême n'avaient que l'embarras du choix. C'est dans ce contexte qu'est paru le premier album des Finlandais de GLOOMY GRIM « Blood, Monsters, Darkness ». Petit rappel des faits. Batteur de formation actif depuis le milieu des années 80s (Airdash), Agathon décide en 1995 de se lancer dans un projet solo, avec pour objectif de créer un metal horrifique dominé par les claviers, troquant au passage sa batterie contre une boite à rythme. Après s'être entouré de musiciens (dont sa future femme Whisper Lilith), GLOOMY GRIM a donc signé chez Holy Records. Si « Blood, Monsters, Darkness » a divisé en 1998, les Finlandais n'en sont pas moins sur la pente ascendante, comme en témoigne les sorties du pack Reborn Through Hate (réédition des Demos + clips) la même année, puis de la VHS Born in Fire (du live) moins de 2 plus tard. Mais l'objet de cette chronique n'est autre que le 2ème album de GLOOMY GRIM paru en 2000: « Life? ».

On vient de le voir, Holy Records n'a pas ménagé ses efforts pour faire décoller sa nouvelle signature. Outre la promo et ces différentes sorties, les Finlandais ont aussi tourné avec SUP et Division Alpha, sans oublier leur participation au tribute à Paradise Lost (reprise de Say Just Words extrait de l'album One Second). Une actualité chargée donc pour le clan d'Agathon qui décide logiquement de battre le fer pendant qu'il est chaud. Les Finlandais retournent en studio fin 1999 pour mettre en boîte un successeur de « Blood, Monster, Darkness » attendu au tournant. Réalisé par Agathon lui-même via l'infographie, le visuel de « Life? » présente un squelette vêtu d’une toge évoluant dans un paysage désolé. Exit le sombre pentacle, place à la « lumière » ! Encore un digipack sympathique à mettre à l'actif d'Holy Records, spécialiste en la matière. Côté line-up, il y a du changement. Le mariage d'Agathon et Whisper n'ayant pas fait long feu, leurs relations de travail s'en trouvent affectées. S'ils continuent de se côtoyer dans SOULGRIND, Whisper est en revanche exclue de GLOOMY GRIM, qui reste la chose d'Agathon. Il n'y aura désormais plus de chant féminin dans sa musique.

Mais cela n’empêche pas « Life? » d’être un album plus mélodique, harmonieux et inquiétant. Les 11 morceaux qui le composent sont là pour enfoncer le clou et prouver que GLOOMY GRIM évolue dans le bon sens.

L’écoute s’avère être pleine de surprises. Après une introduction convaincante, « Arrival of the Antichrist », déboule un Agathon rageur avec « Born in Fire », soit le titre le plus agressif de l’album. Rythme martial, riffs carrés… GLOOMY GRIM est rentré dans le vif du sujet. Peu de place donc pour les claviers en l’état, quant à la BAR elle est plus agressive que jamais. Les blasts sont plus nombreux, mais manquent peut-être de complexité. La production est de bonne qualité. Quant aux vocaux torturés d’Agathon (également responsable des claviers et de la BAR), ils nous font très vite oublier ce point de détail, d’autant que Life? apparaît mieux construit et plus varié que son prédécesseur. Une compo type de GLOOMY GRIM développe un mid tempo et joue sur les contrastes entre des guitares menaçantes, apportant volume et profondeur, et des claviers grandiloquents, jugés trop « kitsch » par certains. S'ils sont toujours le moteur du projet, ils sont cette fois mieux employés, et laissent plus d'espace aux guitares pour s'exprimer. En effet des légions de powerchord bâtissent ce mur froid qui sert désormais de squelette aux morceaux de GLOOMY GRIM, morceaux parfois enrichis de quelques leads bienvenus (At the Gate).

Nous parcourons ainsi des titres tous plus lugubres les uns que les autres, surplombés de paroles obscures traitant d'entités démoniaques, antichrétiennes. L’ambiance, sombre et tortueuse, nous fait voyager dans les profondeurs de l’esprit d’Agathon. Des titres comme « Relevation 666 » développent une dimension "épique", grâce à des arrangements judicieux (sons de cloches notamment). « At the Gate » évoque le tragique avant de basculer dans le morbide. Sans aucun doute le point d'orgue de l'album. Pertinentes et efficaces, les mélodies révèlent une autre facette du compositeur finlandais qui s'éloigne pour l'occasion de son concept horrifique... Avant d'y retourner aussi sec avec « Redeemer ». Les blasts remettent le groupe sur les rails, avec un retour à ce qui fait l'identité de la chose d'Agathon. Mais pour être honnête GLOOMY GRIM ne tient pas la distance, car sur les morceaux typiquement black, les plans de guitares s’avèrent trop monotones et prévisibles en comparaison des riffs glacés mais ô combien efficaces d'IMMORTAL sur "At the Hearth of the Winter" sortie une année auparavant.

Toutefois certains titres de Life? tirent leur épingle du jeu. c’est le cas de « My Domain » et de son intro bien dark, annonçant rythmique macabre et vocaux reptiliens d'Agathon. Là encore on distingue aisément les points forts et émotions exprimés. GLOOMY GRIM a su pondre un album solide et bien pensé qu’une setlist hétérogène rend plus efficace. Encore faut-il aimer le genre et oublier, le temps de l’album, que ce dernier a maintenant 13 années au compteur. Car oui, il n’est plus aussi convainquant que par exemple le sublime « Spiritual Black Dimension » de DIMMU BORGIR. Toutefois « Life? » mérite qu'on y jette une oreille, car il se veut différent de son prédécesseur. Bien proportionné, ne souffrant d’aucune répétition, on se prend au jeu de le réécouter pour mieux l’apprivoiser et profiter de ses subtilités. S'il a moins fait de bruit que son prédécesseur (en dépit des efforts d'Holy Records), cet album n'en dévoile pas moins un groupe en progrès.

Si depuis d’autres groupes ont repris le flambeau de « l’horror black metal », aucun n’a su retranscrire une ambiance similaire à « Life? ». Ce qui me donne une bonne raison d’écrire sur cette époque où l'identité de GLOOMY GRIM était encore relativement « unique ». Jetez donc une oreille, l’album a pris quelques rides mais saura encore vous étonner et son caractère sinistre vous transporter !

Born in Fire : https://www.youtube.com/watch?v=NtEYsz86q6Y .
At the Gate : http://www.youtube.com/watch?v=ON3sYCc93f8


Rédigé par : Strat | 2000 | Nb de lectures : 2354