Je ne vais pas vous faire l'historique du groupe Tiamat, reportez-vous à la chronique du classique de chez classique, Wildhoney par Forlorn dans les Remembers. J'ai découvert ce groupe en 1992 grâce à la compilation "Rock Hard Presents Monsters Of Death". Vous achetiez cette compile en complément des "Masters of Brutality" et de "Grindcrusher", vous étiez armé pour découvrir la crème du death-metal, le style qui allait mettre la plupart des thrashers à la retraite et offrir une niche de résistance bienvenue contre le grunge tout puissant. La compilation était l'un des seuls moyens pour découvrir des groupes et investir sans prendre de risques, en effet à 110-120 francs le moindre skeud, vous achetiez une bouse et c'était la mini dépression assurée.

Ancient Entity de Tiamat est le dernier morceau de cette compile, rien à voir avec les tornades death des Immolation, Morbid Angel et autres Brutal Truth, mais un mélange spécial de doom, heavy et même un feeling rock sur fond de mythologie sumérienne. J'achète donc The Astral Sleep et... mauvaise pioche, trop brouillon, fourre-tout, pas fini quoi, même si on sent un potentiel certain, sauvé, il est vrai, par la production de Waldemar Sorychta. Je lâche l'affaire provisoirement.

Jusqu'au six novembre 1993, ce jour-là, le Century Media Invasion débarque à la salle des fêtes de La Roche Sur Yon, une date à ne pas rater et un line-up mortel: Morgoth, Unleashed, Tiamat, Mercyless, Samael.

Grosse préparation logistique pour les cent kilomètres qui nous séparent de la Roche, en gros des bières, des bières et des bières, on est cinq et on va faire le trajet en deux chevaux, sans auto radio, metal! Parmi les soiffards chevelus, Karen, elle présente actuellement une émission metal le vendredi soir sur la radio nantaise Jet FM, pour ceux qui connaissent. Elle accumule surtout depuis plus de vingt ans la plus grosse collection d'albums death/black/underground et compagnie de tout l'ouest. Elle connait donc parfaitement son sujet et ce jour-là elle ne veut rater ni Tiamat, ni Samael. Elle a d'ailleurs sur elle dans son walkman, les cassettes de Blood Ritual et de Clouds. Je lui pique donc son engin pour le trajet, je découvre Samael, grosse grosse claque, et surtout ce Clouds. Rien à voir avec The Astral Sleep. Deux productions Waldemar Sorychta d'ailleurs (on va finir par monter un fan club ici).

Nous assistons donc à ce mini festival et la déferlante death européenne nous assomme comme prévu. Au milieu de tout çà, le set de Tiamat, loin, très loin de l'ambiance des autres groupes. On sent que Johan Edlund n'est pas du tout à l'aise sur scène, maigrichon, cheveux mi longs hippiestyle, affublé d'un chapeau mou type gitan, il regarde dans le vide pendant tout le concert et la fin du set a l'air de sonner comme une délivrance pour lui. Musicalement par contre, son death/doom fait mouche, tout en ambiances et en rythmiques écrasantes.

Un peu plus tard, j'achète Blood Ritual et ce Clouds. La pochette, signée Kristian "Necrolord" Wåhlin, représente un fourre tout assez original aux couleurs inhabituelles pour du metal, çà et là un corbeau crucifié, une sleeping beauty dissimulée derrière des roses, une araignée, un crâne. A l'arrière, le groupe pose dans un cimetière, classique, la seule touche de couleur est apportée par la fleur rouge que nous propose Johan Edlund. Century Media se portera acquéreur de l'original de cette toile pour l'exposer dans ses locaux, avec celle de Wildhoney et du Far Away From The Sun de Sacramentum (merci Zoltar pour l'info). L'intérieur du livret se compose des photos des zicos ainsi que de ce satané traditionnel encart destiné aux commandes chez Century Media, les anciens savent de quoi je parle...

Passons enfin à la musique, un album réalisé aux Woodhouse Studios de Dortmund, enregistré par Siggi Bemm, un des meilleurs, sans aucun doute. En rédigeant cette chronique j'apprends qu'il est le propriétaire des studios, quid de Waldemar?.

Huit morceaux, un peu plus de trente-neufs minutes, In A Dream attaque les hostilités par une courte intro acoustique étoffée de bruitages. Et c'est parti pour un voyage dans l'esprit torturé de Johan Edlund, tous les morceaux sont rédigés à la première personne. Sauf erreur de ma part Edlund raconte un long trip fait de rêves et de cauchemars, de satanisme, peut-être déjà de drogue, et de suicide. Du doom en gros.

Le son est parfait, même vingt ans après, très homogène, il met bien en valeur tous les instruments et préserve la dynamique des compos, savant mélange de guitares doom simplistes, de batterie écrasante, d'intermèdes acoustiques, de synthés aériens et de bruitages glauques. On pourrait éventuellement regretter le manque de puissance des vocaux, faits de cris torturés, de narrations plaintives et de chuchotements. Cette faiblesse supposée est pour moi une des forces de l'album, on accompagne le chanteur dans sa douleur et son désespoir, jusqu'à la mort... symbolisée par le sample d'un électrocardiogramme qui faiblit progressivement jusqu'à s'éteindre, "I OPENED MY VEINS, I OPENED THE DOOR TO ANOTHER WORLD".

Rien à jeter sur cet album, que des tubes immédiats, mais parsemés de subtils arrangements qui rendent sa durée de vie illimitée, brouillon de luxe pour la tornade Wildhoney, et dernier album de metal pur et dur de Tiamat.


Rédigé par : hammerbattalion | 1992 | Nb de lectures : 2237