Une affiche hétéroclite dans une salle peu prisée par le métal, pendant les vacances scolaires, c'est le pari aventureux que Garance production avait choisi de faire pour le quatrième passage de MASTODON dans la capitale. C'est pourtant avec deux bonnes heures de retard, dues aux chutes de neiges récurrentes, que le tour bus arrive devant le célèbre club parisien privant, du même coup, DOZER de balance.
Pourtant le timing est respecté à quelques minutes et les portes s'ouvrent pour céder le passage à des tignasses enneigées.
Il n'y a qu'une centaine de personnes dans la place lorsque les Norvégiens d'EXTOL investissent la petite scène. C'est leur premier passage à Paris bien que le groupe norvégien totalise désormais pas moins de quatre albums. Leurs débuts sur le label de HxC chrétien ainsi qu'une approche musicale purement artistique ne sont sans doute pas étranger à leur cantonnement underground.
Dès le début du set, on se rend compte que le son n'est pas optimal pour pouvoir apprécier la subtilité des guitares quelque peu en retrait face à une rythmique écrasante. Il faut dire que, David Husvik, le cogneur de service n'est pas un manchot et que sa force de frappe n'a d'égal que sa technicité. Comme il fallait s'y attendre, EXTOL a misé sur son dernier album pour ses trente petites minutes de set (« Gloriana », « Soul deprived », «From the every day mountain top »).
Malgré une interprétation irréprochable, leur prestation reste timide. Le groupe manque, visiblement, d'expérience scénique. Il faut préciser à leur décharge, que c'est leur première vraie tournée européenne et que la formation actuelle est encore toute fraîche. Même si EXTOL a parfaitement assuré son rôle de chauffe-plat, il est probable qu'ils afficheront une toute autre maîtrise la prochaine fois qu'ils viendront nous rendre visite en France.
Après un break de quelques minutes, c'est le moment de cette énigmatique seconde partie de soirée. Le nom de DOZER est sur toutes les lèvres avec la même question : « qui connaît ce groupe ? ». Difficile de répondre à la question, à moins d'être un initié en matière de stoner, vu que ces Suédois officient dans cette catégorie corrosive. Après quelques réglages pleins de dextérité en guise de soundcheck, DOZER revient sur scène pour quarante-cinq minutes de show bien rock'n'roll. Malgré cette absence de balance, leur son est le meilleur de la soirée.
Avant la moitié du premier morceau, l'affiliation avec les mythiques KYUSS apparaît plus qu'évidente. Les guitares sont ultra heavy et le son de la bonne vieille Rickenbaker du bassiste est vintage à souhait. DOZER possède, tout comme son modèle américain, un style directement inspiré de l'école (je devrais plutôt dire l'hospice) BLACK SAB' et compagnie. Les six cordes roulent comme des rouleaux compresseurs, le quatuor est à fond dans son trip et déborde d'un enthousiasme communicatif. Le batteur en sandales (???) balance tout ce qu'il a dans le bide et souffle comme un morse entre chaque morceau. Cependant quelques titres ont tendance à s'étaler en longueur dans des pseudo-improvisations et le groupe en fait même un peu trop dans son délire « bête de scène » comme ce plan de guitare joué à la canette de bière. Un coup d'œil à sa montre et le guitariste s'aperçoit que le temps imparti au groupe est dépassé. Il murmure deux mots au chanteur et le set se termine prématurément en plein milieu d'un titre. Malgré cette fin bâclée, DOZER reste la bonne surprise de la soirée et s'est incontestablement fait pas mal de copains avec une prestation de qualité.
Je me suis laissé dire que leurs derniers enregistrements sont nettement plus garages et moins sous-KYUSS dans leur approche. Il faudra que je me penche là-dessus dans tarder…
Après un changement de batterie et une désinfection des micros à grands coups de brosses et de solution mentholée, la scène est prête à accueillir MASTODON qui n'en finit pas de sillonner la Terre pour des shows toujours convaincants.
Si leur premier concert en ouverture de THE HAUNTED deux ans plus tôt n'avait rameuté qu'un très maigre public, c'est quelques 250 âmes qui se retrouvent dans la Boule Noire lorsque les vedettes de la soirée déboulent sur scène. Le public est chaud comme la braise lorsque le bruit des vagues de l'intro d' « Hearts alive » se déverse de la sono. Quelques mesures suffisent pour se rendre compte que le son est excessivement fort rendant les protections auditives presque obligatoires. L'ambiance continue de monter d'un cran pendant que les titres, majoritairement tirés du dernier album, résonnent dans le petit club «I am Ahab », «Seabeast », « Island », « Megalodon ». Le contact avec le public est très convivial, le quatuor américain est heureux d'être de retour dans la capitale, dans un auditoire aussi galvanisé. L'ambiance atteint son paroxysme alors que le riff d'intro de « Blood and thunder » résonne dans la salle. Troy Sanders est survolté et c'est le pelvis totalement désaxé qu'il malmène sa basse. Alors qu'il braille à pleins poumons dans le micro, la rage déforme ses traits en un rictus douloureux. En fait, le seul membre de MASTODON qui fait preuve d'une certaine sérénité est Brann Dailor, leur prodigieux batteur, qui assure un set incroyable sans faux pas. Ce type est une véritable machine de guerre qui propulse en avant chacun des titres par sa force de frappe. La température monte encore de quelques crans au point de devenir presque étouffante. Un petit clin d'œil à leur précédant disque « Where rides the Behemoth » et « Mother puncher » et MASTODON revient à « Leviathan » avec « Iron Tusk » et « Aqua Dementia » avant d'enchaîner sur un monstrueux « March of the fire ants ». Il règne sur scène une sorte de plénitude intense. MASTODON est en parfaite communion avec son public et c'est à regrets que Troy annonce le dernier morceau. Leur setlist va être écourtée car le concert doit impérativement être terminé à 22h30. Pour finir en beauté, MASTODON nous inflige une reprise des MELVINS : « The Bit ». Alors que les riffs ultra-lourds, nés dans l'esprit dérangé de Buzz Osborne, retentissent dans la Boule Noire, le sol tremble sous nos pieds. Les ondes sonores en deviennent presque palpables et vibrent jusque dans nos gorges.
Il est donc à peine 22h30 lorsque le groupe quitte la scène, non sans nous avoir promis de revenir rapidement en Europe et tout particulièrement lors de festivals cet été (le Fury ?).
Alors que les lumières se rallument, les commentaires enthousiastes fusent de toutes parts. Il flotte dans l'air des relents de sueur et de testostérone. MASTODON vient de donner un grand concert qui restera gravé dans les mémoires du plus grand nombre et suscitera le respect des plus blasés. "Impressionnant" semble être le mot le plus adéquat pour résumer une prestation titanesque pour ne pas dire « mastodontesque »…