J'ai pris la musique des "BERURIER NOIR" comme tu te prends un middle kick dans le foie... et tout ceux qui ont pris un K.O au foie savent que cela fait très mal...
La première chanson que j'ai entendue des Bérus, c'était "Les bûcherons". Et lorsque j'ai écouté cela, j'étais à l'école primaire... cela m'a glacé le sang.
Jamais auparavant je n'avais entendu quelque chose de semblable. Je ne savais pas que la musique pouvait faire naitre de telles sensations. J'ai pas du tout compris à l'époque qu'il y avait une métaphore... j'ai juste entendu chanter que des "bûcherons de plus en plus laids qui marchaient dans la forêt"... et que s'ils te mettaient la main dessus, tu allais en chier ta race. J'ai alors demandé à mon pote "Si leur musique était toujours aussi dégueulasse ?" Il m'a alors fait écouter "Hélène et le sang". Au moins c'était clair... en deux écoutes et dans cette chambre minuscule, les Bérus étaient venus m'interloquer plus que n'importe qui en musique ne l'avait fait jusqu'à présent.
J'ai mis plusieurs années à revenir vers eux... mais tout était tatoué dans mon cœur et lorsque j'ai eu 16 ans et que j'ai eu besoin de sensations fortes, je n'ai pas eu à chercher bien loin quels seraient les héros de mon adolescence.
J'ai alors tout écouté de leur disco et j'ai viré au rouge vif : randgos, bombers, manifestes sur l'anarchie et concerts cardos. A Carmaux, la mine était en train de fermer et tous les fils de prolos trouvaient dans le punk un exutoire pour se défouler et fuir la réalité de cette ville jadis fleurissante... mais qui devenait de plus en plus sombre.
L'album que je préférais (et que je préfère encore) c'était "Abracadaboum ! ". Il y avait plein, plein d'autres chansons qui me plaisaient mais quand j'entendais "L'empereur Tomato Ketchup", "Nuit Apache" et surtout "Eh hop !" je devenais complétement cinglé. Mais vraiment hein ?
Je commençais à la guitare et j'avais bien conscience de la pauvreté musicale du combo... mais putain, aucune musique ne me parlait comme ça. Les paroles étaient simples mais m'éveillaient à une certaine conscience politique ou en tout cas à une prise de conscience de ce qui pouvait se passer ailleurs que chez moi. Et c'était si différent de la télé et surtout différemment de ce que j'entendais à l'école... lieu que je haïssais plus que tout.
D'ailleurs, les plus vieux se rappellent le passage des Bérus à "Ciel mon mardi" avec GOGOL et les GARÇONS BOUCHERS face à quelques sinistres gogos de maisons de disques, dont l'insupportable Gérard Louvin.
J'avais adoré cette émission parce qu'on voyait toute la sincérité des Bérus face à l'avarice de Louvin, qui tentait vainement de faire passer Pagny pour un "rockeur". Ces musiciens tentaient de faire émerger un peu de chaleur dans tout cette intelligentsia binaire de mes couilles, et moi, je croyais en la sincérité de leurs propos.
"Le rock c'est juste une idée, pense avant tout par toi-même". C'est marrant parce que c'est justement cela qui m'a fait écouter des groupes de Hard quelques années plus tard... mais les punks n'aimaient pas trop finalement qu'on s'écarte des sentiers battus.
Mais bon, au final, je m'en foutais de ces considérations.
Quand j'écoutais "S.O.S" ou "Vietnam Laos Cambodge" dont je connaissais les paroles par cœur, je me foutais de l'étiquette. Cela me plaisait, c'est tout.
Le temps a bien passé depuis cette époque. Beaucoup de choses ont changées et le temps a fini par abîmer les plus belles émotions, y compris pour le groupe lui-même. Mais je me souviens d'avoir lu à l'époque dans un des livrets de BxN "qu'ils continueraient à faire rêver d'autres générations". Je me disais alors qu'ils se suçaient la bite, mais bien des années plus tard, certains messages n'ont pas perdu de leur force, leur rage n'est point perdue et quand je me passe "Vive le feu" je redeviens l'espace d'une chanson, cinglé comme je l'étais à l'époque.


Rédigé par : pamalach | 1987 | Nb de lectures : 2581