Après quelques années passées à focaliser sur la scène US, le petit gars que j'étais est tombé des nues en découvrant l'existence de la scène européenne via une chiée de compilations parues en 1995. Souvenez-vous: Metallurgy, les 10 ans du Dynamo, A Fond qui tue... et donc Brutale Generation. Cette année là Semetary records (les 1ers Loudblast et No Return) se lance un défi ambitieux, celui de révéler l'underground français, alors inexistant médiatiquement parlant. De quelle façon? En collectant des morceaux d'un maximum de groupes issus des 4 coins de l'Hexagone. Le résultat? 32 inédits regroupés sur un double CD au livret détaillé. Au programme thrash/death, metal indus, alternatif/noisy et bien d'autres. La promotion de Brutale Generation sera à la hauteur de l'évènement et tout le monde répondra présent, de la presse spécialisée aux distro, en passant par les radios locales et même la TV. Pour l'anecdote je possède encore une VHS avec l'enchaînement des pubs de Brutale Generation et de The Time Keeper, le live de Loudblast (pubs diffusées sur M6 au milieu d'une émission de Rock Express). Sur des images de stage-diving une voix d'outre-tombe présentait la compil avec le titre de Corruption en fond sonore. Vous vous souvenez du slogan? Après la haine, la rage... cette fois, c'est la guerre !! Moi qui croyait qu'en France il n'existait plus rien depuis Téléphone et Trust (j'avais 15 ans à l'époque), j'ai pris une grosse claque en découvrant cette Brutale Generation. Vu le nombre de groupes concernés on va éviter de traîner et passer directement à l'inévitable track by track.

Brutale Generation CD1:

Acting Out: Après un album de thrash paru sous le nom de Brain Decay, ce groupe de Villeurbanne développe un metal indus puissant aux samples entêtants. Une entame convainquante.
Agressor: Je suis loin de maîtriser la disco de la bande d'Alex Colin-Tocquaine, mais je crois bien que Someone to Eat restera à jamais mon morceau préféré d'Agressor. Grosse tuerie thrash/death.
Aleister: Difficile de passer après le gang d'Antibes, mais les thrashers de Franche-Comté déjà auteurs d'un album s'en sortent bien. Un metal puissant et groovy avec un putain de final. Les vocaux ne feront pas l'unanimité, mais sinon ça va.
Corruption: Rhaaa ce titre. Quel dommage que ce groupe de Douai n'ait pas pu nous pondre un album complet. Guilty est un hymne de thrashcore, un appel au headbang, 'il a tout d'une grande'!
Crusher: L'un des groupes cultes de l'Hexagone. Les ex-Frayeurs, emmenés par leur vocaliste Crass, nous balancent un titre mémorable. De l'entame par la section rythmique au riff implacable en passant par les samples et les percus tribales, c'est un coup de maître. Intense et original.
Datura: Bien avant les Lorrains adeptes du Brutal Death, il y avait cet homonyme (breton?) qui nous offre ici l'un des meilleures titres de ce 1er cd, soit un metal indus hypnotisant doté de choeurs, d'un break acoustique et surtout d'une énorme basse. Excellent.
Distant Winter: Ce groupe Tourangeau nous propose un mix personnel de rock indé et de metal indus avec un batteur démonstratif. Intéressant.
Dritch: Hardcore Metal indus guidé par la basse pour ce groupe Parisien. Good.
Exécution: Ces Limougeauds développent une sorte de death atmosphérique avec claviers et choeurs féminins. Un univers personnel pour un pionnier du genre en France, plombé par une prod passable.
Exquisite Corpse: En dépit de son aspect répétitif ce titre des ex-Talisman passe bien car l'originalité est là, avec un vocaliste m'évoquant Snake de Voivod. Un metal indus bien interprété et bien produit.
Fisherman: Jusqu'ici on allait de l'excellent au sympa, mais là non c'est sans moi. Suivant.
Forlorn Emotion: Injustement méconnu, ce groupe nordiste au potentiel certain comprenait les 2 futurs Division Alpha (et futur SUP pour Frédéric Fievez) ainsi qu'une certaine Karine Loez. J'aurais du acheter l'album The Sweet Decline quand j'en avais l'occasion.
Ganxistas: Du metal indus chiant avec une chanteuse à la L7? Je passe.
Hoax: Un extrait en avant-première de leur 3ème album Brainstorm at Dawn (voir la kro de VsGreg).
Kill The Thrill: Avant-première du 2ème album des chantres marseillais du metal indus.
Un groupe estimé mais qui ne m'accroche pas.
L'Amort: Un groupe de fusion s'inscrivant dans la mouvance de l'époque. Oneyed Jack avec de gros riffs?
Je n'aime pas.

Brutale Generation CD2:

Loudblast: This Dazzling Abyss. Un inédit qui deviendra l'un de leurs classiques sur scène.
Excellent titre annonciateur de leur évolution sur Fragments.
M-Pheral: Side-project de Ludovic Loez dans lequel le leader de SUPuration n'assure que la guitare.
Un espèce de death metal indus avec des choeurs religieux. Intéressant.
Massacra: La version Demo du très efficace Zero Tolerance que l'on retrouvera sur Humanize Human (voir ma kro). Pour ma part, LA grosse révélation de cette double compil'.
Mercyless: Les Alsaciens comme leurs fans renient cette période, mais j'adore les extraits de l'album Cold. Un style futuriste mélodico-atmosphérique convainquant avec un passage de basse slapé. On est loin du death metal mais c'est très bien fait et déjà plus personnel. Très bon.
Misanthrope: Le Roman Noir. Classique du groupe 1ère époque dans une version différente de celle de l'album 1666 Theatre Bizarre. Technique, atmosphérique, théatral, personnel, bref 100% Misanthrope...
Near Death Experience: Un mélange indigeste de metal indus et de techno. Sans moi.
No Return: Le morceau d'ouverture du 3ème album Seasons of Soul. Thrash/Death groovy. Une valeur sûre.
Portobello Bones: Cette référence de la scène noise a placé sa discographie en libre téléchargement sur Chanmax. Soyez-curieux.
Proton Burst: Un groupe culte incompris et sous-estimé plaçant lui aussi sa discographie en téléchargement libre. Allez lire ma kro de l'album La Nuit.
Respect: Un groupe soutenu par une promo inhabituelle pour l'époque. Leur mélange metal extrême/fusion est plus pénible qu'autre chose.
Streams: Tiens on dirait Loudblast... Buriez et Coquerel associés à Philippe Reinhalter (Forlorn Emotion et futur Division Alpha) et Bruno Donini (producteur de SUPuration). Bonne pioche. LA rareté de cette double compil'.
Swamp: Groupe de death/indus basé en région parisienne avec la contribution d'une chanteuse. Sans intérêt.
The Missing Links: Hardcore/punk meets fusion/indus. Irritant.
Totem Phase: Superbe composition de ce groupe auvergnat qui plaira aux fans de SUPuration et autre Thorns & Flowers. Démarrage acoustique intimiste et émotionnel évoluant vers une sorte de death metal.
Wide Open Cage: A ne pas confondre avec le groupe electro des années 2000. Il s'agit ici d'un style hybride (alternatif/fusion/metal indus) surplombé d'un chant nasal Pattonien. Original et bien foutu. J'adhère.
X-Rated-X: Crescendo metal indus bruitiste en guise de climax. Bof.

Un programme chargé et relativement consistant dont les principales faiblesses ont été pointées du doigt en interview par le guitariste de Massacra Jean-Marc Tristani: "C'est une bonne initiative! Maintenant je dirais qu'il y a trop de groupes et une trop grande disparité entre eux. Certains ont un son pourri car ils n'ont pas eu les moyens pour enregistrer. Leurs compositions ne sont pas mises en valeur et cela fait vraiment une différence avec ceux qui ont eu un budget comme nous ou Loudblast." (dans le n°2 de février/mars 96 de Metallian). On pourrait toujours objecter l'absence de certains groupes (refus de Burning Heads, Treponem Pal hors délais, etc) ou une orientation trop indus à cette compil', mais ça serait vraiment pinailler. Et entre ça ou rien, le choix est vite vu. A ce sujet Jean-Marc Tristani ajoute: "L'esprit d'équipe n'est pas, sur le papier du moins, la qualité principale des musiciens français. Si cette initiative permet la sortie future d'une 2ème édition, ce sera sûrement positif. Dans le cas contraire on l'oubliera certainement très vite. Le disque a permis au public de découvrir plus de trente groupes. Ce sont surtout les moins connus qui ont besoin d'être soutenus." (dans le n°21 de janvier 96 de Hard n' Heavy)
Et vous, avez-vous oublié?

L'initiative de Semetary records a aussi débouché sur une grande tournée française en novembre 1995. Le Brutal Tour réunissait Loudblast, Massacra, No Return et Crusher, quartet augmenté du régional de l'étape sur certaines dates. N'ayant pas participé à la fête, je laisse le champ libre à ceux qui y étaient. N'hésitez pas à lâcher des anecdotes. Brutale Generation? Toute une époque!


PS: L'interview de Stéphane Girard de Semetary/WMD parue dans le n°3 de juillet 95 de Hard Force est passionnante. L'homme est lucide, réaliste et visionnaire.
J'encourage les archivistes de mon espèce possédant le mag à la relire.


Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2616