TIAMAT - Wildhoney (Century Media) - 20/10/2012 @ 21h22
S'attaquer à un album référentiel peut s'avérer aussi stimulant que délicat. Lorsque j'ai découvert Tiamat, via le clip de Whatever That Hurts sur M6 (proche de Tool au niveau de l'animation), je n'imaginais pas un instant l'impact que ce Wildhoney allait avoir. Sur qui? Sur beaucoup de monde, à commencer par les fans, nombreux à le considérer comme le chef-d'oeuvre absolu et définitif de Tiamat. Sur sa tête pensante, Johan Edlund, qui doit encore aujourd'hui payer ses factures grâce à lui. Sur ceux qui ont contribué de près ou de loin à cet opus et qui peuvent afficher avec fierté ce classique sur leur carte de visite. Ainsi bien sûr que notre scène qu'il a marqué de son empreinte. Mais avant d'aller plus loin, retour sur le parcours de Tiamat et la genèse de Wildhoney.

1987: Fondation en Suède du groupe Treblinka
(nom d'un camp d'extermination nazi).
1988: 1ère Demo enregistrée par Tomas Skogsberg au studio Sunlight.
1989: Participation de Nicke Andersson de Nihilist (futur Entombed) aux Demos suivantes.
Le quartet se renomme Tiamat (divinité mésopotamienne).
1990: Sortie de leur 1er album, Sumerian Cry, avec un visuel signé Necrolord.
Changements de line-up, arrivée du soliste Thomas Petersson.
1991: Signature chez Century Media. Participation à une compil réunissant Unleashed, Asphyx, Grave et Loudblast. Sortie du 2ème album, The Astral Sleep, produit par le tandem Sorychta/Bemm et proposant un style plus raffiné et technique (les soli). Tiamat en 1ère partie de Death sur la tournée Human.
1992: Arrivée d'un nouveau bassiste (Johnny Hagel) et d'un claviériste en tant que membre permanent.
Sortie du 3ème album, Clouds, et 1er succès important de Tiamat qui va tourner de façon intensive.
1993: 1ère partie de Type O Negative sur la tournée Bloody Kisses. Enregistrement d'un concert donné à Tel-Aviv qui débouche sur la sortie du live The Sleeping Beauty l'année suivante.
1994: Au début du processus de composition du 4ème album, Wildhoney, Johan Edlund vire tous ses musiciens à l'exception du bassiste, Johnny Hagel.

L'histoire de Tiamat est plutôt consistante, mais au risque de choquer les vieux fans et autres gardiens du temple doom/death, en dépit de ses qualités ce passé ne pèse pas grand-chose en comparaison de ce Wildhoney monumental. En premier lieu, impossible de ne pas mentionner le superbe livret couleur miel signé Kristian 'Necrolord' Wåhlin qui contribue à asseoir la personnalité de cet album. Il prouve accessoirement que ce graphiste sait peindre autre chose que des paysages sur fond bleu (Bathory, Dissection, Dark Funeral & co). Lorsqu'on pose Wildhoney sur sa platine, on est saisi par l'impressionnante qualité du son. Avec cet enregistrement le musicien polonais Waldemar Sorychta (Grip Inc. et ex-Despair) signe son entrée au panthéon des grands producteurs de la scène metal. Son travail sur Wildhoney lui vaudra d'être nominé au titre de producteur de l'année en Suède.
Il s'agit ni plus ni moins que de son mètre-étalon auquel seront comparées toutes ses futures productions, dont The Gathering, Samael, Moonspell, Sentenced, Rotting Christ et bien d'autres. Mais, on le verra plus loin, son rôle ne s'arrête pas là...

Wildhoney est paradoxal à plus d'un titre. D'une part si Johan Edlund avait pour ambition de faire de Tiamat sa chose (ce qui arrivera dès l'opus suivant), c'est bien de l'implication de divers musiciens dans le processus de composition que cet album tire sa richesse et son exceptionnelle qualité. D'autre part si chaque titre possède son propre univers, l'ensemble forme un tout cohérent s'enchaînant sans interruption à la manière d'un album concept. Outre la paire Johan Edlund/Johnny Hagel, 3 musiciens ont donc participé au processus de composition. En charge de tous les claviers/samples sur Wildhoney, Waldemar Sorychta a coécrit les morceaux The Ar, 25th Floor et Do You Dream of Me?. Le soliste Thomas Petersson, momentanément écarté du groupe (1990-1994, 1996-2008), a contribué au titre Visionnaire, tandis que son remplaçant Magnus Sahlgren (pensionnaire de Lake of Tears qui fera un passage chez Dismember) est crédité pour le titre Planets. Ces apports aux compositions sont tout sauf anodins.

Anecdote: "Pendant l'enregistrement, j'ai dû intervenir à plusieurs reprises pour leur dire d'écourter un peu les morceaux, car la plupart d'entre eux duraient plus de 10 minutes dans leurs versions originales."
Waldemar Sorychta dans le n°8 de décembre 1995 de Hard Rock mag

Sur le plan de l'instrumentation, Johan Edlund se charge de la plupart des parties de guitares et du chant. Des grosses rythmiques doom de Whatever That Hurts aux arpèges acoustiques de Do You Dream of Me?, en passant par les expérimentations du dernier morceau, A Pocket Size Sun, il y a beaucoup à entendre. Côté chant Johan Edlund a pris de l'assurance, amélioré le placement et gagné en justesse, tant dans ses interventions rauques qu'éthérées. A noter que la choriste Birgit Zacher, future habituée des productions Century Media (Moonspell et Sentenced notamment), intervient discrètement à plusieurs reprises. Le bassiste Johnny Hagel propose des parties sobres et épurées apportant profondeur et contraste. Sa partition hypnotique sur le final de A Pocket Size Sun est mémorable.

Concernant les musiciens de session, disons-le de suite, leur travail est fantastique. Le batteur Lars Sköld (qui deviendra membre permanent peu après) effectue un boulot remarquable. Du martèlement de Whatever That Hurts au final (façon jam prog) de A Pocket Size Sun en passant par les percussions de Do You Dream of Me?, il vous en donnera pour votre argent. Et que dire du soliste Magnus Sahlgren? Si son prédécesseur était un atout pour Tiamat, il réussit à le faire oublier sans problème. Chacune de ses interventions, inspirées et pleines de feeling, contribue à tirer Wildhoney vers le haut: Gaia, Visionnaire, le lead spatial de Planets et surtout le formidable solo hispanisant (limite flamenco) de Do You Dream of Me? sont des merveilles. J'en profite pour dire qu'il est bien dommage que ce guitariste n'ait pas eu la carrière et la reconnaissance qu'il aurait pourtant méritées.

"C'est l'un des morceaux les plus extraordinaires que j'ai entendus depuis très, très longtemps. Il y a de la magie là-dedans." Dave Lombardo (Slayer) à propos du titre Do You Dream of Me? dans le même numéro

En résumé cet album est une réussite inespérée qui n'a que des points forts. A l'exception des interludes (Wildhoney, 25th Floor, Kaleidoscope) chaque titre est un single potentiel. Le rock progressif (Pink Floyd et King Crimson en tête) et les drogues hallucinogènes ont joué un rôle important dans la maturation du style de Tiamat, qu'on peut qualifier de doom progressif sur Wildhoney. Quand on considère le gouffre abyssal qui le sépare de ses prédécesseurs et qu'on le replace dans le contexte de l'époque, on mesure mieux l'énorme impact qu'il a pu avoir. Preuve en est leur passage aux éditions 1995 du Dynamo et du Wacken, ainsi que leur 1ère partie (européenne et US) d'un certain... Black Sabbath. Alors certes Johan Edlund ira beaucoup plus loin avec le très beau A Deeper Kind of Slumber, mais l'essentiel a déjà été accompli avec le précurseur Wildhoney, LE chef-d'oeuvre indispensable.


Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 3070


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totoro
IP:88.176.81.60
Invité
Posté le: 21/10/2012 à 00h37 - (28239)
Excellente chronique! Un disque que j'aime beaucoup et une des pierres angulaires de century Media, et bien sur du Gothic Metal labellisé 90's! Entre le Irreligious de Moonspell et le Mandylion de The Gathering, c'est pour moi l'époque où tout ce qui sortait du studio de Waldemar Sorychta (Nemesis forever!)était plus que susceptible de me plaire. Pour l'album, j'ai un gros faible pour "Do you dream of me?" et son ambiance incroyable et effectivement son solo flamenco, couillu pour l'époque! Moins mystique, j'apprécie également beaucoup Judas Christ pour ma part. Doomy avec le fabuleux" The return of the son of nothing" ou Rock avec le tubesque "Vote for love", c'est un autre Tiamat, plus easy-listening, que j'aime! Mais pour l'ambiance, clairement, c'est Wildhoney!
Un plaisir de te lire, surtout sur ce genre de disque! Rhalala, les années 90!!!

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 02h16 - (28241)
Ta meilleure kro forlorn, bien fouillée et instructive. J'écoutais Tiamat depuis The Astral Sleep, la claque Clouds et là... passée la surprise, un chef d'oeuvre, un tout ne pouvant être dissocié, l'un des meilleurs albums de metal toutes époques confondues. Tellement bon d'ailleurs que j'ai laissé tomber ce groupe après, syndrome du peut pas faire mieux, Tiamat est quand même bien revenu avec Amanethes.



nocturnus1977
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 05h18 - (28244)
Un de mes albums cultes, formidable! Merci pour ton excellente chronique, je l'ai dévorée... d'autant que je pensais un jour en proposer une pour cet album, et que la tienne me semble très complète et hyper proche de mon point de vue : outre les excellentes compos et la propreté du son, la qualité du packaging, le niveau de professionnalisme des musciciens ( Magnus Sahlgren, terrible)rende l'album parfait.
D’ailleurs en parlant de Magnus Sahlgren, il m'avait raconté que pour les soli de "Do you dream of me", il avait utilisé des guitares à 8 cordes entre autre...
Sa collaboration avec le groupe s'était par contre mal fini...A l'époque, (en les ayant vu en live en 1995 avec Samael), il se baladait avec sa bouteille de vin rouge à la main...lol...

Important aussi de rappeler que l'usage de drogues a joué un grand rôle dans les compos... Johan Edlund était dans un sacré trip à cette période...



Fiatlux
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 08h59 - (28251)
Pour moi Wildhoney n'est pas un chef d'oeuvre (bien qu'excellentissime). La structure de l'album est un peu bancale avec un agencement des titres le divisant grosso modo en deux parties. Le chant "death" (on a là plutôt un râle peu esthétique) est quand même assez moyen. Enfin, bien que ce soit très efficace musicalement, les compos de l'album ne sont pas aussi travaillées que celles de son successeur A Deeper Kind of Slumber, qui lui est selon moi le véritable chef d'oeuvre de Tiamat, avec des compos riches et superbement arrangées.




jaquouille
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 09h22 - (28253)
je me demande si je ne lui préfère pas A DEEPER KIND OF SLUMBER
ce que je reproche à WILDHONEY c'est le peu de morceaux qui ne compte finalement que 6 morceaux si l'on enlève les courts instrumentaux
mais à l'époque une grosse baffe et surtout l'original dans ma CDthèque :-)




invited
IP:77.198.174.56
Invité
Posté le: 21/10/2012 à 10h47 - (28254)
est-ce vraiment magnus qui joue les parties acoustiques, je n'en suis pas si sûr! je crois qu'il a juste jouer le solo de gaia! le style des parties acoustiques ressemble fortement a ce que joue waldemar sorychta sur certains albums de grip inc ou eyes of eden!

raziel
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 11h52 - (28257)
Album prodigieux. Définitivement dans mon top 10 de tous les temps.

Cet album a effectivement changé ma façon d'envisager la musique en général et le metal en particulier. En pleine bourre death, sortir un ovni pareil, c'était juste de la folie. Je l'ai acquis à sa sortie parce que je toruvais sa pochette extra et parce que j'étais déjà fan du groupe et de ses albums précédents.

Le sommet de leur carrière. Après, ben, après quoi...



Death cab
IP:86.69.27.57
Invité
Posté le: 21/10/2012 à 12h25 - (28259)

Du coup j'ai resorti l'album de la discothèque et je suis en train de l'écouter. Je ai acheté la version re-issue il y a quelques années. Ce que je reproche à l'album et à toute cet âge d'or Century Media c'est l'homogénéité de la production et du son. Finalement Wildhoney sonne très proche d'Irrligious (on retrouve certaines ambiances, les sons de synthé, Brigit Zacher en backing vocals).
Reste quand même que Waldemar à produit selon moi et je pense pour pas mal de trentenaires les albums les plus marquants du métal

Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 18h46 - (28263)
Très bon album et très bonne chronique !!! Ca fait plaisir !!! Et ça me pousse à le réécouter... Que demander de plus ?

jfkool
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 20h10 - (28264)
Très belle chronique sur laquelle je tombe en écoutant la fin de 'A deeper kind of slumber'. Très bien documentée, j'ai appris plein de choses. Merci !

Morbid Tankard
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 21h01 - (28267)
Leur dernier bon album. Après, j'aime pas et c'est si différent...

mydrin
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 21h02 - (28268)
un classique à posséder absolument, j'ai opté pour la réédition en "digibook"



Joss
Membre enregistré
Posté le: 21/10/2012 à 21h23 - (28270)
Magnifique album, que je ressors régulièrement avec plaisir. Le suivant, A deeper kind of slumber est aussi bon, même si très différent (mais quelle richesse dans ce disque)



panzerfaust
IP:81.13.178.171
Invité
Posté le: 21/10/2012 à 22h36 - (28273)
toute ma vie, cette prériode 93-96 avec en vrac wildhoney irrelegion draconian times mandylion passage a dead poem frozen de sentenced on a pas fait mieux depuis merci waldemar merci century media pour tous ces chef doeuvres! à la suite dusk and her embrace, enthrone darkness truimphant, to the welking at dusk, battles... putain quelle belle période je suis très nostalgique quand je pense à la série d'albums cultes sortis durant ces années. même si j'écoute toujours beaucoup de nouveautés j'en reviens toujours à cette époque bénie. voilà c'était le pâté du vieux con nostalgique.

grozeil
Membre enregistré
Posté le: 22/10/2012 à 09h36 - (28277)
lol Panzerfaust, ça me fait bien rire (je pense tout pareil). Super album, mais pour moi, le chef d'oeuvre est clairement A deeper kind of slumber, même si effectivement, sortir Wildhoney à cette époque là était plus que couillu. Et d'accord aussi avec le fait que bon nombre de sortie Century Media avaient un son particulier, le son Sorychta. Enfin, bref, suis d'accord avec tout le monde quoi. :D



Joss
Membre enregistré
Posté le: 22/10/2012 à 10h20 - (28279)
+ 1 pour cette période bénie ! je ne sais pas combien j'ai acheté de disques dont des extraits figuraient sur les 3 premières compils Metallian, mais un bon paquet en tout cas :-)



damikachu
Membre enregistré
Posté le: 22/10/2012 à 11h45 - (28283)
Bon je savais que je devrais écouter cet album un jour (j'étais un poil trop jeune à l'époque de sa sortie). Chose faite, ça tue.

Achat prévu.



nocturnus1977
Membre enregistré
Posté le: 22/10/2012 à 12h54 - (28285)
effectivement, le petit défaut de l'album est son effet "un peu décousu" (comme le disait FIATLUX)

pour moi, il surpasse largement A DEEPER KIND..., malgré quelques bons titres, une qualité des atmosphères et le début du chant martial ( à la depeche mode) qui ont leurs charmes
kje trouve que A DDEPER KIND faisait hyper remplissage pour du remplissage...

CLOUDS par contre, je le mets aussi sur un piedestal, pour son côté plus agressif, plus heavy-rock-doom...excellent


Joss
Membre enregistré
Posté le: 22/10/2012 à 13h20 - (28286)
Je ne trouve pas Wildhoney décousu. Bien au contraire, du premier au dernier titre il suit une ligne directrice qui va vers une épure de sa musique et un abandon progressif des éléments métal... pour moi c'est un peu une sorte de mue.

damikachu
Membre enregistré
Posté le: 22/10/2012 à 13h57 - (28288)
Comme j'ai du retard, je me le réécoute pour la 4ème fois aujourd'hui...
Sous le charme.

Blurg
IP:90.45.160.49
Invité
Posté le: 22/10/2012 à 16h21 - (28289)
Comme nocturnus, j'ai pas du tout accroché à slumber après avoir été littéralement happé par clouds et wildhoney, qui reste pour moi aussi sûrement un des dix meilleurs albums de tous les temps, malgré en effet un côté un peu décousu... Mais c'est à l'image des artworks, parfois amenés de façon un peu artificielle, mais qui font partie intégrante de l'album, avec une monstrueuse démonstration de monochromie qui colle si bien avec la musique.

Strat
Membre enregistré
Posté le: 23/08/2013 à 11h59 - (29740)
Très belle chronique sur un album que je n'ai que survolé.
La cause ?

Mon erreur fût de commencé à écouté TIAMAT avec "A deeper..", dur dur de revenir en arrière.

Merci pour cette chronique qui fait partager un peu de la magie et de la beauté qui gravitent autour du monument qu'est TIAMAT.
Il va falloir que je prenne le temps d'écouter cet album, un jour..



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