L'Amérique du nord aime les affiches improbables. Meshuggah, en compagnie de Baroness et Decapitated, ça annonce une jolie soirée en perspective.
Que donne le dernier Meshuggah en live ? Baroness a-t-il la classe sur scène ? Bras Cassé s'y est rendu et partage ça avec vous dans ce live report.
Je dévale à toute allure les rues abruptes de Toronto pour me rendre sur la petite île en face de la ville. Cette fameuse île n'a aucun charme, à mon plus grand regret. Un maire français ou italien aurait rendu ce décor somptueux, charmant, et vivable. A l'opposé, nous avons quelque chose de très nord américain, vilain, mais bien agencé pour les entreprises du coin. Au milieu de ces infrastructures, une salle de concert géante, le Sound Academy, sono de très grande qualité, patio en teck, vu sur le lac.
Je suis au milieu des canadiens, la même bière Moosehead à la main, la même impatience, la même excitation de voir sur cette scène fouler Meshuggah, Baroness et Decapitated. Quelle affiche ! Quel éclectisme surtout ! Démarrer la soirée par des brutes polak, suivis de riffeurs barbus, pour finir par les mathématiciens suédois. Quel programme !
Decapitated ouvre les débats. Je ne connais que le dernier album, que je regrette d'avoir acheté. Ce groupe représente tout ce que je n'aime pas dans le métal, mais là n'est pas le sujet. Le public réserve un bon accueil aux polonais. Bonne présence scénique, batteur qui passe sa soirée à bourriner, gratteux et bassiste les cheveux dans les yeux, c'est surtout le frontman qui sort du lot. Franchement à l'aise, il maitrise son sujet et harangue la foule qui le lui rend bien. Le show est carré, l'approche très directe et le rendu sonore très actuel. Decapitated, c'est la modernité du death, et en live, ça avoine. La moitié des titres provient du nouvel album. 40min où le public se défoule et apprécie, surtout la grosse population de jeunes massée devant la scène. Un gamin de 20ans, casquette de baseball sur la crane, les tatouages vomissant sur ses bras a le sourire d'une petite pucelle, il vient de recevoir une baguette du batteur. C'est bien que les polonais jouent en premier car il y a école demain pour le très jeune fan club du combo. Mission accomplie pour cette première partie qui ravit un grand nombre.
Je jette un œil dehors boire un verre. Les gros balaizes sont pensifs devant le lac. Il y a toujours un petit cœur sensible au fond de chacun de nous, même lorsque le mec a les initiales H.A.T.E. tatouées sur le poing.
Les rois de la soirée, au plutôt, mes rois à moi, arrivent sur scène. Baroness, c'est 2 Ep, 1 split, 2 albums, et pas une faute de gout encore à ce jour. Les barbus sont propres sur eux, peu communicatifs mais font ce qu'ils savent faire, c'est-à-dire riffer ces sonorités du sud des USA. Le public est beaucoup moins présent pour le coup, ce qui est clairement dommage. Mais il faut comprendre les canadiens, voir un groupe européen est un mini événement. Voir un groupe nord américain est juste normal.
Ambiance feutrée, effluve marie-jannesque, marcels et moustaches, Here we are ! Les 4 géorgiens délivrent un show sympa, mais un poil réservé. La complicité des 2 guitares est belle à voir, ce Metal indie rock te délivre des perles de riffs, une rythmique intéressante au possible et un chant juste et chaud. Classe et rock n'roll, comme sur album finalement. 6 titres de Blue Record seront impeccablement exécutés. 2 nouveaux titres de Yellow and Green, album qui sortira le 17 juillet prochain, ont été ajouté à leur Set List aussi. 2 Morceaux que j'ai trouvé très rock et mélodique, à réécouter avant de juger. Et un seul et unique petit titre de Red Album, Izak, pour conclure le concert. J'adore Blue Record, beaucoup même, mais je préfère largement Red Album, moins catchy mais plus progressif, instrumental et surprenant. Légère déception donc, qui sera vite oubliée. Le combo délivre une belle prestation, gentille car manquant cruellement de folie, mais où la beauté de leur musique ravit l'aficionado que je suis.
La salle se vide peu, chacun souhaite se placer pour la suite. Les 1500/2000 personnes se massent devant une scène aux décorations de Koloss. Claque tu penses recevoir, et claque tu recevras, car après le calme Baronessien, la tempête suédoise ! Le ton monte et la foule s'excite. Des jets de bières se baladent de ci de la. Les nord américains sont surexcités, la population féminine est nombreuse et les petits jeunes de Decapitated sont partis. Place à la folie mathématicienne !
On se croirait au foot. Le nom du combo est scandé à tue-tête par une très grosse part de la fosse. L'excitation est là, les gens trépignent, on se croirait à 2 minutes du coup d'envoi de la prochaine finale de l'Euro lorsque la France entrera sur la pelouse. L'entrée des scandinaves est simple, et balance I Am Colossus d'entrée. La fosse se déchaine et se déchire, les gens volent de partout, des petites minettes toutes menues jouent des coudes en pleine fosse, les limites sont repoussées. Le groupe est comme à son habitude, statique, et visages fermés. Je ne pense pas avoir décelé ne serait-ce qu'un mouvement de genou, chacun à sa place. Kidman et sa façon de scander ses textes plombent l'ambiance. Presque tout du dernier opus sera joué, de Demiurge à Marrow en passant par Behind the Sun. Mon titre préféré de l'album Break Those Bones Whose Sinews Gave It Motion sera bizarrement snobé par le groupe. Je préfère clairement les premiers albums tels Chaosphere, Nothing ou encore Catch33, albums malheureusement oubliés par le groupe qui se focalise sur ses 2 derniers albums, les moins marquants de leur discographie (le premier étant le moins bon, certes), à mon humble avis. Je trouve Koloss redondant et peu surprenant, défauts qui s'attenuent en live puisque Meshu joue sur son effet bulldozer et lancinant, ce qui rend le show efficace, à défaut de proposer quelque chose d'ébouriffant. Mais qu'on ne si méprenne pas, ca balance et c'est violent ! Cette musique oppressante, hypnotique et écrasante fait son effet, n'est pas Meshuggah qui veut !
Des années que je délaisse les pogos. Parce qu'après plus de 15ans de passion pour le métal et un grand nombre de concerts à mon actif, j'ai oublié quelque peu les premiers rangs et l'art de jouer des coudes. Le temps passe, inexorablement, et le besoin de me frotter aux autres n'est plus aussi grand qu'auparavant. Mais la folie de la soirée fait que tout le monde participe au marasme ambiant, et je me retrouve vite 10/15 ans en arrière, à sauter tel un adolescent. Les minettes canadiennes, qui ont pour particularité d'être peu vêtue au moindre rayon de soleil, se retrouvent aux bouts de nos bras, à survoler la fosse, hilares et heureuses. Le fameux Bleed achève tout espoir où Meshuggah offre un finish dantesque, terminé finalement par The Demon's Name Is Surveillance, peux être de trop au vu des visages marqués par le marathon que nous venons de vivre pendant une grosse heure et demi.
3 populations différentes pour 3 combos différents. Je ressors la tête comme une citrouille, la cacophonie Meshuggesque bourdonne encore dans mon crane. J'étais venu pour Baroness, mais la prestation des grands blonds à mis tout le reste au second plan. Belle soirée Metal au pays des gens qui sourient.