On pouvait en douter et pourtant Christian Bivel d'Adipocere l'a fait. Quand le 5ème numéro de Metallian est sorti à l'automne 1996 (avec My Dying Bride en couv') les metalleux de l'époque ont pu constater avec plaisir que l'ajout du sampler était une initiative amenée à durer. Avec ce Metal Explosion volume 2, on a pu noter une qualité d'ensemble supérieure et une plus grande diversité de styles représentés (notamment l'apparition de la branche heavy/prog avec Angra et Eldritch). Côté français c'était aussi l'embellie, avec 3 groupes qui nous auront marqué chacun à leur façon: Eros Necropsique, Your Shapeless Beauty et donc Kalisia qui a eu l'honneur d'ouvrir le sampler avec le fantastique titre Lost Soul. Mais avant d'aller plus loin, petit briefing sur le passé de ces musiciens.

1994, région montpellieraine. Brett Caldas-Lima (vocaux/guitares), Loïc Tézénas (guitares) et Laurent Pouget (claviers) fondent Kalisia sur les cendres d'Insanity. Ils sont rejoints par le batteur Laurent Bendahan (ex-Randomize Timer) et le bassiste Thibault Gerard (ex-Bloody Ritual). Quelques mois plus tard le quintet propose sa première Demo K7, Skies, dont les 500 exemplaires vont très vite trouver acquéreurs. Avoir une promo efficace et faire de la musique de qualité ça aide. Conséquence Christian Bivel contacte Kalisia afin de represser Skies en CD (à 1500 copies) dans le cadre des Demos Series, et nous voici de retour en automne 1996 avec ma découverte du groupe. Leur death progressif souvent qualifié (y compris par le groupe) de mélange entre Cynic et Dream Theater va faire sensation et leur ouvrir bien des portes. Laissez moi vous ouvrir celles de Skies...

Les guitares de Brett et Loïc alternent vélocité et pesanteur, avec une facette mélancolique très présente dans les breaks qui me rappelle parfois le trio de Peaceville. Quant aux nombreux soli de Loïc, ils sont aussi savoureux que pertinents, il n'y a pas la moindre trace de démonstration stérile. La basse de Thibaut, présente en soutient ou dans l'intervalle, a toute latitude pour s'exprimer. Le claviériste Laurent P. utilise une palette sonore assez large lorgnant parfois du côté d'Always (le 1er album de The Gathering) et outre ses duels avec les guitaristes dans les phases prog, il nous gratifie de quelques passages au piano ainsi que de samples. Quant au batteur Laurent B., il développe un jeu souple, technique et inventif qui dynamise le tout. Face à une telle orgie, le seul bémol que je pourrais avancer se situerait au niveau des vocaux de Brett que j'aurais voulu plus nuancés et mixés un poil plus fort (souhait exaucé sur Cybion). Les choristes féminines apportent une touche d'exotisme. Pour l'anecdote l'intro de Lost Soul m'évoque systématiquement un titre de Pazuzu présent sur un autre sampler Metallian.

Et justement un mot sur les textes, car ils ont fait l'objet d'autant d'attentions que la musique. Tower of Vanities fait référence à la tour de Babel choisie pour illustrer un propos dénonçant notre besoin compulsif de domination de l'autre, nos obsessions de maitrise et notre rapport au pouvoir. Sur Chimera il est question de matérialisme, du culte des apparences et des préjugés qui régissent notre vie et conditionnent nos rapports avec les autres. Pour le fameux Lost Soul, il est question d'un dialogue entre un homme appelé Gaäl et la Nature personnifiée, déifiée. Gaäl réclame des réponses à ses questions existentielles. L'étape décisive d'une quête initiatique... Quant à The Mental Frames part I, il s'agit d'un instrumental pour lequel je me suis longtemps demandé quelle gueule pourrait avoir sa suite. La sortie de Cybion en 2009 ne m'a pas donné la réponse.

En résumé entre la qualité d'écriture et l'interprétation (en autoproduction s'il vous plait) ce ne sont pas les arguments qui manquent pour justifier le statut culte de Skies. Surtout lorsqu'on tient compte des conséquences du relatif succès de Kalisia. Outre leur présence dans de nombreux référendums catégorie espoir et leurs 1ères parties prestigieuses (Emperor, My Dying Bride, Samael, Therion ou encore Crematory excusez du peu), Kalisia aura fait des émules (Fairlight, Dementia...) et permis la médiatisation de la scène montpellieraine (Chrysalis, Gholes...). Le silence discographique prolongé de Kalisia a eu pour conséquence d'éparpiller ses membres dans d'autres formations, le plus remuant étant Loïc Tézénas (Chrysalis puis Eilera entre autre, aujourd'hui Detoxed). Quant à Brett Caldas-Lima c'est par son activité de producteur qu'il est resté en prise directe avec l'actualité metal.

Aujourd'hui le CV de ce groupe hors norme s'est enrichi d'une sacrée ligne, puisqu'après plus de 10 ans de gestation est enfin sorti Cybion, un album-concept d'une richesse musicale et thématique ahurissante, mis en valeur par un superbe packaging et des invités de luxe (tels que Paul Masvidal de Cynic, Arjen Lucassen d'Ayreon et bien d'autres). L'édition limitée de Cybion propose des reprises et l'intégralité de Skies en version remixée. A ceux qui n'auraient ni la version originale de Skies ni l'édition limitée de Cybion, je rappelle que cette Demo est toujours en libre téléchargement sur le site officiel de Kalisia (ou via le blog de VS). Créativité, technicité, feeling, puissance, mélodies, onirisme... 17 ans après Skies a toujours beaucoup à offrir. Chef d'oeuvre!


Rédigé par : forlorn | 1995 | Nb de lectures : 2592