Tel est le slogan du Metal Méan Festival que l'on peut lire sur le dos des tee-shirts des bénévoles qui s'y affairent. Si cet adage particulièrement parlant reflète clairement l'état d'esprit des organisateurs de la manifestation belge, il faut bien avouer qu'il n'est qu'à moitié vrai. En effet, la star du MMF (car il y en a une), c'est le festival lui-même. Celles et ceux d'entre vous qui en reviennent savent de quoi je veux parler.
Prenez le pré qui a servi de décor à la série « La Petite maison Dans La Prairie », claquez 27° par là-dessus, installez trois stands de bouffe, un bar, une vingtaine de bancs et tables, un chapiteau d'une capacité de 800/1000 personnes environ, une sono de qualité, quelques groupes savamment choisis, gros mais pas trop, cultes si possible, et c'est parti pour une journée mémorable dont on revient inévitablement avec un sourire en technicolor. Il ne manque que des lampions et un gâteau d'anniversaire. Pour le reste, c'est une vraie fête entre potes. L'antithèse totale des grosses machines sur trois jours qui présentent 110 groupes sur quatre scènes.
Il n'est bien sûr pas question de déprécier ici les Graspop, Hellfest et autres Wacken. Juste que le MMF ne joue pas dans la même cour. Ici, tout fleure bon la simplicité et l'artisanat (au sens noble du terme) sans pour autant sacrifier un professionnalisme bluffant. Pour preuve, sur environ 14 heures de live, le running order n'a pas pris 5 minutes de retard sur les horaires prévus jusqu'à la tête d'affiche, Mayhem, qui s'est permis de prendre quelques libertés avec l'horloge. La classe.
Après une mise en bouche la veille au soir avec High Voltage, cover band d'AC/DC chargé de l'accueil des campeurs déjà présents sur le site dès le vendredi, la journée du samedi début à 10h30 avec le traditionnel concours qui voit s'affronter quatre groupes choisis sur démo (l'organisation a reçu cette année quelques 88 candidatures). DAMARUS a la lourde tâche d'essuyer les plâtres devant un chapiteau encore désert. Hélas, leur heavy aux accents viking relève très souvent de l'approximation, le groupe manque cruellement de présence scénique, et quelques mélodies de guitares guillerettes (malheureusement complètement désaccordées en fin de set) ne suffiront pas à susciter un quelconque intérêt. METHNAKRISS, de Besançon, fera bien meilleure impression avec un metalcore thrashy assez standard mais bien interprété, soutenu par un chanteur plutôt charismatique. Le prix du jury leur reviendra à l'issue du concours. Sans surprise, c'est PESTIFER (venu avec une fan-base plutôt dodue) et son techno-death très ancré dans les années 90 qui va rafler le prix du public, et ainsi remporter l'ouverture du festival l'année prochaine. Prévisible, car le groupe commence à monter en Wallonie, mais franchement mérité. On en reparlera rapidement, c'est certain. Pour finir, les Flamands de SATYRUS viendront présenter les recettes les plus connues de l'ouvrage « Comment faire du black metal symphonique en 12 leçons ». Leçons qui ont certes été bien apprises, mais encore faut-il apprécier le par-cœur pour supporter la restitution à la corde d'un tel amas de clichés durant 30 minutes.
Les choses dites « sérieuses » commencent à 13h35 avec le set de BLACK BLEEDING, même si le terme « sérieux » est très mal choisi. Le trio belge, vainqueur du tremplin de l'année précédente, injecte en effet une très large dose d'humour absurde dans son set, en totale inadéquation avec sa musique. Car malgré un bassiste en djellaba et babouches, un batteur très imbibé qui joue en courant autour de son kit (Staccato, pour les connaisseurs, batterie extra terrestre tout droit issue de la fin des années 70), et un guitariste/chanteur aux plaisanteries graveleuses, la musique de Black Bleeding, quant à elle, ne rigole pas du tout. Leur black metal aux influences heavy n'est pas sans rappeler Emperor (en moins grandiloquent), et les plusieurs extraits de leur très bon album « The Great Satan » relèguent leur humour de comptoir à sa juste place : un artifice amusant qui ne phagocyte pas les réelles qualités du groupe. Une reprise bienvenue de « We're Not Gonna Take It » (Twisted Sister) achèvera de mettre tout le monde d'accord. Au final, Black Bleeding est une belle métaphore de ce qu'est le MMF : un groupe proche du public qui ne se prend pas la tête et fait pourtant très très mal.
Les gars d'ONHEIL sont vraiment des Bataves. La moyenne d'âge du groupe ne semble pas bien élevée, mais les petits gars envoient la sauce (hollandaise) avec justesse, et leur line-up fourni (incluant pas moins de trois guitaristes, dont deux se partagent également le chant) leur permet de restituer avec justesse les compos plutôt fouillées de leur album « Razor », sorti en 2009. Si leur heavy black mélodique ne déchaîne pas les passions, au moins se déguste-t-il sans ennui, et le public sait gré au sextet de l'avoir correctement diverti.
On passe très clairement à la vitesse supérieure avec les italiens de SADIST, intégrés à l'affiche in extremis pour pallier à la défection de Destroyer 666. Le quartet transalpin va retourner le public en quarante minutes. Son techno death groovy reste digeste et efficace, à l'image de l'imposant chanteur Trevor qui harangue gentiment le public et fait des concours de moulinets avec ses guitaristes (eux secouant leurs longues crinières et lui la tresse de son bouc). Les plus férus de technique n'ont bien sûr d'yeux que pour Tommy qui s'amuse comme un petit fou à jouer ses parties de clavier à la main droite tandis qu'il les accompagne à la guitare de sa main gauche. Son camarade bassiste Andy, très en avant dans le mix, épate lui aussi par son jeu volubile, raffiné, et inventif. S'il est évident que le jazz rock doit constituer une des principales sources d'inspiration du groupe, la musique de Sadist ne tombe jamais dans l'élitisme, et le groupe va très logiquement remporter un beau succès. Première baffe.
Les grindeux texans de DEVOURMENT (dont le bassiste va jouer le premier titre la tête couverte d'un incroyable masque de cheval) vont très vite devoir interrompre leur show. Un slammer un peu trop enthousiaste gît au beau milieu du pit et ne parvient pas à se relever. Il sera rapidement évacué au moyen d'une civière, et on apprendra plus tard dans la journée par un membre du staff qu'il a tout simplement la jambe cassée. Il en faudra plus pour arrêter la tornade texane, et le grind de Devourment va faire mouche, aidé en cela par un son super clean qui évite le syndrôme « bouillie » souvent livré avec le style. Pour preuve de leur succès, le stand de merchandising du groupe (qui propose pas moins de 10 modèles de tee-shirts différents) va être rapidement dévalisé.
THYRFING, lui aussi annoncé en dernière minute, fera office pour beaucoup de « pause Kit Kat ». Non pas que le groupe suédois fasse mal son boulot, bien au contraire, mais son style lourd et pour tout dire assez catchy a le malheur de passer très bien sur fond de discussion et de grignotage, et leur heure de passage (18h10) les condamne ainsi à jouer les interprètes bien involontaires d'une sorte de musique d'ambiance. Car si les héros du jour sont sur scène, on croise aussi du beau monde dans le public. Ainsi, hormis de nombreux membres de groupes belges, on aperçoit entre autres Igor de Dylath Leen, Albatard de Gronibard (tout juste de retour de vacances en Norvège), ou encore Alex Colin-Tocquaine (Agressor) venu faire la fête avec ses potes de Mayhem. Mais c'est bel et bien une starlette qui crée un mini buzz dans le public : Isabelle, ex-candidate du Secret Story 2, connue pour une plastique plus généreuse que son quotient intellectuel et grande fan de metal extrême (elle a réussi à faire passer du Enthroned sur TF1 !) se dandine devant le bar avec autour d'elle un petit groupe de crevards sans cesse renouvelé.
Le set d'ORPHANED LAND sera beaucoup plus suivi que celui de ses prédécesseurs. Jaugés avec curiosité en début de show, les Israéliens ne vont pas tarder à se mettre tout le monde dans la poche grâce à une belle énergie ultra communicative. Le sourire affiché du début à la fin du concert par le guitariste Yossi Sa'aron fait vraiment plaisir à voir, tout comme les allocutions de Kobi Farhi qui se plaît à rappeler à deux reprises que, contrairement aux apparences, il n'est pas « Jesus Fuckin' Christ ». A signaler également, une très méchante section rythmique qui ne déparerait pas dans un groupe de death metal. En deuxième partie de set, une danseuse orientale vient accompagner les musiciens. C'est un peu too much, certes, mais c'est comme la déco dans les restos marocains : c'est cheap et désuet, mais l'essentiel est ailleurs. Au final, Orphaned Land met carrément le feu à Méan avec son metal prog mêlé de musique traditionnelle orientale, battant en brèche l'image d'intolérance du public metal que certaines Christine Boutin voudraient véhiculer. Grosse grosse baffe.
MACABRE, très attendu, laisse en revanche un sentiment mitigé. Certes, les trois papys de Chicago sont de redoutables techniciens, mais il faut bien reconnaître qu'ils ont beaucoup de mal à tenir une scène de cette taille sans que l'ennui s'installe. D'autant que la recette ne varie guère au cours des 50 minutes, et à l'image de son look à la « désolé j'ai pas eu le temps de me changer en sortant du boulot », Macabre semble jouer en roue libre, sans réellement tout donner. A revoir dans des conditions plus intimistes.
Les Grecs de ROTTING CHRIST, eux, n'y vont pas à l'économie. Ils affichent réellement leur motivation, et l'assemblée va leur manger dans la main comme un seul homme. Que l'on adhère ou pas à leur metal martial (allez, j'avoue, je suis vraiment pas client), force est de reconnaître au quatuor un talent scénique indéniable qui leur vaudra probablement le plus gros succès de la journée à l'applaudimètre.
Après avoir très largement dépassé le temps de soundcheck qui leur est imparti, MAYHEM s'en vient donc chapeauter cette magnifique journée. Le groupe est parmi les plus controversés qui soient, et ce soir encore, il va diviser le public. Bien sûr, le volume (qui a du être monté de quatre crans) est exagéré – limite douloureux – et ne restitue pas des plus fidèlement le black torturé des Norvégiens. Mais Mayhem n'est pas venu « faire de la musique ». Il suffit de voir Attila Csihar entrer en scène habillé en homme d'église défiguré à l'acide pour comprendre qu'il est davantage question de cérémonie que de concert. Et quelque part, plus le temps passe, plus Mayhem s'appréhende un peu de la même façon que Sunn O))), « l'autre » groupe d'Attila. Une sorte de happening sonore expérimental qui vaut d'abord par l'ambiance qu'il génère, plus que pour ses réelles qualités musicales. On est clairement à la peine pour taper du pied, et pas question ici de chanter à l'unisson avec le groupe. Il suffit « juste » (pas facile, je peux le comprendre) de se laisser aspirer par l'atmosphère incantatoire que dégage le groupe, et principalement son incroyable chanteur. On peut d'ailleurs se demander en toute légitimité si Mayhem saurait aujourd'hui survivre à un nouveau départ du Hongrois extraordinaire. A défaut de faire l'unanimité, la formation a au moins su ne laisser personne indifférent, contrairement à (inscris ici le nom d'un groupe qui te laisse indifférent).
Un sans faute, donc, pour le MMF, tant il est vrai que l'ambiance du fest permet de ne pas même s'ennuyer durant les groupes que l'on aime moins. L'organisation est méchamment rôdée – ce n'est pas un hasard si plus d'un groupe y ayant joué demande à y revenir – et il se pourrait fort que les organisateurs aient mis la main sur l'alternative idéale aux très grosses machines. Changez rien, les gars ! Nous, on peut déjà vous promettre qu'on sera là l'an prochain.
(Plusieurs set lists seront postées ultérieurement dans le topic idoine du forum.)