Set-list officielle:
1. Left To Wander (The Eye Of Every Storm)
2. The Last You'll Know (Times Of Grace)
3. A Sun That Never Sets (A Sun That Never Sets)
4. Burn (The Eye Of Every Storm)
5. A Season In The Sky (The Eye Of Every Storm)
6. Within (Neurosis/Jarboe)
7. His Last Words (Neurosis/Jarboe)
8. Receive (Neurosis/Jarboe)
9. In Harm's Way (Neurosis/Jarboe)
10. Easter (Patti Smith cover)
11. From The Hill (A Sun That Never Sets)
12. The Eye Of Every Storm (The Eye Of Every Storm)
13. Locust Star (Through Silver In Blood)
14. Stones From The Sky (A Sun That Never Sets)
Situé au nord de Londres à proximité de Camden (le quartier le plus hétéroclite de la capitale où cohabitent Goths, Punks, Bouddhistes, Krishnas et compagnies), The Forum est une salle de plus en plus prisée par les musiques extrêmes (mais pas seulement, puisque s'y sont également succédés Jamiroquai, The Velvet Underground et Pulp). Outre The Dillinger Escape Plan, ce lieu mythique accueillera fin mars le nouveau projet de J. Broadrick, Jesu, en première partie de… Isis ! En traînant un peu entre Camden et Kentish Town, certains ont eu la chance de croiser Scott Kelly (guitare, voix), Noah Landis (samples, claviers) et Jason Roeder (batterie) avant le concert, cherchant tous les trois désespérément quelque chose à se mettre sous la dent. La longue file d'attente devant The Forum, visible de loin, témoigna de la motivation sans faille de nombreux fans (qui s'étaient déplacés de toute l'Europe pour voir les maîtres œuvrer ce soir-là). On pouvait en effet entendre discuter en allemand, espagnol, français (quelques VSeurs ??!!) et même hollandais. Il faut dire que cette date était quasi-historique, les cinq de San Francisco n'ayant pas mis les pieds sur le vieux continent depuis quelques années. Ce fut d'ailleurs l'unique date en Europe en 2004, les trois autres performances live ayant été données exclusivement aux USA (à Hollywood, Philadelphia et New York). Bref, un évènement à ne manquer sous aucun prétexte...
En concert sans première partie (comment assumer la chose, même pour toute formation qui se respecte...), Neurosis conseillait fortement au public d'arriver à l'heure. Les portes ne s'ouvrirent d'ailleurs pas avant 19h00 précises et ce fut dans un calme des plus admirables que les nombreux adeptes du combo patientèrent (pour certains pendant plusieurs heures...), dehors, dans le froid londonien. De la patience, il en aura fallu...Car ce furent à nouveau plus de deux heures d'attente avant d'entendre les toutes premières notes jouées live (d'ailleurs, le bar et le merchandising ne désemplirent pas pendant ces deux heures...). Ce fut en effet autour de 21h00 que le groupe entra sur une scène aux éclairages discrets et assura un set live en trois temps, pour trois dynamiques différentes. Seul Noah Landis salua très modestement le public plus respectueux que jamais (le seul également à le remercier à la fin du concert) avant de s'installer face à son arsenal d'appareils sonores en tous genres. Entrées toutes aussi discrètes, et toutes aussi saluées par la foule, des autres membres. La même configuration que précédemment fut adoptée : Scott Kelly, avec sa stature imposante, occupa la partie centrale de la scène, avec à sa droite Steve Von Till/Noah Landis et à sa gauche Dave Edwardson (basse, synthétiseurs), alors que Jason Roeder occupait à lui seul tout l'arrière. Notons que l'âme du sixième membre à part entière du groupe, alias Josh Graham (aussi responsable du visuel du premier DVD du groupe), a été présente tout le long du set. En effet, de même que pour la tournée post-A Sun That Never Sets, un écran de projection nous a fait profiter de quelques images sobres et particulièrement sombres, toujours en parfaite adéquation avec la musique. Après une brève introduction aux tendances électronique et ambiante (des atmosphères du même type assurèrent d'ailleurs les liens entre chacune des compositions), Neurosis débuta par une interprétation sans accroc de « Left To Wander », extrait du dernier opus. Une bonne entrée en matière qui permit au quintet de donner rapidement le ton... La salle dans son intégralité fut rapidement envoûtée par les textures et les ambiances sonores produites dès ce premier titre. Comment ne pas tomber sous le charme ? Les headbangers (en majorité ce soir-là et dont j'ai pu faire partie par instant !) témoignèrent de leur gratitude envers les ricains de Neurosis par l'intermédiaire de mouvements oscillatoires en phase avec le rythme tribal des compositions. Il fallait voir la salle entière vibrer en masse, comme un seul homme... Le son (énorme !) fut de plus ce soir parfaitement clair, toutes les fréquences (des nappes infrabasses aux samples les plus aigus) restèrent parfaitement audibles. Complémentaires dans leur jeu (maîtrisé à la perfection), les trop peu communicatifs Scott Kelly et Steve Von Till se lâchèrent plus que jamais (alors que certaines faiblesses au niveau du chant se sont faites ressentir par touches... les deux guitaristes n'ayant jamais eu la prétention de s'affirmer comme de très grands vocalistes). Quant à la paire rythmique basse-batterie (alias Dave Edwardson, lâchant pour quelques mesures seulement sa basse pour renforcer la structure synthétique et Jason Roeder, au jeu métronomique admirable), elle resta sans faille. Certains reprocheront peut-être au quintet une certaine distance vis-à-vis du public (pouvant être à tort interprétée comme une attitude de mépris), ainsi que son jeu quelque peu statique. Il est à noter que l'homme de la soirée fut Noah Landis qui permit à la musique du groupe de prendre une dimension des plus planantes, grâce à ses bricolages de sons bruitistes d'une part et mélodiques d'autre part, toujours en parfaite harmonie avec les instruments acoustiques (le même constat peut être effectué pour les deux derniers albums). La hargne et la douleur, autrefois extériorisées de manière beaucoup plus primitive sur scène, furent ce soir contenues avec une telle détermination qu'elles permirent au combo de dégager une énergie paradoxalement violente et fascinante. Dans ce même état d'esprit et de corps, suivirent quatre titres lancinants des plus inspirés que sont les excellents et incontournables «The Last You'll Know » issu du cultissime « Times Of Grace », « A Sun That Never Sets », ainsi que les divins « Burn » et « A Season In The Sky » tirés du tout dernier album. Ce dernier titre a clos la première partie de ce show, laissant les près de 4000 oreilles présentes encore sous le choc. L'enchaînement avec le chapitre suivant se fit sans véritable interruption et fut marqué par l'arrivée fracassante (et angoissante de par sa façon d'affronter le public avec ce masque de démence et de rage) sur scène de l'étrange et charismatique Jarboe (ex-Swans, ancienne muse du mélomane torturé Michael Gira), qui s'appropria rapidement la scène grâce à ses lignes vocales cristallines et chaudes. Dès « Within » (la première plage de l'effort commun entre Neurosis et Jarboe), il a semblé que le quintet s'était délibérément placé en retrait pour laisser le champ libre à cette véritable virtuose, comme pour rendre hommage à l'une des protagonistes de la musique expérimentale des années 80 (n'oublions pas que Neurosis ne serait rien sans les Swans !). Attitude qui a fortement déplu aux nombreux fans exclusifs du groupe, qui boudèrent rapidement (et bêtement !) toute cette partie du concert en désertant massivement. Il est vrai qu'il était tellement préférable de recharger les accus en s'abreuvant de bière pression bon marché plutôt que d'apprécier cette toute première rencontre ombrageuse entre les deux monstres que sont Neurosis et Jarboe... Et bien heureusement, cela n'empêcha en aucune mesure les adeptes (un noyau dur !) de sonorités inclassables de se délecter (sans aucune limite) des quatre titres supplémentaires excellemment interprétés. « His Last Words », « Receive » (il faut le voir pour le croire... Jarboe terminant tragiquement cette composition par ses plaintes rauques et profondes) et «In Harm's Way » se succédèrent, sans aucune baisse de puissance. Jarboe quitta les planches après une reprise originale, « Easter » de Patti Smith, non sans avoir remercié avec sincérité le public. Une partie du set d'une incroyable intensité.
La dernière partie de ce concert fut symbolisée par une reprise de dynamique au moment opportun (une bonne manière de découper cette représentation de plus de deux heures !). Le combo gratifia en effet de ses ultimes titres un public totalement dédié à sa cause (le parterre face à la scène fut plus plein que jamais !). « From The Hill », « The Eye Of A Every Storm » ont été suivis de près par l'explosif « Locust Star » (les vocalises étant assurées par les sieurs Steve Von Till, Scott Kelly et Dave Edwardson), seul titre prélevé de l'opus « Through Silver In Blood ». Le concert prit fin avec l'apocalyptique « Stones From The Sky » (dernière plage de « A Sun That Never Sets »), qui fit montre d'une énergie et d'une fougue débordantes. Même après ces presque deux heures trente de show, on est étonné de la vigueur que le quintet peut encore déployer à cette heure tardive. En épilogue, les larsens de guitares et les nappes bruitistes au possible marquèrent le parachèvement d'une soirée unique, à vivre et à revivre. Faisant fi des attentes du public, les membres de Neurosis quittèrent sans hâte la scène (encore imprégnée des larmes et du sang des martyrs) sans rappel, comme à leur habitude.