Richard Loudin - DESPOND, MONOLITHE par URIEL - 2345 lectures
Après les consonnances mythologico-folkloriques de Nydvind et Bran Barr, levons le voile sur l’autre visage de Mister Loudin : le doom ! A charge de l’intéressé d’offrir un aperçu de ses activités dans ce style qui, plus que tout autre peut-être, possède son public de spécialistes irréductibles…
Il est temps de descendre dans les catacombes de cette interview… Un petit éclaircissement de principe avant d’évoquer spécifiquement Despond et Monolithe : sauf grossière erreur de ma part, il me semble que le milieu du doom est une caste assez repliée s
Je pense qu'effectivement le doom est un style bien à part dans le panorama metal actuel. De là à dire qu'il s'agit d'une caste hermétique, je n'irai pas jusque là. En fait, je ne pense pas que les doomeux soient plus intolérants que les blackeux, les hardcoreux ou les grindeux. Va donc demander à un grindeux de jouer dans un groupe de black ? Et va demander à un hardcoreux de faire du doom ? Vois-tu ce que je veux dire ? Je pense qu'il est tout à fait naturel que certaines barrières se dressent entre ces différents styles de musique. Après, mon cas est bien entendu à part. Je me suis bien souvent attiré les foudres de certains énergumènes, tantôt issus de la scène black metal, ou même grindcore, lorsqu'ils ont découvert qu'un fan de doom puisse « oser » avoir un autre groupe marchant sur leurs propres plates-bandes. Je me suis longtemps exprimé à ce sujet d'ailleurs, et je le répète encore : mon aspiration principale reste le doom, mais à aucun moment je ne me suis bloqué à d'autres perspectives musicales. Après tout, moi aussi j'écoutais Carcass et Brutal Truth en 1992, tout comme j'étais présent au Gibus en 1993 quand Rotting Christ, Blasphemy et Immortal ont pour la première fois tourné en France pour le fameux « Fuck Christ Tour ». Il y a trop de différences entre les styles de metal extrême que nous écoutons tous. Certaines de ces barrières sont cependant légitimes, comme je l'ai dit plus haut, mais tant qu'il est question de musique, personne ne peut empêcher quiconque de jouer et d'écouter les musiques qui lui plaisent. Dans la scène doom, qui est une scène très large (contrairement à ce que les personnes extérieures peuvent croire), nous avons de tout. Nous avons aussi à faire avec des intégristes du doom, ce qu'ils appellent eux aussi le « true doom »… Vois-tu où je veux en venir ? Les comparaisons entre doom et black sont finalement assez faciles à faire, chacune des deux scènes ayant ses trendies et ses trues. J'ai pour ma part un grand mépris pour ce genre de considération d'élites et de castes, et j'emmerde profondément ceux qui viendraient me donner des leçons d'intégrité. J'ai justement fondé Nunkthul dans ce but : un grand fuck-off à la scène black metal, pour lui faire comprendre que personne n'a pas plus de droit qu'un autre de se prétendre « true » ou « élite ». Ma polyvalence ultra-hétérogène fait alors de moi un cas atypique dans notre scène. J'en tire une certaine fierté et j'ai fini par m'habituer aux railleries diverses, aux menaces de mort (si si… moi aussi j'y ai eu droit !), aux jalousies, et autres rumeurs innombrables, souvent consécutives à mes nombreux projets, aussi différents les uns des autres.
Petit retour en 1995… Selon la bio, Despond est né des cendres du groupe de death metal Perished. Peux-tu approfondir les circonstances ? S’est-il agi d’un split avec refonte de line-up ou d’une reconversion stylistique ayant entraîné un changement de nom
Pour commencer par le début, il faut remonter à début 1993, période durant laquelle le groupe Haceldama fut créé par notre premier batteur et notre premier guitariste. Pour la petite histoire, le groupe avait à l'époque 2 chanteurs dont l'un d'eux était Hervé Queyroix, parti plus tard rejoindre un petit groupe de black nommé Antaeus. J'ai rejoint le groupe Haceldama en novembre 1993, justement pour remplacer les deux chanteurs qui sont partis simultanément à cette époque. Nous avons alors été recrutés en même temps, moi et Luisa notre bassiste. Même si j'avais déjà participé à un groupe avec des potes de lycée en 1992, rejoindre ce groupe de death metal brutal était pour moi une étape très importante car je mettais pour la première fois les pieds dans l'underground metal extrême. Nous avons alors sous ce line-up (JB, Yann, Richard et Luisa) composé quelques titres de death metal, mais nous nous sommes rapidement rendu compte que nous n'irions pas bien loin, limités que nous étions tant au niveau technique que créatif. Lassée de ces errances, notre bassiste nous a quittés en 1994 et nous avons alors traversé une période creuse de 6 mois, jusqu'en février 1995 où un ras-le-bol général m'a conduit à proposer aux 2 autres membres une reconversion totale. C'est ainsi que Despond est né des cendres de ce groupe de death metal qui, entre temps, avait été renommé Perished. Nous avons alors fait table rase de toutes nos compositions et j'ai pris l'initiative de composer moi-même de toutes nouvelles chansons, cette fois-ci bien plus mélodiques et lentes, dans une influence doom death.
Le groupe a été en activité jusqu’à 1998, puis patatra… Tout le monde s’est barré (à ce que j’ai compris) et tu es resté seul maître à bord jusqu’en octobre 2001. Peut-on dire que Despond fut en sommeil durant ce laps de temps ? As-tu jamais eu l’impulsio
Une chose est claire, à aucun moment je n'ai songé à arrêter Despond, et ce malgré notre implosion fin 1998. Nous en étions arrivés à un point où plus personne n'avait la même conception du groupe, chacun voulait faire son truc dans son coin et des rivalités se sont installées entre nous. Finalement, même si j'ai assez mal vécu le split à cette époque, ce fut comme une souffrance obligatoire pour mieux repartir par la suite. Despond n'était pas mort, car Despond est en moi, et ce de manière très profonde. Despond est la continuité de mon être, et dire aujourd'hui que Despond est une entité personnelle, cela n'a jamais été aussi vrai. Alors, entre début 1999 et fin 2001, il s'est passé beaucoup de choses dans mes activités musicales : la sortie de l'album de Bran Barr, la création de Nunkthul, la création de Nydvind. Mais Despond était toujours là, quelque part en moi, car seul Despond me correspondait dans ce qu'il y avait de plus profond, les autres groupes n'étant là que pour pallier le vidé laissé par le split de Despond. J'ai travaillé la guitare pendant de nombreux mois, tout seul, sans prendre de cours. Aujourd'hui encore d'ailleurs, je me considère comme un piètre guitariste et mon niveau reste pour le moins limité, mais peu importe, j'ai toujours réussi à composer des musiques qui me correspondaient, qui collaient à ce que je ressentais et malgré ces lacunes techniques, les albums de Nydvind et de Despond sont là pour témoigner de la force de composition que j'ai su entretenir au delà de toute considération technique. Pendant cette fameuse période, j'ai donc laissé Despond en stand-by, mais je n'ai jamais cessé de composer, d'amasser les riffs les uns après les autres dans une base de données qui finira d'ailleurs par être gigantesque. En l'espace de 2 ans et demi, j'ai du écrire une centaine de riffs destinés un jour ou l'autre à être exploités pour Despond. C'est comme cela que j'ai préparé « Supreme Funeral Oration », mon premier album. Une composition de longue haleine, morcelée dans le temps et par à-coups. Cette solitude m'a également transcendé, en terme de composition. J'étais seul maître à bord et cela me rassurait, m'apaisait, surtout après la tourmente que Despond avait connu dans ses derniers mois d'existence de groupe. Le champ créatif du groupe a alors complètement évolué et j'ai mis sous silence toutes les mauvaises ondes que les autres membres avaient tenté d'insuffler. C'était d'ailleurs une période où je m'étais tourné vers la scène finlandaise, et notamment deux groupes majeurs comme Unholy et Skepticism, qui ont considérablement changé ma vision de composer du doom metal extrême. La nouvelle ère de Despond était alors en marche, vers un doom death metal extrême, teinté de funeral doom.
L’album « Supreme Funeral Oration » a vu le jour en juillet 2003 dans une splendide édition digipack… Comment as-tu ressenti le jour où le CD est revenu du pressage, prêt à la distribution ? Etait-ce pour toi l’aboutissement d’un chapitre de Despond, ou u
Les deux, serais-je tenté de dire… Car cet album était attendu et planifié depuis si longtemps, mais en même temps, je n'y croyais presque plus à une certaine époque. Donc ce fut vécu comme une délivrance, un accomplissement d'une partie de moi-même, alors que ce n'était en même temps que la suite logique de 2 ans de travail. Mais sincèrement, cet album, je l'avais tellement rêvé, tellement espéré… le jour où je suis parti récupérer les cds à l'usine en Belgique, je l'ai vécu comme une délivrance. Je me suis même arrêté dans un troquet local pour me saoûler à la Stella, tellement j'etais heureux ! Avec mon ami Loïc de Nydvind, nous avons beaucoup travaillé sur le layout, et j'ai littéralement explosé ma tirelire pour produire moi-même ce magnifique digipak. Je n'aurais pu tolérer que cet album que j'attendais depuis si longtemps soit d'une qualité médiocre, aussi j'ai pris la décision de risquer gros pour l'achever, et crois-moi, il faudra en vendre un paquet pour rembourser le budget engagé !
Tout récemment encore, le groupe a été amputé de deux membres. Comment expliques-tu ces désaffections de masse qui semblent poursuivre Despond ? Cela tient-il a ta façon de gérer le groupe, qui ne serait pas au goût de tout le monde ?
Hum, il ne faut pas interpréter les événements trop rapidement et sans savoir… En 2002, j'ai émis l'envie de reformer un line-up pour Despond, mais je ne savais pas encore précisément si je souhaitais que ce line-up perdure pour de futures productions ou se cantonne juste à des prestations scéniques. Toujours est-il que j'ai contacté mes amis, et nous avons reconstitué une formation composée de moi au chant et guitare, deux membres d'Ataraxie à la seconde guitare et à la basse, notre ancien batteur reprenant sa place derrière les futs, et nous avons également recruté un claviériste. Avec ce line-up, nous avons préparé les concerts qui étaient planifiés pour 2003, à savoir la date parisienne du Doomination of Europe Tour avec Morgion et Mourning Beloveth, le Funeral Procession Tour avec Skepticism et Pantheist, et un festival à Londres avec Until Death Overtakes Me et Cambian Dawn. Une fois ces concerts terminés, nous avons fait le point. Entre-temps, l'album a été finalisé avec le bassiste Jonathan Thery, alors que les autres membres n'y ont pas participé, d'un commun accord. Malheureusement, au fil des semaines, la motivation de chacun de nous a commencé à retomber, et l'absence d'échéances scéniques précises nous a conduit à perdre le rythme des répétitions. Par ailleurs, il n'était pas d'actualité de commencer la composition du nouvel album, même si les autres membres en éprouvaient l'envie. C'est finalement assez logiquement que les deux membres d'Ataraxie ont décidé de quitter le groupe en Juillet 2003, faute de motivation et de projets précis, laissant Despond sans formation solide. Suite à cela, j'ai décidé d'interrompre les répétitions du groupe et de geler tout projet de concert. Les deux autres membres ont continué leur propre chemin, le batteur au sein de Aes Dana et le claviériste avec son projet Life's Decay. Aujourd'hui, j'ai encore le soutien de certains d'entre eux si un jour nous avons l'opportunité de jouer live. Je pourrai alors compter de nouveau sur le bassiste et le batteur. Il me faudra juste trouver un second guitarite, mais j'ai déjà quelques candidats susceptibles d'accepter, donc je ne me fais pas trop de souci pour l'avenir du groupe si je souhaite un jour le reformer.
La musique de Despond répond aux caractéristiques du doom de tradition, avec une voix sépulcrale, des guitares sismiques et des rythmiques traînantes soulignées au besoin par les synthés… Est-ce là une définition du terme « funeral doom », qui est très en
Pas tout à fait, du moins pas uniquement. Le style funeral doom demeure évidemment une de mes influences préférées, mais je ne considère pas Despond comme un groupe 100% funeral. En effet, j'ai toujours gardé une influences tres british dans mes compos, empruntée à des groupes comme My Dying Bride ou Anathema. En fait, la musique de Despond n'est rien d'autre que la combinaison de trois grandes influences : le funeral doom finlandais, le doom atmosphérique anglais, et le doom death américain. Mettez Skepticism, My Dying Bride et Morgion dans un chapeau, secouez bien et vous obtiendrez Despond… Cela ne veut pour autant pas dire que ma musique n'est qu'une pâle copie de ces groupes, je pense au contraire avoir créé quelquechose de bien particulier et ne sonnant pas comme n'importe quel autre groupe existant dans la scène doom extrême.
En conservant un certain dynamisme de composition caractérisé par un travail mélodique évolutif, l’album ne cède pas à la tentation de la léthargie par la monotonie. Je connais des groupes qui produiraient au moins trois albums pleins avec la seule substa
Je compose la musique que j'aime, or je déteste les groupes qui proposent une musique plate et monotone. C'est pour cette raison que je n'écoute aucun groupe de drone doom ou de sludge ambiant car leur musique ne décolle jamais et elle m'ennuie très vite. J'aime faire en sorte que mes compositions soient vivantes et dynamiques, c'est pour cette raison qu'on trouve de nombreux breaks et changements de rythme dans la musique de Despond. Les chansons de Despond sont la plupart du temps composées riff après riff, dans une sorte d'empilage de parties indépendantes les unes des autres. Cela a pour effet de conférer à mes compos cette diversité et cette variété très caractéristique. J'aurais pu composer un album d'extrême doom ambiant, constitué de titres extrêmement longs et sans aucun relief, mais je n'en avais absolument pas envie. J'ai expérimenté ce genre de composition dans un projet parallèle à Despond dont le nom est Curse of the Martyre. Dans ce projet, j'ai tenté de composer des titres d'extrême ambient doom, longs de 10 minutes et ne comprenant que 3 riffs. Je voulais voir ce que cela donnait et si cela pouvait me plaire. Mais le résultat final ne m'a pas réellement convaincu et j'ai mis ce projet de côté car je n'ai pas éprouvé le désir d'explorer plus en profondeur ce genre de démarche musicale.
Quelle ligne instrumentale constitue la base d’une chanson type de Despond, et fais-tu évoluer la composition de façon strictement chronologique ou plutôt par segments imbriqués et retravailés après-coup selon leur complémentarité ?
Il n'y a pas une technique particulière pour l'élaboration d'une chanson de Despond. En fait, certains de mes titres ont démarré sur un simple riff de guitare, tandis que d'autres se sont articulés sur une atmosphère générée soit par un arpège, soit par des nappes de claviers. Dans la plupart de mes chansons, j'utilise cependant une matrice assez commune qui consiste à développer une structure de démarrage en rythmiques puissantes et saturées, ensuite suivies par un break central lui même souvent alimenté par des arpèges, une ligne de basse ou des nappes. J'ai par contre tendance à travailler mes riffs de manière progressive, en les enrichissant progressivement pour contribuer à une sorte de montée finale, ce qui est le cas des parties finales de chansons telles que « Grief » ou « Moonlight Suicide ». Dans ces parties, je pars d'un simple riff ou d'un arpège, sur lequel je viens alors greffer plusieurs couches instrumentales (guitares rythmiques, leads, nappes). Pour ce qui est du contenu et de l'articulation de mes chansons, je ne compose jamais un titre d'une seule traite. C'est plutot en général une imbrication de parties indépendantes que je fais fusionner ensemble au sein d'une structure unique. Mon premier album a été composé sur une période s'étalant sur plus de 2 ans, et sur le résultat final, il se peut que l'on retrouve au sein d'un même morceau des riffs qui furent composés à des moments très éloignés l'un de l'autre.
Je remarque que souvent, le mouvement final des morceaux est rehaussé d’un climax induisant l’arrivée d’une mélodie nouvelle, ou à défaut un renforcement dramatique de l’atmosphère à l’aide du synthé… Est-il important à tes yeux qu’un morceau dispose d’un
C'est tout à fait exact. Et comme je l'ai expliqué plus haut, j'apprécie de donner à mes chansons une certaine dimension théâtrale, notamment dans le final. C'est particulièrement le cas pour les deux chansons que j'ai citées, pour lesquelles j'ai particulièrement travaillé le partie finale. Pour une chanson comme « Rains », j'ai procédé d'une manière différente, en développant un riff d'abord sur les guitares rythmiques, puis en y ajoutant successivement des harmonies et guitares puis des nappes. L'épiloque reprend la même mélodie mais cette fois ci uniquement reprise par 4 guitares en harmonie et bourrées d'effets.
Je sais que beaucoup de nos lecteurs s’intéressent à la technique et aux instruments. Peux-tu répertorier le matériel que tu utilises et éventuellement dispenser quelques conseils d’ami pour parvenir à générer un son doom de bonne facture ?
A vrai dire, ce n'est pas la meilleure question à me poser, car je ne suis personnellement pas un grand technicien. En terme de matériel, j'utilise finalement un package assez classique et dépouillé : je joue sur une guitare 6 cordes accordée en do. J'ai enregistré mon album sur mon propre home studio, qui n'est rien d'autre qu'un PC. Pour l'amplification des instruments et voix, j'ai utilisé un simulateur d'ampli POD 2.0, et le tout a été produit et mixé sur le logiciel Cakewalk Pro Audio. Finalement, et compte tenu de la nature de mon matériel, je trouve le résultat final extrêmement satisfaisant, et je remercie par ailleur Marc Canlers (Anthemon, Monolithe) qui a fait un excellent travail sur le mastering de l'album. Je pense utiliser la même configuration pour l'enregistrement du prochain album de Despond, à la seule différence que nous enregistrerons cette fois avec une véritable batterie, ou des samples.
Si les titres des morceaux sont pour la plupart assez évocateurs, les paroles maintiennent abstraction et mystère. Est-ce une façon pour toi d’aborder différents thèmes avec un langage cohérent tout au long de l’album ? Les sentiments que tu insuffles dan
Je souhaitais que l'album de Despond soit évocateur dans son titre, et il en est de même pour les chansons. En fait, je procède de la manière suivante : je commence toujours par trouver un titre ou un idée directrice, et c'est seulement ensuite que je construis des paroles en cohérence avec ce titre. Certains titres et certains textes remontent à 1999, c'est à dire 4 ans avant la sortie de l'album, il s'agissait de thèmes que je voulais explorer et que j'avais mis de côté. J'ai écrit les textes définitifs assez tardivement, entre 2002 et 2003, même si certaines idées étaient déjà sur papier depuis 3 ou 4 ans. Les textes de cet album sont très différents de ce que j'avais pour habitude d'écrire lors de la première période de Despond. A l'image de la musique de cet album, les nouveaux textes sont beaucoup plus éthérés et plus abstraits. Ils ont tous en effet comme point commun le fait qu'ils sont finalement très mystérieux et difficiles d'accès, c'est aussi un moyen de me préserver et d'éviter la facilité d'un texte trop personnel ou trop explicite. Même si je ne renie aucune de mes anciennes chansons, je souhaitais pour cet album changer radicalement de technique d'écriture et de thématiques. Au final, je pense que les textes de cet album sont parfaitement en phase avec les atmosphères générées par la musique, tantôt étouffantes et sinistres (« Once in the Hole »), tantôt mystiques et aériennes (« Stellar Ways to the Everliving »). Ces textes ne sont pas réellement imputables à des expériences personnelles, mais plutôt à des songes ou des rêveries solitaires…
Si je devais désigner une ascendance à Despond, j’opterais volontiers pour My Dying Bride dans les ambiances tragiques et Morgion dans le traitement architectural du riffing. Sont-ce des comparaisons qui te flattent ? Souhaites-tu ici citer des groupes qu
Certes My Dying Bride et Morgion sont à classer parmi mes groupes de doom préférés, et par conséquent parmi mes plus fortes influences. Skepticism, Unholy et Evoken sont inconstetablement des groupes qui ont tout autant joué sur ma vision du doom, et sur mes inspirations musicales. Pour revenir sur Morgion, j'ai tenu à leur rendre hommage sur le titre « Once in the Hole », dont le riff d'ouverture accompagné du grunt est très largement inspiré de la chanson « All the Glory » sur leur album « Solinari ». Il ne s'agit pas d'un simple plagiat de ma part mais plus une sorte de clin d'œil volontaire, comme un signe de ma reconnaissance pour ce groupe qui a fortement influencé mon travail de composition pour « Supreme Funeral Oration ».
Despond a participé à quelques festivals doom à travers l’Europe cette année. En retires-tu une expérience globalement positive ? En vertu du style qui se prête peu aux élans démonstratifs et aux manifestations agitées, comment vous y prenez-vous pour cap
La reformation d'un line-up complet avait justement pour seul objectif de pouvoir de nouveau tourner et monter sur scène. Reprendre les concerts avec Despond a été une expérience très étrange, car à la fois très attendue mais tellement différente de nos précédents live que j'ai pas trop fait le lien entre le présent et le passé. C'était un groupe à 70% renouvelé qui montait sur scène, et pour y jouer un répertoire 100% inédit. En fait, je n'ai absolument pas eu l'impression que c'était le même groupe qui jouait en 2003 que celui qui avait tourné entre 1996 et 1998. Au delà de ce sentiment étrange, je garde toutefois un sentiment très positif de nos 3 concerts donnés en 2003, car ils nous ont permis de jouer avec des grands noms du doom, et notamment 2 de mes plus grosses influences personnelles : Morgion et Skepticism. Nous avons pu également nous rendre compte que le nom de Despond est resté ancré dans les mémoires, que ce soit en France ou à l'étranger, et le groupe a gagné pas mal de nouveaux fans en dehors de nos frontières, grâce à nos prestations en Belgique et Angleterre. Par ailleurs, et pour répondre à la seconde partie de ta question, je trouve très étonnant de penser que parce qu'un groupe présente une musique sombre, lente et planante, alors il lui serait plus difficile de captiver son auditoire. Au contraire, et je prendrai l'exemple de la prestation de Skepticism, j'ai rarement assisté à un concert aussi hypnotique et prenant que le leur, alors même que leur musique est dans l'extrême de la lenteur de la linéarité. En fait, tout est question de réceptivité personnelle à ce style qu'est l'extrême doom et aux ambiances que les groupes peuvent faire naître lors de leur prestations scéniques. Dans le cas de Despond, nos concerts étaient partagés entre le dynamisme naturel de nos compositions et l'atmosphère générée par les arrangements (claviers, sons clairs). J'ai entendu un certain nombre de commentaires après nos concerts qui justement allaient dans ce sens de l'équilibre entre dynamisme et immobilisme. Les compos de Despond sont légèrement accélérées sur scènes, et disposent de changements de rythmes incessants, ce qui évidemment facilite leur transmission sur scène, mais nos passages extrêmements lourds sont également très bien passés. Idéalement, le jeu de lumière est toujours un plus pour donner plus de relief à un concert. Dans le cas de nos prestations, nous avons profité de quelques effets de bonne facture, sans toutefois atteindre des sommets de technicité ou d'originalité. Ce n'est pas vraiment à ce niveau que nous avons concentré nos efforts pour captiver notre assistance.
Mine de rien, Despond approche de son 10ème anniversaire. Là où une majorité de groupes penseraient à raccrocher, j’ai l’impression que le décollage vient seulement d’avoir vraiment lieu… Jusqu’où penses-tu conduire Despond désormais ? As-tu toujours du p
Despond a connu deux périodes. Entre 1995 et 1998 nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer ensemble, et nous avons multiplié les concerts dont nous gardons d'excellents souvenirs, en jouant notamment avec des groupes de grande qualité (In the Woods… et Katatonia notamment). Puis les événements ont plongé Despond dans l'obscurité pendant de longs mois. De ce sommeil salvateur et régénérateur est né une seconde ère pour le groupe et aujourd'hui, Despond est de nouveau en selle. Je compte bien continuer dans cette voie, même si la multitude de mes projets musicaux me conduit à gérer les priorités en fonction de l'actualité de chaque groupe. Il est clair que j'envisage cependant de continuer à faire vivre Despond qui n'a jamais cessé d'exister, malgré les difficultés rencontrées jusqu'à présent. Ce n'est pas aujourd'hui que je m'arrêterai et un nouvel album sortira, je pense d'ici 2005. Un nouveau chapître à été ouvert avec « Supreme Funeral Oration » et vous pouvez être sûrs que l'aventure continuera encore un long moment.
Le premier opus de Monolithe est en train de se construire un succès d’estime non négligeable. Peux-tu rappeler à nos lecteurs ce qu’il en est du style, du concept et de la forme peu banale adoptée par cet album ?
Monolithe est un projet 100% studio qui est né de l'imagination de Sylvain Bégot, également membre de Anthemon. Il avait en tête depuis un moment de monter un projet de doom extrême et nous en avions parlé il y a quelques années… Et puis lorsque son projet a pris forme, il a contacté un certain nombre de ses amis musiciens – dont je fais partie – afin de matérialiser le concept. Musicalement, Monolithe œuvre dans un doom extrêmement lourd et pachydermique, en partie inspiré par la scène funeral doom, mais aussi par d'autres éléments plus aériens et mélodiques. Ce premier album contient une seule chanson de 52 minutes. C'est effectivement une forme peu banale, mais qui est au centre du concept de Monolithe, et le second album qui est en cours de mixage suit cette démarche en offrant également une seule et même chanson de plus de 52 minutes.
Au sein de Monolithe, tu es un simple exécutant, si j’ose dire… Est-ce que tu prends les choses avec plus de détachement et moins de pression que lorsque tu travailles sur un de tes groupes à toi ? Tu interprétes des lignes de chant que tu n’a pas écrites
Effectivement, je ne suis qu'un simple exécutant dans ce groupe et même si ça me fait bizarre de ne rien orchestrer, en fait je me suis pris au jeu et j'ai trouvé ça très rafraîchissant ! Les lignes de chants sont tout de même travaillées ensemble avec Sylvain, dans la concertation et la confrontation positive de nos idées respectives. On ne peut pas dire que je prenne ce genre de responsabilité avec plus de détachement, car il s'agit tout de même de travailler sur une musique de qualité et des prestations à 100% de nos capacités, mais la technique de travail utilisée est effectivement plus reposante pour moi, dans la mesure où je me laisse guider par Sylvain. Je ne dévoilerai pas en détail notre manière de travailler dans Monolithe, mais nous bossons d'une manière très efficace et rapide, à tel point que je viens à peine de finir les voix de « Monolithe II » et il ne nous a fallu que quelques heures pour tout mettre en boîte.
As-tu été enrôlé tout naturellement de par tes états de service avec Despond et tes relations amicales avec Sylvain, ou bien est-ce que ton profil t’a distingué d’autres « candidats » potentiels ? Est-ce que Sylvain attendait de toi quelque chose de spéci
Il y a deux raisons à mon intégration dans Monolithe. Tout d'abord parce que Sylvain et moi sommes en contact depuis maintenant 3 ou 4 ans, et que nous écoutons en partie la même musique, donc des liens se sont naturellement créés. Ensuite, Sylvain connaît bien Despond et le travail que j'y accomplis depuis des années ce qui, à ses yeux sans doute, était un gage de qualité. A vrai dire, et à ma connaissance, Sylvain n'a fait appel à personne d'autre pour occuper le poste de chanteur dans Monolithe, je pense que m'enrôler était finalement quelquechose de logique. Il attendait en effet un chant assez spécifique pour Monolithe I qui était un chant très « funeral », à savoir plus murmuré que hurlé… Et le résultat final fut conforme à nos attentes.
Si l’on compare les vocaux de Monolithe à ceux de Despond, les premiers ont un aspect plus vaporeux et incorporels, alors que les seconds pourraient être qualifiés de growls « classiques ». A quels détails techniques cette différence est-elle imputable ?
Il y a une multitude de manières de chanter du death metal… Despond et Monolithe ont effectivement deux voix distinctes, tel que je l'ai souhaité. Je ne donnerai pas un cours de chant ici, car ça serait hors de propos. Le « grunt » de Despond est plus crié que celui de Monolithe qui lui est beaucoup plus guttural et murmuré. Nous voulions pour Monolithe un chant vraiment funeral, tel que Skepticism le pratique à la perfection. Il s'agissait bien de mon influence principal quand j'ai enregistré les voix du premier album. Des voix aussi mystérieuses que le concept et la trame qui caractérisent ce projet.
Si tu te places en tant que simple auditeur de « Monolithe I », éprouves-tu de quelconques difficultés à appréhender la musique, à garder ta concentration d’un bout à l’autre de ces 52’00 ? Penses-tu que le côté monolithique du morceau constitue un obstac
Je conçois que notre idée d'avoir imposé une longue piste de 52 minutes soit pour un certain nombre d'auditeurs perçu comme une épreuve… Mais quand bien même le serait-ce, nous avons décidé d'aller au bout de notre idée, et à vrai dire, peu nous importe quelle pourra être la réaction des auditeurs. Je pense que Sylvain a vécu « Monolithe I » comme un plaisir très personnel, certes partagés avec nous autres ses acolytes d'enregistrement. Mais la démarche est avant tout personnelle, et la suite ne nous appartient déjà plus.
Aux dernières nouvelles, tu seras également sur le pont pour le second chapitre de Monolithe. Sais-tu d’ores et déjà si tu poursuivras l’aventure sur les albums suivants ? Ressens-tu désormais une forte connexion personnelle avec Monolithe et son histoire
« Monolithe II » est tout à fait d'actualité, puisqu'au moment où je rédige ces lignes, nous venons à peine de terminer l'enregistrement. Le mixage débutera en mars et l'album devrait sortir peu de temps avant l'été. L'histoire de Monolithe, dans l'esprit de Sylvain, est une longue épopée qui devrait durer plusieurs années. Suite à ce second album, nous allons faire une pause mais Monolithe reviendra sur le devant la scène en 2005 pour un 3ème album.