fuckin' freezin'
Ambiance de fêtes dans le centre d'Eindhoven ; de jeunes enfants s'ébattent sur la patinoire municipale, la fanfare locale entonne des chants de Noël, bonnets rouges et fausse barbe de rigueur, tout le monde se casse la gueule dans les rues verglacées et le thermomètre, goguenard, affiche -9° au soleil.
A quelques rues du célèbre Dynamo des grappes de silhouettes noires se détachent sur la neige, entassées devant une autre salle de concert : « De Effenaar » qui s'apprête à accueillir la première édition du EMM, nouveau festival hivernal regroupant les grosses tournées du moment et une poignée d'invités pour une belle affiche proposant pas loin de 40 groupes sur deux salles.
A l'ouverture des portes la foule titube à l'intérieur pour tenter de dégivrer avant les premiers shows. Peine perdue vu que l'organisation a mis un point d'honneur à respecter le timing, c'est donc devant un public passablement engourdi que KRISIUN se lance sur la main stage. Les Brésiliens donnent tout ce qu'ils ont afin d'essayer de nous réchauffer les oreilles mais la tâche est ardue ; ouvrir à 14h30 devant un public encore clairsemé et insuffisamment imbibé n'est pas une situation idéale, d'autant que le trio a l'air un peu perdu sur une scène aux dimensions imposantes. Curieux de laisser plus de 10m entre les deux gratteux qui peinent à occuper l'espace physique et sonore.
J'ai le sentiment qu'ils sont au top comme souvent mais personne n'est suffisamment dans le coup pour s'en rendre compte. Tout au plus ai-je pu apprécier les qualités acoustiques des lieux qui rendent justice aux compos du groupe ; les leads se détachent avec pureté sur des rythmiques implacables, ça blaste avec une précision atomique pour un spectacle où la puissance le dispute à l'agressivité, mais dont le potentiel létal se brise sur les désagréments du running-order.
Into the pit
15H57, premier pogo dans le pit sur les riffs de « Into the grave ». Il fallait bien ça pour déclencher les hostilités. Alors oui GRAVE c'est basique, simpliste, ce que vous voudrez mais ça fonctionne à mort. Je trouve génial de pouvoir groover sur des morceaux cultes qui ont pas loin de vingt ans désormais. Puis par-dessus tout j'adore leur son, parfaitement restitué en l'occurrence, tout en rondeur et en épaisseur qui alterne rythmiques de mammouth et riffs tronçonneuse sur ce mid tempo si caractéristique. Je ne suis absolument pas un adepte du headbang frénétique avec molestage de cervicales et envolées capillaires, par contre pendant un concert de GRAVE impossible de me tenir en place, chaque titre est une invitation à danser qui ne se refuse pas. Du très beau boulot.
Détail amusant, le bassiste de NILE s'invite pour une partie de chant sur « Soulless » en fin de show, la grande famille du metal opère une jonction bienvenue entre old school et sa brutale relève.
La suite du programme relève du grand écart puisque ce sont les gais-lurons de SHINING qui entrent en scène. Fidèle à sa réputation Kvarforth investit les lieux avec une flasque de Jack Daniels et une bouteille de vin dont il s'arrose copieusement entre chaque morceau ; plus qu'un maniaque de l'auto-destruction, il me fait l'impression d'un grand gaillard tout triste qui ne sait pas trop où se mettre. Même quand il écrase ses mégots de clope sur son bide adipeux ou ses bras couverts de cicatrices on ressent plus de désœuvrement qu'autre chose.
Attention toutefois à l'artiste prodigieux qui est en germe! Le type se paie le luxe, accompagné d'excellents musiciens il est vrai, de poser un spectacle d'une grande intimité devant 3000 personnes, donnant toute la mesure de son talent, de sa personnalité et de la troublante sensibilité qui se dégage de ses compositions. Que ce soient les classiques du V, ceux du VI que je ne connais pas bien ou la preview du VII qu'il confesse modestement ne pas bien maîtriser, tous les titres passent très bien l'épreuve du live et apportent une couleur particulière à l'univers du Suédois le plus triste que je connaisse.
psychotrope
Passage obligatoire vers la petite salle pour le set d'ULCERATE qui vient défendre son death atypique devant une poignée de personnes, la grande majorité du public ayant préféré EQUILIBRIUM et son show euh... différent [NDR: on dirait une pub pour du shampoing aux œufs]. Bref, maintenant on le sait, outre des moutons, des rugbymen et une ancienne gloire du cinéma gore, la Nouvelle Zélande compte également des musiciens talentueux. Je m'attendais à un set relativement oppressant et c'est tout le contraire qui se déroule ; les morceaux s'enchaînent dans une atmosphère cosmique générée par des musiciens véritablement possédés. Leur musique se veut tantôt complexe, brutale voire carrément noisy mais toujours servie par une exécution impeccable. Qualifier le son d'ULCERATE de brutal death me paraît inopportun ; au-delà du genre leur jeu est empreint d'une alternance surprenante entre tension et légèreté -un voyage incroyable! On a beaucoup parlé des qualités de leur batteur qui est effectivement impressionnant de rigueur et développe un jeu inspiré, charpente idéale pour les expérimentations chaotiques de ses comparses. « Everything is fire » pour clore le set : rhaa lovely. Tant pis pour les absents.
Petit coup d'oeil sur le merch en remontant vers la grande salle, surtout ne pas s'arrêter sur l'énorme stand Relapse et ses cartons de vinyles aguicheurs. A la cafète beaucoup de monde en train de bouffer des burgers, beaucoup de burgers, beaucoup de frites. J'ai le sentiment que pas mal de gens ont passé la journée là à discuter et boire des bières. Pourquoi pas.
Burger
Tiens, il y en a un qui a trop mangé de burgers c'est Mika Luttinen qui tire la langue et donne l'impression d'avoir gobé un ballon de basket. Dix années que je n'avais pas vu IMPALED NAZARENE en live, le temps n'épargne personne. Amis musiciens j'ai un scoop : le pedal board du guitariste d'Impaled Nazarene est constitué d'une Boss MT2 et d'un chromatic tuner. Pas plus. Pourquoi s'emmerder avec des réglages complexes et du matériel moderne? Une bonne vieille metal zone qui crachouille et c'est parti.
Honnêtement je ne suis pas resté bien longtemps, j'ai connu des grands moments de bonheur quand ont résonné quelques morceaux issus de « Suomi Finlan Perkele » et le sublime « Motorpenis » mais le groupe n'était vraiment pas au mieux. Ça peut arriver, je ne suis pas un fan impitoyable. Reconnaissons toutefois que le vieux Mika ne tenait pas la route ce soir, on dirait vraiment qu'il venait de se taper Helsinki-Eindhoven à vélo sous la neige.
La suite n'est pas vraiment à mon goût non plus puisque c'est LEGION OF THE DAMNED qui rentre en piste. Voilà le groupe néerlandais de la soirée, autant dire qu'ils débarquent en terrain conquis et parviennent en trois morceaux à mettre un sacré bordel dans la fosse. Je dois admettre que la prestation est assez efficace, toutefois le thrash m'ennuie profondément en règle générale et les Bataves ne feront pas exception à la règle.
Résultat je descends boire une bière avec un pote qui parvient à me convaincre de jeter un oeil au concert de SKYFORGER.
New age
Sûrement le groupe le plus pertinent de la soirée vu qu'ils débarquent en robes de druides et colifichets celtiques à deux jours des grandes cérémonies Pagan du solstice d'hiver. Blague à part j'ai trouvé ça plutôt sympathique et je serais bien resté pendant l'intégralité de leur set s'il ne se préparait pas quelque chose d'énorme à l'étage. C'est d'ailleurs l'inconvénient majeur de ce genre de festival, soit une longue succession de choix cornéliens résolus dans la douleur.
Ici pas trop d'hésitations vu que c'est au tour d'ENTOMBED de brûler la scène. C'est la deuxième fois que les vois cette année et une fois de plus le groupe fait exploser les polémiques relatives à sa prétendue baisse de régime. C'est entendu Andersson et Cederlund sont irremplaçables mais ENTOMBED défonce tout et basta cosi! L'absence de deuxième guitariste a nécessité l'aménagement de certains titres pour la scène mais globalement Alex Hellid fait assez de boucan pour deux. Bizarre toutefois d'entendre des leads samplés pendant que ce dernier s'occupe de la rythmique - « Left and path » par exemple.
Quant à LG Petrov inutile de vous expliquer quel fabuleux frontman il constitue, constamment en train de galoper sur scène à la manière d'un Mike Muir, toujours en train d'éructer, de molarder, de donner chair à la musique d'Entombed. Un type viscéral en somme pour un death n'roll qui ne l'est pas moins. Au final le groupe sait séduire son public et, sans surprises, fait la part belle à ses trois premiers albums sans oublier les quelques hits plus récents -Chief rebel angel! Rugueux et blindé de groove.
(Yawn...)
NILE c'est ennuyeux. Je le lis de plus en plus, je l'entends un peu partout et pourtant la popularité du groupe ne cesse de croître. Voilà un troublant paradoxe dont la clé m'échappe quelque peu. De nombreux live report ont fait état du problème et je n'ai pas grand-chose à rajouter sur le sujet. A moins de connaître les morceaux du groupe sur le bout des doigts, il est franchement pénible de distinguer quoi que ce soit dans cette bouillie sonore étalée en tartines monolithiques. Même le final tant attendu de « Black seeds of vengeance » résonne comme un vieux pétard mouillé au fond d'un sarcophage poussiéreux.
Head and shoulders
Pour accueillir dignement Satyr et sa troupe c'est l'intégralité du plateau qui dégage, remplacé en vingt minutes chrono par la machinerie impressionnante de SATYRICON. Rien que la batterie de Frost a des allures de soucoupe volante hérissée de multiples rangées de cymbales, on dirait un kit conçu pour un poulpe. Tout est dans la démesure, comme pour assurer qu'on va se prendre un show énorme dans les gencives. Ben bof quoi.
OK je commence à être vraiment fatigué à ce moment-là mais la plus grosse critique que je puisse adresser au groupe c'est de manquer cruellement de folie. Tout ça me semble tellement convenu. Quand Satyr est accroché à sa fourche géante j'espère secrètement le voir entonner « Oui, oui, oui je suis Belzébuth, je suis le diable, je suis en rut! » sur un air connu. J'ai sérieusement un problème avec ces gros shows bien rodés où le spectacle l'emporte sur l'expression. Le pire c'est que j'aime beaucoup "Nemesis divina" et "Age of Nero" mais comment dire... la réalisation live se révèle largement en dessous de mes attentes en matière d'intensité et de subversivité. J'ajouterais que je ne supporte plus de voir des musiciens dont la présence scénique se limite à headbanger furieusement, leur magnifique chevelure luisant sous les spotlights. Mince, le clavier est une putain de potiche ou quoi? Merci pour le cliché.
Je n'attends même pas la fin du set pour mettre doucement les voiles, la tronche bourdonnant de bières et de décibels, flottant sur un tapis de gobelets broyés, heureux et conquis par un fest hivernal dont je ne peux que souhaiter la pérennité.
Voilà amigos!! Une pensée amicale pour le groupe de Bretons qui a agité un drapeau Breizh toute la journée! A l'heure où j'écris ces lignes ma porte est bloquée par 30 cm de belle poudreuse, je commence doucement à me faire à l'idée de passer Noël dans un igloo de fortune au lieu de rentrer en France... Où que vous soyez : Joyeuses fêtes!!