A peine deux semaines après l'affiche norvégienne avec Vreid et Kampfar, revoici un assaut scandinave sur la capitale, à 90% norvégien cette fois. Changement de lieu également, puisque c'est le Glaz'Art qui accueille Shining et ses compagnons de tournée. La salle a fait peau neuve et il n'y a rien à redire de cette rénovation. Il y a de l'espace, un bar tranquillement placé au fond, une sono de bonne qualité, un vigile assez gros pour qu'on ne puisse pas rater son invitation cordiale à déposer nos objets encombrants au vestiaire, une salle fumeurs isolée à l'arrière mais bucolique. Au rayon des râleries, on peut noter le prix de la boisson (6,50 euros la pinte, faut avoir soif) et une chaleur qui va bien grimper au fil de la soirée. Mais l'endroit me semble une salle idéale pour accueillir les affiches de moyenne capacité, qui ne peuvent pas remplir la grande Loco et qui ne tiennent pas dans nos rades habituels.
Qui dit Shining, dit aussi un public "différent". Les amateurs de décibels qu'on a l'habitude de croiser aux concerts côtoient une foule parfois bigarrée qui fait pâlir ma collection de t-shirts noirs. Entre les jeunes à bonnet et les excités du premier concert de metal extrême, on perd parfois ses repères. Qu'à cela ne tienne. Mes deux voisins de devant n'auront pas bougé un poil avant Shining, ce qui m'aura permis de suivre sereinement le show. Et ça tombe bien, ça commence pile dans les horaires.
Sarkom ouvre le bal, tout l'attirail dehors. Je ne cache pas que, sur album, le groupe me chagrine à alterner morceaux mid-tempos sans saveur et titres blastés linéaires. Hé bien, l'entame du set ne va pas me rassurer, avec un "Inferior Bleeding" mollement extrait du dernier album. Il faut patiemment attendre le troisième morceau pour voir débouler le premier blast, tout en subissant les canards d'un guitariste lead qui manque de précision. Sarkom me donne l'impression d'avoir une imagerie en décalage avec sa musique. Visuellement, tout y est: les crucifix retournés géant en médaillons qui touchent le pénis, tellement de bracelets à clous qu'on peut y planter toute une récolte de pommes, des maquillages bien agressifs. Mais derrière cette image barbare (et plutôt bien, d'ailleurs), je trouve la musique mollassonne et linéaire. Hop, je suis raccord avec le début du paragraphe. Bon point, le son est bon et clair, ce qui augure du meilleur pour la suite. Une partie du public va montrer son enthousiasme en soutenant le groupe pendant les 30-40 minutes de set des Norvégiens. L'apogée de l'excitation intervient lors d'une apparition de Kvarforth, à moitié éméché, qui se saisira du second micro pour... rien. Ce micro-gag va accompagner l'ensemble des groupes ce soir, sans jamais laisser passer la moindre vocalise. Sarkom peut remercier le leader de Shining qui va réveiller le public pour la fin de son set.
Setlist Sarkom
- Inferior Bleeding
- I call your Name
- The Chosen One
- Parallel to a Wall of Fire
- Symbolic Revulsion
- Infected
- Bloodstains on the horns
Quand Koldbrann débarque, je suis déjà bien plus intéressé. C'est la troisième fois que je vois les Norvégiens sur scène et j'apprécie toujours autant leur black vigoureux et bien personnel. Ce groupe est même d'autant plus appréciable en live. Moins maquillé que Sarkom, Koldbrann n'en oublie pas non plus les clous, dans une attitude somme toute classique mais efficace. Le son sur le premier morceau est particulièrement brouillon, mais les fréquences se mettent rapidement en place pour laisser le public se nourrir des riffs hargneux et des nombreuses cassures rythmiques des compositions. L'entame du set est visuellement furibarde, et on pourra juste reprocher au groupe une panne de motivation scénique passé le premier titre. Il faudra en fait attendre "Intifada" pour que le pit se déchaîne totalement, pour que le groupe quitte ses manches du regard et retrouve sa hargne. Et l'ambiance ne retombera plus pendant les deux tiers restants du set. La mise en place est meilleure que pour Sarkom et la formation envoie la purée avec vigueur et rigueur. Le micro-gag va continuer à faire des siennes, en privant le bassiste de ses backings. Comme pour les autres prestations du groupe, les 50 minutes de set ont défilé bien trop vite à mes oreilles.
Setlist Koldbrann
- Alt er Befengt
- Steinet til Jorden
- Opium Fields Forever
- Intifada
- Kaosmanifest
- Inkvisitor Renegat
- Pogrom Pestilent
- Russian Vodka (cover de Korrozia Metalla)
- Djevelens Treskeverk
- Bestial Swarm
Et maintenant, ça va être au tour de Shining. Qu'attendre du groupe? Certains sont clairement venus pour la "prestation". J'entends un gars dire "que le mec de Shining a l'air d'être un vrai connard et que c'est ça qu'il trouve cool avant la musique". J'entends un beau ténébreux en costard se gausser devant ce groupe pour trends, prédisant (très justement d'ailleurs) que "Kvarforth ne va pas trop s'entailler ce soir car il a une tournée européenne à gérer". Bref, pas mal se déplacent (ou non) pour le spectacle avant tout et Shining a des détracteurs très virulents comme des fans très excités. On ne peut pas en tenir rigueur aux fans, Shining offrant une performance extrême et différente. Mais le groupe ne s'enferme-t-il pas lui-même dans ses contre-pieds, tant son public attend qu'il dépasse ses propres limites à chaque concert? Je vous avouerai que je n'en sais rien et que je n'attendais rien de ce concert. Tout ce que j'espérais, c'est que le combo rende honneur à ses excellentes compositions. Le reste, c'est du bonus pour le show.
Shining débarque sur scène et, d'entrée, ça watte grave. Le son est fort, mais tout à fait appréhendable. L'immersion est immédiate, le groupe prenant immédiatement possession d'une salle dont la taille lui convient parfaitement. Je vous avoue que je me suis laissé embarquer par les titres, que j'en ai oublié l'ordre et la provenance. On a eu droit à de l'ancien ("Submit to Selfdestruction", il me semble), du moins ancien ("Svart Industriell Olycka", c'est sûr), du récent (deux-trois titres de "V – Halmstad" comme de "IV – The Eerie Cold") et du très récent (trois inédits). L'anglais pas facile à saisir au vol de Kvarforth, les titres à rallonge en suédois et mon manque d'intérêt pour les setlits ne vous aideront pas beaucoup à en savoir plus. Pas grave, je piquerai la liste sur un forum, comme un chacal. Côté prestation, j'ai toujours du mal avec la dégaine du groupe. Surtout avec le bassiste à bandana et le guitariste rythmique en baskets avec ses lunettes de soleil. Je les verrais plus jouer avec Johnny qu'avec un groupe de metal. Mais il faut reconnaitre que le groupe assure très bien son rôle. Musicalement, c'est impeccable, laissant à Kvarforth toute la place pour son cirque vocal impressionnant. Et finalement, qu'importe que le groupe soit déguisé en lampions, c'est Kvarforth qui bouffe toute l'attention, à s'égosiller comme un malade. Niveau prestation, on tombe dans le "classique" de mon précédent paragraphe. Kvarforth va s'écraser quelques cigarettes sur le torse et rouler un palot à son bassiste après s'être abreuvé à une bouteille de faux sang. Il a une tournée à gérer, donc on peut comprendre qu'il se tienne un peu tranquille, n'en déplaise à ses fans venus avec leurs bandelettes. La seule once de folie sera déclenchée par un slammeur qui va arracher son micro au chanteur. Pas content, le Kvarforth, ce qui va nous valoir la présence du vigile grognon du Glaz'Art devant la scène. Le public reste toutefois chaud comme la braise, et la température est clairement montée de deux degrés pendant la prestation de Shining. Peu de surprises, mais un excellent set, dans lequel les nouveaux titres s'intègrent très bien à mon goût. Peut-être plus convenus ces nouveaux titres, avec un gros premier riff qui a tendance à revenir. Mais j'ai trouvé les accords convaincants, en tout cas bien plus que la tentative de voix claire de Kvarforth. Je ne sais pas combien de temps ils ont joué, combien le rappel a duré. Ce que je sais, c'est que le temps a filé comme une balle dans un set impressionnant de maîtrise.
Setlist Shining
- Vemodets Arkitektur
- Yttligare Ett Steg Närmare Total Jävla Utfrysning
- Submit To Self-Destruction
- Vilseledda Barnasjälars Hemvist
- Claws of Perdition
- Längtar Bort Från Mitt Hjärta
- Fullständigt Jävla Död Inuti
- Låt Oss ta Allt Från Varandra
- Plågoande O'Helga Plågoande
Je suis sorti de la scène ravi par cette soirée, comme je pense une majorité du public ce soir. Si la hype autour du groupe peut parfois horripiler, il faut toujours garder à l'esprit les immenses qualités musicales du combo. On vous en parle assez sur VS, puisqu'on est à fond dans la hype. Cette première soirée dans le nouveau Glaz'Art a été un carton plein. Le lendemain au taf était moins rigolo, mais j'ai continué à chantonner du Shining toute la journée. J'en reprendrai bien encore un peu, tiens.
Crédits photo par ThiballicA