KING CRIMSON – In The Court Of The Crimson King (Island/Atlantic) - 01/02/2009 @ 11h52
En 1969, la créativité musicale bat son plein. Les groupes issus de la scène rock britannique s’en donnent à cœur joie avec pour seul credo : no limits ! Et ça va durer quelques bonnes années. Les Beatles sont à leur apogée ; les Stones en vitesse de croisière ; les Doors s’apprêtent à entrer dans la légende victime d’un funeste destin.
Le Led Zeppelin bouillonnant de Page sort 2 albums coup sur coup qui vont bouleverser le monde du rock. Led Zep 1 en janvier puis le 2 en octobre. Vendus à près de 10 millions d’exemplaires à eux seuls, ils posent les jalons du hard rock naissant. Un style que viendra confirmer les 3 mais surtout 4ème album. La suite, on la connaît, Deep Purple, Black Sabbath, Uriah Heep et Blue Oyster Cult pour les plus connus s’engouffreront dans la brèche et déclineront le mode binaire en de multiples combinaisons.
A 23 ans seulement, Robert Fripp est déjà un virtuose de la guitare. Issu de l’école jazz rock qu’il affectionne, il ne ressemble en rien à l’image que l’on se fait du guitar-hero moderne. Comme l’est par exemple Jimi Hendrix. (Encore que…) Son champ d’expression favori, c’est dans l’expérimentation de sons et de plans pour le moins tordus et complexes, de solos déjantés et atoniques qui vont certes martyriser les oreilles des fans des Shadows et de son célèbre "Apache" mais aussi ravir ceux qui attendaient enfin du nouveau au royaume de la six cordes. Car depuis Zappa, de larges espaces se sont ouverts.
En 1967, il répond à une petite annonce écrite par les frères Mike et Peter Giles qui cherchent… un claviériste !
S’en suit une carrière en trio avec la sortie d’un album en 1968 chez Decca ("The Cheerful Insanity Of Giles, Giles & Fripp"). Peu de temps après, ils sont rejoints par Ian McDonald (claviers et flûte). 1969 voit le départ de Peter Giles et l’arrivée de Greg Lake (basse et chant); King Crimson est né. Peter Sinfield viendra compléter le line-up en tant que parolier.
Quand paraît "In The Court", au printemps 1969, la baffe que reçoivent le public et la presse est telle qu’ils ne s’en remettront jamais. Non seulement le titre intrigue, la pochette interpelle, choque, dérange ou fascine mais bien plus encore, la puissance, l’audace dégagée par la musique de la bande de Robert Fripp est jusqu’alors inconnue.
Après les sucreries californiennes, les ballades pop britanniques, les fumettes psychédéliques de la Barrett/Waters académie, "In The Court" résonne comme un énorme coup de gong dans les oreilles qui signifie « Eh les surfeurs, réveillez-vous, la fête est finie ! ». En fait, elle entre dans une nouvelle phase où les substances illicites auront toujours bonne place mais pour poursuivre des buts et atteindre des résultats aussi différents qu’ambitieux.
Il faut dire que lorsque retentissent les premières notes de "21st Century Schizoid Man", il y a de quoi tomber à la renverse. La guitare hyper saturée de Fripp, la basse distordue de Greg Lake, tout comme le mellotron crasse de Ian McDonald hurlent comme jamais un groupe ne l’avait fait auparavant. Pourtant il y a la même année des précurseurs ; les MC5 et leur "Kick Out The Jams" ou les Stooges avec leur album éponyme qui crachent le feu et leur rage à la face du monde. Mais là, en 7min20, le Roi Pourpre vient de célébrer les noces improbables du punk et du rock progressif.
Dégringolades de riffs assassins, solos complètement loufoques, quasi impossibles à reproduire, breaks non pas inopportuns mais carrément interdits par la déontologie, ce bloc polyphonique éventré fuyant de toutes parts sonne comme un train de marchandises de 10 000 tonnes lancé à toute blinde. Un train de produits hautement toxiques qui tente désespérément de freiner de toutes ses roues en sachant qu’il n’y parviendra pas.
Et que dire du jeu de batterie de Michael Giles ? Dantesque, inimitable, ses bras tricotent des reprises et des rythmes que seul l’hypothétique croisement du Kraken et de la Gorgone serait capable de produire. Adossés à cet outrage ultime au bon goût, les textes de Peter Sinfield exhalent une anti-joie de vivre qui va rapidement devenir contagieuse. Peu importe, la fin des temps bénis est en ligne de mire et le « no future » clamé par toute une jeunesse britannique en mal de repères s’annonce à grands renforts de slogans définitifs.
En dehors de "21st", les autres titres enchantent, captivent par leur finesse tout autant que par leur mélancolie communicative. "I Talk To The Wind" (6min05) et ses vagues de mellotron s’échouent continuellement sur le rivage glacé de nos espoirs déçus ; le poignant et bien nommé "Epitaph" (8min47) avoue « une confusion » prémonitoire ; "Moonchild" (12min11), ode langoureuse se perd dans un amalgame de sons chuchotés et l’épique et majestueux "In The Court Of The Crimson King" (9min25) conclut en beauté cette œuvre avant-gardiste et qui restera unique presque orpheline. Le coup de poing au plexus donné par "In The Court…" n’aura pas d’équivalent en terme d’effet primaire. Car un album culte et un groupe qui ne l’est pas moins viennent de mettre cul par dessus tête la décennie du rock’n’roll à Papa !
Rédigé par : Karadok | 1969 | Nb de lectures : 2940
Aaaah King Crimson sur VS. Cet album marque le début d'une discographie passionnante et impressionnante. Perso, je suis fan de ce groupe... La quintessence du rock progressif pour moi.
ITCOTCK Invité
Posté le: 11/01/2009 à 16h47 - (26414)
Un album merveilleux, qui a enchanté totalement mon esprit depuis quelques années maintenant...
Une chose est sûre, il n'y a pas d'équivalent, il est insurpassable !
Klay Invité
Posté le: 11/01/2009 à 18h51 - (26418)
Même si King Crimson a fait d'autres trucs vachement bien.... j'arrive pas à en écouter un autre que celui-ci. J'ai écouté pas mal de disques du groupe mais p'tain, c'est toujours celui là qui m'accroche le plus. Les solos, les breaks, la batterie HALLUCINANTE digne des folies de Tony Williams (je peux pas m'empêcher de comparer Giles et Williams, les deux sont aussi pétés)... Moonchild.... et les nappes de In The Court Of The Crimson King..... arrrrgh ! Ca doit être le disque qui m'a fait aimer le prog.
Drunkazfuk Invité
Posté le: 11/01/2009 à 20h27 - (26420)
Probablement un des plus grands albums de tous les temps. En tous cas un de ceux que je continue d'écouter en boucle depuis longtemps.
Intemporel.
JéWild Invité
Posté le: 12/01/2009 à 08h59 - (26424)
Le débutdu rock prog' comme disent certains !
Une grosse claque dans tous les cas et une influence majeure pour tout une série de groupes (rock prog' ou autres d'ailleurs)
Une bien belle chronique, qui aura le mérite, j'espère, de faire découvrir l'album au plus de monde possible.
Elsasschris Invité
Posté le: 12/01/2009 à 11h07 - (26429)
Merci Karadok
odiodio Invité
Posté le: 12/01/2009 à 20h12 - (26433)
haha on a l'impression que tu décris un album de speedmetal!
Comme les autres, un des plus grands albums de tous les temps...
Reflebe Membre enregistré
Posté le: 15/03/2009 à 14h36 - (26564)
Magnifique album! Néanmoins je penses que les albums suivant ont potentiellement plus de chance de plaire à des metalleux, notamment "Red". Celui-ci est dans l'ensemble très calme.
Bison Fumé Invité
Posté le: 05/05/2009 à 01h07 - (26723)
Un des rares albums où, à l'issue de la 1ère écoute, je me sois dit "Oh lalalala, je SAIS que je viens juste d'écouter un des meilleurs albums de cette foutue planète!"
ÉNORMISSIME!
canibool Invité
Posté le: 17/07/2009 à 21h39 - (26796)
je préfère RED
Ivan Grozny Membre enregistré
Posté le: 10/11/2013 à 10h20 - (30128)
"Issu de l’école jazz rock qu’il affectionne" : de quelle école jazz rock le chroniqueur parle-t-il ? On est en 1969, le jazz rock est justement en train de naître notamment avec Miles Davis.
Album parfait.
Morbid Tankard Membre enregistré
Posté le: 10/11/2013 à 10h23 - (30129)
Culte. Tout simplement.
Nightwanderer Membre enregistré
Posté le: 10/11/2013 à 11h29 - (30132)
Album essentiel magique barré mélancolique ! Merci à mon père qui m'a passé régulièrement ce disque pendant mon adolescence.
SvartNjord Membre enregistré
Posté le: 10/11/2013 à 11h36 - (30133)
Meme chose que Nightwanderer, merci papa
MOUSSOR Membre enregistré
Posté le: 10/11/2013 à 11h52 - (30134)
Cultissime!
Un des rares albums de rock prog a avoir influencé plus ou moins directement l'inconscient collectif.
Thörden Membre enregistré
Posté le: 10/11/2013 à 13h29 - (30138)
On a enterré mon père sur "Epitaph"...
Un con IP:78.122.32.216 Invité
Posté le: 10/11/2013 à 15h11 - (30143)
Chef d'oeuvre d’ailleurs on retrouve la dernière piste dans le film "les fils de l'homme" qui au passage est un chef d’œuvre aussi.
panzerfaust IP:194.12.17.184 Invité
Posté le: 15/11/2013 à 19h51 - (30160)
@un con : merci pour le tuyau j'avais pas vu ce film effectivement il est très bon.
Album majeur dans l'histoire de la musique! J'ai découvert KC et cet album grâce à la reprise de Epitaph par ...in the woods. Donc merci aussi aux enfants des bois...
Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site
Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs.
S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos
Le Led Zeppelin bouillonnant de Page sort 2 albums coup sur coup qui vont bouleverser le monde du rock. Led Zep 1 en janvier puis le 2 en octobre. Vendus à près de 10 millions d’exemplaires à eux seuls, ils posent les jalons du hard rock naissant. Un style que viendra confirmer les 3 mais surtout 4ème album. La suite, on la connaît, Deep Purple, Black Sabbath, Uriah Heep et Blue Oyster Cult pour les plus connus s’engouffreront dans la brèche et déclineront le mode binaire en de multiples combinaisons.
A 23 ans seulement, Robert Fripp est déjà un virtuose de la guitare. Issu de l’école jazz rock qu’il affectionne, il ne ressemble en rien à l’image que l’on se fait du guitar-hero moderne. Comme l’est par exemple Jimi Hendrix. (Encore que…) Son champ d’expression favori, c’est dans l’expérimentation de sons et de plans pour le moins tordus et complexes, de solos déjantés et atoniques qui vont certes martyriser les oreilles des fans des Shadows et de son célèbre "Apache" mais aussi ravir ceux qui attendaient enfin du nouveau au royaume de la six cordes. Car depuis Zappa, de larges espaces se sont ouverts.
En 1967, il répond à une petite annonce écrite par les frères Mike et Peter Giles qui cherchent… un claviériste !
S’en suit une carrière en trio avec la sortie d’un album en 1968 chez Decca ("The Cheerful Insanity Of Giles, Giles & Fripp"). Peu de temps après, ils sont rejoints par Ian McDonald (claviers et flûte). 1969 voit le départ de Peter Giles et l’arrivée de Greg Lake (basse et chant); King Crimson est né. Peter Sinfield viendra compléter le line-up en tant que parolier.
Quand paraît "In The Court", au printemps 1969, la baffe que reçoivent le public et la presse est telle qu’ils ne s’en remettront jamais. Non seulement le titre intrigue, la pochette interpelle, choque, dérange ou fascine mais bien plus encore, la puissance, l’audace dégagée par la musique de la bande de Robert Fripp est jusqu’alors inconnue.
Après les sucreries californiennes, les ballades pop britanniques, les fumettes psychédéliques de la Barrett/Waters académie, "In The Court" résonne comme un énorme coup de gong dans les oreilles qui signifie « Eh les surfeurs, réveillez-vous, la fête est finie ! ». En fait, elle entre dans une nouvelle phase où les substances illicites auront toujours bonne place mais pour poursuivre des buts et atteindre des résultats aussi différents qu’ambitieux.
Il faut dire que lorsque retentissent les premières notes de "21st Century Schizoid Man", il y a de quoi tomber à la renverse. La guitare hyper saturée de Fripp, la basse distordue de Greg Lake, tout comme le mellotron crasse de Ian McDonald hurlent comme jamais un groupe ne l’avait fait auparavant. Pourtant il y a la même année des précurseurs ; les MC5 et leur "Kick Out The Jams" ou les Stooges avec leur album éponyme qui crachent le feu et leur rage à la face du monde. Mais là, en 7min20, le Roi Pourpre vient de célébrer les noces improbables du punk et du rock progressif.
Dégringolades de riffs assassins, solos complètement loufoques, quasi impossibles à reproduire, breaks non pas inopportuns mais carrément interdits par la déontologie, ce bloc polyphonique éventré fuyant de toutes parts sonne comme un train de marchandises de 10 000 tonnes lancé à toute blinde. Un train de produits hautement toxiques qui tente désespérément de freiner de toutes ses roues en sachant qu’il n’y parviendra pas.
Et que dire du jeu de batterie de Michael Giles ? Dantesque, inimitable, ses bras tricotent des reprises et des rythmes que seul l’hypothétique croisement du Kraken et de la Gorgone serait capable de produire. Adossés à cet outrage ultime au bon goût, les textes de Peter Sinfield exhalent une anti-joie de vivre qui va rapidement devenir contagieuse. Peu importe, la fin des temps bénis est en ligne de mire et le « no future » clamé par toute une jeunesse britannique en mal de repères s’annonce à grands renforts de slogans définitifs.
En dehors de "21st", les autres titres enchantent, captivent par leur finesse tout autant que par leur mélancolie communicative. "I Talk To The Wind" (6min05) et ses vagues de mellotron s’échouent continuellement sur le rivage glacé de nos espoirs déçus ; le poignant et bien nommé "Epitaph" (8min47) avoue « une confusion » prémonitoire ; "Moonchild" (12min11), ode langoureuse se perd dans un amalgame de sons chuchotés et l’épique et majestueux "In The Court Of The Crimson King" (9min25) conclut en beauté cette œuvre avant-gardiste et qui restera unique presque orpheline. Le coup de poing au plexus donné par "In The Court…" n’aura pas d’équivalent en terme d’effet primaire. Car un album culte et un groupe qui ne l’est pas moins viennent de mettre cul par dessus tête la décennie du rock’n’roll à Papa !
Rédigé par : Karadok | 1969 | Nb de lectures : 2940