En 1991, nous fûmes nombreux à oublier les couleurs en nous laissant entraîner dans l’univers sombre du cinquième album des four horsemen. « C’est tout de même très, très noir comme pochette » disait Spinal Tap du temps de « Smell the glove ».
A l’exception du discret logo du groupe, on était en plein dans le cliché heavy metal.
Sauf qu’ici, c’était les patrons qui s’y collaient et la marchandise était à la hauteur du symbole véhiculé.
Car comme pour la plupart des albums de Metallica, la pochette était « classique » mais elle avait de la gueule. Et comme pour beaucoup d’albums du combo, la musique était en adéquation directe avec le concept. Mortel comme un coup de marteau, rapide comme l’éclair, destructeur comme une guerre, impitoyable comme une justice expéditive et désormais à cette époque, noir comme l’essence du heavy metal.

Si comme moi camarade, tu as découvert le black album à cette époque, tu as certainement et très rapidement découvert avec bonheur les autres albums de Metallica.
Tu as aussi certainement découvert avec passion tout un univers de sons et d’images qui peut-être te bercent encore aujourd’hui.

Je n’ai pas connu Black Sabbath avec Ozzy et je n’ai pas écouté « Overkill » à sa sortie.
J’ai pas non plus acheté le 33 t de « Killers » en 1978 ou « Sad wings of destiny » de Judas Priest en 1976.
J’ai découvert le heavy metal avec le black et pour moi le boss définitif, l’icône absolue du metal c’est James Hetfield. Dans mon esprit, le métal a un visage : il joue sur une explorer, chante avec rage et mélodie, écrit des paroles sensées et bien que critiquables sur plusieurs points, personnifie un courant musical direct, sans fioriture et définitivement sauvage (point de vue hautement subjectif est-il besoin de le préciser ?).

A cette époque, un métalleux avait un forcément un avis sur le black album. Tu pouvais ne pas aimer « Sad but true » mais tu ne pouvais pas ignorer son existence.
Combien d’entre nous avons appris à jouer de la guitare ou de la batterie avec le Black album ?
Et vous avez à l’époque, soudoyé (ou menacé) le DJ d’un anniv pourri pour qu’il passe entre de la dance pourrie et de la techno minable un bon « Struggle Within » ?
Avez-vous ouvert votre Harraps à l’époque pour chercher la définition de « Scapegoat » ou de « Unforgiven » ? Est-ce que vous avez découvert Motörhead, Slayer, Sepultura parce que vous aviez envie d’aller plus loin après avoir découvert cet album ?

Album de légende ? Plutôt deux fois qu’une.

Tout a été dit sur cet album. Auréolé d’adjectifs dithyrambiques ou descendu en flammes au travers de démonstrations argumentées le black aura fait couler beaucoup, beaucoup d’encre (et fissuré plus d’une baffle).

On ne peut nier que Metallica était devenu vraiment « hype » avec cet album. D’un seul coup de nombreuses personnes complètement étrangères au monde du rock ont commencé à ne jurer que par du « Wherever I may roam » et du « Though the never ».
« Exit light » scandait donc le vieux James. Exit aussi les tempos rapides, la prod’ un peu sèche, le traditionnel instrumental, les morceaux de 10 minutes et globalement une forme d’agressivité typique de Metallica.
« Enter Night » et welcome aux mid tempos, aux morceaux plus courts, à la mélodie, à une ballade, de la lourdeur, un son plus épais et un ensemble beaucoup plus accessible qu’auparavant.

Metallica quittait donc le cercle des « initiés » pour toucher le grand public.
Dur, dur pour les fans hardcore.
En effet, ce n’est pas tant de voir un groupe vendre des disques qui semblait difficile mais le fait de se le faire « déposséder » par une population fort peu heavy metal dans l’âme.
D’autant qu’en plus d’une ballade le groupe s’est un peu lâché niveau clip laissant un peu de côté la beauté sombre de « One » pour arriver à des vidéos plus sophistiquées, léchées et calibrées pour MTV.

Si on suit la chronologie, on est passé de « Dyers eve » sur « ...And Justice for all» (qui est un des titres les plus violents que Metallica ait composé) à « Enter sandman ». Bien que « Sandman » soit le « Paranoid » des années 90’s, on quittait définitivement le monde des titres rapides pour aller vers les mid tempo plus entraînants et bien sûr plus facilement assimilables par les masses. Une forme de cassure s’est donc faite avec une partie du public et aussi avec les autres big four.
Metallica s’est propulsé loin devant les trois autres en termes de vente et de popularité.

Slayer devenait donc le gardien du temple « Thrash metal » et la lutte fratricide « Megadteh – Metallica » reprenait de plus belle.

Toujours dans un souci d’expérimentation (ou par souci de « commercialisation ») les garçons oseront le « slow ».
Grâce à « Nothing else Matters » les cinq de Frisco toucheront les pin-up, les apprentis DJ en quête de ballades pour « calmer les soirées » (je cite le désormais culte « DJ la laie ») et ce genre de guitaristes insupportables qui jouaient du Metallica partout en le massacrant de la plus barbare des façons.

« Quand je voyais des couples s’enlacer en live pendant « Nothing else Matters » je me disais « Fuck ! Je croyais qu’on était à un concert de Metallica. ».
James Hetfield

Diatribe particulièrement symptomatique du barbu qui a toujours su déjouer les critiques à l’aide d’un peu d’humour et d’une certaine dose de mauvaise foi. Après tout, personne ne les a forcés à enregistrer « Nothing… » et encore moins à le jouer ad vitam æternam. Réelle envie de faire ce qu’ils veulent ou compromis à moitié assumé ?

Ce qui était rigolo à l’époque c’était que les nouveaux fans qui découvrait les vieux albums étaient soit :
- A deux doigts de l’orgasme avec les yeux embués de larmes.
- Absolument terrifiés par les redoutables « Battery » ou « Fight fire with fire ».

Si le groupe a déplu à certains fans à cette époque, il a aussi amené une foule colossale vers le monde des « T-shirts noirs ».
Il a aussi bercé et influencé un grand nombre de « figures » de la scène métal actuelle en leur donnant le goût du riff et du gros son.
Si l’album a nécessité de long mois de gestation, c’est, d’une part parce que l’ultra perfectionniste Bob Rock était aux manettes et d’autre part parce que tout le monde métallique attendait la galette avec beaucoup d’impatience.
Bien que déjà célèbres, les horsemen deviendront les coqueluches des magazines spécialisés, s’afficheront de plus en plus sur les murs des chambres des adolescents et enrichiront certainement beaucoup de marchands de teinture noire.

Paradoxalement, même si Metallica revenait en noir, ils laissaient aussi leur côté le plus sombre derrière eux. Les pages « courrier des lecteurs » des canards de métal verront alors deux types de lettres pulluler avec ceux qui affirmeront que le groupe est toujours aussi puissant et ceux qui les accuseront d’être des vendus, laissant une forme de compromission l’emporter sur leurs racines Heavy et punk rock.
Cela n’empêchera pas le groupe d’effectuer de nombreuses tournées triomphales en remplissant les plus grandes salles et les plus grands stades.

On continuait néanmoins de parler (on va pas chipoter) de Metallica avec respect. Le groupe jouait toujours les vieilles bourrineries de sa jeunesse et conservait ce background musical qui faisait que tous gardaient à l’esprit qu’on n’avait pas affaire à n’importe qui et que le groupe n’était nullement des arrivistes et encore moins des usurpateurs.
Le groupe était régulièrement opposé à l’autre géant de la scène hard rock de l’époque et même si les ventes d’albums était en faveur de Guns N’ Roses, la crédibilité et les premières places des podiums des référendums étaient pour les Horsemen.
Face à l’autre Mastodonte de l’époque (GNR) Metallica apparaissait beaucoup plus crédible avec plusieurs albums considérés comme des références, une image moins farfelue et beaucoup moins de clichés appartenant au cirque Rock n’roll. Particulièrement manifeste pendant la tournée des deux montres, Metallica apparaîtra face au Gunners infiniment plus sombre et Heavy.
Comme je l’ai entendu dire un jour « Il y a deux sortes de personnes : Ceux qui écoutent Metallica et ceux qui ont écouté Metallica. »
Le groupe a toujours dit qu’il s’attendait à avoir un jour une violente réaction de rejet envers eux. Malgré les critiques, ce n’est pas avec le black que cela arrivera mais quelques temps plus tard. Même si les critiques sont unanimes, il restera toujours le parfum de souffre des vieux albums qui rappelleront que le métal est toujours meilleur quand il sent la sueur, la bière et la testostérone (du poil bien dru quoi).

Personne n’empêchera donc Metallica de crever le plafond, taillant le gras d’un public de tout bord et de tout âge. L’album deviendra un recueil de cantiques que les Metalheads honoreront avec le majeur et l’auriculaire dressés.
Difficile de choisir un passage parmi les très bons lyrics qui ornent cet album. Mais quoi de mieux que « Wherever I May Roam » pour expliciter au mieux ce que les boys laissent dans l’esprit de beaucoup de fans : un enchevêtrement de bourrasques métalliques qui soufflent encore fort dans les bronches des graisseux de tous horizons.

« And the earth becomes my throne
I adapt to the unknown
Under wandering stars I've grown
By myself but not alone
I ask no one »


Rédigé par : pamalach 77 | 1991 | Nb de lectures : 2472