FREDRIK THORDENTAL'S SPECIAL DEFECTS - Sol Niger Within (UAE) - 04/11/2007 @ 10h28
Entre 1996 et 1997, tandis que Meshuggah s’accorde une pause amplement méritée après leur tournée de promotion de Destroy Erase Improve et les déboires avec sa maison de disque, Fredrik Thordendal, fabuleux guitariste du groupe, décide de s’attaquer à un projet en gestation depuis plusieurs années.
Cependant, le guitariste alien n’a pas souhaité donner dans la facilité en nous pondant comme la plupart de ses confrères guitaristes, lorsqu’ils doivent honorer un contrat avec leur maison de disque, un album de « branlette du manche » pompant jusqu’à la nausée Paganini et consorts, prétexte à toutes les performances techniques futiles et stériles. Non, sieur Thordendal avait un objectif bien plus prétentieux: composer un morceau imposant, divisé en vingt-neuf parties distinctes, nous narrant les péripéties à travers l’espace de divers personnages et leurs réflexions philosophiques et existentialistes (certaines parties étant illustrés dans le livret par des citations d’auteurs célèbres : Dante, Oscar Wylde, Sade pour ne citer que ceux-là), le tout s’articulant autour d’un thème musical directeur de manière similaire à ce que Meshuggah fera ensuite avec Catch 33.
A Umeå (où fut enregistré l’album), Fredrik a plein de copains, des copains musiciens évidemment, et pas des manchots. Il faut dire que la ville est un véritable vivier de part son rôle très actif dans l’histoire du jazz et sa scène musicale débordante (Ornette Coleman et Eric Dolphy ne s’y sont pas trompés en recrutant dans le secteur). Thordendal avait assurément là l’entourage idéal pour atteindre le résultat souhaité. On retrouve notamment un claviériste et un batteur, Morgan Agren et Mats Öberg, connus pour avoir joué avec Frank Zappa, et auxquels le guitariste a filé un coup de main pour leur premier album en duo ("Trends and Other Diseases").
Pourtant, malgré l’originalité du concept qui nous fait attendre de grande surprises, les premières minutes d’écoutes rendent la désagréable sensation que le guitariste n’a pas profité de son escapade solo pour s’émanciper de son groupe tant l’aspect rythmique de Sol Niger Within et l’esthétique générale restent proche de Meshuggah. On retrouve ce même univers futuriste, claustrophobe mais néanmoins plus spatial notamment grâce à la présence de nappes de claviers et une production moins abrupte. Le « chant » est par contre d’une grande variété : tantôt rythmique (comme dans Meshuggah), robotique et presque black metal dans ses intonations ; d’autres fois, des éructations vocales mixées en retrait rappelant les expérimentations de Fantomas ou de Naked City (à un degré d’excentricité inférieur tout de même) font éruptions et ajoutent au caractère aliénant du disque ; ou encore des monologues narratifs gorgés d’effets.
Si Thordendal a refusé de sombrer dans la démonstration, c’est néanmoins sa guitare qui dirige le bal et le sept cordiste n’oubli pas de nous gratifier de ses meilleures trouvailles. Ses solos, tour à tour planant, étrange, tordue, transpirent d’amour assumé pour Allan Holdsworth et son jazz rock/fusion et ne manque jamais de nous étonner par leurs maîtrises, leurs feelings et leurs originalités. Ils n’ont cependant pas pour fonction d’assurer le remplissage mais bien celle d’illustrer chacune des parties du morceau et sont révélateurs d’un véritable souci de cohérence et d’intégrité. Par ailleurs, certaines mélodies « alienniques » et inquiétantes sont annonciatrices des parties atmosphériques présentes sur Catch 33.
Mais les véritables surprises débutent lorsqu’à la 22 minutes un orgue d’église fait son apparition pour distiller ses mélodies à la fois épiques et tordues, soutenu par une batterie énergique, et progressivement accompagné de vocaux suivants ses variations. Thordendal flirte alors avec la musique contemporaine. Plus loin, un sax (d’un certain Jonas Knutsson) prend le relaie de l’orgue dans une envolée free jazz tellurique pour finalement naviguer dans des sphères plus aériennes et étranges.
Porter un jugement sur ce disque, dont la sortie n’a pas suscité une grande effervescence (Meshuggah ne disposait pas à l’époque d’une reconnaissance autre qu’un simple succès d’estime), est assez délicat tant ce mélange de metal extrême meshuggeste, de progressif déviant et de jazz fusion planant et bien singulier. S’il est possible qu’il rebute les metalleux les plus orthodoxes d’entre vous il s’avère néanmoins indispensable à tous les fanatiques de Meshuggah et de son guitariste tant il est révélateur de ses influences et de son originalité dans la sphère metal. De plus, et bien que Sol Niger Within soit annonciateur de Catch 33 de part sa construction autour d’un thème principal, il réjouira ceux qui regrettent l’absence de solos sur le dernier opus des déments. En souhaitant qu’un jour, Fredrik Thordendal donne suite à ce premier jet fort intrigant…
Rédigé par : Reflebe | 1997 | Nb de lectures : 2163
Je l'ai commandé à la Fnac d'avignon et l'ai reçu trois semaines après sans problèmes.
A la fnac d'avignon en plus c'est dire...
pamalach 77 Invité
Posté le: 22/07/2008 à 14h23 - (26188)
Pure tuerie. Le solo d'orgue est véritablement magique....Encore une torgnole à mettre sur le compte fous furieux
schrissse de nice Membre enregistré
Posté le: 20/08/2008 à 20h47 - (26215)
Bon bin moi je donne une note : euh disons environ, je dis bien environ 123 654 987 123 687 456 168 525 212 303 687 565 321 601 956 002²/20. je trouve ce truc super super super super super trop trop trop bien !!!! Ce disque à changé ma vie !!!!! aie mes fesses !!!!
Reflebe Membre enregistré
Posté le: 15/03/2009 à 14h31 - (26563)
"...de jazz fusion planant et bien singulier..."
Svp, si l'on peut corriger cette faute honteuse, je vous en serai reconnaissant.
nocturnus1977 Membre enregistré
Posté le: 04/04/2012 à 05h55 - (27312)
Sacré projet, culte!
skyou IP:87.216.147.41 Invité
Posté le: 31/01/2013 à 19h15 - (28834)
@ schrissse de nice: je trouve ta note un peu légère quand même, hihihihi!!!
THE ALBUM de metal avant gardiste, combien de fois il a pu tourner celui la, en prennant toujours un tel pied à chaque écoute!
Cet album est à mon goút tout simplement parfait en terme de recherche musicale.
Même en 2013 il met une grosse tarte à tous les groupes soit disant avant gardiste ou contemporain.
Maître Thordendal, à quand le prochain??????
Félix Rome IP:90.84.146.200 Invité
Posté le: 13/10/2013 à 02h03 - (29975)
J'aime bien la condescendance du chroniqueur pour les guitaristes néoclassiques,... Condescendance que le guitariste de meshuggah lui même n'aurait certainement pas,... Sinon l'album a un son décevant et ressemble trop à Meshuggah pour moi.
WhiteNoise Membre enregistré
Posté le: 13/10/2013 à 12h28 - (29984)
CHEF D'OEUVRE total !!!
WhiteNoise Membre enregistré
Posté le: 13/10/2013 à 12h29 - (29985)
Ah s'il pouvait nous en sortir un autre.....
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 13/10/2013 à 17h45 - (29992)
@Whitenoise, c'est en prévision depuis un certain temps. Ce que je sais là dessus, c'est que c'est Dirk Verbeuren qui a enregistré la batterie il y a déjà un petit moment
Ivan Grozny Membre enregistré
Posté le: 13/10/2013 à 23h08 - (29995)
"On retrouve notamment un claviériste et un batteur, Morgan Agren et Mats Öberg," : cette phrase a un problème de correspondance de noms.
Je ne trouve pas cet album si novateur que cela, si l'on tient compte de Destroy Erase Improve d'un côté et de toute la scène jazz-rock de l'autre. En revanche, c'est une sacrée synthèse qui aboutit à un disque complet et accrocheur, permettant une liberté d'écriture somme toute assez rare dans le metal.
Et puis combien fois j'ai regardé le medley Thordendal / Agren sur Youtube.
Hirvinn IP:212.198.174.109 Invité
Posté le: 15/10/2013 à 14h29 - (30014)
Je me souviens d'une video sur youtube annonçant la suite de l'album, avec encore une fois Morgan Aagren, mais ça doit faire 4 ans ... Vous savez si c'était un fake ou c'est toujours prévu ?
En tout cet album fait facilement partie de mon top 10 !
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Cependant, le guitariste alien n’a pas souhaité donner dans la facilité en nous pondant comme la plupart de ses confrères guitaristes, lorsqu’ils doivent honorer un contrat avec leur maison de disque, un album de « branlette du manche » pompant jusqu’à la nausée Paganini et consorts, prétexte à toutes les performances techniques futiles et stériles. Non, sieur Thordendal avait un objectif bien plus prétentieux: composer un morceau imposant, divisé en vingt-neuf parties distinctes, nous narrant les péripéties à travers l’espace de divers personnages et leurs réflexions philosophiques et existentialistes (certaines parties étant illustrés dans le livret par des citations d’auteurs célèbres : Dante, Oscar Wylde, Sade pour ne citer que ceux-là), le tout s’articulant autour d’un thème musical directeur de manière similaire à ce que Meshuggah fera ensuite avec Catch 33.
A Umeå (où fut enregistré l’album), Fredrik a plein de copains, des copains musiciens évidemment, et pas des manchots. Il faut dire que la ville est un véritable vivier de part son rôle très actif dans l’histoire du jazz et sa scène musicale débordante (Ornette Coleman et Eric Dolphy ne s’y sont pas trompés en recrutant dans le secteur). Thordendal avait assurément là l’entourage idéal pour atteindre le résultat souhaité. On retrouve notamment un claviériste et un batteur, Morgan Agren et Mats Öberg, connus pour avoir joué avec Frank Zappa, et auxquels le guitariste a filé un coup de main pour leur premier album en duo ("Trends and Other Diseases").
Pourtant, malgré l’originalité du concept qui nous fait attendre de grande surprises, les premières minutes d’écoutes rendent la désagréable sensation que le guitariste n’a pas profité de son escapade solo pour s’émanciper de son groupe tant l’aspect rythmique de Sol Niger Within et l’esthétique générale restent proche de Meshuggah. On retrouve ce même univers futuriste, claustrophobe mais néanmoins plus spatial notamment grâce à la présence de nappes de claviers et une production moins abrupte. Le « chant » est par contre d’une grande variété : tantôt rythmique (comme dans Meshuggah), robotique et presque black metal dans ses intonations ; d’autres fois, des éructations vocales mixées en retrait rappelant les expérimentations de Fantomas ou de Naked City (à un degré d’excentricité inférieur tout de même) font éruptions et ajoutent au caractère aliénant du disque ; ou encore des monologues narratifs gorgés d’effets.
Si Thordendal a refusé de sombrer dans la démonstration, c’est néanmoins sa guitare qui dirige le bal et le sept cordiste n’oubli pas de nous gratifier de ses meilleures trouvailles. Ses solos, tour à tour planant, étrange, tordue, transpirent d’amour assumé pour Allan Holdsworth et son jazz rock/fusion et ne manque jamais de nous étonner par leurs maîtrises, leurs feelings et leurs originalités. Ils n’ont cependant pas pour fonction d’assurer le remplissage mais bien celle d’illustrer chacune des parties du morceau et sont révélateurs d’un véritable souci de cohérence et d’intégrité. Par ailleurs, certaines mélodies « alienniques » et inquiétantes sont annonciatrices des parties atmosphériques présentes sur Catch 33.
Mais les véritables surprises débutent lorsqu’à la 22 minutes un orgue d’église fait son apparition pour distiller ses mélodies à la fois épiques et tordues, soutenu par une batterie énergique, et progressivement accompagné de vocaux suivants ses variations. Thordendal flirte alors avec la musique contemporaine. Plus loin, un sax (d’un certain Jonas Knutsson) prend le relaie de l’orgue dans une envolée free jazz tellurique pour finalement naviguer dans des sphères plus aériennes et étranges.
Porter un jugement sur ce disque, dont la sortie n’a pas suscité une grande effervescence (Meshuggah ne disposait pas à l’époque d’une reconnaissance autre qu’un simple succès d’estime), est assez délicat tant ce mélange de metal extrême meshuggeste, de progressif déviant et de jazz fusion planant et bien singulier. S’il est possible qu’il rebute les metalleux les plus orthodoxes d’entre vous il s’avère néanmoins indispensable à tous les fanatiques de Meshuggah et de son guitariste tant il est révélateur de ses influences et de son originalité dans la sphère metal. De plus, et bien que Sol Niger Within soit annonciateur de Catch 33 de part sa construction autour d’un thème principal, il réjouira ceux qui regrettent l’absence de solos sur le dernier opus des déments. En souhaitant qu’un jour, Fredrik Thordendal donne suite à ce premier jet fort intrigant…
Rédigé par : Reflebe | 1997 | Nb de lectures : 2163