- BEHEMOTH+SUICIDE SILENCE+DEVILISH IMPRESSION par ROGER - 2837 lectures
Le 16 Février 2008 au CCM John Lennon (Limoges) et le 17 Février 2008 à la Loco (Paris). Crédits Photos Cléante de Brécourt ( http://letristetheatre.free.fr )



Les revoilà !!!!!! Après cent cinquante dates dans le monde entier, l'année dernière, dont quatre en France, les Polonais de Behemoth reviennent en pays pas totalement conquis. Avec cette deuxième partie du « Apostasy Tour », ils comptent remettre les pendules à l'heure au Royaume-Uni, dans la péninsule ibérique et en France. Ils comptent d'ailleurs sur leur passage à la Loco pour tourner leur prochain DVD. A Paris, en introduisant le titre « Conquer all », Nergal nous balance : « Nous sommes venu pour tous vous conquérir »… Même jusqu'à envahir une paisible « bourgade » perdue dans le Centre, Limoges, fief de la porcelaine, du moins s'il en reste encore…

Limoges. Espace John Lennon, une sorte de hangar version caverne d'Ali Baba, tant l'intérieur et le son valent bien des salles à bien plus fière allure. DEVILISH IMPRESSION débute la soirée tranquillement, juste histoire de ne nous réveiller un peu avant les deux groupes qui vont suivre. Leur Black/Sympho aux touches Heavy, parsemé de quelque blasts et ambiances morbides me semble intéressant, je trouve dommage seulement qu'ils n'aient pas une réelle intégrité musicale. Rien de mauvais à mon sens, mais les quelques plans explicitement Behemoth, pour ne citer qu'eux, le chant pompé Dani Filth, l'attitude et le maquillage du chanteur qui font plus que penser à Nergal à ses débuts, et enfin l'immobilité du groupe sur scène montrent un cruel manque de personnalité. Mais c'est évident qu'on ne peut pas demander à chaque groupe d'être une bombe dès ses débuts, d'autant que l'ensemble est très agréable musicalement.



Les Ricains de SUICIDE SILENCE investissent ensuite assez rapidement les lieux. Et là, je dois dire que j'ai eu vite fait de mettre mes préjugés dans le fond de mon boxer. Je n'aime pas leur zic, leur côté death américain est pour moi à des années lumières de valoir Cannibal Corpse ou Incantation, leur grind ne vaut en rien Napalm, et j'aime pas le hardcore… là je sais je suis très chiant ! Mais v'là comme ça déchire sur scène !! Le frontman-tiens-Avrel-fait-du-métal ? est hystérique et déborde d'une énergie qu'il exprime tant dans son chant que dans son attitude scénique. Le batteur, bien qu'ayant curieusement très peu de toms, détruit littéralement sa batterie pendant 40 minutes. Les autres membres sont moins présents, mais pourtant bien là. Suicide Silence sont arrivés à compenser leur manque d'authenticité musicale par un show hyper expressif, avec une réelle volonté de tout démonter chez l'ensemble des musiciens. Ça fait plaisir à voir, d'autant qu'ils jouaient devant 300 personnes à tout casser et qu'ils se devaient d'être en forme le lendemain pour tourner leur DVD à La Loco. D'ailleurs, leur show filmé en a pâti un peu puisque leur représentation parisienne manquait un peu de pêche, notamment le chanteur qui s'était bien bousillé la gorge à Limoges.



Bon ben maintenant on rigole plus. L'adrénaline monte d'un coup quand Inferno arrive pour les balances, les mecs installent le méga hexagramme qui sert de porte-micro au chanteur, l'aura du Behemoth envahit la salle alors qu'il n'est pas encore tout-à-fait là…

L'intro "Rome 64 C.E" débute, rythmée à coups de grosse caisse et de poings lancés au ciel par Inferno accompagné du public, jusqu'à l'arrivée magistrale des autres membres. Ils débuteront par "Slaying The Prophets of Isa", suivi de la fabuleuse "Antichrisitan Phenomenon". Comme d'habitude, la claque est fantastique dès l'entrée. Le groupe joue un Brutal Death respirant l'authenticité, teinté de black et parsemé de touches orientales, dans les riffs comme dans les samples, surtout concernant les titres du dernier opus. Petit moment de détente durant l'annonce de "Demigod", quand un gros lourdaud imbibé se dresse juste devant Nergal, face au public, et donne un coup avec le dos dans le micro qui atteint le chanteur à la lèvre. Celui-ci s'empresse alors de le refouler d'un bon et puissant coup de pied, faisant rire aux éclats la foule. « Il faut fouler au pied la nature asservie » écrivait l'alchimiste John Dee… Vient ensuite "From The Pagan Vastland", un formidable hymne païen, un chant à la gloire de la Nature et de ses Entités oubliées, mais dont le Royaume est pourtant si vaste… soif d'amour et de vie hurlée également dans le titre "Conquer All", où Nergal exprime cette flamme au souffle infini qui l'anime, dans une réalité sans valeur définie qui n'est autre que son propre reflet : « Fait ce rêve lucide ou hallucine, si tu te plais en exaltation de Tout, Un, Rien. Il n'y a pas de différence. Nous sommes les Premiers et les Derniers, Io Pan ! ».
Cette flamme, c'est aussi la fibre de la volonté, cette volonté qui rendit si fort le cœur d'Aleister Crowley, dont la semence se retrouve partout sur les textes du groupe. "Prometherion" en est un bel exemple : l'essence de cette chanson a guidé Nergal pendant toute la genèse de « The Apostasy ». Sous la plume de PB Shelley, le Titan Promethée dit à Jupiter: « Démon, je te défie ! D'une âme sereine, inébranlable, tous les maux en ton pouvoir, je t'invite à me les infliger ; vil oppresseur et des dieux et de la race humaine, il est un être, un seul que tu ne subjugueras point. » Cette phrase résume toute l'œuvre, à mon sens de BEHEMOTH : c'est la mise en exergue de la force suprême de l'individualité, exprimée aussi dans le titre qui suivra un solo de batterie dantesque d'Inferno : "Slaves Shall Serve"... les esclaves serviront ! N'y voyez pas ici un retour à l'esclavage évidemment, mais une forme de pensée qui avilit la bassesse et met en avant avec force la perception de ce mal rampant pour mieux s'en soustraire, sentir avec bonheur la chaleur du soleil et ainsi trouver sa voie : « Pénétrons l'éternité »… "As Above So Below" « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », avec ses riffs lourds et pesants, fera contraste avec le rythme effréné de la première partie, et sa place médiane dans la setlist semble faire d'elle la racine du concert. Le grand principe alchimique exposé dans la Table d'Emeraude et qui renvoit aussi à l'hexagramme, prend ici tout son sens par cette place charnière.



Quelque titres plus tard viendra le rituel bien connu des fans, et qui symbolise le détachement, le « déchirement » du lien originel qui nous unit tous à une Volonté Oppressante, et abordé par Crowley dans cette formule : « La clé de la joie est la désobéissance ». C'est le fameux moment où Nergal déchire les pages d'une bible. Ce rituel sert d'intro aux deux chansons qui vont suivre, "Christians To The Lions", et "Christgrinding Avenue". L'idée de la première pourrait être : « je suis le ''mal' dominant l'idée de dieu et par-là même je m'élève » et de la seconde : « attendre une récompense divine apporte immanquablement le malheur, je préfère suivre ma voie et par ma volonté connaitre l'extase ». "Decade of Therion" de l'album « Satanica » contient du Behemoth dans toute sa variété. On y trouve des références dites « satanistes » : « On nie la normalité, piétine la moralité », de l'ordre de la magie sexuelle indienne, chère au groupe : « Un courant d'anarchie tantrique envahit nos corps », l'idée toujours d'équilibre et de continuité de l'être dans l'univers avec « Sigilum dei image de moi-même que je dessine » et enfin le refrain issu d'une formule de la Magick de Crowley : « AMO PANTOS KAKODAIMONOS », légèrement modifié : « j'aime toutes les formes d'esprits mauvais». Vient maintenant le premier rappel, "Chant for Eschaton 2000". Le frontman, le visage caché dernière un masque, prend durant l'intro un malin plaisir, accompagné des autres guerriers de l'Apocalypse, à nous cracher à la gueule du sang plus vrai que nature. Certainement un des titres de Behemoth les plus empreints d'amour. Le concert se terminera après la reprise de Turbonegro, "I got Erection", suivie de "Pure Evil And Hate".

Au final, Behemoth aura donné sensiblement le même concert à Paris qu'à Limoges, mais force est de constater qu'ils étaient plus tendres au pays de la porcelaine…il faut dire aussi que c'est sans doute plus difficile pour eux d'être galvanisé par trois cents personnes que devant mille personnes, elles-mêmes dynamisées par un concert filmé !



Comme vous avez pu le voir, Behemoth n'est pas qu'un amas de notes ou de mots sans aucun sens, et c'est leur intention qui s'exprime pleinement par cette alchimie entre les mots eux-même, entre les notes, et entre le texte et la musique. De là vient leur authenticité, leur force, et là s'exprime leur Volonté. Une Volonté qu'un Behemoth au désir d'expansion sans égal diffuse maintenant sur la planète entière. L'Amérique du Nord est d'ailleurs en passe d'être elle aussi conquise puisque le groupe y tournera en compagnie de Dimmu Borgir en avril et mai…

« Avec l'Amour et la Connaissance il chassa l'innocence ». Aleister Crowley.

« L'amour est la loi, l'amour sous la volonté ». Aleister Crowley.

Site officiel : http://www.behemoth.pl



Aleister Crowley : Mage anglais ayant vécu pendant la première moitié du vingtième siècle, ignoré par la plupart, haï et considéré comme un monstrueux sataniste par certaines communautés religieuses, mais non sataniste par les anthropologues, il est adoré par les autres. Sa formule phare, empruntée à Rabelais est : « le tout de la loi est fait ce que tu voudras », a ne pas confondre avec un séduisant « fait tout ce qu'il te plait » …

Apostasie : Attitude de rejet de vos croyances religieuses, votre parti politique ou une cause, souvent en faveur des croyances ou causes opposées. Selon la définition donnée dans le livret de "The Apostasy".

Behemoth : Créature dont il est fait mention dans la bible, souvent représentée sous la forme d'un taureau, et qui est décrite comme la bête la plus puissante et la plus dangereuse vivant sur terre. C'est le symbole de la virilité suprême. On peut y voir la forme manifestant l'expression de la Volonté du groupe…

Bible : J'ai eu la chance de récupérer la majeure partie de la bible lancée par Nergal à Paris… je crois que l'autre a été dévorée (voir photo). C'est une superbe bible toute en écriture gothique et rédigée en allemand, alors que le groupe est polonais. Il faut savoir que l'oppression germanique a largement contribué à générer une grave crise identitaire en Pologne au cours de son histoire. L'invasion nazie en 39 et la liquidation du ghetto de Varsovie en étaient peut être le point culminant.



Hexagramme : symbole magique à 6 branches dont la pointe tournée vers le haut fait référence à l'esprit, et celle tournée vers le bas, au corps. Les quatre autres branches peuvent être perçues comme représentant les 4 éléments. La notion d'entrelacement est importante, puisqu'elle signifie une réelle harmonie entre l'Etre et la Nature. Pour les adeptes de spiritualité Chinoise, ce symbole reprend les grands principes du ying et du yang.

Prometherion : Néologisme composé des termes « Prométhée » et « Therion ». Dans la mythologie grecque, Prométhée était un Titan, être proche des Hommes, qui leur a apporté connaissances et techniques pour qu'ils puissent évoluer. Mal vu par Jupiter, et après lui avoir faire une tite blagounette pour le tester, ce dernier décide de l'enchainer au pied du Caucase et de lui infliger les pires souffrances. PB SHELLEY qui a écrit « Prométhée libéré » est cité par Nergal sur la jaquette de The Apostasy. « Maitre Therion » est le titre que c'était attribué Aleister Crowley…

Sigillum Dei Ameth : « sceau de la vérité divine » Symbole magique attribué à l'occultiste John Dee et qui à mon sens représente l'Etre-Univers dans sa complexité, sa force, son équilibre. Pour ceux qui ont le dernier Dimmu Borgir, c'est le gros pentacle dessiné sur le CD.


Table d'Emeraude : Ecrit dans lequel sont énoncés les grands principes alchimiques, attribué au personnage légendaire Hermès Trismégide et dans lequel on retrouve la phrase : « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Comprendre que l'essence de chaque chose se retrouve partout dans l'univers. De là nait l'équilibre entre toutes choses, entre le corps et l'esprit …


NB : C'est pour moi une grande prétention que d'avoir eu voulu exprimer l'intention de Behemoth. Tout ce qui est écrit ici est mon unique point de vue, qu'il convient de totalement relativiser. Ma volonté est simplement d'apporter quelques clés aux fans qui le désirent pour comprendre une réalité qui échappe sans doute à la majorité, tant l'univers du groupe est suggéré. Si ce report a permis d'enrichir la vision de quelques uns, s'il a aidé à percevoir le groupe dans sa globalité, donc dans toute son émanation, alors j'aurais atteint mon but…


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