Oui. C'est vrai. A la réception de ce sixième album de LOCRIAN, illustre trio de Chicago qui prend un malin plaisir à concasser tout ce qui fait de plus extrême, du black au doom en passant par l'indus, l'electro et le post-rock, sueurs froides et autres frissons se sont emparés de mon pauvre corps. Pourquoi ? Tout simplement parce que j'ai découvert le groupe avec son prédécesseur, "Return to annihilation", dont la chronique de Seb on fire avait titillé ma curiosité. Et que sur ce coup là, la curiosité était un vilain défaut. N'étant pas préparé au maelstrom sonore des bougres de l'Illinois, j'avais subi leurs expérimentations à base de distortions et de bidouillages sans vraiment comprendre ce qui m'arrivait dans le coin des feuilles. Gnè ?
Bref, les chocottes sont en alerte au moment d'enfourner la rondelle sur ma platine, traumatisée par l'expérience que je lui avais infligée il y a déjà deux ans. Et là, boum... le truc. Ce truc indéfinissable, presque inexplicable qui s'empare de moi sur "Ark of extinction", ce truc qui fait qu'on sait que l'on tient entre les didis un beau et grand disque.
Inspiration.
Drones et larsens mènent le bal pendant trois minutes puis une batterie tribale émerge du néant, rapidement épaulée par des raclements de gorge démoniaques. Les poumons sifflent, les rythmiques enflent, LOCRIAN ouvre un sabbat organique en bonne et due forme. Un GENGHIS TRON sous amphet' qui découvre les charmes forestiers du post black métal. Une escalade de saturations qui se termine sur un solo lunaire et épique, le souffle court et la gorge serrée. "Dark shales" relâche (temporairement) la jugulaire pour embarquer dans des terres brumeuses, où une lumière blafarde perce comme elle le peut en de rares endroits. Calme en apparence, ce morceau révèle une mélancolie certaine, une tension, une nervosité post-rock presque palpable. NEUROSIS sort de ce corps. "KXL I" n'en demande pas plus pour larder les esgourdes de ses notes désincarnées, déclamations sourdes et inaudibles en arrière-plan qui donnent une dimension industrielle, presque mécanique à cet interlude menaçant.
Du coup, "The future of death" paraît presque calibré à coté de ce torrent d'émotions déshumanisées puisqu'il redonne la voix aux rythmiques et la parole à l'humain, il est d'ailleurs le morceau où les vocalises de Terrence Hannum sont les plus compréhensibles... enfin tout est relatif, tant ses interventions sont noyées en fond sonore dans le mix. C'est alors que le central "An index of air" s'extirpe des limbes, avec sa structure en trois parties distinctes qui pioche son inspiration dans un drone énigmatique avant de laisser la place au post-black déstructuré qui fait sa force pour terminer dans les eaux marécageuses d'un post-hardcore énigmatique. Une expérience intense et troublante. "KXL II", nouvel interlude hanté, assène pendant presque quatre minutes un craquement épileptique et des ambiances surnaturelles qui ne dépareillerait pas sur une galette de drill'n'bass, évoquant aussi l'APHEX TWIN torturé de "Drukqs". Une introduction idéale pour la virée ambient proposée par "The Great dying", véritable cathédrale de glace dont les notes de piano entêtantes résonnent à l'unisson, prenant le dessus sur un larsen naissant pour enfin exploser en mille morceaux sur une dernière minute tout bonnement jouissive. Son jumeau "Heavy Water" s'engage lui aussi dans les mêmes eaux troubles, une plongée dans les abysses qui ne connaît aucune limite. Claustrophobie puis délivrance, "KXL III" est perturbé par des synthés déformés à l'extrême... mais dont on perçoit dans chaque note une bienveillance surprenante.
Expiration.
Sans le moindre doute, cet "Infinite dissolution" est un kaléidoscope de sensations tout bonnement fascinant, dont la mise en images par l'artwork futuriste aux multiples formes géométriques signé David Altmedj illustre à merveille les concepts de construction et de reconstruction. Aucun doute n'est également permis sur la clarté de la production, dense et organique, ciselée avec minutie par Greg Norman dans son antre de l'Electrical Audio. Un travail d'orfèvre qui met parfaitement en relief chaque détail de cette expérience auditive troublante.
Plus accessible et homogène que son prédécesseur, moins aventureux et complexe, "Infinite dissolution" n'en reste pas moins une oeuvre délicate à assimiler. Mais qui saura prendre la peine de lui confier ses oreilles pendant 47 minutes se verra récompensé par une immersion hypnotique dans un monde décalé aux ambiances cinématographiques uniques. Un voyage sans retour...
Merci de l'avoir chroniqué et de l'avoir fait aussi bien, une des rares chroniques en français, un grand cru de 2015 , un grand album tout court :) ,leurs artworks reflètent très bien le feeling de l'écoute ,excellent groupe qui reste bizarrement toujours dans l'ombre, mystère.
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Bref, les chocottes sont en alerte au moment d'enfourner la rondelle sur ma platine, traumatisée par l'expérience que je lui avais infligée il y a déjà deux ans. Et là, boum... le truc. Ce truc indéfinissable, presque inexplicable qui s'empare de moi sur "Ark of extinction", ce truc qui fait qu'on sait que l'on tient entre les didis un beau et grand disque.
Inspiration.
Drones et larsens mènent le bal pendant trois minutes puis une batterie tribale émerge du néant, rapidement épaulée par des raclements de gorge démoniaques. Les poumons sifflent, les rythmiques enflent, LOCRIAN ouvre un sabbat organique en bonne et due forme. Un GENGHIS TRON sous amphet' qui découvre les charmes forestiers du post black métal. Une escalade de saturations qui se termine sur un solo lunaire et épique, le souffle court et la gorge serrée. "Dark shales" relâche (temporairement) la jugulaire pour embarquer dans des terres brumeuses, où une lumière blafarde perce comme elle le peut en de rares endroits. Calme en apparence, ce morceau révèle une mélancolie certaine, une tension, une nervosité post-rock presque palpable. NEUROSIS sort de ce corps. "KXL I" n'en demande pas plus pour larder les esgourdes de ses notes désincarnées, déclamations sourdes et inaudibles en arrière-plan qui donnent une dimension industrielle, presque mécanique à cet interlude menaçant.
Du coup, "The future of death" paraît presque calibré à coté de ce torrent d'émotions déshumanisées puisqu'il redonne la voix aux rythmiques et la parole à l'humain, il est d'ailleurs le morceau où les vocalises de Terrence Hannum sont les plus compréhensibles... enfin tout est relatif, tant ses interventions sont noyées en fond sonore dans le mix. C'est alors que le central "An index of air" s'extirpe des limbes, avec sa structure en trois parties distinctes qui pioche son inspiration dans un drone énigmatique avant de laisser la place au post-black déstructuré qui fait sa force pour terminer dans les eaux marécageuses d'un post-hardcore énigmatique. Une expérience intense et troublante. "KXL II", nouvel interlude hanté, assène pendant presque quatre minutes un craquement épileptique et des ambiances surnaturelles qui ne dépareillerait pas sur une galette de drill'n'bass, évoquant aussi l'APHEX TWIN torturé de "Drukqs". Une introduction idéale pour la virée ambient proposée par "The Great dying", véritable cathédrale de glace dont les notes de piano entêtantes résonnent à l'unisson, prenant le dessus sur un larsen naissant pour enfin exploser en mille morceaux sur une dernière minute tout bonnement jouissive. Son jumeau "Heavy Water" s'engage lui aussi dans les mêmes eaux troubles, une plongée dans les abysses qui ne connaît aucune limite. Claustrophobie puis délivrance, "KXL III" est perturbé par des synthés déformés à l'extrême... mais dont on perçoit dans chaque note une bienveillance surprenante.
Expiration.
Sans le moindre doute, cet "Infinite dissolution" est un kaléidoscope de sensations tout bonnement fascinant, dont la mise en images par l'artwork futuriste aux multiples formes géométriques signé David Altmedj illustre à merveille les concepts de construction et de reconstruction. Aucun doute n'est également permis sur la clarté de la production, dense et organique, ciselée avec minutie par Greg Norman dans son antre de l'Electrical Audio. Un travail d'orfèvre qui met parfaitement en relief chaque détail de cette expérience auditive troublante.
Plus accessible et homogène que son prédécesseur, moins aventureux et complexe, "Infinite dissolution" n'en reste pas moins une oeuvre délicate à assimiler. Mais qui saura prendre la peine de lui confier ses oreilles pendant 47 minutes se verra récompensé par une immersion hypnotique dans un monde décalé aux ambiances cinématographiques uniques. Un voyage sans retour...
"Cease to grow, start to dissolve"
Rédigé par : TarGhost | 16/20 | Nb de lectures : 8788