La mastering. Quand on parle de musique, c'est un terme essentiel mais aussi très mystérieux. Un peu comme le dahu, tout le monde le connait mais personne ne l'a jamais vraiment vu, personne ne sait vraiment de quoi il s'agit. Pour éclaircir le mystère, je suis allé discuter avec Nicolas Declève, une sommité du mastering qui a accepté, bien gentiment, de lever le voile pour parler de mastering, de son, de musique et un peu de lui aussi.
Salut, tu peux te présenter à nos lecteurs?
Hello, je m'appelle Nicolas Declève, j'ai suivi un cursus traditionnel en tant qu'ingénieur du son avec une spécialisation en production musicale, métier que je pratique maintenant depuis une quinzaine d'années. Je travaille en studio ainsi qu'en live sur divers projets, j'ai bossé entre autre avec des groupes comme Aborted, Leng Tche, Emeth, Death Before Disco, etc.... en tant qu'ingé son façade. J'ai également sonorisé une tonne de groupes hxc comme Sworn Enemy, Cro-Kags, Born From Pain,etc... En studio j'ai collaboré sur des albums comme ceux de Skarhead, Nasty, Boxcutter, Slamcoke, Overlord, Reign of Fury, pour n'en citer que quelques uns (en effet la liste est longue et il m 'arrive même d'oublier les albums sur lesquels j 'ai travaillé ahahaha). Actuellement j'exerce 3 fonctions, celle de technicien son et lumière dans un théâtre, ingé mastering dans ma propre structure et free lance en live.
Concrètement le mastering qu’est ce que c’est ? A quel moment de l’enregistrement cela intervient ?
Le mastering consiste à rendre homogène un album selon des normes standardisées telle que le niveau sonore, la bande passante, etc... le but d'un bon mastering consiste à rendre votre production compatible avec n'importe quel système audio (hifi, auto radio, tv, etc...), une fois le mixage terminé, les morceaux sont envoyés sous un format stéréo au studio de mastering, différents traitements sont appliqués tel que traitements fréquentiels (égalisation), dynamiques (compression multibandes)... au final le mastering "boostera" votre production et lui donnera une "couleur", une identité sonore. Une fois les traitements appliqués, il reste un peu d'édition et l'indexation des tracks. Par la suite le master sera envoyé à l'usine de pressage. Attention, pour obtenir un résultat impeccable, toutes les étapes (enregistrement et mix) doivent être scrupuleusement respectées avec rigueur. Avec un mauvais rec ou mix, on ne fait pas de miracles, on peut améliorer, voir corriger mais la technologie à ses limites.
Tu possède ton propre studio ? Tu travaille sur quel logiciel, avec quel matériel ?
Oui effectivement je possede mon propre studio mais je peux me déplacer dans d 'autres studios en fonctions des demandes. Concernant mon matériel je bosse moitié analogique moitié numérique, je suis grand fan de machines à tubes, bref j'aime les appareils audios qui ont du caractère et une identité sonore, je suis également grand fan des EQ API, c'est ultra précis et efficace, beaucoup de systèmes se valent actuellement, j'aime avoir l'occasion d'essayer d'autres périphériques que je ne connais pas, du moment que ça sonne... un bon système de haut parleur est important, il est intéressant d'en avoir plusieurs et d'en connaître les subtilités mais le facteur primordial reste au final ses oreilles. Je travaille principalement sur samplitude et wavelab qui sont à mon goût sont de très bon logiciels de mastering, peu onéreux mais vraiment efficaces.
Comment est tu arrivé dans le mastering ?
Durant mes études je devais effectuer un stage de 3 mois, j'ai eu l'occasion de bosser comme stagiaire chez Equus Recording à Bruxelles, cette société était spécialisée en restauration sonore et mastering. Nous avions un tas de lecteurs et de platines permettant la lecture de tous les supports (existants et révolus) possibles et inimaginables, le travaille consistait à numériser des sources audios provenant de supports de tout types et ensuite de les restaurer à l'aide du système CEDAR, le résultat obtenu était vraiment impressionnant et bluffant. Une fois les sources digitalisées nous passions au mastering. Voilà comment j'ai fait mes 1ères armes dans l'univers du mastering.
Comment peut-on devenir professionnel du mastering, Y’a-t-il des études, une formation ou ça s’apprend sur le tas?
Il n'y a pas de recette miracle pour travailler dans le mastering, je suis tombé un peu par hasard dedans, mon stage a été décisif quant à mon orientation professionnelle. Concernant l'apprentissage, les études sont un plus effectivement, il n'y a pas que les études en son qui y mène; l'électronique, l'acoustique et l'informatique semblent également être de bons moyens de plonger dans le monde de l'audio. L'apprentissage sur le tas est toujours envisageable mais demande beaucoup d'investissement, de la patience et surtout de la passion. Une bonne culture musicale étendue est un grand plus également. Ceci dit, les technologies évoluent de plus en plus vite, le numérique peut par moments être difficile d'accès sans formation.
On parle souvent de re-masterisation d’anciens albums, concrètement en quoi ça consiste ? Qu’est ce que ça apporte au disque ?
La remasterisation consiste à réactualiser, à rafraîchir des bandes audios qui à l'époque étaient soumises à des normes technologiques différentes. Un remaster sur des bandes d'origines vaut vraiment la peine, cela peut être flagrant comme très subtil. Ecoutez mon travail sur la réédition du Nations on Fire sur Goodlife Recording et vous comprendrez réellement l'intérêt d'un remaster. J'ai dernièrement beaucoup apprécié les remasters de la discographie de Carcass, le résultat est discret mais tellement fin, chapeau bas pour ce travail.
N’est-ce pas trop difficile de ne pas « trahir » le son d’origine ?
Le but n'est pas de "trahir" le son d'origine mais bien de le réactualiser, dans mon cas lorsqu'il s agit d'un remaster, j'essaye de m'imprégner de l'époque du disque, je tiens absolument à respecter cette identité sonore. Il y a de véritables œuvres auxquelles il ne faut pas toucher. Imagine la Joconde restaurée avec des couleurs vives... SACRILEGE...
Quel est le premier album sur lequel tu as travaillé ?
Mon premier album était un groupe de jazz bruxellois: jazz me cool, c'était une jam session en live. Il y a 15 ans déjà.
Quel est le premier album sur lequel tu as travaillé ?
Mon premier album était un groupe de jazz bruxellois: jazz me cool, c'était une jam session en live. Il y a 15 ans déjà.
Quels sont tes prochains travaux, des disques prévus pour cette année ?
Le nouveau Vietnom vient d'être terminé, il sortira prochainement sur Goodlife, une bombe en direct de New-York par le DMS!!!! Je travaille actuellement sur le nouveau Six Ft Ditch, leur album le plus brutal à ce jour, et bientôt sur une réédition de la discographie complète de Bulldoze pour Reality Records, le nouveau Vicious aussi, un jeune groupe très prometteur du h8000 Crew. D'autres projets sont en cours mais cela relève du secret d'état ahahaha.
Tu a déjà envisagé de passer à la production ou tu préfère te spécialiser fond dans le mastering ?
Je fais un peu de production mais je t'avoue que le mastering c'est vraiment mon dada, je pense qu'il vaut mieux être perfectionniste dans un domaine plutôt que de toucher à tout sans maîtriser le sujet. J'aimerais dans le futur assister les groupes en studio afin de diriger des sessions d'enregistrements, tellement de jeunes groupes sont inexpérimentés et méritent que l'on les coache afin d'obtenir une production pro sans pour autant exploser leur budget.
En termes de musique tu écoutes quoi, tes groupes ou albums de références ?
J'écoute de tout, à partir du moment où la démarche est sincère et innovante. Je reste un très grand fan de musiques extrêmes comme le black metal, le death metal, le hardcore le grindcore, etc... mais je peux passer de Johnny Cash à un concerto baroque sans aucun problème, l'ouverture d'esprit fait la différence dans mon travail et me permet de m'adapter aux différents styles.
Et en termes de production, quel est pour toi le modèle absolu , la référence sonore?
Il n y a pas de productions absolues, chaque style a sa propre manière de sonner, il est impossible de comparer les productions d'un Metallica avec celle d'un Neurosis. Albini et Bob Rock n'ont rien en commun mais ils sont l'un comme l'autre talentueux. Ma référence reste le Black Album de Metallica, c'est la perfection même, aucune erreur, un album 100% analogique, un son massif ultra défini avec énormément de dynamiques, rien à redire, Bob Rock était un génie. J'ai beaucoup aimé également le "Thorn of the Living" de Deviate et le 1er full album de "Vision of Disorder", c'était Jaimie Locke qui avait produit leurs albums, ils n'ont pas vieilli et quelle personnalité. Il avait également produit le "Forever War" de Kickback, Locke était un producteur redoutable qui ne faisait jamais le même son, chaque album auquel il touchait sonnait comme jamais: un grand monsieur du son. Les productions de Francis Caste sont également très intéressantes, j'adore le son qu'il a fait sur le "No Surrender" de Kickback et le dernier album de Hangman's Chair. Cela sonne très acoustique et donc très réaliste, Caste est un mec sous estimé selon moi.
Merci d’avoir tiré le voile sur le métier. Quelque chose à ajouter, n’importe quoi, ce que tu veux ?
Tout d'abord je tiens à te remercier pour l'intérêt que tu portes à mon secteur d'activité, j'ai pris énormément de plaisir à répondre à cette interview. Cela n'a pas toujours été facile, car j'ai tellement d'anecdotes et de points de vues à partager que l'on pourrait en parler des heures. Notre secteur d'activité est trop souvent dans l'ombre, j'espère que cette interview vous aura quelque peu éclairé davantage. Je souhaite également remercier Ed Goodlife tant sur le plan humain que professionnel; il est un modèle de réussite, de rigueur et d'ouverture d'esprit pour moi. Je rend hommage à toute la scène hardcore sans qui ma vie n'aurait jamais été la même, tellement de rencontres exceptionnelles, de partage et d'amitiés. Pour conclure, je sais, on ne le répétera jamais assez: acheter les disques, luttons contre ce fléau qu'est le téléchargement, le piratage touche bon nombre de métiers liés à l'industrie du disque tel que les musiciens, les ingés son, les labels, les infographistes, et vous mêmes les journalistes. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment l'on peut apprécier un fichier virtuel, la pochette, les paroles, les infos sur la production, c'est tout un concept. Un dernier mot sur l'album de Eibon, un groupe parisien dont le chanteur est un vieil ami, il joue également dans Drowning, de nouveaux morceaux devraient voir le jour et croyez-moi ça latte (un peu de promo ça fait pas de mal, hein mon vieux Georges ahahaha). Encore merci à toi Seb pour ta bonne humeur, ta sympathie et surtout ta passion.
Auteur
Commentaire
GabinEastwood Membre enregistré
Posté le: 06/11/2013 à 10h59 - (924)
Super interview Seb, excellent boulot et contenu hyper intéressant !
Strat Membre enregistré
Posté le: 06/11/2013 à 11h08 - (925)
Merci pour cette interview.
C'est en effet un métier de l'ombre mais qui est fort intéressant !
Cependant de nos jours la qualité est mis en arrière par rapport à la quantité.
Qui écoute encore un CD sur une chaine hifi avec de vrais enceintes hifi ?
Peu de personnes..
Du coup oui le mastering est intéressant mais bien souvent la mode est de le tirer vers le haut, de faire en sorte que ça sonne "moderne", que ça sonne sur un iPhone et là la dynamique en prends un gros coup (comme sur le dernier Fleshgod Apocalypse).
Enfin, je trouve parfois dommage que des remastering voient le jour, car bien dèsfois ce dernier est plus mauvais que l'original et retire cette ambiance si chère à cet album.
Sauf pour certains, ou là le remastering à été précédé d'un nouvel enregistrement, comme c'est le cas de mémoire pour "Anomaly 2000" de SUP.
Youpimatin Membre enregistré
Posté le: 06/11/2013 à 14h15 - (926)
Excellent article, merci Seb
xmaxx TOOTH IP:86.71.100.80 Invité
Posté le: 06/11/2013 à 15h08 - (927)
@ Straat : moi!
Strat Membre enregistré
Posté le: 06/11/2013 à 15h42 - (928)
Je fais aussi partis de ces personnes qui ont une installation Hi-Fi mais il ne faut pas se voiler, nous sommes une minorité !
Ca coute chère (ampli, câbles, enceintes) sans compter la platine, le CD, etc, alors que un achat sur iTune ou une écoute sur YT est si pratique !
Moshimosher Membre enregistré
Posté le: 06/11/2013 à 18h38 - (929)
Très intéressante comme interview :) J'espère qu'il y en aura d'autres (BEAUCOUP D'AUTRES !!!) sur d'autres métiers liés à la musique. (Bon, le seul truc qui est dommage, c'est que les appareils qu'on nous vend dans le commerce, à nous autres auditeurs-consommateurs, ne soient pas de meilleure qualité... Enfin, je ne parle pas des trucs hyperchers qui m'empêcheraient d'acheter le moindre petit album, ou même mini-album avant 2024... Mais, bon, là, je crois que je suis hors-sujet :))
Greg IP:94.224.133.194 Invité
Posté le: 06/11/2013 à 20h16 - (930)
I highly recommend Nico! He's one of a kind and knows his music more than you can ever imagine. He's also an amazing live sound guy in case you didn't know! Greg
Velvet Kevorkian Membre enregistré
Posté le: 06/11/2013 à 21h26 - (931)
Interview très intéressante, et je partage son point de vu concernant le Black Album et Francis Caste.
djabtrash Membre enregistré
Posté le: 07/11/2013 à 00h55 - (932)
Très bonne interview Seb !
D'accord sur Caste, par contre pour Locke, autant le "forever war" sonne toujours du tonnerre, autant le "thorn of the living" a un peu vieilli.
Il avait aussi produit des Obituary et Madball chez Roadrunner.
Perso je trouve justement qu'on reconnaît la patte de Locke à chaque fois.
Content d'entendre que le nouveau Vietnom va débarquer sinon !
Solo Necrozis IP:77.195.15.211 Invité
Posté le: 07/11/2013 à 01h33 - (933)
Un peu hors sujet mais tout ça me fait penser à Marcus Miller qui disait en interview il y a peu qu'il n'enregistrait plus ses albums en recherchant le son parfait en studio mais en pensant comment il allait sonner en mp3, sur des enceintes d'ordinateur, dans un casque en milieu urbain etc. Autre temps autre moeurs...
Foulbz IP:193.104.162.7 Invité
Posté le: 07/11/2013 à 11h09 - (934)
@Straat : moi si
Firerock IP:46.193.171.146 Invité
Posté le: 07/11/2013 à 15h25 - (935)
Une bonne interview! merci a Seb , c'est vrai qu'on oublie souvent les personnages de l'ombre sans lesquelles , on auras pas de musique tout simplement!
François l'chef IP:178.118.244.186 Invité
Posté le: 08/11/2013 à 20h28 - (937)
Y conno sin boulo Nico.
Chic type que je recommande pour ses multiples qualités.
François
nicolasdecleve Membre enregistré
Posté le: 08/11/2013 à 21h43 - (938)
Pour tous ceux qui souhaiteraient obtenir des informations supplémentaires, je reste à votre entière disposition