Voici donc la nouvelle perle suédoise annoncée comme la 8e merveille du monde en matière de métal progressif. Auteur en 2012 d’un premier album très largement encensé (Cognitive), ce quartet scandinave fait œuvre - dit-on - de rafraîchissement de la scène en question. Ce nouveau « super groupe » mené par un ex-Opeth en la personne du batteur Martin Lopez était constitué du bassiste Steve DiGiorgio (Sadus, Testament, Iced Earth), du vocaliste Joel Ekelöf et du guitariste Kim Platbarzdis. Je dis « était » parce que Di Giorgio le californien a mis les voiles au profit d’un bassiste local en la personne de Stefan Stenberg.
Certains regrettent déjà ce départ arguant du fait que Di Giorgio n’était pas pour rien dans le succès de Cognitive avec un jeu de basse paraît-il spectaculaire. Cette dernière ne devant plus être aussi mixée en avant sur Tellurian, ce remplacement n’aurait finalement que peu de conséquences. (A en juger les quelques vrombissements de la dite basse perçus ici ou là, je m’empresse de mettre un bémol à ceci).
Le style est à rapprocher de Tool. Cette comparaison peut évidemment sembler rassurante voire élogieuse à qui se complait dans la musique des Américains. Ce mimétisme de genre va même jusqu’à l’artwork de Cognitive qui lorgnait sans états d’âmes sur celui de son ainé. Personnellement, au risque d’en choquer certains, je n’ai jamais vraiment accroché à cette référence et icone du métal cérébral, ambiant et répétitif. J’ai pourtant essayé à de multiples reprises mais sans succès. Je m’ennuie très vite en écoutant du Tool. (Aïe ! Pas sur la tête !).*
Aussi, ce rapprochement avec le groupe de Maynard James Keenan ne m’a pas fait bondir de joie et je ne me suis pas précipité pour écouter Tellurian. Mal m’en a pris car cette proximité n’est plus aussi évidente sur ce second opus. Et c’est tant mieux ! Il n’y a rien de plus pesant qu’une encombrante et mortelle comparaison de surcroit avec une formation « culte » comme l’est Tool.
Débarrassé de ce « problème », j’entame donc ma kronike avec un esprit ouvert et bienveillant à l’égard de nos petits prodiges scandinaves espérant découvrir quelque chose de réellement neuf. Et c’est en partie le cas !
Attention et je mets les réserves qui s’imposent, Soen ne révolutionne pas la planète met prog. S’il en propose une approche personnelle et moderne, il n’en utilise pas moins des recettes et des ficelles connues et éprouvées.
D’un point de vue général, j’ai aimé Tellurian à la première écoute. Puis bizarrement, de moins en moins au fur et à mesure que je remettais l’ouvrage sur le métier. La volonté de s’éloigner de l’influence de Tool me semblait certes louable à condition que la nouvelle direction soit attirante. Or, moins mordant que Cognitive, Tellurian me donnait le sentiment de flirter largement avec un métal atmo plus convenu ou consensuel que véritablement novateur. J’en étais donc là de mes réflexions.
Mais en kronikeur consciencieux, je me suis obstiné et j’ai bien fait. Car d’autres écoutes sérieuses et approfondies ont balayé la plupart de mes doutes. Parfois, il suffit d’un rien pour déclencher le mécanisme…
Komenco ouvre le bal avec 37 petites secondes de tambours tribaux avant de laisser la place à Tabula Rasa (5’25). Une basse lourde accompagnée de riffs non moins légers sert de base rythmique. Et là, bien plus qu’à Tool, c’est à Opeth que je pense. Mais le « vrai » Opeth, le « grand » Opeth, pas celui d’Heritage ou de Pale Communion. Je fais référence au superbe Damnation. A peu près tout dans la construction du morceau et son exécution renvoi à cette période et à ce disque.
Là ne s’arrête pas l’influence du groupe d’Ackerfeld.. Kuraman (5’26) qui suit puis The Words enfoncent le clou et montrent un Soan presque révérencieux à l’égard de l’ainé. Le chant s’y révèle superbement émotif, les breaks ne versent pas dans l’intempestif ou le téléphoné mais sont un modèle du genre. Satisfecit particulier pour The Words, complainte de 6’18 où la voix d’Ekelof enveloppée de nappes de mellotron se montre d’une bouleversante sensibilité.
Pluton (7’27) n’aurait pas non plus dépareillé dans l’univers d’Opeth. Constitué d’une alternance de riffs telluriens (ouarf !) et acoustiques, il rappelle la morphologie de Windowpane, mon titre préféré tous albums confondus ! Son final est tout bonnement grandiose !
Koniskas (5’) amorce une trilogie de titres qui s’enchainent. Si la tonalité générale demeure dans le registre « Opethien », la mélopée principale renvoie au meilleur de Riverside.
Ennui porte très mal son patronyme en restant au diapason du titre précédent.
Void (8’31) lui, montre que Martin Lopez n’est pas qu’un batteur musclé. Il sait jouer de la baguette en livrant des parties où se mêlent intelligemment exercice pyrotechnique de haute volée, puissance et finesse.
Les autres participants s’affichent en phase mais sans débordements ni éclats particuliers. De toute façon, la prouesse Technique avec un grand T n’est ni l’objectif ni le trait caractéristique de Soen. Et il faut s’en réjouir tout comme il convient de s’attarder sur le chant de Joel Ekelöf dont la performance vocale surprenante d’homochromie avec le grand Mikael est tout simplement époustouflante.
Enfin pour parachever cet hommage, il y a la masterpiece de Tellurian : The Other’s Fall (8’45). Prélude et conclusion se composent d’une série d’accords « pincés » poignants. Entre les deux se trouve concentré l’essentiel du discours et du savoir faire du petit génie suédois mais déployé sur une plus large palette de sons, de flux et reflux acoustiques et de palpitations plombées.
Pas évident au premier contact, Tellurian s’apprivoise au fil du temps. Et si de prime abord il laisse une impression pour le moins mitigée - jouissif par moments et plus commun à d’autres - il offre néanmoins l’avantage d’ouvrir les débats. Pour avoir été successivement séduit puis déçu avant de succomber à nouveau à son charme énigmatique, je reconnais qu’il ne peut faire tout de suite l’unanimité. J’éviterais donc d’être catégorique le concernant tout en me laissant la possibilité d’y replonger ultérieurement. Je ne désespère pas de parvenir à en extraire enfin sa substantifique moelle. C’est le temps nécessaire pour transformer un très bon disque en chef-d’œuvre intemporel.
*En pénitence de ce crime de lèse- majesté, j’ai entamé la réécoute de toute la discographie de Tool. J’ai commencé par Lateralus et ma foi, il se peut que mon opinion évolue. Finalement…
Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 10543
J'adore cet album, il se révèle vraiment addictif au fil des écoutes. Un de mes coups de coeur 2014!
bangala IP:86.70.92.252 Invité
Posté le: 13/03/2015 à 12h06 - (116064)
l'artork on dirait du jeff jordan, j'aime, je vais tenter une écoute ou deux du coup
ralph IP:84.99.129.105 Invité
Posté le: 13/03/2015 à 14h15 - (116066)
Reprocher à Tool d'être répétitif et encenser ce Tellurian, c'est quand même fort de café O_o
Pas un mauvais album, mais comme tu le dis des moments très convenus, notamment les passages calmes "atmosphériques" où l'on se fait bien chier... Le groupe se "repose" trop sur leur chanteur, plutôt bon mais dont le chant a un côté "j'ai pris des cours au conservatoire et je tiens à le montrer".
Les accélérations Opethiennes sont sympas mais au final les morceaux sont plombés par les passages émotiono-atmosphériques dont je parlais avant.
Soen est en tournée avec Lizzard en ce moment, hé bien je vous recommande plutôt d'écouter ce "petit" groupe français qui donne à peu près dans le même registre mais en ayant mieux digérer Tool et avec des morceaux mieux composés.
Commencez par Out of Reach, Majestic étant moins accessible je trouve.
Boumish Membre enregistré
Posté le: 29/04/2015 à 18h31 - (116609)
Pour le coup ce titre ressemble plus a du Bokor qu'a du Tool.
arkant1 IP:115.87.207.150 Invité
Posté le: 11/05/2015 à 08h42 - (116669)
Je decouvre cet album sur le tard... et quel pied ! C'est une perle pour tous les fans d'Opeth / Tool (les personnes de bon gout ;)).
Il ne décolle pas de ma platine depuis 3 semaines maintenant..
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Certains regrettent déjà ce départ arguant du fait que Di Giorgio n’était pas pour rien dans le succès de Cognitive avec un jeu de basse paraît-il spectaculaire. Cette dernière ne devant plus être aussi mixée en avant sur Tellurian, ce remplacement n’aurait finalement que peu de conséquences. (A en juger les quelques vrombissements de la dite basse perçus ici ou là, je m’empresse de mettre un bémol à ceci).
Le style est à rapprocher de Tool. Cette comparaison peut évidemment sembler rassurante voire élogieuse à qui se complait dans la musique des Américains. Ce mimétisme de genre va même jusqu’à l’artwork de Cognitive qui lorgnait sans états d’âmes sur celui de son ainé. Personnellement, au risque d’en choquer certains, je n’ai jamais vraiment accroché à cette référence et icone du métal cérébral, ambiant et répétitif. J’ai pourtant essayé à de multiples reprises mais sans succès. Je m’ennuie très vite en écoutant du Tool. (Aïe ! Pas sur la tête !).*
Aussi, ce rapprochement avec le groupe de Maynard James Keenan ne m’a pas fait bondir de joie et je ne me suis pas précipité pour écouter Tellurian. Mal m’en a pris car cette proximité n’est plus aussi évidente sur ce second opus. Et c’est tant mieux ! Il n’y a rien de plus pesant qu’une encombrante et mortelle comparaison de surcroit avec une formation « culte » comme l’est Tool.
Débarrassé de ce « problème », j’entame donc ma kronike avec un esprit ouvert et bienveillant à l’égard de nos petits prodiges scandinaves espérant découvrir quelque chose de réellement neuf. Et c’est en partie le cas !
Attention et je mets les réserves qui s’imposent, Soen ne révolutionne pas la planète met prog. S’il en propose une approche personnelle et moderne, il n’en utilise pas moins des recettes et des ficelles connues et éprouvées.
D’un point de vue général, j’ai aimé Tellurian à la première écoute. Puis bizarrement, de moins en moins au fur et à mesure que je remettais l’ouvrage sur le métier. La volonté de s’éloigner de l’influence de Tool me semblait certes louable à condition que la nouvelle direction soit attirante. Or, moins mordant que Cognitive, Tellurian me donnait le sentiment de flirter largement avec un métal atmo plus convenu ou consensuel que véritablement novateur. J’en étais donc là de mes réflexions.
Mais en kronikeur consciencieux, je me suis obstiné et j’ai bien fait. Car d’autres écoutes sérieuses et approfondies ont balayé la plupart de mes doutes. Parfois, il suffit d’un rien pour déclencher le mécanisme…
Komenco ouvre le bal avec 37 petites secondes de tambours tribaux avant de laisser la place à Tabula Rasa (5’25). Une basse lourde accompagnée de riffs non moins légers sert de base rythmique. Et là, bien plus qu’à Tool, c’est à Opeth que je pense. Mais le « vrai » Opeth, le « grand » Opeth, pas celui d’Heritage ou de Pale Communion. Je fais référence au superbe Damnation. A peu près tout dans la construction du morceau et son exécution renvoi à cette période et à ce disque.
Là ne s’arrête pas l’influence du groupe d’Ackerfeld.. Kuraman (5’26) qui suit puis The Words enfoncent le clou et montrent un Soan presque révérencieux à l’égard de l’ainé. Le chant s’y révèle superbement émotif, les breaks ne versent pas dans l’intempestif ou le téléphoné mais sont un modèle du genre. Satisfecit particulier pour The Words, complainte de 6’18 où la voix d’Ekelof enveloppée de nappes de mellotron se montre d’une bouleversante sensibilité.
Pluton (7’27) n’aurait pas non plus dépareillé dans l’univers d’Opeth. Constitué d’une alternance de riffs telluriens (ouarf !) et acoustiques, il rappelle la morphologie de Windowpane, mon titre préféré tous albums confondus ! Son final est tout bonnement grandiose !
Koniskas (5’) amorce une trilogie de titres qui s’enchainent. Si la tonalité générale demeure dans le registre « Opethien », la mélopée principale renvoie au meilleur de Riverside.
Ennui porte très mal son patronyme en restant au diapason du titre précédent.
Void (8’31) lui, montre que Martin Lopez n’est pas qu’un batteur musclé. Il sait jouer de la baguette en livrant des parties où se mêlent intelligemment exercice pyrotechnique de haute volée, puissance et finesse.
Les autres participants s’affichent en phase mais sans débordements ni éclats particuliers. De toute façon, la prouesse Technique avec un grand T n’est ni l’objectif ni le trait caractéristique de Soen. Et il faut s’en réjouir tout comme il convient de s’attarder sur le chant de Joel Ekelöf dont la performance vocale surprenante d’homochromie avec le grand Mikael est tout simplement époustouflante.
Enfin pour parachever cet hommage, il y a la masterpiece de Tellurian : The Other’s Fall (8’45). Prélude et conclusion se composent d’une série d’accords « pincés » poignants. Entre les deux se trouve concentré l’essentiel du discours et du savoir faire du petit génie suédois mais déployé sur une plus large palette de sons, de flux et reflux acoustiques et de palpitations plombées.
Pas évident au premier contact, Tellurian s’apprivoise au fil du temps. Et si de prime abord il laisse une impression pour le moins mitigée - jouissif par moments et plus commun à d’autres - il offre néanmoins l’avantage d’ouvrir les débats. Pour avoir été successivement séduit puis déçu avant de succomber à nouveau à son charme énigmatique, je reconnais qu’il ne peut faire tout de suite l’unanimité. J’éviterais donc d’être catégorique le concernant tout en me laissant la possibilité d’y replonger ultérieurement. Je ne désespère pas de parvenir à en extraire enfin sa substantifique moelle. C’est le temps nécessaire pour transformer un très bon disque en chef-d’œuvre intemporel.
*En pénitence de ce crime de lèse- majesté, j’ai entamé la réécoute de toute la discographie de Tool. J’ai commencé par Lateralus et ma foi, il se peut que mon opinion évolue. Finalement…
Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 10543