Dan Spitz - RED LAMB par ARIS3AGAIN - 4868 lectures
Vous avez connu Dan Spitz dans Anthrax, voici maintenant le tout nouveau projet du gaillard, Red Lamb. Un projet cher au guitariste, qui a reçu un coup de main de la part d’un invité de marque, un certain Dave Mustaine… Joint par téléphone fin 2012, Dan s’est montré bavard, chaleureux et très sympathique, et nous a parlé avec passion de son amour intact pour la musique.
D’où est venue l’idée de ce projet si particulier qu’est Red Lamb ?
Dan Spitz : Ca a commencé après la reformation d’Anthrax. On a tourné à travers le monde pendant deux ans et demi. Avant ça, je vivais en Suisse, je travaillais dans une horlogerie ! Je réparais des montres magnifiques et très rares. C’était important pour moi de me retrouver dans un autre milieu que celui de la musique pendant un temps. Quand j’ai décidé d’abandonner cette carrière pour participer à la reformation d’Anthrax, c’était une grande décision pour moi, il fallait que je sois prêt à y retourner, à créer de la nouvelle musique. Ce n’était pas facile de laisser tomber l’horlogerie, car j’avais un travail génial dedans, que peu de gens font dans le monde. C’était un vrai dilemme. Je savais qu’après avoir tourné pendant plusieurs années, à vivre sur la route avec Anthrax, je ne pourrais pas retourner à mes montres. C’est un peu comme jouer de la guitare, si tu t’arrêtes pendant longtemps, ensuite, il te faut des années pour retrouver ton niveau d’antan. Il faut pratiquer tous les jours. Durant la reformation d’Anthrax, nous avons fait des concerts, nous n’avons rien composé. On s’est éclaté, mais j’ai commencé à me demandé ce que j’allais bien pouvoir créer. Au début d’Anthrax, on voulait juste faire de la musique pour nous, repousser les limites autant que possible. Les gens ont aimé ce qu’on proposait, tout simplement. Là, je voulais faire quelque chose de frais. Ca ne pouvait pas être un Anthrax n°2. La musique d’Anthrax est dans mon sang. C’est à l’intérieur de nous. Ce n’est pas comme si on s’asseyait tous autour d’une table pour en parler, c’est spontané. C’est ce qui sort quand je joue de la guitare, c’est ma façon naturelle de jouer. Je me suis dit que si je créais quelque chose, ça devait être totalement différent, histoire de ne pas faire un “Among the Living” part 2. Il m’a fallu quasiment un an pour trouver le son de Red Lamb, même si on reconnaît ma patte à la guitare, je ne peux pas m’en débarrasser. J’ai essayé de jouer ce que je pensais que le futur du Thrash pourrait être. A nos débuts, tu ne pouvais pas mélanger les genres, c’était presque hors la loi. Si tu jouais du Heavy Metal, tu jouais du Heavy Metal, point barre. Tu étais dans une boîte, avec ton étiquette, et tu ne pouvais pas en sortir, tu ne pouvais pas mélanger deux styles de musique ensemble ! Nous, on a toujours fait ce dont on avait envie, on a sans cesse tenté de repousser les limites. Red Lamb suit plus ou moins le même chemin à mes yeux. Je fais ce que je veux, je m’en fous de l’avis des autres, c’est ainsi que j’opère.
Est-ce différent de composer pour Red Lamb par rapport à Anthrax ?
Oui ! J’ai dû trouver une nouvelle façon d’écrire. Ce n’était pas facile de trouver le temps de composer, car chez moi, c’est assez différent de là où je vivais à l’époque. Ma femme et moi, on a deux fils, des jumeaux qui ont cinq ans et qui sont autistes. Donc c’est assez difficile de trouver du temps pour écrire, d’autant que j’enregistre dans mon home studio. L’environnement est différent, et ce n’est pas vraiment aisé de bloquer des moments pour s’installer tranquillement et créer. Ca n’avait donc rien à voir. Ca a pris beaucoup de temps, il m’a fallu presque quatre ans pour faire cet album.
Comment s’est déroulée la participation de Dave Mustaine dans ce processus ? Savais-tu depuis le début qu’il allait te rejoindre ?
Non… En fait, Dave et moi, on est amis depuis de très longues années. Même quand j’étais en Suisse, on est resté très proches. Notre amitié n’a jamais été fondée sur la musique. Pendant plusieurs années, on a vécu dans des environnements qui n’avaient strictement rien à voir. Il passait son temps sur la route, à enchaîner les concerts, alors que je bossais dans une salle silencieuse, à réparer des montres pour des musées ou des collectionneurs. On parle de ce dont les vrais amis parlent : les problèmes quotidiens, les moments où tu te sens mal. On est amis quoi. Je n’imaginais même pas à l’époque que je pourrais reprendre la musique, et même travailler avec Dave sur mes morceaux. A la fin, il a commencé à me dire de rentrer à la maison et d’arrêter de m’amuser avec mes montres de millionnaires ! (rires) Il commençait à parler du Big 4. On vieillit tous, il y a déjà deux nouvelles générations de musiciens, qui ont écouté et qui aiment ce qu’on a créé à l’époque. Ils font eux-mêmes de la musique de leur côté, ils ont grandi en nous écoutant. Mais ils ne sont pas la première génération de groupes de Thrash. Tout le monde sait qui a créé cette musique, notre combat dans l’underground pour se faire connaître. Les nouveaux musiciens sont extraordinaires, ils ont une technique impressionnante, ils sont très bons à ce qu’ils font. Mais si Madonna leur propose de l’argent pour venir jouer avec elle, ils le feront sans hésiter. Je n’ai aucun problème avec ça, mais disons que le Heavy Metal n’est pas vraiment dans leur sang comme il est dans le nôtre. Bref, Dave me disait que le temps était venu de rentrer et de repenser à la musique. J’ai fini par rentrer, et j’ai commencé à bosser sur Red Lamb. On n’en a pas parlé du tout, jusqu’au jour où on était en voiture tous les deux, et il m’a demandé s’il pouvait écouter mes morceaux. Je cherchais un producteur, ou quelqu’un avec qui bosser, j’avais déjà fait le maximum sur mes titres. Je faisais tout, et j’avais besoin de l’aide d’une personne extérieure. C’est pour cette raison que tous les groupes ont besoin d’un producteur. Il apporte un regard nouveau et donne un avis essentiel. Il a écouté, et il a trouvé ça génial, et très particulier. Il m’a regardé, et il m’a proposé son aide. Et on est parti de là.
Avant que Dave ne vienne apporter son aide, comme tu l’as dit, tu étais seul sur ce projet, à jouer de tous les instruments. Etait-ce important pour toi de tout créer toi-même ? N’avais tu pas envie de recruter quelques musiciens pour te prêter main forte ?
Je n’ai pas joué tous les instruments sur l’enregistrement, juste sur les démos. Je crée mon art en gardant un œil sur le futur, en voyant comment les groupes plus jeunes opèrent. Aujourd’hui, en gros, le groupe tourne autour d’un ou deux mecs. Si un autre musicien s’en va, le groupe continue. Dans tous les styles, c’est comme ça. Tu as une personne sur scène, les autres gravitent autour d’elle, mais ce ne sont pas toujours les mêmes. Dans le metal, ça devient comme ça aussi. Avant, tout le monde savait que la musique était écrite aussi par seulement ou deux musiciens, mais les autres étaient aussi importants, ils faisaient aussi partie de l’entité. Pour Red Lamb, le groupe, c’est Don Chaffin, le chanteur, et moi. Les autres membres sont excellents, comme Chris Vrenna. Mais c’est Don et moi qui tirons vraiment les ficelles et qui prenons les décisions, c’est nous qui choisissons ce que Red Lamb est et sera. C’est une incroyable vision, qui ne peut pas être partagée par quatre ou cinq personnes ! Ca ne marche pas comme ça. Il faut regarder vers le futur et ne pas rester dans le old school. Si on reste à l’ancienne, on finit par s’effondrer.
Prévois-tu une tournée avec ce line-up fraîchement formé ?
Oui, c’est prévu ! On va faire une tournée américaine très vite en fait ! Les autres membres du line-up de tournée seront annoncés très bientôt. J’espère qu’ils vont rester avec nous le plus longtemps possible, que ce soit clair. On adorerait ça ! Mais il y a aussi plein d’incroyables musiciens avec qui j’aimerais jouer par la suite. On aimerait venir en Europe, partout, peu importe où, tant que l’on sent qu’on est les bienvenus. Tu sais, dans la musique, on soigne la production, on enregistre nos morceaux, on les peaufine. Mais personne dans le Thrash n’a jamais réussi à pondre un disque qui entre en comparaison avec la version live de ses chansons. On est un vrai groupe, on joue en live. Quand tu vas voir un de mes groupes, tu peux être sûr que l’album n’arrive pas à la cheville de la version jouée en concert ! Ca vient en partie de l’énergie dégagée par le public, tu ne peux pas ressentir ça juste en écoutant un disque chez toi. On essaie, tous les groupes disent toujours que c’est leur meilleur disque, etc. On crée notre art, mais on sait qu’il s’épanouira en live. C’est sur scène qu’on se sent vraiment bien. Le public metal est très spécial, il fait partie du groupe, il ressent ma douleur à travers mes paroles quand je parle de l’autisme de mes enfants. Ils veulent participer, ils ne veulent pas juste écouter un disque et ensuite passer au suivant. Ils veulent faire partie du groupe. De toute façon, ils finissent souvent sur la scène ! (rires) Les fans ne se contentent pas d’être assis tranquillement et de sortir en se disant que c’était bien. Les gens qui aiment l’art que l’on fait, comme la musique du Big 4, veulent à tout prix monter sur scène, pas pour se montrer, juste pour faire partie durant un instant du groupe. Je ne sais pas dans quel autre style on peut trouver ce genre de choses, ce genre d’amour. Ce n’est pas que de la musique, on fait partie d’une famille. C’est parce qu’on est vrai, on porte les mêmes vêtements sur scène qu’au quotidien. C’est une force incroyable qu’apportent les fans de metal.
Donc les morceaux de Red Lamb seront encore meilleurs sur scène ?
Bien sûr ! On peut faire ce qu’on veut en live, on peut changer des choses, on se nourrit de l’audience chaque soir. Ce n’est pas comme si on répétait avant et qu’on jouait toujours la même chose, soir après soir. Je n’ai jamais fait de la musique de cette façon, ça ne m’intéresse pas. On se nourrit de l’audience. Avec Anthrax, on a joué devant un public complètement taré au Zénith, ils étaient fous, ça n’a rien à voir avec une salle sans ambiance où tout le monde se contente de nous regarder les bras croisés. C’est ce qui est beau dans notre musique, c’est une expérience incroyable. Donc oui, ça va être différent en live !
On espère vous voir vite en Europe alors…
Ca serait génial. On adore l’Europe. Et puis, ce n’est pas qu’une question de musique avec Red Lamb. On n’est pas juste là pour jouer, on soutient aussi une cause, celle de la lutte contre l’autisme. On veut essayer d’apporter quelque chose, on veut sensibiliser au maximum les gens à cette maladie trop peu connue, partout où l’on peut. A travers la musique que l’on aime. Le fait de soutenir une cause à travers un groupe de musique n’avait jamais été fait auparavant. Ca a été beaucoup fait dans d’autres types d’art, mais pas vraiment dans la musique. On laisse entrer tout le monde dans nos vies à travers ces paroles. Red Lamb est un groupe très spécial. En plus de la collaboration de Dave et moi, une première dans l’histoire du Big 4, qui apporte aussi quelque chose de particulier au groupe.
C’est sûr qu’une telle perspective devrait rameuter les amateurs de Thrash !
J’ai écrit la musique, mais on s’est occupé des paroles à deux, comme de la production du disque, c’est vraiment spécial pour un fan du style !
Comment était-ce d’écrire ces paroles avec lui ?
Dave a une superbe plume, il écrit des textes superbes, tout le monde le sait. Il est très perfectionniste, comme moi. Quand on est lancé, on travaille jusqu’à s’endormir sur nos instruments ! (rires) Lorsqu’on écrivait ensemble, on bossait toute la journée et une partie de la nuit, puis j’allais me coucher. Plusieurs fois, je me suis réveillé en pleine nuit, pour aller au studio et terminer un morceau. Et quand j’y arrivais, Dave y était déjà, endormi sur son clavier devant les paroles ! Il avait aussi ce sentiment de n’avoir pas fini. Ou tout simplement une idée qu’il voulait bosser tout de suite. C’est comme ça qu’on bosse, c’est l’amour que l’on a pour cette musique. Dave a vraiment cru en cette cause, elle était essentielle pour lui aussi. Il voulait aussi que le monde entier puisse connaître notre musique et nos paroles. Pendant plusieurs mois, on a bossé ainsi.
Pour toi, Red Lamb a-t-il un futur ? Prévois-tu d’autres albums après celui-ci ?
Oh oui ! On a déjà la plupart des riffs pour le disque suivant, pour être honnête ! Donc oui ! Mais d’abord, il faut tourner pendant, disons, deux ou trois ans ! (rires) Il est probable que j’écrive dans le tour bus, donc un deuxième album suivra. Et on a beaucoup de chance, car Donny, le chanteur, est aussi producteur de clips, il en fait pour des stars de la chanson. On aura aussi un studio vidéo mobile du coup. Ca va vraiment être cool, on va s’éclater !
Tu peux écrire sur la route sans souci ? Beaucoup de groupes ont du mal à se concentrer à la fois sur la composition et la tournée…
Je suis quelqu’un d’assez introverti, je n’aime pas trop les gens ! (rires) Je reste dans le bus avec mon ordinateur, je peux enregistrer sans problème avec mon matériel. Je mets mon casque et tout le monde sait qu’il ne faut pas me déranger. Tant que je n’ai pas d’interviews à faire toute la journée, tout va bien ! (rires)
Ca doit être dur d’enchaîner des interviews quand on est sur la route !
Ouais… (rires) Ce n’est pas vraiment difficile. C’est juste qu’avec les différents fuseaux horaires, tu dois parfois te réveiller à 3h du mat’ pour te taper une interview. Donc forcément, ça complique la donne ! Ce n’est pas un problème en soi de faire une interview, c’est juste les conditions qui t’épuisent. Du coup, quand tu arrives sur scène le soir, tu es déjà crevé. C’est une partie de la vie des musiciens que les fans ne comprennent pas toujours. Mais au-delà de ces conditions parfois mauvaises, on fait le plus possible pour que notre message soit diffusé au maximum. On est donc vraiment reconnaissant envers les gens comme toi, car ça nous aide à faire connaître notre art au plus grand nombre. Dans notre style, ce qui est bien, c’est que les personnes qui interviewent sont des fans eux-mêmes. Ils veulent entendre l’album, voir le concert. C’est presque comme parler à des amis, qui s’intéressent à ce qu’on fait. Tu fais partie du groupe. Ce n’est pas comme dans la Pop, où les journalistes essaient d’extirper à tout prix des infos, quitte à mettre le musicien mal à l’aise. Je ne me sens pas attaqué, c’est comme si un pote m’appelait pour avoir des nouvelles sur mon disque. Ce que je dis intéresse les gens.
Ne t’en fais pas, je ne prévois pas de t’attaquer pour avoir un scoop !
(rires) Je ne m’en fais pas, tout va bien ! En plus, j’adore la France, j’ai toujours aimé y jouer, comme au Zénith. Le public français est très réceptif, surtout quand j’essaie de dépasser les limites du style. Je pense que les Français sont un public taré, démonstratif et qui aime la nouveauté. Je trouve ça génial. C’est pour ça que quand j’y joue, les fans sont toujours dingues. Et j’ai hâte de revenir vous voir tous. On se chauffe, et on vient !
extra cette interview!!! jamais je n'aurais imaginé Dan à remonter des montres!!!
xmaxx TOOTH IP:84.99.112.195 Invité
Posté le: 22/01/2013 à 17h34 - (381)
très bonne itw.
SeyrArno Membre enregistré
Posté le: 23/01/2013 à 01h05 - (382)
Un régal, merci
Gruik IP:92.103.157.29 Invité
Posté le: 23/01/2013 à 09h33 - (383)
Oui, très sympa en effet. Dommage que l'album soit si quelconque...
Desekrate IP:5.48.92.160 Invité
Posté le: 23/01/2013 à 12h06 - (384)
Ouais un grand nom du métal...
L'album a l'air plutôt sympathique (si ce n'est un titre ou deux ou le chanteur rape plus ou moins ) riffs pas trop degueux et au niveau de la voix quelques relents par-ci et par-la à la Mustaine.
SlaytaniC IP:83.195.135.73 Invité
Posté le: 24/01/2013 à 13h44 - (386)
connais pas le son de RL mais je vais allé voirr cela aprés. sinon chouette interview.
SlaytaniC IP:83.195.135.73 Invité
Posté le: 24/01/2013 à 14h03 - (387)
disque sympa mais sans plus. avec des morceaux de MegadeatH inside.
D’où est venue l’idée de ce projet si particulier qu’est Red Lamb ?
Dan Spitz : Ca a commencé après la reformation d’Anthrax. On a tourné à travers le monde pendant deux ans et demi. Avant ça, je vivais en Suisse, je travaillais dans une horlogerie ! Je réparais des montres magnifiques et très rares. C’était important pour moi de me retrouver dans un autre milieu que celui de la musique pendant un temps. Quand j’ai décidé d’abandonner cette carrière pour participer à la reformation d’Anthrax, c’était une grande décision pour moi, il fallait que je sois prêt à y retourner, à créer de la nouvelle musique. Ce n’était pas facile de laisser tomber l’horlogerie, car j’avais un travail génial dedans, que peu de gens font dans le monde. C’était un vrai dilemme. Je savais qu’après avoir tourné pendant plusieurs années, à vivre sur la route avec Anthrax, je ne pourrais pas retourner à mes montres. C’est un peu comme jouer de la guitare, si tu t’arrêtes pendant longtemps, ensuite, il te faut des années pour retrouver ton niveau d’antan. Il faut pratiquer tous les jours. Durant la reformation d’Anthrax, nous avons fait des concerts, nous n’avons rien composé. On s’est éclaté, mais j’ai commencé à me demandé ce que j’allais bien pouvoir créer. Au début d’Anthrax, on voulait juste faire de la musique pour nous, repousser les limites autant que possible. Les gens ont aimé ce qu’on proposait, tout simplement. Là, je voulais faire quelque chose de frais. Ca ne pouvait pas être un Anthrax n°2. La musique d’Anthrax est dans mon sang. C’est à l’intérieur de nous. Ce n’est pas comme si on s’asseyait tous autour d’une table pour en parler, c’est spontané. C’est ce qui sort quand je joue de la guitare, c’est ma façon naturelle de jouer. Je me suis dit que si je créais quelque chose, ça devait être totalement différent, histoire de ne pas faire un “Among the Living” part 2. Il m’a fallu quasiment un an pour trouver le son de Red Lamb, même si on reconnaît ma patte à la guitare, je ne peux pas m’en débarrasser. J’ai essayé de jouer ce que je pensais que le futur du Thrash pourrait être. A nos débuts, tu ne pouvais pas mélanger les genres, c’était presque hors la loi. Si tu jouais du Heavy Metal, tu jouais du Heavy Metal, point barre. Tu étais dans une boîte, avec ton étiquette, et tu ne pouvais pas en sortir, tu ne pouvais pas mélanger deux styles de musique ensemble ! Nous, on a toujours fait ce dont on avait envie, on a sans cesse tenté de repousser les limites. Red Lamb suit plus ou moins le même chemin à mes yeux. Je fais ce que je veux, je m’en fous de l’avis des autres, c’est ainsi que j’opère.
Est-ce différent de composer pour Red Lamb par rapport à Anthrax ?
Oui ! J’ai dû trouver une nouvelle façon d’écrire. Ce n’était pas facile de trouver le temps de composer, car chez moi, c’est assez différent de là où je vivais à l’époque. Ma femme et moi, on a deux fils, des jumeaux qui ont cinq ans et qui sont autistes. Donc c’est assez difficile de trouver du temps pour écrire, d’autant que j’enregistre dans mon home studio. L’environnement est différent, et ce n’est pas vraiment aisé de bloquer des moments pour s’installer tranquillement et créer. Ca n’avait donc rien à voir. Ca a pris beaucoup de temps, il m’a fallu presque quatre ans pour faire cet album.
Comment s’est déroulée la participation de Dave Mustaine dans ce processus ? Savais-tu depuis le début qu’il allait te rejoindre ?
Non… En fait, Dave et moi, on est amis depuis de très longues années. Même quand j’étais en Suisse, on est resté très proches. Notre amitié n’a jamais été fondée sur la musique. Pendant plusieurs années, on a vécu dans des environnements qui n’avaient strictement rien à voir. Il passait son temps sur la route, à enchaîner les concerts, alors que je bossais dans une salle silencieuse, à réparer des montres pour des musées ou des collectionneurs. On parle de ce dont les vrais amis parlent : les problèmes quotidiens, les moments où tu te sens mal. On est amis quoi. Je n’imaginais même pas à l’époque que je pourrais reprendre la musique, et même travailler avec Dave sur mes morceaux. A la fin, il a commencé à me dire de rentrer à la maison et d’arrêter de m’amuser avec mes montres de millionnaires ! (rires) Il commençait à parler du Big 4. On vieillit tous, il y a déjà deux nouvelles générations de musiciens, qui ont écouté et qui aiment ce qu’on a créé à l’époque. Ils font eux-mêmes de la musique de leur côté, ils ont grandi en nous écoutant. Mais ils ne sont pas la première génération de groupes de Thrash. Tout le monde sait qui a créé cette musique, notre combat dans l’underground pour se faire connaître. Les nouveaux musiciens sont extraordinaires, ils ont une technique impressionnante, ils sont très bons à ce qu’ils font. Mais si Madonna leur propose de l’argent pour venir jouer avec elle, ils le feront sans hésiter. Je n’ai aucun problème avec ça, mais disons que le Heavy Metal n’est pas vraiment dans leur sang comme il est dans le nôtre. Bref, Dave me disait que le temps était venu de rentrer et de repenser à la musique. J’ai fini par rentrer, et j’ai commencé à bosser sur Red Lamb. On n’en a pas parlé du tout, jusqu’au jour où on était en voiture tous les deux, et il m’a demandé s’il pouvait écouter mes morceaux. Je cherchais un producteur, ou quelqu’un avec qui bosser, j’avais déjà fait le maximum sur mes titres. Je faisais tout, et j’avais besoin de l’aide d’une personne extérieure. C’est pour cette raison que tous les groupes ont besoin d’un producteur. Il apporte un regard nouveau et donne un avis essentiel. Il a écouté, et il a trouvé ça génial, et très particulier. Il m’a regardé, et il m’a proposé son aide. Et on est parti de là.
Avant que Dave ne vienne apporter son aide, comme tu l’as dit, tu étais seul sur ce projet, à jouer de tous les instruments. Etait-ce important pour toi de tout créer toi-même ? N’avais tu pas envie de recruter quelques musiciens pour te prêter main forte ?
Je n’ai pas joué tous les instruments sur l’enregistrement, juste sur les démos. Je crée mon art en gardant un œil sur le futur, en voyant comment les groupes plus jeunes opèrent. Aujourd’hui, en gros, le groupe tourne autour d’un ou deux mecs. Si un autre musicien s’en va, le groupe continue. Dans tous les styles, c’est comme ça. Tu as une personne sur scène, les autres gravitent autour d’elle, mais ce ne sont pas toujours les mêmes. Dans le metal, ça devient comme ça aussi. Avant, tout le monde savait que la musique était écrite aussi par seulement ou deux musiciens, mais les autres étaient aussi importants, ils faisaient aussi partie de l’entité. Pour Red Lamb, le groupe, c’est Don Chaffin, le chanteur, et moi. Les autres membres sont excellents, comme Chris Vrenna. Mais c’est Don et moi qui tirons vraiment les ficelles et qui prenons les décisions, c’est nous qui choisissons ce que Red Lamb est et sera. C’est une incroyable vision, qui ne peut pas être partagée par quatre ou cinq personnes ! Ca ne marche pas comme ça. Il faut regarder vers le futur et ne pas rester dans le old school. Si on reste à l’ancienne, on finit par s’effondrer.
Prévois-tu une tournée avec ce line-up fraîchement formé ?
Oui, c’est prévu ! On va faire une tournée américaine très vite en fait ! Les autres membres du line-up de tournée seront annoncés très bientôt. J’espère qu’ils vont rester avec nous le plus longtemps possible, que ce soit clair. On adorerait ça ! Mais il y a aussi plein d’incroyables musiciens avec qui j’aimerais jouer par la suite. On aimerait venir en Europe, partout, peu importe où, tant que l’on sent qu’on est les bienvenus. Tu sais, dans la musique, on soigne la production, on enregistre nos morceaux, on les peaufine. Mais personne dans le Thrash n’a jamais réussi à pondre un disque qui entre en comparaison avec la version live de ses chansons. On est un vrai groupe, on joue en live. Quand tu vas voir un de mes groupes, tu peux être sûr que l’album n’arrive pas à la cheville de la version jouée en concert ! Ca vient en partie de l’énergie dégagée par le public, tu ne peux pas ressentir ça juste en écoutant un disque chez toi. On essaie, tous les groupes disent toujours que c’est leur meilleur disque, etc. On crée notre art, mais on sait qu’il s’épanouira en live. C’est sur scène qu’on se sent vraiment bien. Le public metal est très spécial, il fait partie du groupe, il ressent ma douleur à travers mes paroles quand je parle de l’autisme de mes enfants. Ils veulent participer, ils ne veulent pas juste écouter un disque et ensuite passer au suivant. Ils veulent faire partie du groupe. De toute façon, ils finissent souvent sur la scène ! (rires) Les fans ne se contentent pas d’être assis tranquillement et de sortir en se disant que c’était bien. Les gens qui aiment l’art que l’on fait, comme la musique du Big 4, veulent à tout prix monter sur scène, pas pour se montrer, juste pour faire partie durant un instant du groupe. Je ne sais pas dans quel autre style on peut trouver ce genre de choses, ce genre d’amour. Ce n’est pas que de la musique, on fait partie d’une famille. C’est parce qu’on est vrai, on porte les mêmes vêtements sur scène qu’au quotidien. C’est une force incroyable qu’apportent les fans de metal.
Donc les morceaux de Red Lamb seront encore meilleurs sur scène ?
Bien sûr ! On peut faire ce qu’on veut en live, on peut changer des choses, on se nourrit de l’audience chaque soir. Ce n’est pas comme si on répétait avant et qu’on jouait toujours la même chose, soir après soir. Je n’ai jamais fait de la musique de cette façon, ça ne m’intéresse pas. On se nourrit de l’audience. Avec Anthrax, on a joué devant un public complètement taré au Zénith, ils étaient fous, ça n’a rien à voir avec une salle sans ambiance où tout le monde se contente de nous regarder les bras croisés. C’est ce qui est beau dans notre musique, c’est une expérience incroyable. Donc oui, ça va être différent en live !
On espère vous voir vite en Europe alors…
Ca serait génial. On adore l’Europe. Et puis, ce n’est pas qu’une question de musique avec Red Lamb. On n’est pas juste là pour jouer, on soutient aussi une cause, celle de la lutte contre l’autisme. On veut essayer d’apporter quelque chose, on veut sensibiliser au maximum les gens à cette maladie trop peu connue, partout où l’on peut. A travers la musique que l’on aime. Le fait de soutenir une cause à travers un groupe de musique n’avait jamais été fait auparavant. Ca a été beaucoup fait dans d’autres types d’art, mais pas vraiment dans la musique. On laisse entrer tout le monde dans nos vies à travers ces paroles. Red Lamb est un groupe très spécial. En plus de la collaboration de Dave et moi, une première dans l’histoire du Big 4, qui apporte aussi quelque chose de particulier au groupe.
C’est sûr qu’une telle perspective devrait rameuter les amateurs de Thrash !
J’ai écrit la musique, mais on s’est occupé des paroles à deux, comme de la production du disque, c’est vraiment spécial pour un fan du style !
Comment était-ce d’écrire ces paroles avec lui ?
Dave a une superbe plume, il écrit des textes superbes, tout le monde le sait. Il est très perfectionniste, comme moi. Quand on est lancé, on travaille jusqu’à s’endormir sur nos instruments ! (rires) Lorsqu’on écrivait ensemble, on bossait toute la journée et une partie de la nuit, puis j’allais me coucher. Plusieurs fois, je me suis réveillé en pleine nuit, pour aller au studio et terminer un morceau. Et quand j’y arrivais, Dave y était déjà, endormi sur son clavier devant les paroles ! Il avait aussi ce sentiment de n’avoir pas fini. Ou tout simplement une idée qu’il voulait bosser tout de suite. C’est comme ça qu’on bosse, c’est l’amour que l’on a pour cette musique. Dave a vraiment cru en cette cause, elle était essentielle pour lui aussi. Il voulait aussi que le monde entier puisse connaître notre musique et nos paroles. Pendant plusieurs mois, on a bossé ainsi.
Pour toi, Red Lamb a-t-il un futur ? Prévois-tu d’autres albums après celui-ci ?
Oh oui ! On a déjà la plupart des riffs pour le disque suivant, pour être honnête ! Donc oui ! Mais d’abord, il faut tourner pendant, disons, deux ou trois ans ! (rires) Il est probable que j’écrive dans le tour bus, donc un deuxième album suivra. Et on a beaucoup de chance, car Donny, le chanteur, est aussi producteur de clips, il en fait pour des stars de la chanson. On aura aussi un studio vidéo mobile du coup. Ca va vraiment être cool, on va s’éclater !
Tu peux écrire sur la route sans souci ? Beaucoup de groupes ont du mal à se concentrer à la fois sur la composition et la tournée…
Je suis quelqu’un d’assez introverti, je n’aime pas trop les gens ! (rires) Je reste dans le bus avec mon ordinateur, je peux enregistrer sans problème avec mon matériel. Je mets mon casque et tout le monde sait qu’il ne faut pas me déranger. Tant que je n’ai pas d’interviews à faire toute la journée, tout va bien ! (rires)
Ca doit être dur d’enchaîner des interviews quand on est sur la route !
Ouais… (rires) Ce n’est pas vraiment difficile. C’est juste qu’avec les différents fuseaux horaires, tu dois parfois te réveiller à 3h du mat’ pour te taper une interview. Donc forcément, ça complique la donne ! Ce n’est pas un problème en soi de faire une interview, c’est juste les conditions qui t’épuisent. Du coup, quand tu arrives sur scène le soir, tu es déjà crevé. C’est une partie de la vie des musiciens que les fans ne comprennent pas toujours. Mais au-delà de ces conditions parfois mauvaises, on fait le plus possible pour que notre message soit diffusé au maximum. On est donc vraiment reconnaissant envers les gens comme toi, car ça nous aide à faire connaître notre art au plus grand nombre. Dans notre style, ce qui est bien, c’est que les personnes qui interviewent sont des fans eux-mêmes. Ils veulent entendre l’album, voir le concert. C’est presque comme parler à des amis, qui s’intéressent à ce qu’on fait. Tu fais partie du groupe. Ce n’est pas comme dans la Pop, où les journalistes essaient d’extirper à tout prix des infos, quitte à mettre le musicien mal à l’aise. Je ne me sens pas attaqué, c’est comme si un pote m’appelait pour avoir des nouvelles sur mon disque. Ce que je dis intéresse les gens.
Ne t’en fais pas, je ne prévois pas de t’attaquer pour avoir un scoop !
(rires) Je ne m’en fais pas, tout va bien ! En plus, j’adore la France, j’ai toujours aimé y jouer, comme au Zénith. Le public français est très réceptif, surtout quand j’essaie de dépasser les limites du style. Je pense que les Français sont un public taré, démonstratif et qui aime la nouveauté. Je trouve ça génial. C’est pour ça que quand j’y joue, les fans sont toujours dingues. Et j’ai hâte de revenir vous voir tous. On se chauffe, et on vient !