
Le premier contact avec des instruments, c'était gamin quand j'ai fait un peu de piano. J'en ai fait de huit à dix ans, et j'ai détesté ça. C'était une lubie de mon père, et du coup j'ai lâché. J'ai commencé à écouter du metal quand j'avais douze-treize ans. C'était la première fois que je m'intéressais à une musique. Avant, j'écoutais de la musique comme ça, je ne suivais pas spécialement un groupe. A cet âge-là, on écoute un peu ce qui passe à la radio, à la télé, etc. Et puis il y a eu "You Could Be Mine" sur la BO de Terminator 2, qui tournait un peu partout. Et je me suis dit "mais c'est quoi ce groupe ?" et j'ai commencé à m'intéresser à Guns n'Roses. Au lycée, il y avait deux-trois metalleux, dont un mec que je connaissais et avec qui j'étais assez pote. C'est lui qui m'a copié Appetite for Destruction, Fear of the Dark, des trucs comme ça.
Oui. J'ai commencé avec lui un groupe qui s'appelait Chorozon à l'époque, qui est devenu Arkilae. On a sorti quelques démos par la suite. Bien longtemps après, c'est devenu Neo Inferno. Ça a beaucoup mué. J'avais déjà commencé par ailleurs mon projet solo Love Lies Bleeding. Du black sympho avec beaucoup de claviers. Et c'est là où le fait d'avoir fait du piano quand j'avais huit ans m'a un peu servi, mine de rien. Et je faisais un peu tout tout seul avec mon Korg, dans ma chambre. TTR, à l'époque jouait dans Epic. Et tout simplement, ils n'étaient plus contents de leur claviériste et ils m'ont proposé. Ça me branchait bien.
Oui, bien sûr. Bon, déjà ce n'est pas moi qui écris les textes. Dans les gens que je fréquente, il y en a qui sont à fond dans le satanisme et je respecte leur truc. Il y en a d'autres qui ne savaient pas trop quoi faire et qui se sentent un peu plus virils avec un pentagramme autour du cou, en insultant le plus possible notre créateur si tant est qu'il existe. Il y a un côté symbole, avec le manque du père. Ce sont très souvent des enfants de divorcés, d'ailleurs (rires). C'était Satan ou Hitler, ça dépendait. Donc voilà, j'ai toujours respecté certains où je sentais qu'il y avait un vrai rapport du côté de l'Adversaire ou un attrait pour l'occulte. Par probité, n'ayant jamais exploré ce chemin-là plus que ça, je ne voulais pas faire semblant. Neuf dixièmes des gens qui se revendiquent satanistes sont juste allés aux puces s'acheter un pentagramme et ont lu Aleister Crowley. Je ne trouve pas ça honnête et authentique. Je n'ai jamais fait la démarche, donc je ne serai jamais auto-proclamé.
Avec Epic, on a sorti le mini-album Of Tears and Blood... en 96 ou 97 (NDR : mes tablettes disent 98, c'est un détail mais qui a presque quinze ans!!). Après, on a vivoté car tout le monde à l'époque avait cinq groupes et demi minimum. On s'est un peu dispersés mais on continuait à répéter avec Epic. On continuait presque par habitude, mais il n'y avait plus l'inspiration d'avant. D'ailleurs, il y a eu des changements de line-up.
Peut-être pas quand même. C'était vraiment une époque et je n'ai pas envie de faire de redite. Mais peut-être qu'il n'est pas exclus d'en reprendre un morceau ou deux, ou quelques riffs. Cet album fait partie de notre bagage aussi et disons ça fait un peu une impression de départ manqué. On a eu très vite notre style. Une alternance entre le black et le death comme si c'était vraiment un style en soi et pas juste deux styles accolés. C'est toujours comme ça que j'ai vu Vorkreist. On ne se dit pas " tiens, je vais mettre un peu de black, un peu de death ". Pour moi, c'est une sorte de musique totale où c'est à la fois agressif et en même temps atmosphérique. C'est un peu le leitmotiv qu'on a trouvé avec le dernier album, on est vraiment dans la restitution du corps et de l'esprit. Le death metal s'adresse au ventre, aux entrailles et aux nerfs. Et il y a ce côté plus spirituel, au sens large, du black metal. Ce n'est pas que tu " penses " en écoutant du black metal. Mais cela va plus séduire ton " âme ", si tant est que cela veuille dire quelque chose, plutôt que directement ton corps. C'est une sorte de réunification et il faudrait trouver autre chose que black/death qui fait un peu con. Ça fait juste une sorte de compile de deux styles. 
	
Ouais, carrément. Et il y a quantité de trucs que j'enregistre et que je ne cherche pas à sortir. Je fais aussi pas mal d'electro de mon côté, du drum'n'bass et de l'electro clash, ou même des trucs un peu folk. Le fil directeur ne va pas être au niveau d'un style musical. Comme certains écrivains peuvent produire des romans, des pamphlets ou des poèmes, je ne peux pas du tout me contenter d'un seul style. Sauf dans des histoires de planning très serrés du genre " on enregistre dans deux mois ", en général je ne me dis pas " aujourd'hui je compose du Vorkreist ". Je prends ma guitare et assez naturellement je vais sentir pour quel projet cela va être. Je ne vais pas te mentir, il y a évidemment des riffs mineurs ou de transition qui peuvent convenir à plusieurs projets, soit Vorkreist ou Merrimack par exemple. Mais dans 90% du temps, très naturellement, je sens à quel projet le riff est destiné parce que ce sont des atmosphères très marquées. Et le fait que j'ai fait un peu de clavier et que je compose pas mal avec des machines, cela me permet de cloisonner. Si je commence à explorer et à faire de l'expérimentation, ça ne sera pas pour Vorkreist ni Merrimack. Donc, je cloisonne et cela me permet de garder pour chacun une identité propre plutôt que de faire un truc un peu schizophrénique au fil de mes influences du moment. Certaines choses ne vont pas pour Vorkreist mais vont convenir pour Decline of the I. Très naturellement, j'arrive à savoir quel groupe je suis en train de faire avant même de me le dire, en fait. 
	
C'est fini. J'ai choisi de terminer après le cinquième album qui est sorti en 2006. En fait, très vite, j'ai commencé à composer pour Decline of the I. Ça m'a fait un peu comme pour les débuts de Vorkreist. J'ai senti le truc et j'ai composé tout seul en moins d'un an un album complet d'une heure. Donc j'ai fini de le composer début 2008. J'ai commencé à l'enregistrer début 2008 et j'ai fini en 2010, et il n'est toujours pas sorti. J'ai eu un deal mi-2010 avec Agonia et la sortie est sans cesse repoussée. Aux dernières nouvelles, ça devrait être en septembre. J'ai signé pour trois albums parce que j'ai une idée de trilogie. Bon, c'est un label qui a un milliard de groupes. Dès qu'il y a un ou deux groupes qui sont en retard, ça fait effet domino. Et je pense clairement que Decline of the I est une signature coup de cœur pour lui et il se doute bien que c'est pas le groupe qui va le rendre milliardaire. C'est un projet solo, je ne peux pas faire de concert. C'est pas facile de signer avec un projet solo et il a été OK pour partir dans mon délire de trois albums. Si tout va bien, j'en ferai un par an. Là, j'ai déjà composé la moitié du deuxième. Au final, c'est un album qui sortira, si tout va bien, plus de quatre ans après avoir été fini de composer. Mais en même temps, c'est un bon test, parce que je pense que c'est toujours valable. Je me dis que la composition a été absolument fluide, et j'avais l'impression de découvrir un nouveau champ d'expression. Donc, j'ai hâte de voir comment cela va être perçu. 
	
En tout dans une année, je dois en faire quinze concerts et pas cinquante. Je fais beaucoup de petites tournées. Mais cette année, il y a eu des enregistrements ; plus de deux semaines avec Vorkreist, quasiment trois avec Merrimack. Malhkebre l'été dernier.
C'est très simple. Là où on a fait une erreur, c'est qu'on sentait qu'il était de moins en moins impliqué. Après, il avait pas mal de problèmes perso et c'était un pote de longue date, donc on ne l'a pas viré du jour au lendemain. Mais un mois avant l'enregistrement, il nous dit qu'il n'est pas trop disponible au niveau des dates, alors qu'on demandait deux jours de son temps pour enregistrer à Paris. C'était n'importe quel taf, il pouvait dire qu'il était malade et voilà. Ça montrait déjà le niveau d'implication, parce que ça paraissait impensable pour nous autres de ne pas se démerder. Et là, on l'a envoyé chier. Ma grosse erreur, ça a été de commencer à enregistrer Decline of the I avec lui. Il m'a fait miroiter qu'il allait finir, jusqu'à plus donner de nouvelles. Et là, je n'ai plus de contact depuis des années maintenant, je ne sais pas ce qu'il  devient. On était très proches de Blacklodge, surtout depuis la tournée qu'on avait fait en commun en 2007. Du coup, on a demandé à Saint Vincent, avec le challenge pas facile d'arriver sur des morceaux qui sont complètement faits. Surtout qu'on était pas mal pressés pour les délais, qu'il a enregistré de son côté et qu'on n'a jamais répété ensemble avant. Il enregistrait et on faisait des ping-pong " un peu plus comme ci, comme ça ". Mais forcément, tu n'as pas du tout la même direction artistique que quand tu es face-à-face. D'où ce style qui donne son charme à l'album, mais ce côté un peu déstructuré qui va trop loin parfois. On a voulu arriver à un peu plus de maîtrise sur le dernier album. Le chant part moins dans tous les sens, et il n'y a plus cinq voix en dix secondes, même si je trouve que ça donnait un rendu très original sur Sickness Sovereign. On voulait garder le meilleur de son approche malade du chant, mais en le cadrant plus. 
	
Ouais, il n'a pas eu de problème. Et oui, il fait tous les textes de A à Z. Le concept de l'album est vraiment le clash entre la spiritualité et le corps, ce qui est vraiment raccord avec la musique. Si on lit les paroles ou qu'on les écoute (car elles sont assez audibles), on a l'impression que toutes les thématiques sont classiques, mais avec une certaine révision. C'est autour du christianisme et de la déception, comment croire à la rédemption dans une atmosphère de fin du monde. Le tout avec un peu d'ironie, en détournant notamment la terminologie religieuse, par exemple avec tous les titres de morceaux en latin. Il y a toujours eu des symboles christiques dans Vorkreist, comme la couronne d'épines dans l'album d'avant. Il y a toujours ce truc-là mais plus dans une appropriation parodique et destructive évidemment.
(il réfléchit) Franchement, je ne saurai pas dire. Pour le coup, on s'est vraiment rendus compte au fil des années qu'il y avait vraiment une identité black français. Après, je ne trouve pas trop de points de comparaison, tellement les deux approches me semblent différentes. On va dire black français par cocorisme.
Oui, tout à fait. Après, c'est un peu difficile car on sait qu'on n'aura plus jamais la nouvelle claque comme on l'a connue, cet espèce de rush comme un junkie qui veut retrouver son premier fix. Donc, je suis l'actualité quand même, mais cela fait longtemps que je n'ai pas pris une baffe.
De fait, ça me fait un peu chier. Mais idéologiquement, c'est le jeu. Je n'ai qu'à faire des albums encore meilleurs.