C'est pendant une rentrée très chargée en concerts que le Black Metal is Rising vient caser sa seconde édition. Avec la proximité de Enslaved et Satyricon, la question primordiale concernait évidemment l'affluence. Un fest de black métal intégralement français allait-il pouvoir lutter face aux grosses locomotives norvégiennes? La réponse est positive dès mon arrivée sur les lieux. A l'entrée de la Locomotive, les amateurs de noires sensations ont répondu présent, faune bigarrée allant de l'auditeur simple aux fashion-victims arborant treillis, paraboots neuves et t-shirts tendancieux. Les rebelles aux cheveux gras et à la "fuck you" attitude ont pris de l'âge et la nouvelle génération met un point d'honneur à soigner son paraître. Me comprendront ceux qui ont croisé un de ces individus "ivol", grimaçant de mécontentement et aux poses de surhomme, avant qu'il ne vous headbangue dans la figure une tignasse de cheveux impeccablement shampooinés du matin. Je digresse, c'est l'âge qui veut ça... Revenons au sujet...
Le fest se tient dans la petite Locomotive, comme à l'accoutumée pour ce type d'affiche. J'émets toujours une réserve sur la qualité du son dans cette salle. Et cette fois encore, comme au "Black Metal is rising" précédent et à d'autres concerts, le son ne va pas être au mieux. Certes, la position joue énormément dans la distinction des instruments. Mais aujourd'hui j'aurais beau me balader dans toute la salle (sauf dans le pogo, je vous ai dit que je suis vieux), les guitares ne seront jamais au niveau du reste, même juste devant la sono. Globalement sur le fest, la batterie ressort beaucoup, suivie de la voix. Et après, on entend surtout la basse. Cela fera plaisir à ces musiciens de l'ombre qu'on n'entend que trop peu, mais le manque de gratouilles va handicaper certains groupes assez rapidement. Niveau lights, je suis assez fan de la sobriété de la petite Loco. Les tons bleus et rouges vont prépondérer, comme vous pouvez le voir sur les clichés de notre ami Zoliv. L'absence des hordes de slammers sur scène va permettre au public d'apprécier les sets tranquillement...
Après les désistements de Olc Sinnsir et Evohé, ce sont les franciliens de Refriesen qui ouvrent le bal. Que de progrès depuis leur premier concert en juin l'année dernière! Le constat est direct: le groupe a travaillé et commence à trouver ses marques sur scène. Pulsé par une bande de potes venue lancer des pogos pour cette (grande) occasion, Refriesen va mettre du cœur à l'ouvrage et envoyer ses morceaux avec conviction. Je regrette un peu le classicisme de leurs compositions, qui ne m'interpellent pas plus que ça, et le manque de mouvements sur scène. Mais le moment est agréable, exercice d'autant plus difficile que le groupe est le moins expérimenté du fest, le seul à ne pas avoir un album au compteur. Il reste à Refriesen à finaliser son set, notamment en proposant des intervalles moins longs entre les morceaux. Mais ce groupe a beaucoup progressé, c'est très encourageant pour la suite.
Ce sont les nordistes de Nirnaeth qui ont la charge de remplacer Evohé. Le groupe vient promouvoir son nouvel album "Thrown Athwart the Darkness" et l'aisance scénique est toute différente de la première partie. Le hurleur Zigouille (oui, je sais) va se mettre sur les marches au plus près du premier rang et époumoner sa haine sur une partition impeccable, déclenchant des émois physiques dans la fosse. La mise en retrait de la guitare, dont je parlais précédemment, va rendre le set par moments assez brouillon, l'auditeur perdant les repères trouvés sur l'album dans ce black chaotique et combatif. Nirnaeth peut probablement frapper plus fort mais l'assaut de cet après-midi est déjà rude. La bataille est gagnée.
Malgré les protestations d'Oussama, Asmodée joue bien en troisième position sur l'affiche. C'est peu choquant puisque le groupe est quasi inconnu sur la capitale. Pourtant, avec deux bons albums au compteur, les charentais sont en quête de reconnaissance. Asmodée va délivrer son black froid très technique avec hargne. Ca envoie grave la purée, c'est clair. Néanmoins, le son s'avère assez brouillon également et la prestation me devient pénible à suivre. Je me perds dans les circonvolutions des structures des morceaux, ne les connaissant pas par cœur. Le seul titre qui sortira du lot sera finalement la reprise de Satyricon "Du som Hater Gud", impeccablement exécutée comme le reste (Satyricon va d'ailleurs nous la jouer aussi quelques jours plus tard). Asmodée manque peut-être aussi un peu d'accroche visuelle sur scène, la haute technicité obligeant les musiciens à rester concentrés. Je n'ai pas accroché plus que ça et j'en resterai à écouter les albums à ma maison.
Sans transition aucune, c'est Lord qui prend la suite des évènements en main. Les nordistes sont venus nous agresser avec leur black/thrash à l'ancienne. Au final, le groupe enchaîne surtout les clichés. Certes, c'est du old school et cela véhicule forcément du déjà-vu. Les maquillages et les compositions sentant le manque d'originalité sont compréhensibles. Mais les mimiques et les poses à la Abbath du guitariste sont largement dispensables. Au final, il va attirer constamment l'attention du public en headbagant de travers et en levant sa guitare vers le plafond. Souffrant en plus de problèmes techniques avec les guitares, Lord ne va pas réussir à faire prendre la sauce. Le set est assez bordélique. Dommage, à revoir dans d'autres conditions (et sans les grimaces).
La salle se videra un peu pour l'arrivée de Artefact. Les sudistes (ça nous change un peu) sont le groupe le plus mélodique de cette soirée qui commence, les bourrins vont donc aller se désaltérer. Cela laisse le loisir aux amateurs de leurs deux albums d'assister tranquilles à la prestation. Après un démarrage assez difficile qui se lisait dans les yeux du chanteur, le groupe va étaler ses compositions épiques avec aisance. J'imagine que les titres ne sont pas faciles à décrypter directement en concert, mais pour ma part je me suis bien régalé, ayant révisé tout ça avant de venir. Mélodies et bonne patate sont les mamelles d'un concert réussi. Pour ma part, bonne impression concernant cette découverte de Artefact sur les planches.
Premier des groupes écrits en plus gros sur l'affiche, les bordelais de Otargos sont des habitués des lieux. Les quatre sont désireux de se rattraper après leur première partie de Dark Funeral dans des conditions extrêmement difficiles (genre "je jette mon matos sur scène et je joue sans balances et sans préparation"). La bande à Dagoth va moins subir les problèmes de son que leurs prédécesseurs, jouant un black plus posé et plus puissant qui sonnera moins brouillon. Le chanteur ne va pas tarir de piques sur le public qui commence un peu à fatiguer, mais le set passe comme un lettre à la poste. Otargos va même nous envoyer un titre du prochain album. Grands habitués des concerts, Otargos est à l'aise sur scène et déroule un set sans anicroche, mais un peu sans surprise aussi. La setlist du groupe s'étoffe de plus en plus et on les sent près pour monter un cran plus haut encore...
Comme beaucoup, j'étais curieux de voir la nouvelle mouture de Balrog sur scène. Traînant dans les couloirs, j'ai pu apprendre que le batteur est celui de Drowning et que le bassiste est celui de Genital Grinder. Le nouveau line-up va aligner sans problèmes les compositions des sorties. La prestation est très fidèle aux albums et l'assaut se déroule à grande vitesse. Le son, encore, ne va pas mettre à l'honneur les deux guitares. C'est assez chaotique dans les passages les plus rapides et les leads ressortent moyennement. Mais Balrog livre là une bonne prestation, bien accueillie par le public. Ceux qui ont apprécié l'album auront apprécié ce set. Pour ma part, j'ai plus accroché à l'interprétation sur scène, le batteur me choquant moins que sur l'opus.
Très logiquement, la tête d'affiche de la soirée est Merrimack. Les franciliens viennent de nous asséner un "Of Entropy and Life Denial" de grande qualité et il était urgent de défendre ce nouvel album sur les planches. Comme à tous leurs concerts, la prestation est excellente. Côté technique, les musiciens posent leurs morceaux avec aisance et justesse. Côté scénique, Terrorizt est toujours l'attraction. Le géant blond apparaît comme un viking dément complètement possédé. Hallucinant de prestance, aussi inquiétant quand il sourit que convaincant et impliqué dans ses parties vocales, le chanteur sublime encore une fois le set d'un Merrimack en bonne forme. Faisant l'impasse sur "Paedophilic Orgamastron", Merrimack va piocher dans toutes ses sorties une setlist sévèrement burnée allant droit à l'essentiel. Le groupe va même nous gratifier du bonus track du dernier album, la reprise de Massacra "Ultimate Antichrist" avant de nous laisser rentrer dans nos appartements tout penauds.
La seconde édition du "Black Metal is rising" est pour ma part une réussite, preuve que le black français a encore de belles années devant lui. Merrimack a assez logiquement remporté les suffrages, mais les autres groupes ne sont pas en reste. Merci à l'orga de nous monter de belles affiches comme ça et de nous permettre de sortir tôt. Comme le pressentait mon foie, la soirée ne faisait que commencer...
MERRIMACK + BALROG + OTARGOS + ARTEFACT + LORD + ASMODEE + NIRNAETH + REFRIESEN
Crédits photo Zoliv