Thomas Billerey - THOMAS BILLEREY par PAMALACH - 5117 lectures
Si MINUSHUMAN montre de belles qualités, c'est en partie grâce à ses guitares mordante qui viennent faire de belles cicatrices dans les rangs des décibels. Rencontre avec un ogre du riff.
Salut et merci de répondre aux questions de Vs ! A quel âge as-tu commencé la guitare et qu'est-ce qui t'a attiré vers cet instrument ?
Salut ! Mon frère est un guitariste assez hallucinant, il a commencé la guitare très tôt, à 7 ans, et jouait déjà des concertos à 8 ou 9 ans. J'ai donc été très naturellement attiré par cet instrument en l'écoutant jouer. Vers mes 11/12 ans, je profitais du fait qu'il ne soit pas à la maison pour aller lui piquer ses guitares et faire du bruit avec, sauf que je laissais d'énormes traces de doigts dégueulasses partout et je désaccordais tout, alors il a vite compris mon manège. Il m'a alors offert sa première guitare classique, dont le manche était cassé, sur laquelle j'ai appris mes premiers trucs. Puis ma mère m'a fait l'énorme plaisir de m'offrir une guitare électrique pour mes 13 ans. À partir de là je n'ai plus lâché le manche, on dira.
Ton style de jeu trouve son origine dans plusieurs « écoles » du Power jusqu'à la musique extrême. Écoutes-tu beaucoup de choses dans le métal pour avoir un jeu de la sorte ?
J'ai toujours écouté pas mal de trucs différents. J'ai pris mes premiers frissons sur des albums comme « Flying In A Blue Dream » de SATRIANI, « Grin » de CORONER, ou « T-Ride » du groupe du même nom, et ça m'a très vite donné envie d'écouter un maximum de choses. Mon frère était très branché guitar heroes à une époque, et j'ai pu découvrir avec lui des guitaristes comme Jason Becker, Shawn Lane, Steve Vai. Puis j'ai fait mes armes en découvrant et en jammant sur des albums de PANTERA, de DIMMU BORGIR, de METALLICA, ou encore « Heavy As A Really Heavy Thing » de DEVIN TOWNSEND, dont je suis un gros fan. J'ai toujours écouté beaucoup de metal, sans être fondu d'une scène en particulier, mais également pas mal de musique de films et de musique électronique.
Quel est le matos que tu utilises ?
Ma config' est assez simple. Je joue sur un Mesa Boogie Dual Rectifier, baffle 4*12, côté ampli. Ils ont un spectre de son super large, et un rendu très droit au niveau des enceintes, ce qui est un vrai plus comparé à d'autres amplis que j'ai pu utiliser par le passé. Côté pédales, j'utilise une Boss GT6 pour certains effets, une Boss DD5 pour mes delays et une wha Bad Horsie de Morley. Niveau guitares, j'ai une préférence pour mon ESP et une PRS, sur lesquelles je monte des cordes Blue Music Tools.
Les guitares de Minushuman comportent du jeu mélodique en accord. Comment procèdes-tu pour composer à ce niveau-là ? Tu reproduis des mélodies que tu as en tête ou tu joues sans trop te poser de questions ?
Je crois que les idées qui me viennent d'abord sont les grooves, les rythmiques, les riffs, que je travaille longtemps en boucle, et les mélodies arrivent généralement d'elles-mêmes au bout d'un moment. Elles viennent se caler dans un coin de ta tête et tu peux difficilement t'en défaire ! J'essaye généralement de tourner autour d'une idée principale et de voir comment elle se développe naturellement, et si elle m'entête, je creuse alors plus en profondeur. Il m'arrive également de partir d'une mélodie qui me traîne dans la tête et de construire autour, mais c'est plus rare.
On parle souvent de l'originalité en musique. Quel sont selon toi les pièges à éviter afin de ne pas sonner comme son voisin ?
Je crois qu'à partir du moment où tu ne cherches qu'à t'écouter et à jouer une musique en laquelle tu crois, les similitudes éventuelles qu'on peut y retrouver s'effacent d'elles-mêmes, plus ou moins. Si tu pars du principe « j'adore ce groupe, je veux faire pareil », ça limite forcément ton champ d'exploration. Et puis tout dépend aussi du pointeur, de ce que tu compares entre différents groupes, et selon le degré de recul, tout peut sembler très similaire ou au contraire très éloigné. La scène metal est une des scènes les plus riches et variées que je connaisse, mais on peut effectivement vite s'enferrer dans un genre si on ne regarde qu'à travers lui.
Qu'est-ce que tu penses du Shred et des solos ?
Tant que ça sert à exprimer quelque chose, à faire passer un sentiment particulier, je suis client. Si c'est dans une démarche démonstrative, je fatigue très vite. Je peux prendre un pied absolu à écouter certains albums de DREAM THEATER par exemple, comme d'autres peuvent m'être plus indigestes, parce que « too much ». Je suis plutôt client des guitaristes qui vont ajouter une pièce musicale à un morceau, plutôt que d'y mettre un maximum de notes possibles. Évidemment, si ça joue vite et bien, j'ai rien contre ! Mais c'est une question de dosage. Je me souviens d'une époque où le débat sur la présence ou non d'un solo dans un morceau faisait rage, et il y avait clairement deux camps qui s'opposaient. Le shred est corrélé à un peu tous les styles, c'est plus une manière de pousser les potards dans le rouge en terme de vitesse à mon avis. Le black metal c'est un peu le shred du blues en fait.
En terme de matos est-ce que le prix est souvent synonyme de qualité ?
Le matos peut rapidement coûter les yeux de la tête, mais c'est souvent synonyme de vraie qualité derrière. Tout est important, ta guitare, tes câbles, et tu peux vite d'un côté perdre en signal sonore, et ajouter du stress quand tu n'es pas certain du matériel sur lequel tu joues. Je crois que tous les musiciens connaissent les joies du « buzz » à cause d'un mauvais câble ou d'une mauvaise connectique qui peut parfois plomber tout un concert. Donc de ce côté-là bien sûr, les produits bas de gamme peuvent donner des résultats étranges, t'ajouter un souffle incroyable, etc. Mais j'ai pu tester des guitares d'entrée de gamme qui sonnaient incroyablement bien et sortir des sons assez déments de tout petits amplis à très bas prix. Tout dépend de tes besoins.
Joues-tu parfois un autre style musical que le métal ?
J'ai toujours plutôt évolué dans des sphères metal, mais j'accompagne également à l'occasion mon ami dbClifford, qui évolue dans un style plutôt jazz/groove/rock, sur certains live. Mais j'ai tendance à ressentir que ça reste dans la grande famille du rock'n'roll.
Comment développer sa vitesse et son endurance ?
Je pense qu'il faut avant toute chose prendre garde à ne pas se faire mal en jouant. Quand on décide de se mettre à travailler sa technique, on a souvent tendance à répéter les mêmes gestes, les mêmes positions, très souvent, et si une douleur s'installe, ça peut vite devenir compliqué. Après, c'est un jeu entre ressenti et travail en crescendo. Pour jouer vite, il faut savoir jouer lentement. Il paraît souvent plus facile de jouer rapidement plutôt que doucement, or c'est en décomposant bien chaque note, chaque position, et en accélérant petit à petit le tempo, qu'on apprend le mieux, à mon sens. Il faut apprendre à ressentir chaque note, pour après pouvoir jouer avec, et apporter ses nuances, son expression, à travers elles.
Comment tu appréhendes l'accordage de ta guitare ? Qu'est-ce que tu penses des huit cordes et de ce genre de machine de guerre ?
Avec MINUSHUMAN, nous jouons en accordage drop d, soit D A D G B E, sur des cordes de tirant 10*52. Ça ouvre déjà pas mal de possibilités, et c'est légèrement plus gras qu'en E. J'ai pu tester et jouer en accordant l'ensemble un ton ou deux en dessous, mais je suis pas super client, ça ramollit la tension des cordes, et il faut du coup monter des jeux à très gros tirants. Mais ça dépend aussi du type de musique que tu veux jouer. Pour moi la grande référence de l'open tuning reste Michael Hedges, qui a trouvé de magnifiques et nouvelles façons d'appréhender l'accordage. L'arrivée des huit cordes a généré avec elle tout une nouvelle scène, avec ce son de B grave assez reconnaissable, que MESHUGGAH a participé à démocratiser, et qu'on retrouve maintenant dans pas mal de groupes, notamment dans le metalcore moderne. Ce qui me chagrine un peu est que tout a tendance à sonner un peu pareil maintenant, et j'ai parfois l'impression de ne plus entendre que du SI syncopé à tout va. Mais il sort également des musiciens absolument hallucinants qui en tirent des résultats assez incroyables, et on en revient à ta question sur le shred de tout à l'heure, les huit cordes sont un peu leur nouveau champ d'exploration.
Pourquoi selon toi la guitare attire autant de musiciens dans le metal ? D'ailleurs si tu n'avais pas été guitariste quel instrument aurais-tu aimé jouer ?
Oh, je crois que l'attirance pour la guitare n'est pas singulière à la scène metal, même si elle y est clairement marquée. C'est vrai que pour dix guitaristes, on trouve souvent trois bassistes et un quart de batteur, et c'est souvent compliqué pour certains groupes de trouver un line-up stable. C'est un instrument qui permet de faire passer un grand nombre d'émotions, qui s'il devait se rapprocher d'un instrument plus « classique », serait pour moi plutôt le pendant du violon, et du violoncelle dans son aspect rythmique. Je me suis vu tomber en larmes à l'occasion de certains concerts de guitaristes qui arrivent en quelque sorte à créer un pont direct entre leurs sentiments et leur jeu, comme par exemple Chris Poland, que j'ai eu la grande chance de voir jouer dans un tout petit club à Los Angeles. Après, le metal reste une musique à riffs, et la guitare en est souvent le vecteur central. Quand on pense au riff de « Smoke On The Water », on sifflote plutôt la guitare que la basse, généralement ! Je joue un peu de batterie à côté, et j'aurais adoré devenir batteur. C'est un autre univers, c'est l'assise rythmique et le pulse, c'est un ressenti clairement différent. Certains batteurs sont juste non-humains de nos jours, c'est devenu incroyable.
Peux-tu nous donner ton avis sur ces différents guitaristes ?
- James Hetfield : C'est Papa. C'est un guitariste absolument incroyable, et je ne connais pas un gratteux qui n'ait pas appris à jouer certains riffs de METALLICA. Il a une technique de main droite de dingue, et arrive à assurer des rythmiques très intenses tout en assurant à la perfection ses parties vocales. Il est je crois le Mr Riff des années 80/90.
- Joe Perry : Je t'avouerai que je n'ai jamais vraiment écouté AEROSMITH, et que je ne connais pas vraiment son travail, à part le riff classique de « Walk This Way » bien sûr.
- Yngwie Malmsteen : Le fou furieux. Il a développé tout un univers pour les fans de néo-classique et mis la barre technique à un niveau démentiel. J'ai pu écouter quelques albums plus jeune, mais je ne suis jamais rentré dans sa musique, un peu trop hard FM pour mes oreilles, comme « Fire & Ice » par exemple.
- Dave Mustaine : Il a une technique reconnaissable entre mille, et a pondu de super trucs, si on aime les groupes à solos prédominants et endiablés. J'ai toujours été plutôt METALLICA que MEGADETH, mais des albums comme « Countdown To Extinction » ou « Peace Sells… But Who's Buying? » renferment de super morceaux et des riffs de haute voltige.
- Dimebag ? : Paix à son âme. En plus d'être juste un guitariste extraordinaire, il était apparemment une grosse crème. Les disques de PANTERA ont longtemps tourné sur ma platine, et continuent de le faire à l'occasion. Tous les morceaux de « Vulgar » tuent. Il avait un jeu supra groovy et super précis, et il ne sonnait comme personne d'autre. J'ai été particulièrement affecté par ce qui lui est arrivé à lui et aux autres victimes de son road crew. Il est parti bien trop tôt.
- Kurt Cobain : Je n'étais pas du tout fan de NIRVANA à l'époque, étant dans une période où j'écoutais plutôt du PANTERA ou du TESTAMENT, mais j'ai appris à redécouvrir ce qu'il a écrit, et il avait quelque chose de très particulier. Il avait cette façon de tourner autour de powerchords très simples tout en créant des chansons ultra entêtantes et sombres. Les riffs de « Smells Like Teen Spirit » ou « Come As You Are » font partie de ceux avec lesquels on débute la guitare maintenant, et c'est pas donné à tout le monde d'en pondre de pareils.
Le mot de la fin est pour toi !!!
Un grand merci à toi pour cette interview ! J'espère à bientôt sur la route !