Svart Crown, Ex-Artefact - NICOLAS MULLER par VSGREG - 5821 lectures
"Abécédaire pour les musiciens en galère et ceux qui les voient ramer" est découpé en "définitions" comme le dictionnaire... il parcoure ainsi l'alphabet 4 fois de suite.
VS-webzine vous propose d'en savoir un peu plus sur ce livre via une interview de son auteur Nicolas "Ranko" Muller.
Peux-tu tout d'abord te présenter simplement aux lecteurs de VS qui ne te connaissent pas !
Facile ! Je suis comme eux un malade mental qui hante les pages de VS et les salles de concert, qui adore le death-metal et le trizo-core, mais aussi plein d’autres choses pas toujours très catholiques, ni très sataniques. Sinon je suis surtout « connu », si on peut dire, pour avoir tenu les baguettes dans quelques groupes de metal, Artefact et Otargos surtout, et Spheric Universe Experience, à l’époque où je suis allé me compromettre dans un groupe de prog. Aujourd’hui je joue dans Svart Crown, que les fans de VS connaissent je pense, et dans les Startruckers, un groupe de southern rock qui gagne à être connu.
Comment est venue l'idée de te mettre à la rédaction d'un tel ouvrage ?
Pour échapper à la dépression. Un vrai mélo. Ce livre, c’est une lettre d’amour envoyée en retard par un mec en pleine déconstruction à une fille qui l’a viré sans prévenir. Quand j’ai commencé à l’écrire, je ne jouais pratiquement plus de batterie. Artefact s’était lamentablement suicidé, mes piges dans SUE et Otargos étaient terminées, les startruckers balbutiaient. A cette période je répétais avec les mecs de Kragens pour les aider à avancer sur la compo de leur prochain album. J’entretenais un peu la forme, mais je ne te cache pas que ça me fascinait pas des masses. En fait je m’ennuyais beaucoup, et le fait de ne plus avoir de groupe sérieux, solide et motivé, avec des projets, ça me faisait penser que j’étais arrivé au bout d’un truc. Je croyais que le metal c’était derrière moi, et que c’était très bien comme ça. Je tournais en rond depuis six mois, ce qui ne m’était jamais arrivé depuis l’an 2000, et c’était hyper angoissant. Une fin en eau de boudin, quoi. Alors, comme je suis un grand romantique, et que j’aime pas que les belles histoires finissent mal, j’ai voulu me lancer dans l’écriture d’un bouquin, qui me permettait de faire deux choses essentielles compte tenu des circonstances : évacuer le plus de frustrations possible, mais prendre le temps de bien réfléchir pour en tirer quelque chose de drôle, et pas la confession d’un pauvre type aigri qui n’a pas réussi.
Comment décide-t-on de se lancer dans un projet aussi dingue que de raconter les déboires d'un musicien metal ?
Ben j’avais l’intime conviction d’avoir la capacité d’écrire un livre de 300 pages, et une féroce (ça c’est metal, comme adjectif) envie de raconter des histoires depuis très longtemps. Seulement j’avais pas d’idée de sujet. J’ai énormément réfléchi, ça m’empêchait de dormir. J’ai d’abord écrit un roman, ça m’a mis le pied à l’étrier, mais ça n’avait rien à voir avec la musique. Mais j’ai pris goût au fait de m’étaler sur des pages et des pages, dans un format beaucoup plus libre et plus long qu’un article de presse écrite (parce que mon vrai métier, c’est journaliste). Alors une fois le roman terminé, j’ai décidé de me remettre vite fait au boulot, et là j’ai cherché à écrire un truc drôle. Je ne savais pas quoi, mais le postulat de départ, c’était que le moteur de l’œuvre devait être l’humour. Et pour amuser le public, il n’y a rien de mieux que de parler de ce qu’on connaît par cœur. Gad El Maleh imite son grand-père, Elie Kakou c’était sa grand-mère, Le Pen c’est Hitler. Moi, à mon petit niveau, je parle des musiciens en galère, parce que j’en suis un, et que j’en connais des tas. C’est mon microcosme.
Quelle a été ta motivation pour écrire ce livre ? Etablir une certaine vérité ?
Je voulais commencer par enfoncer quelques portes ouvertes, mais si possible avec élégance. Ma motivation première, c’est le rire. Ce bouquin, c’est pas une thèse de sociologie sur l’impact de la société de consommation dans le quotidien marginal des forçats du divertissement. C’est une compilation de farces, basées sur des faits réels, et c’est destiné à divertir les lecteurs. Ceux qui sont dans la même galère s’y reconnaitront, ceux qui connaissent des musiciens et qui savent ce qui se trame dans cet univers-là vont y retrouver des tas de gens qu’ils côtoient. Et ceux qui aiment la musique, qui s’intéressent aux artistes et qui se posent des questions sur notre vie, ils apprendront certainement quelque-chose. Pour eux, oui, on peut dire que j’ai essayé de rétablir la vérité. Mais ce n’est pas par ce bout-là que j’ai pris la rédaction de ce livre. Il était d’abord fait pour mes congénaires, et je l’ai élargi au plus de monde possible, au fur et à mesure. Et je pense que c’est beaucoup plus intéressant et drôle comme ça, en n’étant pas qu’une private joke.
Ton livre sort chez Camion Blanc, avais-tu signé un contrat ou obtenu des garanties de publication avant de t'attaquer à la rédaction de ton livre ? N'avais-tu pas peur que ton travail finisse par rester sur ton disque dur ...
En fait j’avais commencé le bouquin depuis quelques jours, et posté des extraits sur MyMajorCompany Books, en n’espérant rien de spécial. J’ai suggéré une news qui est passée sur VS, et Nicolas Walzer, qui travaille chez Camion Blanc et qui a écrit notamment « Anthropologie du metal extrême », est tombé dessus. C’est lui qui m’a contacté, après s’être bien marré, je pense, en lisant la dizaine de pages qui était en ligne. Donc oui, j’avais peur que ça finisse sur mon disque dur, mais ça n’a duré qu’une petite semaine. Après, il fallait quand-même que j’assure jusqu’au bout, parce que je m’étais lancé dans un truc de fou, avec un format à respecter, une relative épaisseur à atteindre (tant dans le propos que dans le nombre de pages), et que ça reste drôle jusqu’au bout.
Tu as choisi de présenter ce livre comme un Abécédaire, pourquoi ce choix plutôt qu'une biographie ?
Parce que la biographie d’un inconnu, ça n’intéresse pas grand monde. A part Christiane F ou Anne Frank, mais mon pathos est quand-même largement moins brutal ! J’ai choisi ce format-là pour m’amuser, aussi. Au départ, j’ai défini les quatre chapitres, mis les lettres en début de paragraphe, sans savoir quel mot allait surgir. Il fallait à tout prix que je survole l’alphabet quatre fois, et que je trouve quoi dire avec un W, un K ou un Z. Comme au scrabble. Mais regarde le résultat : si j’ai réussi mon coup, ça se lit vite, facilement, tu peux t’y replonger rapidement, aller directement au chapitre qui t’intéresse. C’est de l’humour speedé, comme « Bref »ou encore mieux,« Kaamelott .» Je ne voulais surtout pas gaver les lecteurs avec ma crise d’identité de musicien à moitié incompris. Il fallait que tout le monde puisse s’identifier, retrouver quelqu’un, se projeter dans le livre et se mettre en situation.
Peux-tu revenir sur les différentes phases de ton projet ? Depuis combien de
temps es-tu en train de rédiger ce livre ? Comment t'es-tu organisé pour mener à bien ton œuvre ?
Je l’ai écrit entre février et mars de cette année, définition par définition, comme ça me venait. Quand j’étais vraiment inspiré, je me lançais dans une intro de partie. C’est ce qui m’a demandé le plus d’effort de réflexion, mais aujourd’hui j’en suis très fier. Puis le manuscrit est resté en suspens jusqu’au mois de juin, au moment où Nicolas Walzer, qui est devenu le directeur d’ouvrage, a eu le temps de s’y pencher. Là on a carburé comme des malades, on s’envoyait des mails tous les jours, il m’a enterré sous une tonne de commentaires qu’il écrivait dans la marge, et moi de mon côté je m’arrachais pour améliorer le produit fini. Je l’ai détesté, mais je ne pouvais pas le tuer puisqu’il était à la Réunion. Mais cet effort de sa part, car je pense qu’il y a passé une éternité, a vraiment rendu service au bouquin.
A qui ce livre est-il destiné ? Aux musiciens en herbe qui espèrent devenir
les futurs Lars Ulrich(e) ? Aux amateurs du metal qui pensent qu'on se fait un paquet de pognon en tant que zikos ? A tes amis et à ta famille ?
Il est destiné à tous ces gens à la fois. Mes amis qui l’ont déjà lu se sont éclatés. Guillaume d’Artefact l’a avalé en deux jours. XxX d’Otargos le feuillette chaque fois qu’il va aux toilettes, et il m’en a dit beaucoup de bien. Eux ça leur fait drôle, parce qu’ils sont aussi les protagonistes du livre. Mais ça ne les empêche pas de s’amuser, et d’apprendre des trucs. Mais sincèrement, je pense que ça peut servir de manuel de survie pour le musicien en herbe. Mon pote Nacim de Sideblast m’a même dit : « merci, grâce à toi je vais pouvoir offrir ce bouquin à tout mon entourage, qui me demande en quoi consiste ma vie, mais à qui j’ai un peu la flemme de l’expliquer.» C’est le plus beau compliment qu’on pouvait me faire.
Le livre est plein d'anecdotes et tu reviens sur pas mal de choses que tu as vécu, alors parlons de toi ! Tu as été – ou est encore - membre de SVART CROWN, OTARGOS, ARTEFACT, Spheric Universe Experience etc. Pourquoi as-tu multiplié tant de projets tout au long de ta carrière …
Quand tu es batteur et que tu sais à peu près blaster, on te propose pas mal de plans, dans le metal extrême. Artefact, c’est la maison mère, j’y suis rentré à 19 ans, il n’y avait presque rien, et j’y ai tout appris ou presque. Spheric Universe Experience, c’était pour jouer avec des mecs géniaux et assouvir ma passion pour Dream Theater. On me l’a proposé par hasard. Otargos, c’était pour rendre service au patron de Rupture-Music. Ils venaient de perdre Arkhamian, leur ancien batteur, qui préférait faire de la planche à voile plutôt que de jouer du black metal (et je peux le comprendre). Je me souviens qu’Alexxx pensait que je n’en étais pas capable, mais le premier concert, qu’on a fait sans répète au préalable, à Nice, s’est bien passé. J’ai passé deux années fabuleuses à jouer avec eux, j’ai rarement autant rigolé qu’avec ces mecs-là, qui sont restés de très bons amis que je vois dès que j’en ai l’occasion, même s’ils sont loin. Quant à Svart Crown, je connais JB depuis ses premiers riffs de gratte. Il a eu une galère avec son ancien batteur, il m’a demandé si ça me branchait de le remplacer, il m’a emballé ça dans une tournée avec Septic Flesh et la promesse de bien me marrer avec une fine équipe comme j’en avais pas connu depuis Otargos. J’ai hésité, parce que comme je te le disais tout à l’heure je croyais que tout ça c’était fini, mais j’ai fini par accepter, et j’ai bien fait. Tout ça, c’est une affaire de motivation, d’opportunités, d’aventures humaines. Quand tu rentres dans un groupe, c’est pour le meilleur et pour le pire. Moi je ne peux pas partager ça avec n’importe qui, même avec toute la passion du monde. Jusqu’ici, j’ai été plutôt chanceux, même si j’ai vécu de belles agonies. Mais je ne veux pas spoiler le bouquin !
En dehors d'Artefact, il y a certains groupes qui existent encore mais dont tu ne fais plus partie, pourquoi avoir mis fin à ces collaborations ?
Des concours de circonstances. Otargos était basé à Bordeaux, me demandait plus d’investissement sur le plan humain et financier, je ne pouvais pas suivre. J’étais étudiant, j’avais pas une thune à un point effrayant. Et ils avaient ce taré de Thyr sous la main. C’est Astaroth qui me l’a annoncé, et au téléphone on a surtout pris des nouvelles l’un de l’autre. J’avais le sentiment du travail accompli, on avait fait un bon album, un dvd que je trouve fantastique, j’avais prouvé que je pouvais jouer cette musique-là en live. J’ai quitté Otargos sans aucune rancœur, même si ce n’était pas de mon propre chef. SUE c’était plus compliqué. Ce groupe coûtait horriblement cher, à cause des nazes qui géraient nos intérêts, et le chanteur commençait à sérieusement me fatiguer. Alors quand le poids des problèmes est devenu plus lourd que celui du plaisir, j’ai quitté le navire, un peu aigri d’avoir claqué autant de pognon dans un groupe sans jamais le voir réussir vraiment, mais heureux d’avoir accompli de belles choses et de m’y être fait des amis en or. Artefact, par contre, ça s’est fini assez minablement, par la faute de tout le monde. Guillaume est parti, fatigué de notre envie de modernité. Nous, on s’est laissé crever en ayant la flemme de se bouger pour faire avancer le groupe. Mais on n’avait pas l’énergie. Vraiment pas. On était rincés. Mais ça a duré huit ans, on a fait trois albums. C’est pas mal !
Lequel des groupes est celui qui te correspond le mieux en tant que musicien et fan de metal ? Pourquoi ?
Tous. Je suis tellement ouvert musicalement que certains de mes potes trouvent ça étrange. J’ai pris du plaisir partout. Mais je t’avoue que j’ai plus d’entrain à jouer des morceaux violents et rentre-dedans que des mélopées folkloriques ou des balades un peu love sur les bords. Otargos ça bourrait à mort, j’adorais ça. Artefact c’était technique et rapide, j’adorais ça. SUE c’était hyper technique, j’adorais ça. Svart Crown c’est brutal et exigeant, j’adore ça. Et maintenant que je vois tout ça d’un œil un peu plus détendu, je prends encore plus de plaisir sur scène. C’est JB qui gère le groupe, moi je joue, du mieux possible, mais je n’ai quasiment que ça à faire, et je sais que je le fais simplement parce que je le veux bien. Je n’ai plus de plan de carrière à titre personnel, j’ai compris comment ça marchait. Je me rends disponible, je me mets au service du groupe, je laisse ceux qui savent faire s’occuper de la logistique et de la croissance du groupe. Mon rôle, c’est d’être positif et de détruire la batterie.
Lequel de tes groupes a été à l’origine des plus grandes désillusions de ta carrière ?
Artefact et SUE. Artefact, parce qu’on avait tout pour réussir, sauf les circonstances. Aucun d’entre nous n’était assez fou pour se lancer vraiment dans le grand bain et entraîner les autres dans son sillage. On était tellement convaincus de faire de la bonne musique qu’on croyait que ça finirait par tomber du ciel. On a pêché par orgueil, peut-être. Mais avec le recul, force est de constater qu’on n’avait pas le temps de devenir des rockstars. Ce que je fais aujourd’hui avec Svart Crown, les 100 dates par an et tout ce qui va avec, je ne pouvais pas le faire à l’époque d’Artefact, parce que je n’avais pas encore choisi mon mode de vie. Et c’était pareil pour les autres. SUE, c’est le groupe des arlésiennes. On nous a fait miroiter des tonnes de trucs. Des tournées en pagaille, des deals avec des gros labels, etc. Il n’y a eu que très peu de choses, en quatre ans passés avec eux, pourtant on menait notre barque le plus sérieusement du monde, et on consentait à beaucoup de sacrifices.
Aujourd'hui tu sembles vacciné et réaliste sur les difficultés de la vie d'un musicien d'un groupe de metal. Malgré tout tu fais encore partie de plusieurs groupes actifs avec lesquels tu passes par les étapes des répetes, du studio, de la vie sur la route etc. Qu'est ce qui te motive à continuer ?
Le plaisir. Et aussi le fait que je ne ressens plus la pression malsaine qui me hantait jour et nuit il y a encore deux ans. Maintenant je fais de la musique sérieusement, j’y mets toute mon énergie, mais j’évite à tout prix de m’angoisser avec ça. Sur la route je rencontre des tas de gens, je vois du pays. La machine Svart Crown tourne bien, ça m’aide à mieux supporter tout ça. Je sais ce que je fais, je sais où on va, je navigue moins dans l’incertitude qu’avec les groupes dans lesquels je jouais avant. En musique, le premier confort auquel on peut goûter, c’est celui de savoir sur quel chemin on est, et de voir les projets se concrétiser les uns après les autres. La plus grosse erreur, c’est de viser trop haut, parce qu’à force de ramer dans le vide, on s’épuise. Faut prendre le temps qu’il faut, mais se bouger le cul pour ne pas trainer en route.
Dans la vraie vie, quel est ton job ?
Journaliste au chômage, écrivain débutant, prof de batterie à mes heures perdues. Et musicien payé, mais bénévole dans le sens où pour l’instant, l’argent que génère Svart Crown ne finit pas dans ma poche ni dans celle des autres, mais dans la caisse du groupe.
Pourquoi Ranko comme pseudo ?
C’est le grand singe dans Tintin et l’île noire. J’imagine que ça vient de ma ressemblance précoce avec cet animal, puisque j’ai atteint mon format actuel vers l’âge de 14 ans. J’avais à l’époque deux amis, avec qui je faisais du death metal, d’ailleurs, qui étaient plus vieux que moi mais qui hallucinaient sur mon physique, parce qu’eux ils étaient petits et maigres. C’est sorti dans la cour du lycée, et depuis c’est resté.
As-tu réfléchi à un livre qui serait intitulé "Abécédaire pour les ecrivains en galère et ceux qui les voient ramer" :-) ?
Oui, mais je n’ai pas l’expertise nécessaire. Un jour où j’étais perdu dans un réfectoire en République Tchèque, Dirk Verbeuren m’a dit : « il faut pratiquer une activité pendant 10 000 heures pour pouvoir se considérer comme professionnel. » La batterie déjà, je suis pas sûr d’avoir atteint le quota. Alors de là à théoriser sur les difficultés des écrivains…Je laisse ça aux vrais écrivains, et je donnerai mon avis dans 9 000 heures et des brouettes.
VS-webzine vous propose d'en savoir un peu plus sur ce livre via une interview de son auteur Nicolas "Ranko" Muller.
Facile ! Je suis comme eux un malade mental qui hante les pages de VS et les salles de concert, qui adore le death-metal et le trizo-core, mais aussi plein d’autres choses pas toujours très catholiques, ni très sataniques. Sinon je suis surtout « connu », si on peut dire, pour avoir tenu les baguettes dans quelques groupes de metal, Artefact et Otargos surtout, et Spheric Universe Experience, à l’époque où je suis allé me compromettre dans un groupe de prog. Aujourd’hui je joue dans Svart Crown, que les fans de VS connaissent je pense, et dans les Startruckers, un groupe de southern rock qui gagne à être connu.
Comment est venue l'idée de te mettre à la rédaction d'un tel ouvrage ?
Pour échapper à la dépression. Un vrai mélo. Ce livre, c’est une lettre d’amour envoyée en retard par un mec en pleine déconstruction à une fille qui l’a viré sans prévenir. Quand j’ai commencé à l’écrire, je ne jouais pratiquement plus de batterie. Artefact s’était lamentablement suicidé, mes piges dans SUE et Otargos étaient terminées, les startruckers balbutiaient. A cette période je répétais avec les mecs de Kragens pour les aider à avancer sur la compo de leur prochain album. J’entretenais un peu la forme, mais je ne te cache pas que ça me fascinait pas des masses. En fait je m’ennuyais beaucoup, et le fait de ne plus avoir de groupe sérieux, solide et motivé, avec des projets, ça me faisait penser que j’étais arrivé au bout d’un truc. Je croyais que le metal c’était derrière moi, et que c’était très bien comme ça. Je tournais en rond depuis six mois, ce qui ne m’était jamais arrivé depuis l’an 2000, et c’était hyper angoissant. Une fin en eau de boudin, quoi. Alors, comme je suis un grand romantique, et que j’aime pas que les belles histoires finissent mal, j’ai voulu me lancer dans l’écriture d’un bouquin, qui me permettait de faire deux choses essentielles compte tenu des circonstances : évacuer le plus de frustrations possible, mais prendre le temps de bien réfléchir pour en tirer quelque chose de drôle, et pas la confession d’un pauvre type aigri qui n’a pas réussi.
Comment décide-t-on de se lancer dans un projet aussi dingue que de raconter les déboires d'un musicien metal ?
Ben j’avais l’intime conviction d’avoir la capacité d’écrire un livre de 300 pages, et une féroce (ça c’est metal, comme adjectif) envie de raconter des histoires depuis très longtemps. Seulement j’avais pas d’idée de sujet. J’ai énormément réfléchi, ça m’empêchait de dormir. J’ai d’abord écrit un roman, ça m’a mis le pied à l’étrier, mais ça n’avait rien à voir avec la musique. Mais j’ai pris goût au fait de m’étaler sur des pages et des pages, dans un format beaucoup plus libre et plus long qu’un article de presse écrite (parce que mon vrai métier, c’est journaliste). Alors une fois le roman terminé, j’ai décidé de me remettre vite fait au boulot, et là j’ai cherché à écrire un truc drôle. Je ne savais pas quoi, mais le postulat de départ, c’était que le moteur de l’œuvre devait être l’humour. Et pour amuser le public, il n’y a rien de mieux que de parler de ce qu’on connaît par cœur. Gad El Maleh imite son grand-père, Elie Kakou c’était sa grand-mère, Le Pen c’est Hitler. Moi, à mon petit niveau, je parle des musiciens en galère, parce que j’en suis un, et que j’en connais des tas. C’est mon microcosme.
Quelle a été ta motivation pour écrire ce livre ? Etablir une certaine vérité ?
Je voulais commencer par enfoncer quelques portes ouvertes, mais si possible avec élégance. Ma motivation première, c’est le rire. Ce bouquin, c’est pas une thèse de sociologie sur l’impact de la société de consommation dans le quotidien marginal des forçats du divertissement. C’est une compilation de farces, basées sur des faits réels, et c’est destiné à divertir les lecteurs. Ceux qui sont dans la même galère s’y reconnaitront, ceux qui connaissent des musiciens et qui savent ce qui se trame dans cet univers-là vont y retrouver des tas de gens qu’ils côtoient. Et ceux qui aiment la musique, qui s’intéressent aux artistes et qui se posent des questions sur notre vie, ils apprendront certainement quelque-chose. Pour eux, oui, on peut dire que j’ai essayé de rétablir la vérité. Mais ce n’est pas par ce bout-là que j’ai pris la rédaction de ce livre. Il était d’abord fait pour mes congénaires, et je l’ai élargi au plus de monde possible, au fur et à mesure. Et je pense que c’est beaucoup plus intéressant et drôle comme ça, en n’étant pas qu’une private joke.
Ton livre sort chez Camion Blanc, avais-tu signé un contrat ou obtenu des garanties de publication avant de t'attaquer à la rédaction de ton livre ? N'avais-tu pas peur que ton travail finisse par rester sur ton disque dur ...
En fait j’avais commencé le bouquin depuis quelques jours, et posté des extraits sur MyMajorCompany Books, en n’espérant rien de spécial. J’ai suggéré une news qui est passée sur VS, et Nicolas Walzer, qui travaille chez Camion Blanc et qui a écrit notamment « Anthropologie du metal extrême », est tombé dessus. C’est lui qui m’a contacté, après s’être bien marré, je pense, en lisant la dizaine de pages qui était en ligne. Donc oui, j’avais peur que ça finisse sur mon disque dur, mais ça n’a duré qu’une petite semaine. Après, il fallait quand-même que j’assure jusqu’au bout, parce que je m’étais lancé dans un truc de fou, avec un format à respecter, une relative épaisseur à atteindre (tant dans le propos que dans le nombre de pages), et que ça reste drôle jusqu’au bout.
Tu as choisi de présenter ce livre comme un Abécédaire, pourquoi ce choix plutôt qu'une biographie ?
Parce que la biographie d’un inconnu, ça n’intéresse pas grand monde. A part Christiane F ou Anne Frank, mais mon pathos est quand-même largement moins brutal ! J’ai choisi ce format-là pour m’amuser, aussi. Au départ, j’ai défini les quatre chapitres, mis les lettres en début de paragraphe, sans savoir quel mot allait surgir. Il fallait à tout prix que je survole l’alphabet quatre fois, et que je trouve quoi dire avec un W, un K ou un Z. Comme au scrabble. Mais regarde le résultat : si j’ai réussi mon coup, ça se lit vite, facilement, tu peux t’y replonger rapidement, aller directement au chapitre qui t’intéresse. C’est de l’humour speedé, comme « Bref »ou encore mieux,« Kaamelott .» Je ne voulais surtout pas gaver les lecteurs avec ma crise d’identité de musicien à moitié incompris. Il fallait que tout le monde puisse s’identifier, retrouver quelqu’un, se projeter dans le livre et se mettre en situation.
Peux-tu revenir sur les différentes phases de ton projet ? Depuis combien de
temps es-tu en train de rédiger ce livre ? Comment t'es-tu organisé pour mener à bien ton œuvre ?
Je l’ai écrit entre février et mars de cette année, définition par définition, comme ça me venait. Quand j’étais vraiment inspiré, je me lançais dans une intro de partie. C’est ce qui m’a demandé le plus d’effort de réflexion, mais aujourd’hui j’en suis très fier. Puis le manuscrit est resté en suspens jusqu’au mois de juin, au moment où Nicolas Walzer, qui est devenu le directeur d’ouvrage, a eu le temps de s’y pencher. Là on a carburé comme des malades, on s’envoyait des mails tous les jours, il m’a enterré sous une tonne de commentaires qu’il écrivait dans la marge, et moi de mon côté je m’arrachais pour améliorer le produit fini. Je l’ai détesté, mais je ne pouvais pas le tuer puisqu’il était à la Réunion. Mais cet effort de sa part, car je pense qu’il y a passé une éternité, a vraiment rendu service au bouquin.
A qui ce livre est-il destiné ? Aux musiciens en herbe qui espèrent devenir
les futurs Lars Ulrich(e) ? Aux amateurs du metal qui pensent qu'on se fait un paquet de pognon en tant que zikos ? A tes amis et à ta famille ?
Il est destiné à tous ces gens à la fois. Mes amis qui l’ont déjà lu se sont éclatés. Guillaume d’Artefact l’a avalé en deux jours. XxX d’Otargos le feuillette chaque fois qu’il va aux toilettes, et il m’en a dit beaucoup de bien. Eux ça leur fait drôle, parce qu’ils sont aussi les protagonistes du livre. Mais ça ne les empêche pas de s’amuser, et d’apprendre des trucs. Mais sincèrement, je pense que ça peut servir de manuel de survie pour le musicien en herbe. Mon pote Nacim de Sideblast m’a même dit : « merci, grâce à toi je vais pouvoir offrir ce bouquin à tout mon entourage, qui me demande en quoi consiste ma vie, mais à qui j’ai un peu la flemme de l’expliquer.» C’est le plus beau compliment qu’on pouvait me faire.
Le livre est plein d'anecdotes et tu reviens sur pas mal de choses que tu as vécu, alors parlons de toi !
Tu as été – ou est encore - membre de SVART CROWN, OTARGOS, ARTEFACT, Spheric Universe Experience etc. Pourquoi as-tu multiplié tant de projets tout au long de ta carrière …
Quand tu es batteur et que tu sais à peu près blaster, on te propose pas mal de plans, dans le metal extrême. Artefact, c’est la maison mère, j’y suis rentré à 19 ans, il n’y avait presque rien, et j’y ai tout appris ou presque. Spheric Universe Experience, c’était pour jouer avec des mecs géniaux et assouvir ma passion pour Dream Theater. On me l’a proposé par hasard. Otargos, c’était pour rendre service au patron de Rupture-Music. Ils venaient de perdre Arkhamian, leur ancien batteur, qui préférait faire de la planche à voile plutôt que de jouer du black metal (et je peux le comprendre). Je me souviens qu’Alexxx pensait que je n’en étais pas capable, mais le premier concert, qu’on a fait sans répète au préalable, à Nice, s’est bien passé. J’ai passé deux années fabuleuses à jouer avec eux, j’ai rarement autant rigolé qu’avec ces mecs-là, qui sont restés de très bons amis que je vois dès que j’en ai l’occasion, même s’ils sont loin. Quant à Svart Crown, je connais JB depuis ses premiers riffs de gratte. Il a eu une galère avec son ancien batteur, il m’a demandé si ça me branchait de le remplacer, il m’a emballé ça dans une tournée avec Septic Flesh et la promesse de bien me marrer avec une fine équipe comme j’en avais pas connu depuis Otargos. J’ai hésité, parce que comme je te le disais tout à l’heure je croyais que tout ça c’était fini, mais j’ai fini par accepter, et j’ai bien fait. Tout ça, c’est une affaire de motivation, d’opportunités, d’aventures humaines. Quand tu rentres dans un groupe, c’est pour le meilleur et pour le pire. Moi je ne peux pas partager ça avec n’importe qui, même avec toute la passion du monde. Jusqu’ici, j’ai été plutôt chanceux, même si j’ai vécu de belles agonies. Mais je ne veux pas spoiler le bouquin !
En dehors d'Artefact, il y a certains groupes qui existent encore mais dont tu ne fais plus partie, pourquoi avoir mis fin à ces collaborations ?
Des concours de circonstances. Otargos était basé à Bordeaux, me demandait plus d’investissement sur le plan humain et financier, je ne pouvais pas suivre. J’étais étudiant, j’avais pas une thune à un point effrayant. Et ils avaient ce taré de Thyr sous la main. C’est Astaroth qui me l’a annoncé, et au téléphone on a surtout pris des nouvelles l’un de l’autre. J’avais le sentiment du travail accompli, on avait fait un bon album, un dvd que je trouve fantastique, j’avais prouvé que je pouvais jouer cette musique-là en live. J’ai quitté Otargos sans aucune rancœur, même si ce n’était pas de mon propre chef. SUE c’était plus compliqué. Ce groupe coûtait horriblement cher, à cause des nazes qui géraient nos intérêts, et le chanteur commençait à sérieusement me fatiguer. Alors quand le poids des problèmes est devenu plus lourd que celui du plaisir, j’ai quitté le navire, un peu aigri d’avoir claqué autant de pognon dans un groupe sans jamais le voir réussir vraiment, mais heureux d’avoir accompli de belles choses et de m’y être fait des amis en or. Artefact, par contre, ça s’est fini assez minablement, par la faute de tout le monde. Guillaume est parti, fatigué de notre envie de modernité. Nous, on s’est laissé crever en ayant la flemme de se bouger pour faire avancer le groupe. Mais on n’avait pas l’énergie. Vraiment pas. On était rincés. Mais ça a duré huit ans, on a fait trois albums. C’est pas mal !
Lequel des groupes est celui qui te correspond le mieux en tant que musicien et fan de metal ? Pourquoi ?
Tous. Je suis tellement ouvert musicalement que certains de mes potes trouvent ça étrange. J’ai pris du plaisir partout. Mais je t’avoue que j’ai plus d’entrain à jouer des morceaux violents et rentre-dedans que des mélopées folkloriques ou des balades un peu love sur les bords. Otargos ça bourrait à mort, j’adorais ça. Artefact c’était technique et rapide, j’adorais ça. SUE c’était hyper technique, j’adorais ça. Svart Crown c’est brutal et exigeant, j’adore ça. Et maintenant que je vois tout ça d’un œil un peu plus détendu, je prends encore plus de plaisir sur scène. C’est JB qui gère le groupe, moi je joue, du mieux possible, mais je n’ai quasiment que ça à faire, et je sais que je le fais simplement parce que je le veux bien. Je n’ai plus de plan de carrière à titre personnel, j’ai compris comment ça marchait. Je me rends disponible, je me mets au service du groupe, je laisse ceux qui savent faire s’occuper de la logistique et de la croissance du groupe. Mon rôle, c’est d’être positif et de détruire la batterie.
Lequel de tes groupes a été à l’origine des plus grandes désillusions de ta carrière ?
Artefact et SUE. Artefact, parce qu’on avait tout pour réussir, sauf les circonstances. Aucun d’entre nous n’était assez fou pour se lancer vraiment dans le grand bain et entraîner les autres dans son sillage. On était tellement convaincus de faire de la bonne musique qu’on croyait que ça finirait par tomber du ciel. On a pêché par orgueil, peut-être. Mais avec le recul, force est de constater qu’on n’avait pas le temps de devenir des rockstars. Ce que je fais aujourd’hui avec Svart Crown, les 100 dates par an et tout ce qui va avec, je ne pouvais pas le faire à l’époque d’Artefact, parce que je n’avais pas encore choisi mon mode de vie. Et c’était pareil pour les autres. SUE, c’est le groupe des arlésiennes. On nous a fait miroiter des tonnes de trucs. Des tournées en pagaille, des deals avec des gros labels, etc. Il n’y a eu que très peu de choses, en quatre ans passés avec eux, pourtant on menait notre barque le plus sérieusement du monde, et on consentait à beaucoup de sacrifices.
Aujourd'hui tu sembles vacciné et réaliste sur les difficultés de la vie d'un musicien d'un groupe de metal. Malgré tout tu fais encore partie de plusieurs groupes actifs avec lesquels tu passes par les étapes des répetes, du studio, de la vie sur la route etc. Qu'est ce qui te motive à continuer ?
Le plaisir. Et aussi le fait que je ne ressens plus la pression malsaine qui me hantait jour et nuit il y a encore deux ans. Maintenant je fais de la musique sérieusement, j’y mets toute mon énergie, mais j’évite à tout prix de m’angoisser avec ça. Sur la route je rencontre des tas de gens, je vois du pays. La machine Svart Crown tourne bien, ça m’aide à mieux supporter tout ça. Je sais ce que je fais, je sais où on va, je navigue moins dans l’incertitude qu’avec les groupes dans lesquels je jouais avant. En musique, le premier confort auquel on peut goûter, c’est celui de savoir sur quel chemin on est, et de voir les projets se concrétiser les uns après les autres. La plus grosse erreur, c’est de viser trop haut, parce qu’à force de ramer dans le vide, on s’épuise. Faut prendre le temps qu’il faut, mais se bouger le cul pour ne pas trainer en route.
Dans la vraie vie, quel est ton job ?
Journaliste au chômage, écrivain débutant, prof de batterie à mes heures perdues. Et musicien payé, mais bénévole dans le sens où pour l’instant, l’argent que génère Svart Crown ne finit pas dans ma poche ni dans celle des autres, mais dans la caisse du groupe.
Pourquoi Ranko comme pseudo ?
C’est le grand singe dans Tintin et l’île noire. J’imagine que ça vient de ma ressemblance précoce avec cet animal, puisque j’ai atteint mon format actuel vers l’âge de 14 ans. J’avais à l’époque deux amis, avec qui je faisais du death metal, d’ailleurs, qui étaient plus vieux que moi mais qui hallucinaient sur mon physique, parce qu’eux ils étaient petits et maigres. C’est sorti dans la cour du lycée, et depuis c’est resté.
As-tu réfléchi à un livre qui serait intitulé "Abécédaire pour les ecrivains en galère et ceux qui les voient ramer" :-) ?
Oui, mais je n’ai pas l’expertise nécessaire. Un jour où j’étais perdu dans un réfectoire en République Tchèque, Dirk Verbeuren m’a dit : « il faut pratiquer une activité pendant 10 000 heures pour pouvoir se considérer comme professionnel. » La batterie déjà, je suis pas sûr d’avoir atteint le quota. Alors de là à théoriser sur les difficultés des écrivains…Je laisse ça aux vrais écrivains, et je donnerai mon avis dans 9 000 heures et des brouettes.