Jean-Paul Gaster - CLUTCH par STéPHANE - 2916 lectures
CLUTCH n'a pas de chance en France. Alors que la plupart des médias spécialisés et du public français ne s'est apparemment rendu compte de son existence que depuis son dernier album « Strange Cousins From The West » (2009), le voici aujourd'hui sans distributeur chez nous depuis la regrettable cessation d'activité d'Underclass. Ce qui fait que la récente réédition du flamboyant « Blast Tyrant » (leur chef d'oeuvre, initialement paru en 2004), agrémenté d'un second CD bonus constitué notamment de morceaux acoustiques, n'est pas sortie chez nous. Et alors que le très sympathique Jean-Paul Gaster nous promettait dans cette interview que CLUTCH viendrait enfin jouer plusieurs concerts en tête d'affiche dans notre beau pays, ce n'est malheureusement toujours pas le cas. Il aura fallu se contenter d'une énième première partie, de VOLBEAT au Bataclan à Paris le 10 novembre dernier...
Jean-Paul Gaster nous avait accordé un entretien avant leur prestation au dernier Hellfest (17/06/11), concert qui aura de nouveau donné une leçon de Rock au public français. Rencontre avec un personnage très affable, et surtout un des plus grands batteurs de sa génération!
C'est la seconde fois en deux semaines que vous jouez en France. Vous avez ouvert pour SYSTEM OF A DOWN à Bercy (le 8 juin). Comment vous êtes-vous retrouvés là et comment était ce concert à Paris?
Le concert à Paris était super. Sans aucun doute la plus grosse affluence qu'on ait eu jusqu'à présent dans une salle. Bercy est une salle fantastique, c'était très intimidant. On a passé un très bon moment. SOAD sont des amis depuis longtemps. En fait on a joué avec eux sur leur première tournée, en première partie de SLAYER. C'était leur toute première tournée U.S., et on s'était bien amusé avec eux. Puis on les a vu évoluer et devenir le grand groupe qu'ils sont aujourd'hui, leur concert à Bercy était d'ailleurs fabuleux.
Et là vous jouez dans les festivals européens. Comment ça se passe? Je sais que vous avez joué au Download il y a quelques jours.
On a joué au Download Festival l'autre jour, et le temps était pluvieux. (rires) Mais ça s'est très bien passé. C'est souvent un challenge de jouer dans ces festivals, parce que tu ne sais jamais à quoi t'attendre... Ton matos peut arriver sur scène seulement quelques minutes avant de jouer, le temps peut être très capricieux. Mais ça nous plaît, on aime bien être dans cette énergie imprévisible, où rien n'est facile et gagné d'avance. On se sent bien dans l'environnement d'un festival.
Vous aviez joué au Hellfest il y a deux ans, un grand concert et une des meilleures réactions du public de tout le Fest! Tu te souviens de ce concert?
Oui je m'en souviens. Le temps était très différent de celui d'aujourd'hui. (ndr : ensoleillé en 2009 et pluvieux en 2011) Et j'avais vraiment été agréablement surpris par l'accueil du public! C'est très compliqué pour nous de venir jouer en France. Nous avons fini par penser que c'était parce que vous n'aimiez pas notre musique... (rires)
C'est pas le cas!
Oui je sais. Je pense que si on vient jouer ici plus souvent, la bonne parole finira par se répandre. Le Hellfest 2009 a été très important pour nous, ça nous a permis de franchir un palier en France. Et on compte bien faire encore mieux avec le concert de ce soir.
Vous avez récemment ressorti trois de vos albums (« Blast Tyrant », « Robot Hive / Exodus » et « From Beale Street To Oblivion ») sur votre propre label. Pourquoi avoir fait ça? Vous n'étiez pas satisfaits de la distribution de ces albums par votre label de l'époque (DRT)?
Nous n'étions effectivement pas satisfaits de la distribution de DRT, mais nous étions surtout déçus par le fait qu'ils ne paient pas leurs artistes! (rires) Ca s'est mal terminé, on a dû leur faire un procès... Et en plus ils étaient sur le point de cesser leurs activités à ce moment-là. Donc ça a été une période difficile, traîner quelqu'un en justice n'est jamais plaisant, ça coûte cher. En fin de compte nous avons récupéré les droits de nos trois albums, ce qui nous a laissé la possibilité de les ressortir sur notre label, avec des chansons en plus. Ils sont donc de nouveau disponibles, ce qui nous ravit.
Pour la ressortie de « Blast Tyrant » vous avez enregistré des chansons acoustiques en bonus. Comment ça s'est passé? C'est évidemment une approche très différente.
Comme je t'ai dit, on essaie de ne pas aller vers la facilité. Donc jouer dans une dynamique acoustique était un challenge pour nous, particulièrement pour moi, en tant que batteur. Jouer de la batterie dans cette configuration n'est pas évident. Nous avons expérimenté différentes structures de chansons, pour que ces morceaux sonnent bien en acoustique. Plutôt que de se contenter de les reproduire de la même façon, mais en acoustique. On les a repensés, pour proposer une autre manière de jouer ces chansons. Et je pense que ça a fonctionné, j'en suis très fier.
Au sujet de « Blast Tyrant », je trouve que c'est l'album qui a forgé votre son et votre style. Vous aviez déjà commencé à prendre cette direction à partir de « The Elephant Riders » (1998), mais « Blast Tyrant » définissait vraiment ce que vous êtes aujourd'hui : un groupe de Heavy Rock, avec des éléments de Blues, de Rock sudiste et de Stoner. Es-tu d'accord avec ça, et penses-tu que c'était un album important pour CLUTCH?
Oui je pense que c'était un album important pour CLUTCH. Et sans doute plus en termes de son d'ailleurs. Le producteur, Machine, s'est beaucoup impliqué sur cet album. Il nous a bien aidés à mettre en place de vraies chansons. Et je pense que cette expérience nous a fait progresser en tant que groupe. Nous avons beaucoup appris en enregistrant avec lui. Et c'est aussi un album que nous avons enregistré de façon très moderne, au click, et sur Pro Tools. Jusqu'alors nous n'avions pas procédé de manière aussi moderne. Donc c'était quelque chose de très différent pour nous. On continue des fois à bosser de cette manière, des fois non, ça dépend de ce qu'on recherche.
Tu définirais CLUTCH comme un groupe live avant tout? Parce que vous tournez beaucoup, en moyenne 150 concerts par an! Ou est-ce que vous aimez tout autant passer du temps à composer et à enregistrer des albums?
On aime les deux bien sûr. Mais nous sommes définitivement un groupe live avant tout, c'est ce à quoi nous nous sommes consacrés depuis le début, tourner le plus possible. C'est la raison pour laquelle nous avons une solide base de fans aujourd'hui. Mais en même temps nous adorons écrire et mettre en place de nouvelles idées de compos. Je sais qu'une fois cette tournée terminée, nous nous pencherons plus en détails sur ces nouvelles idées, pour enregistrer en hiver normalement.
Pour moi vous êtes comme les groupes de Rock des années 70, qui tournaient beaucoup et sortaient au moins un album par an. Votre approche de la scène est aussi très 70s je trouve, vous changez de setlist tous les soirs, vous partez en jams quand vous voulez. Comment le perçois-tu?
Je suis d'accord. L'aspect spontané de l'improvisation sur scène est très important pour nous. Même si on a un concert d'une durée très limitée, on essaie toujours de s'accorder quelques petits instants où on peut laisser libre cours à l'impro. S'amuser sur quelque chose que tu n'as pas fait hier soir, et qui ne se reproduira pas demain, c'est très important. Ca rend le concert complètement unique. On essaie toujours de jouer des choses différentes. Et pour ma part ça me permet de toujours expérimenter, de jouer une chanson d'une manière sensiblement différente. Ce qui donne une performance honnête je pense.
Est-ce que vous avez des barrières en termes de composition?
Non, pas de barrières. Et nous n'avons pas non plus de formule, les chansons évoluent naturellement, de différentes manières. Quelquefois ça part d'un riff de Tim (Sult), quelquefois ça part d'une idée à moi, d'un groove que j'ai en tête. D'autres fois c'est Neil (Fallon) qui vient chez moi avec une chanson quasi terminée et on l'examine ensemble, on voit ce qu'il faut retravailler ou pas. Et je pense que c'est ce qui nous permet de proposer des chansons variées.
Et comment gérez-vous cette schizophrénie avec THE BAKERTON GROUP (ndr : groupe parallèle des membres de CLUTCH, qui donne dans un Blues Rock psyché instrumental), étant donné que c'est le même line-up?
C'est une mentalité différente quand on compose pour THE BAKERTON GROUP. Il n'y a pas de chant, donc ça laisse plus d'espace, tu peux essayer d'autres choses. C'est un défi. Personnellement je peux développer un peu plus mon jeu avec TBG. Ce qui me plaît, parce que j'adore jouer de toute façon. (rires) Et c'est cool de pouvoir expérimenter au maximum, ça nous fait du bien.
Tu sais quand sortira le prochain album de CLUTCH, et peux-tu nous dire deux mots quant à sa direction musicale?
On aimerait enregistrer cet hiver. Et concernant sa direction c'est très dur à dire. En ce moment on a beaucoup d'idées de riffs, de chansons, et ça part un peu dans tous les sens. C'est encore trop tôt pour dire ce que deviendront les chansons sur lesquelles nous avons commencé à bosser...
Et ce sera toujours un groupe à quatre, sans clavier?
On y a pas encore pensé. Nous avons eu un clavier pendant quelques années, Mick Schauer (de 2004 à 2008). Puis on a décidé d'effectuer un changement. Qui sait? Si la bonne personne croise notre chemin, peut-être que ça pourrait de nouveau arriver. Nous n'avons pas de règles tu sais. (rires)
Le groove est un élément très important dans CLUTCH. Comment travailles-tu avec Dan (Maines), au sein de la section rythmique?
Je pense que le groove de notre musique vient du fait que j'ai beaucoup écouté les groupes de Go-Go de Washington (ndr : groupes de l'Etat de Washington qui proposaient un mélange Funk / Rhythm & Blues dans les années 60/70) quand j'étais gamin. J'ai grandi dans le Maryland, et j'étais à 25 minutes de Washington D.C. Ces chansons étaient très populaires à l'époque, tu ne pouvais pas passer à côté. Le groove des groupes de Go-Go a définitivement influencé ma façon de jouer de la batterie.
Donc tes influences ne viennent pas principalement du Rock. Du Jazz aussi je suppose?
J'ai beaucoup étudié le Jazz. Je pense que c'est important d'étudier l'histoire de l'instrument, et tu dois réaliser que la batterie est vraiment un instrument Jazz à la base. Les percussions remontent à très longtemps, il y a des millions d'années. Mais le kit de batterie tel qu'on le connaît aujourd'hui est relativement nouveau. Il a une centaine d'années, ça remonte à la période où le Jazz est apparu. Donc si tu étudies l'évolution du Jazz, tu étudies par là même l'évolution de la batterie. C'est important d'en savoir un peu à ce sujet.
Et quels sont les batteurs qui t'ont le plus influencé?
Elvin Jones. Je pense à Elvin Jones à chaque fois que je joue de la batterie. Buddy Miles est aussi un de mes batteurs préférés. Johnny Vidacovich, qui joue toujours à New Orleans, est aussi un batteur phénoménal. Et les batteurs de Go-Go bien sûr, des mecs comme Ju Ju House, Brendon Finley. Ce sont des gars qui savent jouer de bons gros grooves. Où le jeu de grosse caisse est primordial.
Y a-t-il des groupes actuels dans lesquels tu te reconnais?
Oui bien sûr. On a tourné avec MASTODON, avec qui on a passé de très bons moments, ils sont exceptionnels. La nuit dernière en Hollande il y avait un excellent groupe local qui faisait notre première partie : AUTOMATIC SAM. Je dirais aussi les DEFTONES, même si ce n'est plus un jeune groupe. C'est dur d'être inspiré par de nouveaux groupes parce qu'ils ne sont pas très originaux en général. Je préfère étudier l'histoire de la musique et écouter des vieux groupes. C'est plus fort que moi. (rires)
Tu as jeté un oeil à l'affiche d'aujourd'hui? Je suppose qu'il doit y avoir des amis à vous dans le lot? Comme KARMA TO BURN, CORROSION OF CONFORMITY, DOWN, MONSTER MAGNET...
Oui, c'est une journée excitante. Il y a beaucoup d'amis, beaucoup de grands groupes de Rock. On a joué dans pas mal de festivals ces derniers jours, mais le Hellfest est de loin, pour moi en tout cas, le plus plaisant de tous.
Malheureusement vous jouez très peu en France. Mais j'ai entendu dire que vous allez finalement venir jouer ici plusieurs concerts en tête d'affiche en novembre, c'est vrai?
C'est vrai. On a hâte de revenir en France et de jouer le plus de shows possible.
Super! Et ce sera avec d'autres groupes?
En ce moment il y a un très bon groupe avec qui nous sommes potes, qui s'appelle RED FANG. Et on est content de partir en tournée avec ces mecs, ce sera un vrai plaisir. (ndr : cette tournée française initialement prévue de plusieurs dates avec THE SWORD et RED FANG ne s'est malheureusement pas concrétisée...)
Jean-Paul Gaster nous avait accordé un entretien avant leur prestation au dernier Hellfest (17/06/11), concert qui aura de nouveau donné une leçon de Rock au public français. Rencontre avec un personnage très affable, et surtout un des plus grands batteurs de sa génération!