Crown_me - ILS OSENT ENCORE : THROATRUINER RECORDS par VSGREG - 4695 lectures
En 2011... Alors que certaines grosses structures déposent le bilan ou se font racheter... D'autres n'écoutent que leur passion et leurs envies, afin de continuer à faire vivre le Metal que nous aimons, celui qui a toujours existé et qui existera toujours, en dépit des modes et des difficultés.

VS a voulu suivre 3 personnes, qui se lancent en 2011 dans de nouveaux projets totalement Metal, et complètement passsionnés...



Salut, peux-tu déjà te présenter ? Quelles sont tes activités de prédilection au sein de la scène « Metal » ?
Matthias Jungbluth pour l'état civil, dealer de violence via Throatruiner Records. En gros j'affectionne un peu trop tout ce qui se fait en matière de musiques sales, lourdes et intenses, souvent connotées hardcore bordélique, ce qui m'a amené à sortir des groupes comme BIRDS IN ROW, AS WE DRAW, NESSERIA ou PLEBEIAN GRANDSTAND, pour citer les plus parlants. Et sinon histoire de sortir du placard, l'on me connaît dans ces pages sous le pseudonyme de Crown_Me, même si je suis désormais extrêmement discret, faute de temps et d'inspiration. A part ça je fête mes 23 printemps, je vis à Saint Brieuc avec ma chère et tendre, et je suis blanc comme un cul parce que je fais tout pour rester cloîtré chez moi à répandre mon sida musical plutôt que de m'emmerder poliment avec des vrais gens.


Tu es plus ‘acteur’ que ‘spectateur’ ; qu’est-ce qui t’a donné envie de t’impliquer de cette façon, dans la scène Metal extrême ?
Ca a été une évolution assez logique, passer acteur m'a semblé chose naturelle. Au sein de mes créneaux musicaux de prédilection, et du metal en général, faut quand même avouer que les simples spectateurs sont rares; avoir un groupe, un label, scribouiller dans un zine ou sur le net, organiser des concerts, à quelque échelle que ce soit, est chose extrêmement courante. Les gens ont besoin d'être actifs et c'est ce qui importe, ça permet à ces scènes de vivre d'elles-mêmes, puisqu'elles n'intéressent pas grand monde. C'est ça ma vision du do it yourself; si rien ne se passe, au lieu de chialer, prends les choses en mains, quelles que soient tes compétences... Après, à une échelle personnelle, le premier pas a été une annonce de recherche de chroniqueur dans ces pages. J'avais jamais écrit ni rien mais j'avais besoin de rendre, d'une certaine manière, la monnaie de sa pièce à une musique qui m'a tant apporté. Au fil des mois, j'ai pu apprendre et faire pas mal de rencontres, et ainsi la marche à franchir quand j'ai monté Throatruiner ne m'est pas apparue bien haute.


Depuis combien de temps as-tu basculé du côté « acteur » de la force ? Est-ce une activité qui te permet de vivre, ou tout au moins de survivre financièrement ? Qu’est-ce que cela représente en terme de temps passé ?
Le label existe depuis maintenant pas loin d'un an et demi. Vivre, pas tellement, survivre, encore moins, mais à force de travail ça tend à s'améliorer, les gouffres financiers se comblent peu à peu. Et ça me bouffe à peu près tout mon temps libre, qui varie selon ce que je dois faire pour payer les factures. Reste que le but avoué, depuis le début, est d'arriver à être autonome financièrement avec le label (ou tout autre activité connexe) et de pouvoir m'y consacrer 24/7, je me donne quelques années pour ça, derrière on avisera. Pas sûr que le discours soit le même quand j'aurais un plan épargne-logement et trois gosses. Après je viens pas pigner non plus parce , j'ai le "luxe" de pouvoir faire quelque chose qui me plaît et je me suis jamais senti aussi épanoui que depuis que Throatruiner existe. Et surtout, j'aurais jamais imaginé pouvoir réunir un catalogue aussi conséquent aussi rapidement.


As-tu l’impression qu’au fil du temps, il devient de plus en plus difficile ou compliqué de s’investir, d’organiser, de produire, au sein de la scène Metal ?
Je baigne pas dans le milieu depuis suffisamment longtemps pour pouvoir comparer donc ça va être difficile! Tout ce que je peux dire, c'est que je m'attendais à en chier, mais pas autant; l'envers du décor est encore plus rude et ingrat que ce que l'on peut s'imaginer en tant que "simple" auditeur, les premiers mois ont été à ce titre extrêmement déprimants. La masse de taf à abattre pour vendre trois albums est juste indécente, je suis sûr que je vendrais beaucoup plus en faisant du porte-à-porte façon France Loisirs, mais c'est le jeu; si j'avais voulu être tranquille j'aurais été à l'usine. J'ai démarré en y connaissant strictement rien et empli de naïveté, après t'apprends vite de tes erreurs et à redoubler d'efforts. Même si je suis conscient d'avoir mes partis pris; j'évolue dans une sous-niche de sous-niche, je sors quasiment que du vinyl et j'encourage le téléchargement gratos, donc ouais, je peux sembler me vider quelques chargeurs dans le pied. Mais depuis le début je suis intimement convaincu du bien-fondé de ma démarche, et ça commence à porter ses fruits, même si ça reste très relatif.


"Ils osent encore", tel est le nom de notre dossier ; car tu partages ce goût pour l’audace, d’une certaine façon, en montant ton nouveau projet, et en proposant/bâtissant quelque chose de nouveau.
Peux-tu nous décrire en quoi consiste cette aventure ? Et les raisons qui t'ont poussé à monter ce projet ?
Je souffre d'une incapacité totale à faire semblant de m'intéresser à des choses qui me font chier. Donc après quelques années d'enseignement supérieur plus qu'infructueuses, je me suis dit que quitte à en chier dans la vie, autant que ce soit en faisant des trucs cools. Tout ce qui m'intéresse, c'est la musique, et pas de bol, hormis cogner des micros contre ma tête, je sais rien faire. Donc du coup, passer de l'autre côté s'est vite imposé comme une évidence si je voulais rester baigner dedans. Comme je le disais plus haut, j'ai rejoint VS sans jamais avoir gratté avant, le but était d'apprendre, histoire de pouvoir éventuellement fricoter avec la presse musicale derrière... Mais une fois ma naïveté estompée, les réalités du milieu m'ont vite découragé. Et après cinq heures de cours au sein d'une énième fac inutile, je me suis définitivement décidé à perdre mon temps d'une manière autrement plus épanouissante. Le ras le cul de voir des groupes qui me prennent aux tripes et m'ont énormément apporté passer aussi inaperçus a été un très gros moteur aussi.

Au niveau du boulot en lui-même, je résumerais quand le pékin moyen me demande, je lui dis que je paye pour la fabrication d'albums et que je fais tout pour les refourguer derrière. Ca, c'est la partie émergée de l'iceberg. Mais sous la flotte, y'a des semaines entières de taf. Ca commence très souvent de manière assez banale, même si de plus en plus je fais le premier pas : je reçois un mail d'un groupe qui sort de studio et cherche un label. 95% du temps, c'est des mecs qui ont vu de la lumière et qui se sont dit "y'a marqué label, c'est pour nous". Des mecs sans doute pleins d'espoir et qui auraient pu prendre le temps de checker ce que je sors avant de m'envoyer des liens vers le myspace (critère désormais éliminatoire d'emblée) de leur one-man band goregrind en mousse ou de leur groupe de thrash péruvien de 12ème zone. Corbeille direct, quoi. Faudra qu'un jour je fasse une compilation des meilleures méthodes pour ne pas trouver un label. Avec entre autres spammer une page facebook, envoyer des mails de moins de dix mots en oubliant de nommer le groupe, ne pas connaître les correcteurs orthographiques, être d'une naïveté sans bornes ("ça veut dire quoi DIY?") ou, le grand classique, avoir une putain d'autobiographie prétentieuse de merde écrite par le gratteux. Brûlez tous.

Bref pour en revenir à notre histoire, les 5% restants, ceux qui savent où ils frappent, je prends quasi tout le temps le temps de leur répondre, même si c'est pour payer un rateau, et quand ça colle parfaitement au label, que les mecs ont l'air de se bouger et que ça latte, bien évidemment, on fait rapidement affaire. Derrière, faut envoyer 1000 mails pour trouver des coprods parce que t'es pauvre, faut s'échiner à trouver les devis les moins onéreux possibles, faut éventuellement filer un coup de main pour l'artwork, faut rédiger des biographies honteusement prétentieuses, faut fabriquer des kits promos, faut faire de la pub, assurer le suivi niveau chroniques, faire le lien entre l'auditeur et le groupe, traiter les commandes, faire du trade, gérer la distro et encore des dizaines de trucs... Bref en gros, mon aventure, c'est de tout gérer entre le moment où je "signe" un groupe et le moment où je poste son vinyl solidement empaqueté à l'auditeur. Plus tout ce qui tourne autour du label en lui-même (graphisme, promo, html...). Et ça fait des nuits très courtes, vu que des groupes, y'en a pas qu'un.


Dans quelle dynamique s'inscrit majoritairement ta démarche : Innover ? Combler un manque dans la scène locale ? Apporter ta 'pierre' à l'édifice de l'Underground ? Te faire plaisir avant tout ? Te faire des couilles en or ?
Ca peut sembler présomptueux, mais ça part d'un sentiment d'injustice, de cette envie de filer une vraie visibilité à des groupes 10000 fois plus méritants, sincères et impliqués dans leur art que les torrents de groupes en mousse qui ont pignon sur rue. Après oui, le but premier est de me faire plaisir avant tout; l'aspect financier paraît limite anecdotique au vu de certains petits plaisirs du quotidien dont je bénéficie... Recevoir des mails de la part de mecs que t'écoutes en boucle depuis la fin de ta puberté, bosser avec des potes et les voir devenir de plus en plus monstrueux, te chier dessus en écoutant des maquettes de porcs avant tout le monde, recevoir des mails d'auditeurs d'un peu partout qui viennent te féliciter pour ton taf... Tout ça c'est des sortes de micro-consécrations qui te rappellent pourquoi tu fais tant de sacrifices. La plus dingue étant la collaboration future d'un des groupes avec un putain de label de référence qui m'a contacté pour venir les chercher, le genre de trucs dont on causait en déconnant y'a quelques mois. Mais ça, ça se saura assez vite en temps voulu!


Quelles sont les démarches préalables ("étude de marché", sondages auprès d'acteurs de la scène Metal, prêt financier, etc...) que tu as effectué avant de te lancer dans ton projet ? As-tu mesuré les "risques" ou les difficultés que tu risques de rencontrer ? Ou préfères tu te lancer dans l'aventure en improvisant au fur et à mesure ..?
Deuxième option; j'aimerais être un monstre de rigueur et arrêter d'acheter des agendas que je remplis pas, mais c'est pas le cas. Même si j'y travaille. J'ai quasiment tout appris sur le tas et passé un temps inimaginable à apprivoiser des domaines qui m'étaient totalement inconnus, en tâtonnant, en me foirant, et en en tirant des enseignements. Après, parce qu'il m'a fallu un point de départ, je remercie quand même grandement Kevin de Swarm Of Nails, qui a pu me mettre le pied à l'étrier en me prodiguant quelques bons conseils. Donc pas d'étude de marché ni rien, juste les économies d'un été à servir des moules-frites à des touristes beaucoup trop gras et beaucoup de motivation.


Quels outils de communication/de promotion utilises-tu pour faire connaitre ta structure ou ton projet ? Internet, Presse, bouche à oreille, autre ?
Internet à 90%, ça reste le moyen le moins onéreux de tous, même si c'est terriblement fastidieux. Après c'est pas forcément aisé à mesurer non plus, mais j'ai l'impression que le bouche à oreille commence à circuler. Quant à la presse, j'essaie de me fier à l'adage "bonne chronique vaut mieux qu'encart de pub", ce qui, après comparaison, est foutrement vrai.


Travailles-tu seul, ou as-tu une équipe à tes côtés? Bénévoles? Professionnels? Sur quels critères les as-tu recrutés?
Je gère tout de A à Z tout seul, à part quelques coups de mains sur les traductions de biographies histoire de pas passer encore plus pour un tocard à l'étranger. Pour le reste, je suis incapable de déléguer, j'aime avoir le contrôle sur ce que je fais et ne rien devoir à personne dans la mesure du possible. Rien que l'évocation du mot html réveillait mon acné et je savais à peine dessiner des croix renversées sur Paint, mais c'est plus marrant de flinguer une semaine à apprendre à apprivoiser l'un et l'autre que de supplier un pote ou raquer pour une page internet ou un visuel.


Es-tu en relation avec les structures "culturelles" de la ville/département/région dans laquelle tu exerce? Es-tu en bons termes avec eux ? Travaille-t-on facilement avec les services administratifs, par exemple, quand on fait la promotion du metal?
Aucune idée!


Envisages-tu d'élargir ton activité à d'autres styles moins ou totalement hors Metal afin de la développer et de pouvoir, éventuellement, encore mieux promouvoir le Metal par la suite?
C'est pas vraiment à l'ordre du jour, j'essaie de garder mes œillères à ce niveau-là... Il m'est arrivé de refuser des propositions de groupes qui me plaisaient personnellement et qui se seraient très probablement bien écoulés, mais qui collaient pas des masses au label... J'ai toujours cette optique de "cohérence", la même que peut avoir des labels comme Profound Lore, A389, Deathwish ou Holy Roar par exemple; même si parfois c'est éclaté stylistiquement, tu sens la trame de fond qui est propre au label... C'est des choses qui manquent ça aujourd'hui, trouvé-je, en particulier chez les plus gros labels, la personnalité. Cette espèce de synergie, d'émulation qui permet aux scènes d'émerger. Je sais pas si j'y arrive, mais c'est ce que j'espère aussi dégager à terme.

En revanche, même si je ne compte pas élargir mon activité, j'espère élargir MES activités dans les semaines à venir. Que les semblants de compétences que j'ai pu acquérir puissent être mises à disposition de groupes extérieurs à Throatruiner, en particulier en matière de promotion. Je vais pas m'étendre là-dessus ici, mais si ça intéresse des groupes, hein, vous savez où venir frapper...


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