Introduction
Le personnage charismatique de Khruschev est connu de tous grâce à sa politique d'ouverture et de démocratisation du régime soviétique dans les années 60. Mais il est surtout connu pour ses interventions publiques extravagantes comme par exemple celle où, pendant le congrès de l'ONU, il s'est mis à taper avec sa chaussure sur la tribune en criant des menaces intraduisibles envers la délégation des États Unis (il paraît que les linguistes américains cherchent toujours l'étymologie de la phrase "Mi vam pokajem kuz'kinu mat'!").
Lors d'une réception de la délégation américaine en 1957 à Moscou, une autre phrase a fait sensation, faisant le tour du monde - "Mi vas zakopaem !". Elle était minutieusement tirée du contexte et très approximativement traduite comme "We will bury you!" ("Nous vous enterrerons!").
Il faut dire qu'en URSS il ne pouvait y avoir qu'une seule opinion "correcte" et donc l'humour du n-ème degré, tout en finesse et en nuance, était toujours l'allié le plus fidèle des intellectuels soviétiques pour s'exprimer avec une certaine liberté. Alors quand deux potes, en ayant marre de jouer dans des ensembles musicaux cautionnés par le Ministère de la Culture, ont décidé de former un groupe de thrash à l'américaine en pleine crise de l'union soviétique, et bien ils se sont pas beaucoup foulés pour trouver le titre de leur toute première création. "We will bury you!" est le premier album de HELLRAISER - un des groupes russes mythiques des années 80. Cet album a eu un tel succès que de nombreuses rééditions ont été faites et que le nombre d'exemplaires vendus s'est rapproché d'un million.
Comment as-tu commencé à écouter du metal ? Quels groupes t’ont influencé ?
J'ai commencé par Led Zep, Black Sabbath,… Tout vient de là. Ensuite j'ai continué à écouter du hard rock, du heavy, puis du thrash… J'avais un cousin qui travaillait dans une troupe de ballet et ils ont été en tournée au Japon. Une fois revenu, il est venu me voir, m'a demandé d'aller avec lui dans sa voiture et il a mis la musique "tiens, écoute-moi ça". C'était "Paranoid" de Black Sabbath et là j'ai halluciné. Tout a commencé comme ça. Ensuite j'ai enchaîné sur Judas Priest.
Tu as fondé Hellraiser avec Mefodie si on se réfère à votre biographie. Pourquoi avez-vous décidé de former le groupe ? Pourquoi Hellraiser ? Pourquoi du thrash ?
J'ai suivi un cursus musical, initialement dans la filière "basse". Tout ça parce que juste avant le concours j'ai eu un grave accident à une main et cela m'a empêché de postuler sur la filière "guitare classique". Donc j'ai commencé comme bassiste. Là j'ai rencontré Mefodie, qui était lui aussi bassiste, avec qui je suis devenu très vite copain. On sortait souvent boire de la bière. On se demandait souvent si on ne devait pas créer un groupe mais c'était un peu difficile vu que tous les deux on était des bassistes. Au final j'ai fini par me remettre à la guitare. Notre tout premier groupe s'appelait MONOLIT et nous jouions du heavy metal. Mais ça n'a pas duré longtemps, nous n'avons même rien enregistré. Par contre ça a bien démarré, je ne sais pas pourquoi. Pendant le premier concert qu'on a donné dans la banlieue de Moscou, on nous a pris pour des Finlandais (rire). On n'avait aucun enregistrement mais on n'arrêtait pas de nous inviter à jouer dans des festivals, des concerts, à la radio. C'est bien parti mais à un moment, on s'est fait voler tout le matériel que j'avais loué à mon nom. Et à cause de ça, le groupe a disparu.
Mais nous nous ne voulions pas nous arrêter là. On a réformé un autre groupe mais qui jouait du thrash cette fois-ci, car j'étais sous l'influence d'ANTHRAX. Ce qui se faisait souvent à l'époque c'est l'organisation des festivals dans le palais des sports. Il y avait des habitués – KORROZIA METALLA, MASTER, ARIA même. Le public avait l'habitude de la musique lourde, un peu snob avec des poses, et nous débarquions en slip et en foulard rouge de pionnier et jouions du thrash. C'était bien fun voir les réactions (rire).
L’histoire de l’enregistrement de votre premier album est très curieuse. Peux-tu m’en parler un peu plus ? Avez-vous cru au départ au succès de votre projet ?
Nous avions à l'époque les possibilités de faire facilement l'enregistrement au noir. Par exemple enregistrer une K7 dans les studios-maison coûtait 3 roubles – rien du tout. La pochette a été faite par un ami qui travaillait dans un studio de dessins animés et qui était lui aussi fan de metal.
A l'époque nous avons rencontré un gars qui avait des contacts et qui a réussi à nous faire sortir notre premier vinyl sur le seul et unique producteur de l'époque – Melodia. Il faut savoir que tout ce qui se presse dans l'usine de Melodia doit être validé par la commission spéciale ultra-conservative. Quand nous avons ramené notre projet - notre musique, notre pochette - ils ne savaient pas trop quoi dire. La musique, les vocaux, et tout ça en anglais !
Nous avons fait plein de merch qui marchait très bien – les t-shirt, les patchs, les badges et nous avons même fait des sacs plastiques avec le design du premier album dessus. Tous ça se vendait en un seul package pendant les concerts. Et ça se vendait tellement bien que parfois on voyait une vielle dame dans la rue en train de rentrer de la boulangerie avec le sac plastique HELLRAISER – tu vois un peu l'ampleur que ça a pris ? Je ne sais plus à combien exemplaires l'album a été vendu au final, mais il y a le chiffre d'un million qui circule.
Entre votre premier et votre deuxième album tout le groupe a passé un certain temps aux Etats Unis. Ensuite vous êtes revenus et avez quasiment immédiatement sorti le deuxième album. Peux-tu me parler un peu plus de cette période ?
A l'époque nous avons tout fait en Russie : on a fait des palais des sports, des stades, on a fait quelques festivals. Nous avons alors décidé d'aller aux Etat-Unis. On avait des connaissances là-bas. Quand on est arrivé, on nous a organisé quelques concerts (pas du tout de la même envergure qu'en Russie) mais ils ont quand même bien halluciné qu'en Russie on fasse de la musique comme ça. Ils croyaient qu'on savait juste jouer de la balalaïka. Et là on fait du thrash et en plus on chante en anglais. C'était une expérience très drôle.
C'est sûr qu'on a essayé de percer là-bas, mais au final ce n'était pas facile du tout. On s'est rendu compte qu'on perdait notre temps. En étant encore au US, on songeait déjà à revenir en Russie et enregistrer le deuxième album. On le faisait généralement la nuit avec Mefodie, à deux guitares dans une voiture. Et en fait c'était exactement le moment de la sortie du film d'horreur "Simetierre 2" d'après le roman de Stephen King. Dans le film, il y a cette scène dans laquelle est prononcé "No Brain no Pain" pendant qu'on fait un trou dans le crâne d'un gamin. Et là je me suis dis "Oh! Ca va être le titre de notre album!". (rire)
Le troisième album est différent de vos deux premières réalisations. On pourrait même dire que ce n’est pas le même groupe. De plus tu n'as pas participé à l’enregistrement. Pourquoi ?
Mefodie était très pressé de faire ce troisième album. De plus il voulait changer assez radicalement le style du groupe. Ils ont commencé à composer sans moi et, quand je les ai rejoints, je ne me retrouvais pas du tout dans ce qu'on faisait. Du coup je n'étais plus motivé et ça se voyait – je ratais souvent les répétitions. Ils ont fini par me demander gentiment de ne plus venir. Je n'étais pas contre.
La musique aujourd’hui est-elle ton activité principale ? Est-il possible de vivre de la musique en Russie en ce moment ? Etait-ce possible avant ?
Non, aujourd'hui ce n'est bien évidemment pas mon activité principale. Je crois que oui, en Russie il est possible de vivre de la musique. Mais il faut avoir beaucoup de chance quand même. Parfois, je me dis que si on n'était pas parti aux States au début, on aurait peut-être pu vivre de notre musique. Même encore aujourd'hui, comme nos potes d'ARIA et beaucoup d'autres.
Souvent on accuse les groupes russes des années 80 de plagiat des groupes occidentaux comme JUDAS PRIEST, IRON MAIDEN, ACCEPT,… Qu’est-ce que tu penses de tout ça ?
A l'époque c'était tout à fait normal. On ne pensait même pas au plagiat car on était dans un autre monde. Les gens jouaient ce que le public voulait entendre. Et le public voulait JUDAS PRIEST, IRON MAIDEN, ACCEPT…
Quelles est la spécificité du metal russe selon toi ?
Spécificité du metal russe ? Moi je dirais que la mentalité de la population est la spécialité principale du metal russe. La société n'accepte pas vraiment ce genre de comportement "non convenable". Ma première prestation scénique je l'ai faite en caleçon en gueulant et en me roulant par terre parce que c'était mon image thrash que je voulais jouer. Aujourd'hui je ne pourrais jamais faire un truc dans ce genre. Pour te donner un exemple : quand on était aux Etats Unis, on a croisé de vieux motards en cuir avec des chaînes et clous en train de traverser le pays. Et là-bas ça ne choquait personne, alors qu'ici les gens ne comprendraient pas. C'est cet esprit formaté et coincé que je considère comme la plus grande différence du metal russe par rapport au metal occidental.
Quelles sont les tendances de la scène actuelle ? Peux-tu partager ton avis ?
Je ne comprends pas la scène d'aujourd'hui. Je n'étais pas très metal extrême, je connais très peu les groupes de ces styles. Il apparaît de plus en plus de groupes jouant du "modern" metal ou le metal alternatif. Mais moi je me pose la question – alternatif à quoi ? Car je m'excuse, mais quand on parle de l'alternative, ça doit être opposé à quelque chose. Bref, je n'y vois pas d'intérêt.
Comment tu vois l’évolution de metal en Russie pour la décennie à venir ?
Difficile de répondre, surtout que je ne suis plus trop l'actualité.
Aujourd’hui le groupe est réformé officiellement. Quels sont vos projets ?
Hé bien concernant les projets, je ne sais pas encore. On essaie de composer mais chacun a des problèmes de son côté, donc la musique est souvent mise au deuxième voire au troisième plan. De plus je ne sais faire et je ne veux faire qu'une seule chose: le thrash à l'ancienne, comme sur nos deux premiers albums. Mais je ne suis pas sûr que ça aura du succès aujourd'hui.
Merci pour tes réponses. Que pourrais-tu dire aux metalleux de France ?
De leur souhaiter de rester fidèles à leur passion. Stay Metal !