GAGNER DE L'ARGENT AVEC LE METAL
On vous le dira dans les écoles de buisnessmen, "Le metal n'est pas le meilleur moyen pour faire du pognon.".
Bien sûr, il existe des individus qui se sont grassement limé la couenne avec le binaire, mais dans la grande majorité, le metal reste un style de musique marginal, qui ne permet pas aux plus modestes de vivre de leur passion.
Cette réalité est d'autant plus pesante que pour beaucoup de fans, le metal doit rester une musique anti-commerciale et sauvage. L'argent venant bien souvent pourrir les plus jolis paysages, le metalleux de base se méfie des paillettes et des sunlights. Les gros groupes se faisant très souvent taxer de "commerciaux", pour beaucoup, intégrité ne se conjugue pas avec compte en banque.
"Je pense que le problème se situe plutôt au niveau de l'intention. Fais-tu du metal POUR gagner de l'argent? Ou fais-tu du metal par passion et éventuellement si tu peux te faire quelques sous, tu craches pas dessus. Je crois que la nuance entre ces deux cas est pas très bien comprise en France. Le premier est naze, le deuxième est cool." Emmanuel de ULTRA VOMIT.
Si pour certains, le débat existe sur le fait de "gagner" de l'argent, pour d'autres, c'est simplement le fait de ne pas trop en perdre qui est important : "En ce qui concerne Outcast directement et je pense l'immense majorité de la scène semi-pro (pro également sous certains points), l'idée est avant tout de ne pas perdre trop de billes justement. Répéter, tourner, enregistrer, sortir un album, faire des photos, tourner des clips, etc, tout ceci engendre des coûts plus ou moins importants. La passion ne fait pas tout malheureusement, surtout à mesure que l'on vieillit. Si l'on peut respirer financièrement, c'est d'autant mieux que nos moyens personnels sont parfois limités. Personne ne roule sur l'or chez Outcast, loin de là". Mathieu de OUTCAST.
"Je ne parle pas d'en gagner pour se verser un « salaire » et mener la vie de château, je parle juste de pouvoir rentrer dans les frais engagés pour enregistrer les disques, et éventuellement financer tout ou partie de l'album suivant."El Worm de WORMFOOD.
Alors, est ce que ce problème d'argent est purement métallique ou bien franco-français : "Allez aux USA, en Angleterre, en Allemagne, et dans bien d'autres pays, vous constaterez que les musiciens ont un véritable statut professionnel, c'est un métier comme un autre. Et philosophiquement je ne vois pas ce qui s'y oppose, la création artistique étant le fruit d'une réflexion, d'une expérience et d'une habileté à transmettre quelque chose.". Axel de CARNIVAL IN COAL.
Alors comme le disent nos chers musiciens, n'y a-t-il pas au final une certaine méconnaissance de la réalité qui existe dans le biz du metal ?
"Je suis souvent surpris de voir à quel point peu de gens se rendent vraiment compte du peu d’argent qui circule, notamment dans les poches des groupes ou des labels, et que c’est au contraire la passion pour ce style qui encourage les mêmes personnes à se battre pour continuer, surtout dans les conditions actuelles du marché du disque…"Julien de BENIGHTED.
Il semble que l'époque que nous traversons ne soit pas spécialement favorable pour que les artistes de tous poils puissent tranquillement se consacrer à leur passion sans avoir à craindre que leur frigo soit vide. Le nombre sans cesse croissant de groupes semble aussi amplifier le phénomène.
"Le marché est tellement saturé de groupes qu'il faut bien se faire remarquer, et se vendre un tout petit peu pour pouvoir continuer d'exister, et d'être pris un tout petit peu au sérieux par les professionnels (organisateurs de concerts, media, labels etc.)."BST - THE ORDER OF APOLYON.
Au final, chacun se fera son opinion, même s'il est clair que l'avis des principaux concernés amène souvent des éclaircissements sur la réalité de ce qui est vécu par les musiciens.
Mais laissons plutôt à Mick de DESTINITY le mot de la fin : "Je fais certes partie du clan des musiciens mais à la fois des fans de metal, j'achète encore mes disques comme certains autres et pense que ce genre de réflexion provient de la part de petits branleurs qui se permettent de parler sur tout sans rien connaître.".
LES CONTRATS
Lorsque j'étais petit et que je lisais les interviews de mes idoles permanentées, tous s'accordaient à dire que le moment où ils avaient été "signés" était un moment unique et singulier dans leur carrière. Quand un jeune combo se voit proposer son premier contrat, la plupart ont l'impression de faire un "pas" supplémentaire dans le monde de la musique et le rêve du petit guitariste jouant dans sa chambre semble alors devenir réalité.
Si pour une poignée de privilégiés, ces contrats s'avèrent être une source de revenus abondants, pour beaucoup, c'est le seul moyen d'arriver à faire connaître sa musique, l'autofinancement/distribution étant un phénomène extrêmement minoritaire.
Définissons tout d'abord les 3 types de contrats existants actuellement :
- Le contrat d'artiste qui lie l'artiste à son producteur. Ils prennent en charge la production, la fabrication, la promotion et la distribution. L'artiste interprète est rémunéré sous forme de royalties (entre 5 et 10%) calculées sur les ventes de disques. Le producteur reste propriétaire des bandes.
- Le contrat de licence qui lie un producteur/groupe à un label ou un distributeur. Ceux-ci financent la fabrication, la promotion et la distribution sur une période déterminée. Le groupe finance la production. Il perçoit entre 15 et 25 % de royalties sur les ventes.
- Le contrat de distribution qui lie le producteur/groupe à une société de distribution qui se charge de la mise en place des disques en magasin moyennant une commission d'environ 40%. La promotion est à la charge du producteur/groupe.
On ajoutera à ces 3 contrats, le contrat "oral", celui qui est pratiqué dans l'underground black ou grind, avec pour base la confiance et le service rendu. Mkm d'ANTAEUS nous indisque ainsi que le contrat actuel du groupe avec Norma Evangelium Diaboli est un contrat à l'oral sans limite de temps ou quelconque autre contrainte, convenu entre personnes qui se connaissent et se font confiance depuis des années. J'ai une totale confiance en ce label.
Le contrat d'artiste est de moins en moins répondu, même si ça existe encore comme l'explique BST de THE ORDER OF APPOLYON : Pour la majorité de mes groupes j'ai eu des contrats d'artiste qui concernaient principalement l'Europe, voire le monde entier. (..) A l'heure actuelle Aosoth et The Order of Apollyon ont des contrats d'artistes worldwide avec leurs labels respectifs.
Pour beaucoup d'artistes, il semble que cela soit le contrat de licence qui soit la solution : "De toute façon, je crois qu’aujourd’hui dans la scène métal, le contrat d’artiste a quasiment disparu…"Rose de CNK.
Mais laissons Mathieu de OUTCAST nous expliquer de façon plus précise : Pour faire court, cela revient à fournir un produit fini au label, c'est-à-dire prêt à partir au pressage. Ensuite le label se charge de la mise en bacs via son ou ses distributeurs en France comme à l'étranger. Il est également censé s'assurer de la promotion du disque (encarts dans la presse spécialisée et sur le net, envoi des CD promotionnels pour les chroniques, etc...)."
Dans les contrats d'artistes ou de licence, le pressage du disque est à la charge du label, même si certains parviennent à facturer cela au groupe et à se faire une petite marge par des stratagèmes pas très glorieux. Matthieu d'OUTCAST témoigne ainsi : Techniquement nous ne pouvons pas révéler les termes du contrat. On va dire que je connais un autre groupe dont le label, par un malicieux tour de passe-passe, fait en sorte qu'il incombe au groupe de supporter le coût financier du pressage. Tout en se générant un petit bas de laine au passage.
Avec les tarifs actuels du pressage, la publicité et la promotion sont souvent les nerfs de la guerre. Dirk de SOILWORK nous confie ainsi au niveau de la promotion, on discute un "plan d'attaque" pour chaque album, et on garde un œil attentif sur le travail de chaque division du label..
Matthieu d'OUTCAST confirme :"Pour la partie promotion disons que les deux parties ont un rôle et qu'il ne faut pas tomber dans l'excès, dans un cas comme dans l'autre d'ailleurs. Les groupes ne doivent pas uniquement se reposer sur la partie promo gérée par le label. Hormis certaines exceptions, ils risqueraient d'être déçus.
On comprend ainsi que les deux parties ont un rôle et qu'il ne faut pas tomber dans l'excès, dans un cas comme dans l'autre d'ailleurs. Les groupes ne doivent pas uniquement se reposer sur la partie promo gérée par le label. Hormis certaines exceptions, ils risqueraient d'être déçus.
Parfois, le contrat est assorti d'une avance de royalties, mais en général il convient que le groupe soit suffisamment notoire pour que le label puisse avoir un retour plus ou moins certain sur son investissement.
Le contrat d'exclusivité mondiale ne concerne dans notre dossier que BENIGHTED et DESTINITY. Cela veut dire que pendant toute la durée du contrat, l'artiste s'engage à enregistrer exclusivement pour le compte de la société.
Il s'avère que les contrats semblent se moduler au fur et à mesure que la notoriété d'un groupe s'accroit et que comme l'ont souvent dit les "maîtres à penser" du binaire, le bizness est finalement toujours le même quand les écus sonnants et trébuchants pointent le bout de leur nez. Heureusement, reste la musique.
LES ROYALTIES
Parlons du concret, du réel, du fric quoi !
Alors combien touche un groupe sur la vente d'un disque ?
Dirk de SOILWORK : "Le groupe touche généralement entre 13 et 25% du prix auquel le CD est vendu au distributeur, selon les formats, territoires, sous-licences, etc. Si on considère un prix d’environ 7 € par CD, le groupe devrait toucher entre 0.91 et 1.75 € par CD vendu."
Rose de THE CNK : "Ça tourne autour de 20% du prix distributeur, soit à peu près 1,5€ par CD."
El Worm de WORMFOOD : "Dans le cadre du contrat de « France » (avant-dernier album du groupe), nous touchons autour de 15% de 5,50 euros, sur les ventes physiques." (0.825 € par CD).
Guillaume de KLONE : "Nous touchons entre 15 et 20 % du prix de vente HT (entre 7 et 9 euros)" (environ 1.4 € par CD).
J'en vois déjà se dirent "Eh bien voilà, ils en touchent quand même du fric".... bien peut-être pas au final! Dirk de SOILWORK nous confirme "En réalité, il faut vendre un bon paquet d’albums pour rembourser l’avance sur royalties."
Eh oui le label a souvent déjà donné de l'argent au groupe en tant qu'avance, et donc le groupe ne touchera qu'une fois que l'équilibre est dépassé ! Rose de THE CNK le confirme également "évidemment, avant de toucher ces royalties, il faut rembourser l’avance octroyée par le label. Ce qui signifie en général aucune royalties, pour les groupes de notre taille."
Quelques-uns arrivent à toucher des royalties, il faut par contre attendre un petit moment comme le précise Mick de DESTINITY"Les ventes de The Inside (avant dernier album du groupe) ont apparemment encore grimpé et le stade d'amortissement est bien dépassé donc nous allons recevoir ce qui nous est dû... "
On peut donc bel et bien gagner un peu d'argent en vendant des disques, mais peut-on en perde ? Matthieu de OUTCAST nous parle de son expérience "Pour mon exemple, je parle d'un disque vendu au consommateur dans les 90 jours suivant sa date de sortie, la part groupe se réduisant à peau de chagrin ensuite. On peut aussi se retrouver à devoir de l'argent au label si le distributeur lui rend son stock d'invendus."
La SACEM a pour rôle d’assurer la collecte et la répartition des droits d’auteurs des œuvres musicales de ses adhérents. La SACEM récupère ainsi de l’argent lors de la vente d’un disque, lors de la diffusion d’un titre en radio, lors de concerts où la liste des titres joués doit être déclarés ou encore lorsqu’un coiffeur (ou un bar) passe de la musique dans sa salon.
Dans le cadre du metal qui ne passe quasiment pas à la Radio ou à la TV et qui ne vend pas beaucoup de disques, le plus intéressant semble être de récupérer des droits d’auteur sur les concerts réalisées par un groupe, car lors de ces concerts, une somme est payée à la SACEM. Il est ainsi envisageable de récupérer jusqu’à 10% des cachets des concerts donnés par un groupe en droit d’auteur en fin d’année.
Mais laissons Axel de CARNIVAL IN COAL nous expliquer cela plus en détail : « Il y a différents niveaux de perception de ces droits; il y a d'abord les droits de reproduction mécaniques, que la Sacem vous reverse quand il y a un pressage, à condition que le label ait fait une déclaration SDRM. En gros c'est de l'argent que le label vous donne, et la SACEM prend un pourcentage au passage. Ca se raréfie, les petits labels préférant par économie signer des groupes hors Sacem. On ne touche ça qu'une fois par pressage, donc même si la somme peut être sympa (dans les 500 euros chacun pour le premier CinC je crois) ça reste rare.
Après il y a les droits Sacem sur l'exploitation des disques, selon les déclarations qui ont été faites (souvent difficiles à contrôler, mais c'est le rôle de l'éditeur). Les meilleures années on a dû recevoir 90 euros chacun par trimestre. Comme dirait Arno, "Celui qui fume, ça lui paye son tabac " ! ». Rose de THE CNK se place en opposition à Axel "En ce qui me concerne, ça ne me paye même pas les clopes.".
Les groupes interviewés signés chez Osmose par le passé touchent tous des droits d’auteurs (BENIGTED, ANTAEUS...), d’autres comme KLONE ou DESTINITY sont en cours d'inscription ou viennent de s’inscrire. Malgré leurs anciennetés et discographies, ils n'ont jamais touché 1 euros de droit d'auteur.
Pour d’autres formations, l’enregistrement SACEM n’est pas fait de façon volontaire. Matthieu de OUTCAST nous explique que « parfois ça peut-être un frein assez important à la diffusion de notre musique, mais notre position évoluera peut-être ». Et ce point de vue se comprend, être inscrits SACEM peut empêcher quelques opportunités, notamment pour la présence d’un groupe sur une compilation, un CD sampler ou autres.
Pour conclure, BST de THE ORDER OF APOLYON/ex-ABORTED nous confie : « J'en touche pour mon travail avec Aborted, oui. Chaque titre que j'ai écrit me rapporte un peu d'argent quand il est diffusé ou joué en concert. Cela ne représente pas des sommes mirobolantes, ceci dit. Les compositions que j'ai fait pour mes autres groupes ne sont pas encore déposées à la SACEM pour les droits d'auteurs. Ce sera fait quand on commencera à plus jouer en live, cela prendra plus de sens à ce moment-là. »
ULTRA VOMIT étant un groupe qui tourne beaucoup en France, Manu nous confirme: « Oui, on est déclaré à la Sacem donc on touche des droits d'auteurs, via un processus assez compliqué, mais ça vaut le coup de le faire! »
LE MERCHANDISING
Nous les metalleux, on est tous pareils. Je ne connais pas un seul metal Freak qui ne possède pas au moins deux ou trois T-shirts à l'effigie d'un groupe. Bien souvent, à l'issue d'un concert (quand celui-ci a été bon bien sûr) c'est vers le stand de merchandising que les poilus convergent pour rester stylés et élégants en toutes circonstances.
En plus de l'aspect "culturel" lié à la musique, le merchandising est aussi et surtout un moyen pour les groupes d'engranger quelques bénéfices, souvent bien venus dans la vie de groupes qui ne roulent jamais vraiment sur l'or. Pour les groupes comme BENIGHTED, Julien nous rapporte que "Pour nous, le merchandising est le seul moyen de pouvoir gagner de l’argent pour pouvoir continuer à avancer".
Si vous voulez vraiment supporter un groupe en l'aidant financièrement, il vaudrait presque mieux lui acheter un T-shirt qu'un disque comme nous l'affirme Guillaume de KLONE"En gros sur un T-shirt, on peut gagner entre 10 et 15 euros, contre 5/6 euros sur un disque.".
BST de THE ORDER OF APPOLYON confirme ces chiffres et la nécessité de vendre du merch en tournée : "Nous faisons nos propres t-shirts en passant par une entreprise qui les fabrique, en Allemagne, et nous récupérons en gros 8 ou 9 euros par pièce, donc cela permet de rembourser les frais d'impression assez vite, et de se faire un bénéfice. En tournée, c'est quelque chose d'absolument essentiel pour rentrer chez soi avec de quoi payer les factures."
Pour des groupes plus important comme DRAGON FORCE, Fred estime que "C'est effectivement un bon moyen de toucher de l'argent, mais malheureusement, encore une fois, je ne connais pas les chiffres au détail".
Au niveau des bénéfices, tout semble donc dépendre de la notoriété du groupe, même si l'ENSEMBLE des musiciens interviewés confirment que c'est avant tout quelque chose qu'il faut gérer avec beaucoup de sérieux si on veut que cela puisse servir à quelque chose et permettre d'au moins équilibrer les comptes. Dirk de SOILWORK nous apprend que " La difficulté est de prédire combien on va vendre. Parfois on est agréablement surpris, d’autres fois les ventes déçoivent. Il faut gérer au mieux les quantités afin d’éviter de se retrouver avec des tas d’invendus sur les bras".
Emmanuel D'ULTRA VOMIT lui nous dit que "Oui, c'est vrai, c'est un bon moyen, encore faut-il bien gérer la chose. Pour le coup, ça ressemble au fonctionnement d'une mini-entreprise. Tu dois calculer ton coût de fabrication, estimer le nombre de vente pour pas perdre de l'argent. Si c'est bien fait, c'est une bonne source de revenu pour le groupe. ".
En bref, aucun groupe ne peut se permettre de faire l'impasse sur les beaux T-shirts avec lesquels ils nous habillent toute l'année. Peut-être y a-t-il un futur Karl parmi nos chers Metalleux tout de noir vêtus.
LES CONCERTS
Il n'existe pas cinquante mille façons pour un groupe de metal de se faire un public et de vendre des skeuds.
La scène a toujours été pour les chevelus le moyen privilégié de se faire entendre. C'était vrai il y a quelques années et c'est encore plus manifeste aujourd'hui à cause du téléchargement.
Mais malgré les petites associations et la bonne volonté de passionnés il n'est pas toujours facile de se faufiler un chemin jusque vers les planches et les salles sur chauffées. Les groupes interrogés rapportent dans leur majorité qu'il est important de bien gérer les déplacements afin de ne pas perdre d'argent.
Une fois encore, tout dépend de la notoriété du groupe, les plus petits essayant au maximum de ne pas tourner à "perte" : "La négociation des cachets est toujours un point délicat, il faut faire la balance entre crédibilité et réalisme, ce n'est pas toujours évident de faire comprendre à certaines orgas que faire déplacer toute la logistique d'OUTCAST, et bien ça a un coût, incompressible malheureusement. Par ailleurs nous nous adaptons aussi à la « taille » des structures faisant appel à nous. Nous cherchons à être cohérents sur ce que nous demandons comme cachet, par rapport à ce que nous estimons valoir."Matthieu de OUTCAST.
Mick de DESTINITY insiste sur le fait de rester flexible et compréhensif avec les associations : "Nous tenons à rester abordables pour les petites associations et nous ne sommes pas du genre à faire un concert pour les planter."
Il semble que la passion soit la plus belle arme qu'ont les groupes "modestes" pour continuer à alimenter leur motivation comme nous le confie Julien de BENIGHTED : Nous avons un cachet fixe qui tourne autour de 1000 euros pour une date, et c’est particulièrement marrant de savoir que si on reprenait du Johnny Halliday au bal du coin avec des potes avec qui on aurait répété quatre fois, on pourrait gagner 3 fois cette somme pour une représentation. Le plus souvent, lorsqu’on évoque les cachets des groupes de métal, ça fait bien rire tous les groupes qui jouent dans d'autres styles musicaux ! Hé hé !
Il arrive malheureusement que les groupes ne soient pas toujours "déclarés" comme nous l'apprend Guillaume de KLONE : Nous touchons rarement des cachets déclarés car nous sommes 8 à 9 sur la route, ce qui fait beaucoup de frais. Nous payons en priorité les techniciens qui nous accompagnent. Et quand il reste de l'argent, on ne touche rien, on met l'argent de côté pour financer des projets, enregistrement, vidéo clip, ou autre.
Les "droits d'accès" pour participer à des tournées d'envergures, bien que cela semble une méthode assez répandue, n'est pas au goût de tout le monde. Quand certains musiciens trouve cela normal, d'autres semble y être assez opposés : Nous n'aurions jamais accepté de fonctionner comme ça. La carrière de CinC sur scène s'est résumée à beaucoup de festivals, donc en général nous partagions l'affiche avec un bon nombre de groupes, et nous étions rarement en tête d'affiche.Alex de CIC
L'alternative aux droits d'accès est de se prendre en main comme l'explique Mick de DESTINITY : "Pour ce qui est des tournées, c'est un peu différent puisque tu dois souvent payer le support, c'est pourquoi j'ai organisé mes propres tournées comme DEW-SCENTED et SEVERE TORTURE l'an dernier, et du coup, nous n'avons pas perdu d'argent."
Pourtant, bien des fois l'investissement pour accéder à une tournée peut se révéler bénéfique comme le précise Dirk de SOILWORK : "Dans notre cas, le tour support est systématiquement une avance sur royalties - ce qui veut dire que nous finançons ça nous-mêmes, au final. Si on prend en compte le facteur promotionnel, qui pousse à son tour les ventes de disques, une tournée comme la Ozzfest (que Soilwork a fait en 2005) peut valoir le coup à long terme même s’il y a perte financière au départ."
Participer à une grosse tournée peut aussi avoir plus d'impact que des pages de pubs à foison comme le dit Guillaume de KLONE"Si tu veux développer ton groupe et faire une tournée européenne ou americaine, cela représente un gros investissement. C'est une phase importante pour avancer, il faut tourner un maximum. Aujourd'hui, je trouve ça plus malin d'investir dans du tour support que pour un encart publicitaire dans un magazine. L'impact est bien plus gros."
Mais attention aux arnaques, comme l'explique Rose de CNK/ANOREXIA NERVOSA : " ...la profusion de tournées avec 150 premières parties dont personne n’a rien à foutre… Et la nécessité de bien étudier la rentabilité de la chose, et les retombées concrètes en termes de promo, avant d’accepter n’importe quoi, parce que certaines propositions sont justes totalement délirantes (genre 5000 euros pour 15 dates en Allemagne avec un groupe qui attirera trois crétins bourrés dans des bars de merde). "
Il semble donc que si les concerts restent le chemin privilégié pour se faire des nouveaux amis pour les groupes, force est de constater que les réalités du monde de la musique métallique actuelle ne sont pas forcément toujours très rose pour nos mélomanes en pantalons cloutés.
LE SPONSORING - LES PARTENARIATS
Et alors dans notre petit monde est-il possible de trouver d'autres biais pour toucher de l'argent? On se souvient de Christine Boutin appellant Kronembourg pour qu'ils arrêtent de sponsoriser le Hellfest. Alors un groupe ça peut être sponsorisé?
Il semblerait que oui, même si de tous nos interviewés aucun n'a trouvé le 'truc' ultime permettant de faire cracher sa commune, son département ou sa région, ou une entreprise locale, afin de glaner quelques sous pour partir en tournée par exemple. Ainsi pour El Worm de WORMFOOD"il existe des subventions et des financements pour les artistes en France. J'ai l'impression que le montage de dossiers ne fait pas vraiment partie de la culture métal, ces informations sont peu relayées, les procédures longues, difficiles à mener. J'ai parfois l'impression que les autres « musiques amplifiées » tirent mieux partie de ces dispositifs.". Ou encore, pour BST de THE ORDER OF APOLYON"Certaines conventions peuvent aider en prenant en charge certains frais".
Pour Guillaume de KLONE, "les seules subventions que nous pouvons avoir à l'heure actuelle, c'est une aide minimum via la marie de Poitiers pour aider à l'enregistrement d'un disque"... Comme quoi aller taper à la porte de sa mairie, c'est faisable et cela peut apporter un peu d'eau au moulin créatif, même si pour Manu d'ULTRA VOMIT "Paradoxalement, plus ton groupe marche, plus tu as de chances d'en obtenir une.". Un peu rageant, mais à tenter dans tous les cas, même si, et ça peut se comprendre, comme pour MKM d'ANTAEUS"Le concept de subvention de l'état ou autres organismes culturels pour un groupe affilié à un genre comme le black ou death metal ne correspond pas vraiment à ma vision des choses."!
Et puis on a tous rêvé de ces superbes instruments brandis fièrement par nos idoles. Et alors nos groupes peuvent-ils espérer être endorsés par un fabricant de guitare ou de batterie? Même si avoir son nom sur une guitare peut arriver (cf Stephan Forté d'ADAGIO), bénéficier d'accès à des instruments se pratique, même si attention, tous sont quasiment unanimes: cela consiste d'abord en des réductions sur du matériel (instruments, amplis, cordes, vêtements...)!
Il n'y a que lorsque l'on commence à être connu que l'on a accès à des choses vraiment sympa. Par exemple pour DESTINITY, qui semble avoir tiré son épingle du jeu: "Nous sommes endorsés par ENGL qui nous ont filé les amplis et HP pour rien du tout et également SPAUN DRUMS qui a fait une batterie sur mesure à Morteüs pour un prix défiant toute concurrence ! ".
Maintenant, si vous montrez une débauche d'énergie sur scène, il y a des entreprises particulières que vous pourriez intéresser, il s'agit des boissons énergétiques!!! Ainsi pour DESTINITY"MONSTER ENERGY commence à nous prendre beaucoup plus au sérieux à force de dates et de festivals et certains deals sont en négociation mais tout cela ne s'est pas fait en un jour, il a fallu être sur les routes pendant des années !". Idem selon Rose de CNK, "Nous avons des partenariats avec Gibson et Monster Energy. L’un nous permet d’avoir les meilleures guitares du monde à pas trop cher, l’autre fait un peu office de label de substitution : street marketing, pages de pub, merch, déco de scène, évènements, concerts, compilations, OD de vitamines B12, etc."
Bref dans tous les cas, plus on est connu, plus on peut se valoriser, et gagner des extras à droite ou à gauche!
"Il faut savoir que le statut d'intermittent est perpétuellement remis en cause. Tu dois faire 43 concerts en 10 mois, et des concerts déclarés donc, ce qui se fait uniquement quand tu as une structure comme un tourneur derrière toi. C'est donc toujours une question de dates et de délais à calculer si on veut continuer à avoir le statut." Emmanuel Ultra Vomit.
"En vivre est un problème" disait le DVD bonus de l'album "We love you all" de Psykup. Cette vidéo montrait les difficultés pour un groupe de metal français "modeste" de vivre de son art. Aligner les dates nécessaires pour avoir le statut d'intermittent, gérer le merchandising, les transports, l'entretien des instruments et tous les petits tracas de la vie de musiciens étaient évoqués. Et tous ces petits détails finissent par engendrer un certain mode de vie qui influe sur les musiciens, le groupe et au final toute la scène.
En gros, quand on gagne pas grand-chose en s'investissant un max et qu'après de nombreuses années on ne récolte toujours rien... eh ben l'attitude s'en ressent. Et pour trouver le courage de continuer, il faut trouver une forme de philosophie différente de ceux qui à côté de toi gagnent beaucoup plus sans pour autant être de grands artistes, ni même des mecs qui se crèvent particulièrement le cul.
Bien sûr, tous les groupes ne tirent pas le diable par la queue, mais on peut quand même dire sans trop se tromper, qu'il convient d'avoir une putain d'envie chevillée au corps pour avoir envie de vivre du metal en France.
La grande majorité des groupes que nous avons interviewés ne vivent pas de leur "simple" activités musicales. Il y en a quelques-uns qui vivent de métiers ayant trait à la musique (en bossant dans des studios par exemple) quand d'autres ont des boulots complétement étrangers à l'art et à la musique :
"Personnellement je suis chercheur en imagerie médicale, bien loin du métal en somme ! Même s'il est possible de pondre du riff acéré avec un appareil d'IRM :-) !"Matthieu Outcast.
"On ne touche pas un centime personnellement, tout va pour le groupe. Sinon je suis infirmier en psychiatrie dans la vie « civile »." Julien Beghnited.
"Pfff, le champ de courses, et le shit. " Rose CNK.
L'équilibre semble cependant avoir été trouvé pour certains, puisque le fait de ne pas vivre directement de sa musique n'apparaît pas essentiel :
"Pour être très honnête, je suis super épanoui comme je le suis à ce jour avec un boulot qui me laisse beaucoup de liberté et qui me permet de tourner et gagner plus que correctement ma vie. Je veux juste faire les choses comme il le faut comme tous les autres du groupe, avec professionnalisme et rigueur." Mick Destiny.
"Je n'ai jamais vécu directement de mes créations musicales ni de mes groupes. En revanche j'ai la chance de vivre de la musique par mon activité d'ingénieur du son au Walnut Groove Studio. Je travaille exclusivement en studio, je produis toutes sortes de projets et je trouve autant de plaisir à passer du temps sur les créations des autres que sur les miennes. Je m'y retrouve donc complètement, et même si je gagne ma vie relativement modestement, j'ai la satisfaction de faire quelque chose qui me passionne, ce qui représente une forme de luxe à l'heure actuelle !" Alex CIC.
La frustration de ne pas pouvoir vivre de leur passion pour laquelle ils donnent tant, semble en gêner d'autres :
" Mais on ne perd pas espoir ^^, nous sommes tenaces !" Guillaume Klone.
"D'ailleurs ce n'est pas son but, du moins pas pour l'instant. On rêve tous de pouvoir en vivre, mais il faut savoir garder les pieds sur terre. Qui vit actuellement en France du métal, je veux dire uniquement de par l'activité générée par le groupe ?". Matthieu Outcast.
Après tout, il semble aussi tout à fait entendable que quelqu'un qui se donne tous les jours pour un projet puisse à un moment bénéficier de quelques retombées pécuniaires.
Mais les acteurs du metal français semblent d'une part avoir parfaitement conscience de la réalité du milieu et d'autre part en accepter les règles du jeu. Difficile de faire autrement me direz-vous. Reste que le metal a la chance de bénéficier d'un soutien inconditionnel de quelques bras virils et velus (mais aussi parfois doux et soyeux) qui portent à bout de bras une scène et une musique qui ne serait certainement pas la même si elle était drivée et alimenté par de gros billets verts. Quand c'est la passion qui parle, c'est quand même une autre histoire.
Accés Rapide: Gagner de l'Argent ? - Les Contrats - Les Royalties - Les Droits d'Auteur - Le Merchandising - Les Concerts - Le Sponsoring - Les Partenariats - La Balance Fric/Metal
Nous vous invitons à retrouver l'intégralité de l'ensemble des interviews réalisées pour ce dossier :
- Dirk de SOILWORK
- Matthieu de OUTCAST
- Fred de DRAGONFORCE
- El Worm de WORMFOOD
- Axel de CARNIVAL IN COAL
- Rose de CNK/ANOREXIA NERVOSA
- Manu de ULTRA VOMIT
- Julien de BENIGHTED
- Mick de DESTINITY
- Mkm de ANTAEUS
- Guillaume de KLONE
- Bst de THE ORDER OF APOLYON
GAGNER DE L'ARGENT AVEC LE METAL
On vous le dira dans les écoles de buisnessmen, "Le metal n'est pas le meilleur moyen pour faire du pognon.".
Bien sûr, il existe des individus qui se sont grassement limé la couenne avec le binaire, mais dans la grande majorité, le metal reste un style de musique marginal, qui ne permet pas aux plus modestes de vivre de leur passion.
Cette réalité est d'autant plus pesante que pour beaucoup de fans, le metal doit rester une musique anti-commerciale et sauvage. L'argent venant bien souvent pourrir les plus jolis paysages, le metalleux de base se méfie des paillettes et des sunlights. Les gros groupes se faisant très souvent taxer de "commerciaux", pour beaucoup, intégrité ne se conjugue pas avec compte en banque.
"Je pense que le problème se situe plutôt au niveau de l'intention. Fais-tu du metal POUR gagner de l'argent? Ou fais-tu du metal par passion et éventuellement si tu peux te faire quelques sous, tu craches pas dessus. Je crois que la nuance entre ces deux cas est pas très bien comprise en France. Le premier est naze, le deuxième est cool." Emmanuel de ULTRA VOMIT.
Si pour certains, le débat existe sur le fait de "gagner" de l'argent, pour d'autres, c'est simplement le fait de ne pas trop en perdre qui est important :
"En ce qui concerne Outcast directement et je pense l'immense majorité de la scène semi-pro (pro également sous certains points), l'idée est avant tout de ne pas perdre trop de billes justement. Répéter, tourner, enregistrer, sortir un album, faire des photos, tourner des clips, etc, tout ceci engendre des coûts plus ou moins importants. La passion ne fait pas tout malheureusement, surtout à mesure que l'on vieillit. Si l'on peut respirer financièrement, c'est d'autant mieux que nos moyens personnels sont parfois limités. Personne ne roule sur l'or chez Outcast, loin de là". Mathieu de OUTCAST.
"Je ne parle pas d'en gagner pour se verser un « salaire » et mener la vie de château, je parle juste de pouvoir rentrer dans les frais engagés pour enregistrer les disques, et éventuellement financer tout ou partie de l'album suivant."El Worm de WORMFOOD.
Alors, est ce que ce problème d'argent est purement métallique ou bien franco-français : "Allez aux USA, en Angleterre, en Allemagne, et dans bien d'autres pays, vous constaterez que les musiciens ont un véritable statut professionnel, c'est un métier comme un autre. Et philosophiquement je ne vois pas ce qui s'y oppose, la création artistique étant le fruit d'une réflexion, d'une expérience et d'une habileté à transmettre quelque chose.". Axel de CARNIVAL IN COAL.
Alors comme le disent nos chers musiciens, n'y a-t-il pas au final une certaine méconnaissance de la réalité qui existe dans le biz du metal ?
"Je suis souvent surpris de voir à quel point peu de gens se rendent vraiment compte du peu d’argent qui circule, notamment dans les poches des groupes ou des labels, et que c’est au contraire la passion pour ce style qui encourage les mêmes personnes à se battre pour continuer, surtout dans les conditions actuelles du marché du disque…"Julien de BENIGHTED.
Il semble que l'époque que nous traversons ne soit pas spécialement favorable pour que les artistes de tous poils puissent tranquillement se consacrer à leur passion sans avoir à craindre que leur frigo soit vide. Le nombre sans cesse croissant de groupes semble aussi amplifier le phénomène.
"Le marché est tellement saturé de groupes qu'il faut bien se faire remarquer, et se vendre un tout petit peu pour pouvoir continuer d'exister, et d'être pris un tout petit peu au sérieux par les professionnels (organisateurs de concerts, media, labels etc.)."BST - THE ORDER OF APOLYON.
Au final, chacun se fera son opinion, même s'il est clair que l'avis des principaux concernés amène souvent des éclaircissements sur la réalité de ce qui est vécu par les musiciens.
Mais laissons plutôt à Mick de DESTINITY le mot de la fin : "Je fais certes partie du clan des musiciens mais à la fois des fans de metal, j'achète encore mes disques comme certains autres et pense que ce genre de réflexion provient de la part de petits branleurs qui se permettent de parler sur tout sans rien connaître.".
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LES CONTRATS
Lorsque j'étais petit et que je lisais les interviews de mes idoles permanentées, tous s'accordaient à dire que le moment où ils avaient été "signés" était un moment unique et singulier dans leur carrière. Quand un jeune combo se voit proposer son premier contrat, la plupart ont l'impression de faire un "pas" supplémentaire dans le monde de la musique et le rêve du petit guitariste jouant dans sa chambre semble alors devenir réalité.
Si pour une poignée de privilégiés, ces contrats s'avèrent être une source de revenus abondants, pour beaucoup, c'est le seul moyen d'arriver à faire connaître sa musique, l'autofinancement/distribution étant un phénomène extrêmement minoritaire.
Définissons tout d'abord les 3 types de contrats existants actuellement :
- Le contrat d'artiste qui lie l'artiste à son producteur. Ils prennent en charge la production, la fabrication, la promotion et la distribution. L'artiste interprète est rémunéré sous forme de royalties (entre 5 et 10%) calculées sur les ventes de disques. Le producteur reste propriétaire des bandes.
- Le contrat de licence qui lie un producteur/groupe à un label ou un distributeur. Ceux-ci financent la fabrication, la promotion et la distribution sur une période déterminée. Le groupe finance la production. Il perçoit entre 15 et 25 % de royalties sur les ventes.
- Le contrat de distribution qui lie le producteur/groupe à une société de distribution qui se charge de la mise en place des disques en magasin moyennant une commission d'environ 40%. La promotion est à la charge du producteur/groupe.
On ajoutera à ces 3 contrats, le contrat "oral", celui qui est pratiqué dans l'underground black ou grind, avec pour base la confiance et le service rendu. Mkm d'ANTAEUS nous indisque ainsi que le contrat actuel du groupe avec Norma Evangelium Diaboli est un contrat à l'oral sans limite de temps ou quelconque autre contrainte, convenu entre personnes qui se connaissent et se font confiance depuis des années. J'ai une totale confiance en ce label.
Le contrat d'artiste est de moins en moins répondu, même si ça existe encore comme l'explique BST de THE ORDER OF APPOLYON : Pour la majorité de mes groupes j'ai eu des contrats d'artiste qui concernaient principalement l'Europe, voire le monde entier. (..) A l'heure actuelle Aosoth et The Order of Apollyon ont des contrats d'artistes worldwide avec leurs labels respectifs.
Pour beaucoup d'artistes, il semble que cela soit le contrat de licence qui soit la solution : "De toute façon, je crois qu’aujourd’hui dans la scène métal, le contrat d’artiste a quasiment disparu…" Rose de CNK.
Mais laissons Mathieu de OUTCAST nous expliquer de façon plus précise : Pour faire court, cela revient à fournir un produit fini au label, c'est-à-dire prêt à partir au pressage. Ensuite le label se charge de la mise en bacs via son ou ses distributeurs en France comme à l'étranger. Il est également censé s'assurer de la promotion du disque (encarts dans la presse spécialisée et sur le net, envoi des CD promotionnels pour les chroniques, etc...)."
Dans les contrats d'artistes ou de licence, le pressage du disque est à la charge du label, même si certains parviennent à facturer cela au groupe et à se faire une petite marge par des stratagèmes pas très glorieux. Matthieu d'OUTCAST témoigne ainsi : Techniquement nous ne pouvons pas révéler les termes du contrat. On va dire que je connais un autre groupe dont le label, par un malicieux tour de passe-passe, fait en sorte qu'il incombe au groupe de supporter le coût financier du pressage. Tout en se générant un petit bas de laine au passage.
Avec les tarifs actuels du pressage, la publicité et la promotion sont souvent les nerfs de la guerre. Dirk de SOILWORK nous confie ainsi au niveau de la promotion, on discute un "plan d'attaque" pour chaque album, et on garde un œil attentif sur le travail de chaque division du label..
Matthieu d'OUTCAST confirme :"Pour la partie promotion disons que les deux parties ont un rôle et qu'il ne faut pas tomber dans l'excès, dans un cas comme dans l'autre d'ailleurs. Les groupes ne doivent pas uniquement se reposer sur la partie promo gérée par le label. Hormis certaines exceptions, ils risqueraient d'être déçus.
On comprend ainsi que les deux parties ont un rôle et qu'il ne faut pas tomber dans l'excès, dans un cas comme dans l'autre d'ailleurs. Les groupes ne doivent pas uniquement se reposer sur la partie promo gérée par le label. Hormis certaines exceptions, ils risqueraient d'être déçus.
Parfois, le contrat est assorti d'une avance de royalties, mais en général il convient que le groupe soit suffisamment notoire pour que le label puisse avoir un retour plus ou moins certain sur son investissement.
Le contrat d'exclusivité mondiale ne concerne dans notre dossier que BENIGHTED et DESTINITY. Cela veut dire que pendant toute la durée du contrat, l'artiste s'engage à enregistrer exclusivement pour le compte de la société.
Il s'avère que les contrats semblent se moduler au fur et à mesure que la notoriété d'un groupe s'accroit et que comme l'ont souvent dit les "maîtres à penser" du binaire, le bizness est finalement toujours le même quand les écus sonnants et trébuchants pointent le bout de leur nez. Heureusement, reste la musique.
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LES ROYALTIES
Parlons du concret, du réel, du fric quoi !
Alors combien touche un groupe sur la vente d'un disque ?
Dirk de SOILWORK : "Le groupe touche généralement entre 13 et 25% du prix auquel le CD est vendu au distributeur, selon les formats, territoires, sous-licences, etc. Si on considère un prix d’environ 7 € par CD, le groupe devrait toucher entre 0.91 et 1.75 € par CD vendu."
Rose de THE CNK : "Ça tourne autour de 20% du prix distributeur, soit à peu près 1,5€ par CD."
El Worm de WORMFOOD : "Dans le cadre du contrat de « France » (avant-dernier album du groupe), nous touchons autour de 15% de 5,50 euros, sur les ventes physiques." (0.825 € par CD).
Guillaume de KLONE : "Nous touchons entre 15 et 20 % du prix de vente HT (entre 7 et 9 euros)" (environ 1.4 € par CD).
J'en vois déjà se dirent "Eh bien voilà, ils en touchent quand même du fric".... bien peut-être pas au final! Dirk de SOILWORK nous confirme "En réalité, il faut vendre un bon paquet d’albums pour rembourser l’avance sur royalties."
Eh oui le label a souvent déjà donné de l'argent au groupe en tant qu'avance, et donc le groupe ne touchera qu'une fois que l'équilibre est dépassé ! Rose de THE CNK le confirme également "évidemment, avant de toucher ces royalties, il faut rembourser l’avance octroyée par le label. Ce qui signifie en général aucune royalties, pour les groupes de notre taille."
Quelques-uns arrivent à toucher des royalties, il faut par contre attendre un petit moment comme le précise Mick de DESTINITY "Les ventes de The Inside (avant dernier album du groupe) ont apparemment encore grimpé et le stade d'amortissement est bien dépassé donc nous allons recevoir ce qui nous est dû... "
On peut donc bel et bien gagner un peu d'argent en vendant des disques, mais peut-on en perde ?
Matthieu de OUTCAST nous parle de son expérience "Pour mon exemple, je parle d'un disque vendu au consommateur dans les 90 jours suivant sa date de sortie, la part groupe se réduisant à peau de chagrin ensuite. On peut aussi se retrouver à devoir de l'argent au label si le distributeur lui rend son stock d'invendus."
Surprenant non ?
Écœurant plutôt.
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LES DROITS D'AUTEUR
La SACEM a pour rôle d’assurer la collecte et la répartition des droits d’auteurs des œuvres musicales de ses adhérents. La SACEM récupère ainsi de l’argent lors de la vente d’un disque, lors de la diffusion d’un titre en radio, lors de concerts où la liste des titres joués doit être déclarés ou encore lorsqu’un coiffeur (ou un bar) passe de la musique dans sa salon.
Dans le cadre du metal qui ne passe quasiment pas à la Radio ou à la TV et qui ne vend pas beaucoup de disques, le plus intéressant semble être de récupérer des droits d’auteur sur les concerts réalisées par un groupe, car lors de ces concerts, une somme est payée à la SACEM. Il est ainsi envisageable de récupérer jusqu’à 10% des cachets des concerts donnés par un groupe en droit d’auteur en fin d’année.
Mais laissons Axel de CARNIVAL IN COAL nous expliquer cela plus en détail : « Il y a différents niveaux de perception de ces droits; il y a d'abord les droits de reproduction mécaniques, que la Sacem vous reverse quand il y a un pressage, à condition que le label ait fait une déclaration SDRM. En gros c'est de l'argent que le label vous donne, et la SACEM prend un pourcentage au passage. Ca se raréfie, les petits labels préférant par économie signer des groupes hors Sacem. On ne touche ça qu'une fois par pressage, donc même si la somme peut être sympa (dans les 500 euros chacun pour le premier CinC je crois) ça reste rare.
Après il y a les droits Sacem sur l'exploitation des disques, selon les déclarations qui ont été faites (souvent difficiles à contrôler, mais c'est le rôle de l'éditeur). Les meilleures années on a dû recevoir 90 euros chacun par trimestre. Comme dirait Arno, "Celui qui fume, ça lui paye son tabac " ! ». Rose de THE CNK se place en opposition à Axel "En ce qui me concerne, ça ne me paye même pas les clopes.".
Les groupes interviewés signés chez Osmose par le passé touchent tous des droits d’auteurs (BENIGTED, ANTAEUS...), d’autres comme KLONE ou DESTINITY sont en cours d'inscription ou viennent de s’inscrire. Malgré leurs anciennetés et discographies, ils n'ont jamais touché 1 euros de droit d'auteur.
Pour d’autres formations, l’enregistrement SACEM n’est pas fait de façon volontaire. Matthieu de OUTCAST nous explique que « parfois ça peut-être un frein assez important à la diffusion de notre musique, mais notre position évoluera peut-être ». Et ce point de vue se comprend, être inscrits SACEM peut empêcher quelques opportunités, notamment pour la présence d’un groupe sur une compilation, un CD sampler ou autres.
Pour conclure, BST de THE ORDER OF APOLYON/ex-ABORTED nous confie : « J'en touche pour mon travail avec Aborted, oui. Chaque titre que j'ai écrit me rapporte un peu d'argent quand il est diffusé ou joué en concert. Cela ne représente pas des sommes mirobolantes, ceci dit. Les compositions que j'ai fait pour mes autres groupes ne sont pas encore déposées à la SACEM pour les droits d'auteurs. Ce sera fait quand on commencera à plus jouer en live, cela prendra plus de sens à ce moment-là. »
ULTRA VOMIT étant un groupe qui tourne beaucoup en France, Manu nous confirme: « Oui, on est déclaré à la Sacem donc on touche des droits d'auteurs, via un processus assez compliqué, mais ça vaut le coup de le faire! »
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LE MERCHANDISING
Nous les metalleux, on est tous pareils. Je ne connais pas un seul metal Freak qui ne possède pas au moins deux ou trois T-shirts à l'effigie d'un groupe. Bien souvent, à l'issue d'un concert (quand celui-ci a été bon bien sûr) c'est vers le stand de merchandising que les poilus convergent pour rester stylés et élégants en toutes circonstances.
En plus de l'aspect "culturel" lié à la musique, le merchandising est aussi et surtout un moyen pour les groupes d'engranger quelques bénéfices, souvent bien venus dans la vie de groupes qui ne roulent jamais vraiment sur l'or. Pour les groupes comme BENIGHTED, Julien nous rapporte que "Pour nous, le merchandising est le seul moyen de pouvoir gagner de l’argent pour pouvoir continuer à avancer".
Si vous voulez vraiment supporter un groupe en l'aidant financièrement, il vaudrait presque mieux lui acheter un T-shirt qu'un disque comme nous l'affirme Guillaume de KLONE "En gros sur un T-shirt, on peut gagner entre 10 et 15 euros, contre 5/6 euros sur un disque.".
BST de THE ORDER OF APPOLYON confirme ces chiffres et la nécessité de vendre du merch en tournée : "Nous faisons nos propres t-shirts en passant par une entreprise qui les fabrique, en Allemagne, et nous récupérons en gros 8 ou 9 euros par pièce, donc cela permet de rembourser les frais d'impression assez vite, et de se faire un bénéfice. En tournée, c'est quelque chose d'absolument essentiel pour rentrer chez soi avec de quoi payer les factures."
Pour des groupes plus important comme DRAGON FORCE, Fred estime que "C'est effectivement un bon moyen de toucher de l'argent, mais malheureusement, encore une fois, je ne connais pas les chiffres au détail".
Au niveau des bénéfices, tout semble donc dépendre de la notoriété du groupe, même si l'ENSEMBLE des musiciens interviewés confirment que c'est avant tout quelque chose qu'il faut gérer avec beaucoup de sérieux si on veut que cela puisse servir à quelque chose et permettre d'au moins équilibrer les comptes.
Dirk de SOILWORK nous apprend que " La difficulté est de prédire combien on va vendre. Parfois on est agréablement surpris, d’autres fois les ventes déçoivent. Il faut gérer au mieux les quantités afin d’éviter de se retrouver avec des tas d’invendus sur les bras".
Emmanuel D'ULTRA VOMIT lui nous dit que "Oui, c'est vrai, c'est un bon moyen, encore faut-il bien gérer la chose. Pour le coup, ça ressemble au fonctionnement d'une mini-entreprise. Tu dois calculer ton coût de fabrication, estimer le nombre de vente pour pas perdre de l'argent. Si c'est bien fait, c'est une bonne source de revenu pour le groupe. ".
En bref, aucun groupe ne peut se permettre de faire l'impasse sur les beaux T-shirts avec lesquels ils nous habillent toute l'année. Peut-être y a-t-il un futur Karl parmi nos chers Metalleux tout de noir vêtus.
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LES CONCERTS
Il n'existe pas cinquante mille façons pour un groupe de metal de se faire un public et de vendre des skeuds.
La scène a toujours été pour les chevelus le moyen privilégié de se faire entendre. C'était vrai il y a quelques années et c'est encore plus manifeste aujourd'hui à cause du téléchargement.
Mais malgré les petites associations et la bonne volonté de passionnés il n'est pas toujours facile de se faufiler un chemin jusque vers les planches et les salles sur chauffées. Les groupes interrogés rapportent dans leur majorité qu'il est important de bien gérer les déplacements afin de ne pas perdre d'argent.
Une fois encore, tout dépend de la notoriété du groupe, les plus petits essayant au maximum de ne pas tourner à "perte" : "La négociation des cachets est toujours un point délicat, il faut faire la balance entre crédibilité et réalisme, ce n'est pas toujours évident de faire comprendre à certaines orgas que faire déplacer toute la logistique d'OUTCAST, et bien ça a un coût, incompressible malheureusement. Par ailleurs nous nous adaptons aussi à la « taille » des structures faisant appel à nous. Nous cherchons à être cohérents sur ce que nous demandons comme cachet, par rapport à ce que nous estimons valoir." Matthieu de OUTCAST.
Mick de DESTINITY insiste sur le fait de rester flexible et compréhensif avec les associations : "Nous tenons à rester abordables pour les petites associations et nous ne sommes pas du genre à faire un concert pour les planter."
Il semble que la passion soit la plus belle arme qu'ont les groupes "modestes" pour continuer à alimenter leur motivation comme nous le confie Julien de BENIGHTED : Nous avons un cachet fixe qui tourne autour de 1000 euros pour une date, et c’est particulièrement marrant de savoir que si on reprenait du Johnny Halliday au bal du coin avec des potes avec qui on aurait répété quatre fois, on pourrait gagner 3 fois cette somme pour une représentation. Le plus souvent, lorsqu’on évoque les cachets des groupes de métal, ça fait bien rire tous les groupes qui jouent dans d'autres styles musicaux ! Hé hé !
Il arrive malheureusement que les groupes ne soient pas toujours "déclarés" comme nous l'apprend Guillaume de KLONE : Nous touchons rarement des cachets déclarés car nous sommes 8 à 9 sur la route, ce qui fait beaucoup de frais. Nous payons en priorité les techniciens qui nous accompagnent. Et quand il reste de l'argent, on ne touche rien, on met l'argent de côté pour financer des projets, enregistrement, vidéo clip, ou autre.
Les "droits d'accès" pour participer à des tournées d'envergures, bien que cela semble une méthode assez répandue, n'est pas au goût de tout le monde. Quand certains musiciens trouve cela normal, d'autres semble y être assez opposés : Nous n'aurions jamais accepté de fonctionner comme ça. La carrière de CinC sur scène s'est résumée à beaucoup de festivals, donc en général nous partagions l'affiche avec un bon nombre de groupes, et nous étions rarement en tête d'affiche. Alex de CIC
L'alternative aux droits d'accès est de se prendre en main comme l'explique Mick de DESTINITY : "Pour ce qui est des tournées, c'est un peu différent puisque tu dois souvent payer le support, c'est pourquoi j'ai organisé mes propres tournées comme DEW-SCENTED et SEVERE TORTURE l'an dernier, et du coup, nous n'avons pas perdu d'argent."
Pourtant, bien des fois l'investissement pour accéder à une tournée peut se révéler bénéfique comme le précise Dirk de SOILWORK : "Dans notre cas, le tour support est systématiquement une avance sur royalties - ce qui veut dire que nous finançons ça nous-mêmes, au final. Si on prend en compte le facteur promotionnel, qui pousse à son tour les ventes de disques, une tournée comme la Ozzfest (que Soilwork a fait en 2005) peut valoir le coup à long terme même s’il y a perte financière au départ."
Participer à une grosse tournée peut aussi avoir plus d'impact que des pages de pubs à foison comme le dit Guillaume de KLONE "Si tu veux développer ton groupe et faire une tournée européenne ou americaine, cela représente un gros investissement. C'est une phase importante pour avancer, il faut tourner un maximum. Aujourd'hui, je trouve ça plus malin d'investir dans du tour support que pour un encart publicitaire dans un magazine. L'impact est bien plus gros."
Mais attention aux arnaques, comme l'explique Rose de CNK/ANOREXIA NERVOSA : " ...la profusion de tournées avec 150 premières parties dont personne n’a rien à foutre… Et la nécessité de bien étudier la rentabilité de la chose, et les retombées concrètes en termes de promo, avant d’accepter n’importe quoi, parce que certaines propositions sont justes totalement délirantes (genre 5000 euros pour 15 dates en Allemagne avec un groupe qui attirera trois crétins bourrés dans des bars de merde). "
Il semble donc que si les concerts restent le chemin privilégié pour se faire des nouveaux amis pour les groupes, force est de constater que les réalités du monde de la musique métallique actuelle ne sont pas forcément toujours très rose pour nos mélomanes en pantalons cloutés.
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LE SPONSORING - LES PARTENARIATS
Et alors dans notre petit monde est-il possible de trouver d'autres biais pour toucher de l'argent? On se souvient de Christine Boutin appellant Kronembourg pour qu'ils arrêtent de sponsoriser le Hellfest. Alors un groupe ça peut être sponsorisé?
Il semblerait que oui, même si de tous nos interviewés aucun n'a trouvé le 'truc' ultime permettant de faire cracher sa commune, son département ou sa région, ou une entreprise locale, afin de glaner quelques sous pour partir en tournée par exemple. Ainsi pour El Worm de WORMFOOD "il existe des subventions et des financements pour les artistes en France. J'ai l'impression que le montage de dossiers ne fait pas vraiment partie de la culture métal, ces informations sont peu relayées, les procédures longues, difficiles à mener. J'ai parfois l'impression que les autres « musiques amplifiées » tirent mieux partie de ces dispositifs.". Ou encore, pour BST de THE ORDER OF APOLYON "Certaines conventions peuvent aider en prenant en charge certains frais".
Pour Guillaume de KLONE, "les seules subventions que nous pouvons avoir à l'heure actuelle, c'est une aide minimum via la marie de Poitiers pour aider à l'enregistrement d'un disque"... Comme quoi aller taper à la porte de sa mairie, c'est faisable et cela peut apporter un peu d'eau au moulin créatif, même si pour Manu d'ULTRA VOMIT "Paradoxalement, plus ton groupe marche, plus tu as de chances d'en obtenir une.". Un peu rageant, mais à tenter dans tous les cas, même si, et ça peut se comprendre, comme pour MKM d'ANTAEUS "Le concept de subvention de l'état ou autres organismes culturels pour un groupe affilié à un genre comme le black ou death metal ne correspond pas vraiment à ma vision des choses."!
Et puis on a tous rêvé de ces superbes instruments brandis fièrement par nos idoles. Et alors nos groupes peuvent-ils espérer être endorsés par un fabricant de guitare ou de batterie? Même si avoir son nom sur une guitare peut arriver (cf Stephan Forté d'ADAGIO), bénéficier d'accès à des instruments se pratique, même si attention, tous sont quasiment unanimes: cela consiste d'abord en des réductions sur du matériel (instruments, amplis, cordes, vêtements...)!
Il n'y a que lorsque l'on commence à être connu que l'on a accès à des choses vraiment sympa. Par exemple pour DESTINITY, qui semble avoir tiré son épingle du jeu: "Nous sommes endorsés par ENGL qui nous ont filé les amplis et HP pour rien du tout et également SPAUN DRUMS qui a fait une batterie sur mesure à Morteüs pour un prix défiant toute concurrence ! ".
Maintenant, si vous montrez une débauche d'énergie sur scène, il y a des entreprises particulières que vous pourriez intéresser, il s'agit des boissons énergétiques!!! Ainsi pour DESTINITY "MONSTER ENERGY commence à nous prendre beaucoup plus au sérieux à force de dates et de festivals et certains deals sont en négociation mais tout cela ne s'est pas fait en un jour, il a fallu être sur les routes pendant des années !". Idem selon Rose de CNK, "Nous avons des partenariats avec Gibson et Monster Energy. L’un nous permet d’avoir les meilleures guitares du monde à pas trop cher, l’autre fait un peu office de label de substitution : street marketing, pages de pub, merch, déco de scène, évènements, concerts, compilations, OD de vitamines B12, etc."
Bref dans tous les cas, plus on est connu, plus on peut se valoriser, et gagner des extras à droite ou à gauche!
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LA BALANCE ENTRE FRIC ET METAL
"Il faut savoir que le statut d'intermittent est perpétuellement remis en cause. Tu dois faire 43 concerts en 10 mois, et des concerts déclarés donc, ce qui se fait uniquement quand tu as une structure comme un tourneur derrière toi. C'est donc toujours une question de dates et de délais à calculer si on veut continuer à avoir le statut." Emmanuel Ultra Vomit.
"En vivre est un problème" disait le DVD bonus de l'album "We love you all" de Psykup. Cette vidéo montrait les difficultés pour un groupe de metal français "modeste" de vivre de son art. Aligner les dates nécessaires pour avoir le statut d'intermittent, gérer le merchandising, les transports, l'entretien des instruments et tous les petits tracas de la vie de musiciens étaient évoqués. Et tous ces petits détails finissent par engendrer un certain mode de vie qui influe sur les musiciens, le groupe et au final toute la scène.
En gros, quand on gagne pas grand-chose en s'investissant un max et qu'après de nombreuses années on ne récolte toujours rien... eh ben l'attitude s'en ressent. Et pour trouver le courage de continuer, il faut trouver une forme de philosophie différente de ceux qui à côté de toi gagnent beaucoup plus sans pour autant être de grands artistes, ni même des mecs qui se crèvent particulièrement le cul.
Bien sûr, tous les groupes ne tirent pas le diable par la queue, mais on peut quand même dire sans trop se tromper, qu'il convient d'avoir une putain d'envie chevillée au corps pour avoir envie de vivre du metal en France.
La grande majorité des groupes que nous avons interviewés ne vivent pas de leur "simple" activités musicales. Il y en a quelques-uns qui vivent de métiers ayant trait à la musique (en bossant dans des studios par exemple) quand d'autres ont des boulots complétement étrangers à l'art et à la musique :
"Personnellement je suis chercheur en imagerie médicale, bien loin du métal en somme ! Même s'il est possible de pondre du riff acéré avec un appareil d'IRM :-) !" Matthieu Outcast.
"On ne touche pas un centime personnellement, tout va pour le groupe. Sinon je suis infirmier en psychiatrie dans la vie « civile »." Julien Beghnited.
"Pfff, le champ de courses, et le shit. " Rose CNK.
L'équilibre semble cependant avoir été trouvé pour certains, puisque le fait de ne pas vivre directement de sa musique n'apparaît pas essentiel :
"Pour être très honnête, je suis super épanoui comme je le suis à ce jour avec un boulot qui me laisse beaucoup de liberté et qui me permet de tourner et gagner plus que correctement ma vie. Je veux juste faire les choses comme il le faut comme tous les autres du groupe, avec professionnalisme et rigueur." Mick Destiny.
"Je n'ai jamais vécu directement de mes créations musicales ni de mes groupes. En revanche j'ai la chance de vivre de la musique par mon activité d'ingénieur du son au Walnut Groove Studio. Je travaille exclusivement en studio, je produis toutes sortes de projets et je trouve autant de plaisir à passer du temps sur les créations des autres que sur les miennes. Je m'y retrouve donc complètement, et même si je gagne ma vie relativement modestement, j'ai la satisfaction de faire quelque chose qui me passionne, ce qui représente une forme de luxe à l'heure actuelle !" Alex CIC.
La frustration de ne pas pouvoir vivre de leur passion pour laquelle ils donnent tant, semble en gêner d'autres :
" Mais on ne perd pas espoir ^^, nous sommes tenaces !" Guillaume Klone.
"D'ailleurs ce n'est pas son but, du moins pas pour l'instant. On rêve tous de pouvoir en vivre, mais il faut savoir garder les pieds sur terre. Qui vit actuellement en France du métal, je veux dire uniquement de par l'activité générée par le groupe ?". Matthieu Outcast.
Après tout, il semble aussi tout à fait entendable que quelqu'un qui se donne tous les jours pour un projet puisse à un moment bénéficier de quelques retombées pécuniaires.
Mais les acteurs du metal français semblent d'une part avoir parfaitement conscience de la réalité du milieu et d'autre part en accepter les règles du jeu. Difficile de faire autrement me direz-vous. Reste que le metal a la chance de bénéficier d'un soutien inconditionnel de quelques bras virils et velus (mais aussi parfois doux et soyeux) qui portent à bout de bras une scène et une musique qui ne serait certainement pas la même si elle était drivée et alimenté par de gros billets verts. Quand c'est la passion qui parle, c'est quand même une autre histoire.