Aussi surprenant que cela puisse paraître, GHOLES (Death atmosphérique – Montpellier) met un terme à ses activités et à quinze longues années de carrière avec la sortie attendue de « Coexistence », un album qui cristallise à la fois le travail passionné d'un collectif et l'aveu d'une impuissance face à des forces qui nous dépassent.
Un constat amer et lucide qui donne envie d'aller au-delà avec un des principaux intéressés (Fred – guitares et arrangements). Morceaux choisis d'une soirée de clavardage improvisée.
Il existe des moments clés dans la vie d'un groupe amateur, aussi talentueux soit-il. La sortie d'un album est de ceux-là. Aussi, quand cet album a connu une genèse de cinq longues années, sa portée dépasse parfois l'engagement initial des individus pour refléter l'état d'un collectif. Quand j'interroge Fred sur la symbolique de "Coexistence" au regard de GHOLES, la réponse est double et cohérente.
« Il y a quelques années, je t'aurais dit que "Coexistence" représentait l'avenir de GHOLES, nous avions travaillé sur un album complet, cette fois, (pas un mini album comme le précédent), et de plus "Coexistence" propose également un concept, une histoire qui s'étend sur l'ensemble des 11 chansons. Donc notre projet le plus abouti. Aujourd'hui les choses ont changé... »
On imagine sans peine la suite de la phrase, pourtant je l'encourage à clarifier sa réponse. Il poursuit avec un lapsus charmant en taxant l'album de « Chant du signe ». Difficile de faire mieux. Un album qui fait sens, et dont la sortie constitue un véritable signe. A la question : Le projet GHOLES est-il définitivement terminé? Il hésite longuement. Puis la réponse tombe sans autre forme de justification. « Oui. » D'une certaine façon on ne parle plus musique, on est déjà dans le registre plus large de la vie. De son apparition et de son extinction. Inte
« Suite à l'enregistrement de l'album en 2006, nous espérions le sortir, le promouvoir et donner quelques concerts. Malheureusement, l'éloignement géographique des musiciens et le fait de ne pas trouver comment diffuser l'album ont freiné le processus. Petit à petit chaque musicien s'est concentré sur ses autres projets musicaux, et Gholes est passé en stand by. »
Un souci récurrent pour bon nombre de formations prometteuses. Quel est cet instant maudit où on rate le coche, et surtout pourquoi le marché de la musique se ferme obstinément quand tout semble propice pour trouver un label, défendre un projet?
« Nous n'avons peut-être pas frappé aux bonnes portes, ou pas assez insisté. Ou peut-être nous n'entrons pas dans les bonnes "cases"... Le style de GHOLES n'est pas résolument moderne, ni trop facile d'accès. Sans être extrêmement techniques, nos morceaux sont tout de même difficiles à appréhender. »
Tous ceux qui auront vu le groupe sur scène à l'époque ou parcouru leurs premières démos partageront la même incompréhension. Ça semblait largement à leur portée à ce moment-là. Fred reste humble et philosophe.
« Il me semble que beaucoup de disques sortent, beaucoup de groupes émergent, il y a tellement de choix qu'on est vite oublié... Quand tu mets 4 ans à composer et enregistrer un album -et que tu n'as pas non plus la notoriété d'une grosse pointure, tu dois tout reprendre du début... »
Le parallèle est tentant avec les voisins de KALISIA dont l'album « Cybion » a peiné à trouver un label avant de sortir en situation d'autoprod quelques dix ans après l'écriture des premiers riffs. La scène de Montpellier serait-elle maudite ?
Ha, je crois que Kalisia détient le record de temps entre la sortie de la démo et celle de "Cybion"...! A ce niveau-là, on est battu! Mais je ne crois pas au mauvais oeil...
Autre écueil fréquent sur lequel des formations se brisent irrésistiblement : les problèmes de line up. Le départ de Tamatoa (batterie) est un virage difficile à négocier.
Oui, je crois qu'on peut difficilement faire plus loin (Polynésie Française), mais même Pierre sur Toulouse, Florian et moi à Montpellier, ce n'était pas évident non plus. Et puis il aurait manqué un second guitariste aussi.
Le projet n'a jamais été abandonné, et même si l'activité du groupe devait s'arrêter, le disque sortirait bien un jour d'une manière ou d'une autre. Nous avions envisagé une diffusion numérique, par exemple. Mais j'étais loin d'imaginer les circonstances qui mèneraient à finalement sortir cet album.
Autant de facteurs qui expliquent la longue période de gestation de l'album...
Certains musiciens ont quitté le groupe pendant que nous étions en train de composer "Coexistence". Mais cela n'a pas vraiment retardé l'enregistrement, car comme je disais au début, "Coexistence" est un album complexe, avec un concept, les morceaux sont riches et il y a beaucoup d'arrangements. Ils ont vraiment demandé du temps avant d'être finalisés. C'est plutôt tout ça qui a pris du temps.
Délicat d'éviter le sujet plus longuement ; « Coexistence » peut facilement apparaître comme le dernier hommage du groupe à leur ami disparu. Avec pudeur, Fred reste concis.
Oui. Suite à l'accident de Pierre, Il est devenu important pour nous que le projet parvienne à son terme.
On imagine sans peine les décisions difficiles que le groupe a alors dû prendre.
La possibilité de sortir l'album en autoprod existait déjà, mais ça n'aurait pas apporté grand-chose à GHOLES sans aucun soutien ni distribution. Mais là nous avions une raison de le faire, au moins pour nous-mêmes (c'est pourquoi nous n'avons pressé qu'une toute petite quantité). Et effectivement, nous avons ressenti le besoin de nous retrouver et de faire revivre un peu le passé autour de ce disque.
Je reviens benoîtement sur le devenir du groupe mais Fred reste catégorique, une page a bien été tournée. L'occasion de lui demander où il en est avec son autre groupe, digne représentant de la scène Black sudiste dans lequel officiait également Pierre : HEGEMON.
À l'origine, Gholes était mon projet le plus personnel, axé sur mon goût pour la mélodie, les ambiances, mélangé à des influences Death-Metal. Hegemon était un projet "secondaire" dans lequel je pouvais explorer une voie plus extrême (et j'étais moins impliqué qu'aujourd'hui dans la composition des morceaux).
Aujourd'hui, nous nous apprêtons à présenter une maquette, en vue d'un 4eme album. Nous cherchons également un batteur, car Pierre, qui était un musicien très complet, devait être le nouveau batteur de Hegemon.
« Coexistence » possède plusieurs degrés de lecture mais reste au départ un album-concept. Explications.
"Coexistence" raconte une histoire qui se déroule tout au long des 11 titres de l'album: un individu prend conscience de l'aliénation de son peuple par un être omniscient et pourtant invisible, et qui essaye de convaincre ses semblables de cette énorme supercherie.
Quelque part entre la SF et la philosophie à vue de nez.
Tu as bien cerné la chose car on est un peu entre les deux: SF pour le cadre de l'histoire (comme l'illustre la pochette) et philosophie pour les thèmes abordés: la prise de conscience, l'aveuglement par le conditionnement... Et en ce qui concerne SUP, tu as vu juste également: ce sont les concepts de "The Cube" et de "Anomaly" qui nous ont donné envie de créer à notre tour une histoire.
Du beau travail, tant sur le fond que sur la forme. Les réactions de la critique?
Comme nous faisons les démarches nous-mêmes les choses vont lentement, et pour l'instant, nous avons eu peu de retour, mais les appréciations sont positives. Nous allons tenter de diffuser davantage l'info.
Quand je demande à Fred de choisir un souvenir particulièrement heureux dans la carrière du groupe, il hésite quelques instants puis finit par me soumettre un cliché de 2002, le seul du dernier line up de GHOLES. La photo parle d'elle-même, l'aventure est humaine et c'est peut-être la seule chose qui vaille le coup de la tenter.
Merci pour cette discussion, et pour l'intérêt que tu portes à notre travail.
L'histoire de Gholes s'achève, mais elle restera dans ma mémoire, et parmi les meilleurs moments de mon existence.
J'encourage bien sûr à écouter notre album, et peut-être partager un peu de cette aventure.
Cela dit, notre passion pour la musique et le Métal subsistent, d'autres projets sont en route, nous aurons l'occasion de nous croiser à nouveau, dans d'autres circonstances, alors à bientôt…
Un constat amer et lucide qui donne envie d'aller au-delà avec un des principaux intéressés (Fred – guitares et arrangements). Morceaux choisis d'une soirée de clavardage improvisée.