RED MOURNING… la couleur du deuil des esclaves du Mississippi Delta. Ces quelques mots servant d'introduction à la biographie officielle du groupe posent l'ambiance. RED MOURNING c'est la Sueur, la Douleur, mais également le Cœur, un Bluescore qui vient des tripes et qui parle aux tripes. Qu'on y adhère ou pas, il marque sa différence dans un scène de plus en plus formatée. Entretien avec JC, hurleur de la formation.
Salut à tous ! Comme vous l'aviez confié au Boss lors d'une interview réalisée en 2008 pour la sortie de votre précédent album, vous êtes retournés chez Francis Caste pour la réalisation de votre nouveau disque, qui vient tout juste de sortir. VS :Qu'a-t-il de plus que les autres n'ont pas, si on excepte son humour apparemment « spécial »? JC : Salut ! Alors, déjà, il a notre confiance ! Après "Time To Go", on savait qu'il connaissait son boulot, et qu'on était sur la même longueur d'onde. On avait aussi énormément apprécié ses capacités d'écoute et d'adaptation. On savait qu'avec lui, on aurait un son "à nous". Je rajouterais que son fameux sens de l'humour abominable est bien utile quand la pression monte dans le studio.
Comment s'est déroulé l'enregistrement? L'ambiance était-elle aussi laborieuse que pour « Time To Go »?
Absolument. On a beau se dire que cette fois, on sera cool, mais il n'y a rien à faire ! C'est tellement important pour nous qu'on va au bout de nous-mêmes, à tous les niveaux. Et ça rend l'enregistrement tellement éprouvant physiquement et mentalement, qu'on craque forcément de temps en temps.
Par exemple, pour le chant, tu passes des jours et des jours enfermé tout seul dans la cabine, à hurler des textes parfois douloureux. A la fin, t'as la tête qui explose, t'as juste des envies de meurtre.
Mais cette pression a aussi son utilité. Elle nous pousse dans nos derniers retranchements, et c'est parfois là qu'il se passe des trucs magiques. Francis nous répète d'ailleurs souvent : "Vas-y à fond, c'est pas grave si tu meurs à la fin de l'enregistrement !" A l'arrivée, si on a franchi un nouveau cap avec cet album, c'est aussi grâce à ça.
J'étais un peu passé à côté du précédent album parce que pas accroché à l'époque, pour diverses raisons. Mais à l'écoute des extraits dispos sur MySpace, il me semble qu'il y a encore eu énormément de travail sur les voix, que ce soit en terme de qualité/justesse/émotion du chant que des superpositions de pistes. Pourtant, il sonne plus « naturel » cette fois, était-ce le but recherché?
Merci pour le compliment ! Je pense avoir effectivement évolué un peu vocalement depuis "Time To Go". Après, je n'avais pas de but particulier. Le côté naturel vient peut-être des compositions un peu plus abouties, y compris pour les voix. On a gagné en confiance, et on se permet donc plus de choses. Plus ça va, et plus on fait ce qu'on a envie de faire, ce qui nous correspond vraiment.
C'est également vrai au niveau du son. On ne sent pas obligé de foutre les trigs à donf, avec des grattes hyper tranchantes, comme on l'entend tellement aujourd'hui. On aime les sons organiques.
Euh... DOWN vous connaissez?
...
Je reprends et je m'explique : il me semble que c'est une influence majeure pour le groupe, ne serait-ce qu'au niveau du chant. Cela peut être considéré comme un avantage pour vous puisque peu de groupes osent (peuvent) se frotter d'aussi près à eux et que vous avez également votre patte (harmonica, passages plus violents), mais cela peut également être casse-gueule du fait du rapprochement inévitable entre les deux groupes et du risque qu'on ne fasse pas l'effort d'écouter votre musique en pensant que ce n'est qu'une copie. De quel côté vous situeriez-vous?
Clairement, notre objectif est de faire notre propre musique, bien distincte de celle des autres groupes. D'ailleurs, la moitié des membres de RED MOURNING n'apprécie pas particulièrement DOWN ! Il y a évidemment des points communs, comme certains riffs bluesy. Mais, j'écoute du blues depuis que je suis né, et je kiffais MUDDY WATERS bien avant d'apprendre l'existence de DOWN. A l'arrivée, je pense qu'il y a bien plus de différences (tu en cites quelques-unes) que de points communs. Mais je ne suis peut-être pas objectif... A chacun de se faire son avis !
Il m'a fallu un paquet d'écoutes pour vraiment apprécier les morceaux et même si je ne suis pas dingue de tout l'album, certains me plaisent maintenant vraiment (« Land Of No Light », « Faulkner's Past », « One Step Away », « On This Earth »). Aviez-vous l'intention de faire un album « qui se mérite », qui ne soit pas immédiatement assimilable, ou est-ce moi qui n'étais pas dans de bonnes dispositions à ce moment?
On n'avait pas de grande stratégie en composant "Pregnant With Promise" ! On a juste pris plus de libertés dans la composition, parce qu'avec l'expérience, le groupe visualise de plus en plus clairement son identité musicale. A l'arrivée, ça donne des compos assez diverses, plus élaborées, parfois inattendues.
Peut-être que ça rend l'album plus difficile d'approche, je ne sais pas... Mais ce n'est pas forcément une mauvaise chose. J'ai détesté certains de mes albums préférés, la première fois que je les ai entendus. Je pense à MINOR THREAT, ou encore TEETH OF LIONS RULE THE DIVINE.
L'esclavage, le Sud des États-Unis, le blues, un nom de groupe faisant référence à la couleur du deuil des esclaves du Delta du Mississippi... Avez-vous des racines là-bas?
Des racines familiales, pas du tout. Mais des racines musicales, ça ne fait aucun doute. En ce qui me concerne, mon père jouait du boogie-woogie au piano quand j'étais petit. Et le premier CD que j'ai acheté, à l'âge de 10 ans, c'était "Indianola Mississippi Seeds" de BB
KING. C'est cette musique qui a baigné toute mon enfance.
Vous vous définissez comme un groupe de Metal aux influences Blues et à l'attitude HxC, en mettant l'accent sur le fait que tu es Straight Edge. Une démarche, dans vos thèmes et votre présentation générale, plutôt orientée HxC donc, mais le moyen de faire passer le message diffère, est moins offensif et plus émotionnel, passe plus par l'expression de la douleur que de la violence. Voyez-vous les choses de cette façon également?
Oui et non. On revendique clairement cette attitude et ces influences Hardcore. Je pense que ça se ressent dans notre musique, dans nos shows, mais aussi dans nos relations avec le côté pro de la musique.
En revanche, je ne partage pas ton analyse du Hardcore en général. Pour moi, le message Hardcore est autant dans la douleur que dans la violence. C'est vrai qu'on a souvent l'image du coreux qui gueule "Je vais te péter la gueule et m'en sortir tout seul." Mais en fait, ils parlent aussi souvent de désespoir.
Que signifie le nom de l'album? À l'image de la musique qu'il contient, le message véhiculé me semble moins évident que celui de « Time To Go »...
"Pregnant With Promise" est le titre d'un des morceaux de ce nouvel album (un de nos préférés d'ailleurs !). Après, j'ai comme règle de ne pas trop expliquer en détail mes paroles, que j'écris volontairement un peu imagées et abstraites. Pour des raisons artistiques, d'abord.
Également parce que je ne suis pas là pour raconter ma vie, mais pour partager des émotions violentes. Chacun pourra les ressentir à sa manière. Moi-même, c'est ce que j'apprécie quand j'écoute d'autres chanteurs : pouvoir calquer mes propres images sur leurs paroles.
Pour ce qui est d'une évolution par rapport à "Time To Go", je ne sais pas trop... Aussi longtemps que je me souvienne, j'ai toujours fonctionné suivant ces principes. Peut-être est-ce simplement plus réussi cette fois !
Il y a encore quelques passages bien brutaux sur « Pregnant », même s'ils sont moins importants que par le passé. Avez-vous besoin de vous lâcher de temps en temps?
Tout à fait. Je pense que ça se voit sur scène d'ailleurs. On ne fait pas du métal par hasard ! On aime les gros riffs, que ça blaste, que ça hurle. L'évolution par rapport à l'album précédent se situe au niveau des compositions, plus élaborées, plus libres. On amène plus les passages violents, là où on avait tendance à démarrer directement par là sur "Time To Go". Mais l'impact est, à mon avis, plus fort au final. On s'en rend compte en concert.
Cela dit, par certains aspects, ce second album est plus violent que le premier. Je pourrais par exemple citer le son de la voix gueulée, tellement haineux que c'est parfois limite malsain.
Vous êtes un peu le cul entre deux chaises, trop violents pour les fans de Stoner, trop gentils pour les fans de Thrash ou de Hardcore. Quel est le public qui vient majoritairement à vos concerts? Le succès de groupes comme MASTODON, qui sont également à cheval sur plusieurs styles, vous a-t-il facilité la tâche?
Oui, c'est clair qu'on ne tombe pas dans un style bien défini. Ça rend parfois les affiches de concert compliquées à élaborer ! Et on est signés chez Bad Reputation, un label plutôt orienté rock. Du coup, les gens qui apprécient ce qu'on fait et qui viennent à nos concerts sont ce qu'on pourrait appeler des métalleux ouverts d'esprit, à l'écoute d'une démarche personnelle.
Ce n'est pas la voie de la facilité, mais on s'en fout. On aime mélanger les styles, les influences : le Blues, le Death, le Grunge...
C'est ça qui fait avancer la musique, donc on est prêt à bosser très dur pour ça. Et comme tu le fais très justement remarquer, ça n'empêche pas un MASTODON ou un RATM de percer.
Chez vous, l'harmonica n'est pas qu'un gimmick et a vraiment son utilité, n'intervenant que quand l'instant s'y prête, ce qui rend ses interventions d'autant plus fortes. Décidez-vous à l'avance des morceaux sur lesquels il y aura de l'harmonica ou est-ce de l'impro, selon l'humeur du moment et du morceau?
Pendant la composition, on identifie les passages qu'on estime propices à l'harmonica. Mais les morceaux évoluent parfois beaucoup avant de trouver leur forme finale. Une fois le morceau vraiment terminé, j'écris en général les solos. Ça me sert de base pour le studio et le live, sur laquelle j'improvise plus ou moins suivant le feeling du moment. Il m'arrive parfois de partir en pure impro, mais c'est plus rare. Quoi qu'il en soit, je cherche toujours à servir le morceau. L'harmonica doit apporter quelque chose, sinon on n'en met pas.
Vos albums sont en écoute sur Deezer, est-ce une décision de votre part? Si oui, pourquoi? Si non, pensez-vous que c'est une bonne ou une mauvaise chose pour le groupe?
On ne met pas nos albums sur Deezer nous-mêmes. Mais si personne ne le faisait, on s'en chargerait sans doute ! C'est un moyen de diffusion très pratique. Les gens nous écoutent sur Deezer, viennent nous voir en concert, et achètent un skeud ou un t-shirt au stand merch. Ou alors téléchargent quelques morceaux sur iTunes. Nous-mêmes c'est ce
qu'on fait. On préfère voir le côté positif de la chose.
Sur votre page MySpace, la liste d'amis visible est uniquement constituée de bluesmen. Est-ce une façon de vous forger une identité et de vous démarquer des listes classiques de potes de label ou une démarche pédagogique, visant à faire découvrir à vos fans coreux ou hardos un nouvel univers musical?
Un peu les deux ! Le concept "d'ami" est pour le moins ambigu, alors pourquoi ne pas l'utiliser comme ça ?
Quelles sont, justement, vos principales influences, qu'elles soient musicales, littéraires, cinématographiques, historiques?
Musicalement, la liste est longue ! Il y a du blues : MUDDY WATERS, ALBERT KING... Du rock : ALICE IN CHAINS, PINK FLOYD... Du métal : MASTODON, METALLICA... Du hardcore : MADBALL, MINOR THREAT...
Pour le reste, on a chacun nos goûts, mais ça n'a pas d'impact direct sur notre musique.
Tout le monde est-il fan de Blues dans le groupe? Avez-vous envisagé de monter un projet parallèle dans ce style? Ou peut-être d'enregistrer un EP de musique cajun ou quelque chose du genre? NOSTROMO avait fait une expérience inattendue il y a quelques années en enregistrant un EP acoustique par exemple.
La beauté du EP de NOSTROMO, c'était d'être inattendu, original, bizarre même. Si jamais on se lançait dans un truc du style, ce serait dans le même esprit : inventer quelque chose de nouveau. Transformer des classiques du Blues, par exemple, à la sauce Métal/Hardcore. Mais pas juste jouer du Blues, RED MOURNING n'est pas fait pour ça. Et pour répondre à ta première question : au sein du groupe, tout le monde apprécie le Blues, mais ça n'est une influence majeure que pour Romaric (le guitariste) et moi.
On arrive à la fin de cette interview, peut-être une dernière question avant de vous laisser conclure : quelle est la vanne la plus daubée que Francis Caste vous ait sortie? Et la meilleure?
Hahaha ! Je ne sais pas moi... "Je viens de recevoir mes toutes nouvelles cymbales super originales, blanches tachetées de noir : des cymbales Matien" (Les 100 Dalmatiens) ?
Ou alors "BB King, l'enfant roi" ?
Ou encore "Vous connaissez les prix du flan ?" (l'Esprit du Clan) ?
Au passage, on joue avec eux le 11 mars à l'excellent Abri Blues de Bois d'Arcy ! La même salle où on a joué avec Dagobert l'an passé...
Merci à toi pour ces réponses ! Je te laisse donc les mots de la fin, prends tout l'espace que tu veux, c'est l'avantage des webzines!
Hehehe ! Eh bien tout simplement merci pour cette interview. Et bravo pour le boulot que fait VS depuis de nombreuses années pour soutenir la scène métal au sens large.
Je rajouterais simplement que RED MOURNING recrute actuellement un booker. Il suffit de nous laisser un petit message sur MySpace ou FaceBook.